Dénutrition et sujet âgé Dr Rabia BOULAHSSASS Gériatre CHU de NICE Pôle de Gérontologie
« Fais de tes aliments ton premier médicament » Hippocrate
Introduction
Prévalence de la dénutrition proteïno-énergétique 20 % au domicile 50% en maison de retraite 70% à l’Hôpital
Les facteurs de risque: Pathologie : Démence Douleur Dépression Denture Troubles de la déglutition Mycose digestive Gastrite,ulcère Diarrhée ou constipation Cause profonde inconnue ? (cancer…) Les pathologies inflammatoires (infection,escarre,plaies)
Les facteurs de risque: Iatrogène : Surdosage en digoxine Médicaments de la maladie d’Alzheimer Neuropsychotropes (somnolence) Antalgiques ,tramadol… Régimes abusifs: Sans sel Diabétique Textures non adaptés
Les facteurs de risque: Psychique : Conflits familiaux (entrée en MR) Deuil Sentiment d’inutilité ; refus de vivre Dépendance,Handicap : Intolérance, maltraitance,… Personnel & dépendance
Croyances: « le calcium durcit les artères » « Quand on vieillit on mange moins …surtout moins de viande » « les oeufs font mal au foie… » « Les graisses sont mauvaises pour les artères » « Quand on et malade il faut se mettre à jeun… »
L’EVALUATION NUTRITIONNELLE
Pourquoi évaluer ? Sarcopénie: diminution de la masse et de la qualité musculaire: 40% de perte entre 20-80 ans. ↑ chutes +++ Altération de l’immunité ↓ des protéines circulantes (albumine ++), avec ↑ risque d’intoxication médicamenteuse ↓ sécrétions hormonales (cortisol, catécholamines, basse T3) Carences en micronutriments (Vit groupe B, vit D, zinc) → mortalité x 4, morbidité infectieuse x 6 Le dénutri: + hospitalisé, + longtemps, + médicaments, + institutionnalisé
Évaluation de l’état nutritionnel: Une perte de poids de 10% traduit un amaigrissement sévère Peser le patient++++++
Interrogatoire Interrogatoire: Perte de poids progressive Perte par à-coups Nombre de repas Condition de vie Notion d’anorexie État psychologique État bucco-dentaire et déglutition Constipation Polymédication , polypathologies
La mesure des ingesta A comparer aux besoins de chaque patients A effectuer sur 3 jours Pas toujours facile ……..troubles cognitifs Doit être systématique pour une bonne compréhension des troubles.
Examen clinique: Mesure de l’Indice de Masse Corporel (IMC) Indice de Quetelet (ou index de corpulence, ou body mass index) P/T2 (en kg/m2) Inférieur à 21 : dénutrition Inférieur à 19 Dénutrition sévère
Examen clinique Poids : (à mesurer à chaque visite) Cassure de la courbe de poids Circonférence bras (Nl>20 cm) ou mollet (Nl>30cm) Pli cutané tricipital(Nl>1cm)
Echelle d’evaluation:MNA le Mini Nutritional Assessment (MNA): meilleure validation pour la population âgée. Valeur dynamique. Score de dépistage 2 à 3 min Évaluation Globale 10 min: Dénutrition si Score inf à 17 Évaluer la mémoire MMS,La dépression GDS,l’Autonomie ADL/IADL
MNA : 3 niveaux d’intervention MNA supérieur à 23,5 : MPE absente Simple surveillance, renouveler le MNA / 6 mois MNA entre 17 et 23,5 : risque de dénutrition mesure des ingesta surveillance pondérale toute les semaines. Enrichir et/ou supplémenter. En cas de dégradation pondérale, proposer une hospitalisation MNA inférieur à 17 : Dénutrition avérée Hospitaliser pour mise en route d’un traitement nutritionnel adapté
La Biologie: Albumine: tj meilleur marqueur biologique… 4 seuils: < 38 g/l → dénutrition débutante < 35 g/l → dénutrition modérée < 30 g/l → dénutrition sévère < 25 g/l → dénutrition grave Transthyrétine (préalbumine): < 0.20 g/l → dénutrition. Reconnu comme le meilleur marqueur dynamique actuellement. Protéines de l’inflammation: CRP, orosomucoide. Permettent le calcul du PINI
La Biologie Albumine demi vie de 21 jours: « Marqueur nutritionnel lent » Préalbumine demi vie de 48H : »marqueur nutritionnel rapide » PINI:>30 pronostic péjoratif
La Biologie Lymphopenie Syndrome de T 3 Basse Un cholestérol inférieur à 1,6g/l a une valeur péjoratif Déficit vitaminique B12 Folates Vit D
Diagnostic du type de malnutrition Dénutrition + Cachexie Dénutrition par carence d’apport Cachexie par inflammation Poids IMC Albumine ou CRP
LES CONSEQUENCES:
Les conséquences: Asthénie ,fatigabilité à l’effort Déshydratation Sarcopénie Réduction de l’autonomie Confinement Chutes Incontinence État Grabataire
Les conséquences: Insuffisance digestive par diminution des secretions du pancréas exocrine Augmentation de la CCK:Anorexie/Anxiété Risque de surdosage médicamenteux pour les molécules liés à l’albumine (AVK,Digoxine)
Les conséquences: Augmentation des infections:4 à 6 fois Augmentation du risque de mortalité: 2 à 4 fois Risque de rentrer dans une cascade morbide pouvant mener à une état grabataire.
LES APPORTS RECOMMANDES:
Le maintien d’un état nutritionnel satisfaisant est un déterminant majeur de l’état de santé des sujets âgés
Jusqu’en 2000, manque d’études et de recul: apports conseillés identiques aux adultes jeunes. Depuis, apparition d’apports conseillés adaptés aux spécificités du sujet âgé.
Apports énergétiques ANC: 30 kCal/kg/j (1992: 25 kCal/kg/j) Sous estimés, surtout si activité physique intense
Apports en protéines Très complexes à déterminer chez l’adulte jeune! Le métabolisme des ac. aminés et protéines est quasi-identique à celui des sujets jeunes Sauf diminution des protéines musculaires Pas de besoin spécifique en certains ac. aminés La stimulation de la synthèse protéique musculaire (hormonale,exercice) est possible à tout âge si aminoacidémie importante (Cynober et al, 2000) ANC: 1g/kg/j (idem 1992)
Apports en acides gras L’âge modifie le métabolisme des acides gras (désaturases): ac gras polyinsaturés deviennent essentiels? Alimentation traditionnelle: ingesta en ac. Iinoléique (all) > ANC adultes (et en ac. alphalinolénique (aalnl) < ANC) chez les âgés. Une étude d’intervention inversant cette tendance a permis l’amélioration de la déformabilité érythrocytaire et de majorer la concentration en ac gras polyinsaturés (Cynober et al, 2000) ANC en alnl: 6-7.5 g/j (1992: 5-8) ANC en aalnl: 1.5 g/j (1992: 0.7-1.2)
Apports en fibres Intérêt nutritionnel bien connu (athérosclérose, cancers) Apports insuffisants dans les enquêtes alimentaires récentes: 14-19 g/j (domicile et institution) (Sellers et al, 1998) Les apports spontanés diminuent avec l’âge (altération de la fonction masticatoire) Intérêt dans la régulation du transit (constipation: 8% adultes, 25% sujets âgés) L’apport de fibres doit être varié (fruits, légumes, céréales). Préférer les fibres tendres. ANC: 20-25 g/j (1992: - )
Apports en eau et électrolytes L’eau corporelle totale diminue avec l’âge (EPIDOS 2005) De plus, le vieillissement entraîne: Diminution de la sensation de soif Diminution de la capacité de concentration des urines et de la filtration glomérulaire (Rowe et al, 1976) Résistance rénale à la vasopressine Augmentation du peptide natriurétique (et diminution du système rénine-angiotensine) DONC importance du risque de déshydratation, lit de pathologies (inf urinaires, constipation, lithiases), et pouvant aller au décès ANC: 2l/j. Minimum vital: 1.5l/j (0.7l boissons)
Apports en minéraux Sodium et Chlore: Potassium: diminuer l’apport de sel semble réduire l’incidence de l’HTA (Stamler et al, 1997). L’effet est déjà bien connu sur les HTA installées. Attention aux régimes trop peu salés qui sont anorexigènes, et aux sans sels qui sont dangereux. ANC: 4 g/j, jamais < 2 g/j (1992 idem) Potassium: ANC: 3 g/j (min 2 g/j, max 8 g/j)
Apports en minéraux Calcium: Son absorption diminue avec l’âge (production inappropriée de 1-25 dihydroxyvit D, et résistance de l’entérocyte) >>> phénomène passif Les apports spontanés de la population âgée sont bas, < 800 mg/j (Seneca, 1996) D’où une négativation du bilan calcique, avec perte de densité osseuse Apports de Ca et risque fracturaire: relation controversée. Etudes de supplémentation (tj + vitD): efficaces sur la prévention de la perte osseuse → ANC: 1200 mg/j (1992 idem), indissociable d’un apport suffisant de vit D
Apports en minéraux Phosphore Magnésium Fer Carence très peu probable ANC: 800 mg/j (1992: 1000 mg/l) Magnésium Son déficit est pathogène (cardiopathies, AVC) Et il est fréquent (iatrogénie) ANC: 420 mg/j (homme), 360 mg/j (femme) Fer Les stock croissent avec l’âge Les apports alimentaires sont presque toujours suffisants, et l’excès peut être délétère (oxydant) ANC: 10 mg/j (idem 1992)
Apports en minéraux Zinc Cuivre Iode Il est impliqué dans la synthèse de l’albumine Une supplémentation (20 mg/j) chez des patients âgés carencés a amélioré leur statut immunitaire et leur état nutritionnel Effets délétères si apports > 50 mg/j ANC: 15 mg/j (idem 1992) Cuivre ANC: 1.5 mg/j (max 2 mg/j, car compet avec zinc) Iode ANC: 150 µg/j (idem 1992)
Apports en minéraux Sélénium: Chrome: Essentiel à la protection contre le stress oxydant et l’immunité Des apports supplémentaires entrainent des performances cognitives meilleures (Galan et al, 1997) ANC: 80 µg/j (1992: 70 µg/l) Chrome: ANC: 125 µg/j (idem 1992)
Vitamines Vitamine A Vitamine D Vitamine K Pratiquement jamais de carence Des apports excessifs sont toxiques (Ward et al, 1996) ANC: 700 µg ER/j (homme), 600 (femme) (1992: 800) Vitamine D L’âge altère le métabolisme de la vit D endogène De plus, faible exposition solaire des plus âgés ANC: 10-15 µg/j (1992: 12 µg/j), par produits laitiers enrichis Vitamine K Son déficit induit une fragilité osseuse en diminuant la carboxylation de l’ostéocalcine (Feskanich et al, 1999) ANC: 70 µg/j (1992: 35 µg/j)
Vitamines anti-oxydantes: Il n’existe en général pas de carence, même en cas d’apport insuffisant Une complémentation est efficace et restaure un statut anti-oxydant altéré (Girodon et al, 1997) Elles sont essentielles pour l’immunité Leurs effets protecteurs contre cancers et maladies cardio-vasculaires sont contestés Vit E: les patients en consommant le plus ont moins de risque de développer une démence type Alzheimer (Morris et Al, 2002). ANC: 20-50 mg/j (1992: 12 mg) Vit C: idem vit E (Engelhart et al, 2002). ANC: 100-120 mg/j (1992: 80 mg)
Vitamines du groupe B: Vit B1: besoins couverts par l’alimentation; ANC: 1.3 mg/j (idem 1992) Vit B2: ANC: 1.5 mg (idem 1992) Vit B3: Pas d’étude spécifique. ANC: 14 mg/j (idem en 1992) Vit B6: une supplémentation améliore les fonctions cognitives (Larue et al, 1997). ANC: 2.2 mg/j (1992: 2 mg/j) Vit B9: idem, même étude. Une autre, prospective, montre que des taux bas de B9 et B12 double le RR de MA (Wang et al, 2001); ANC: 400 µg/j (1992: 300 µg/j) Vit B12: ANC: 3 µg/j (idem 1992)
La prise en charge
Etape 1 : Améliorer la prise des repas Traiter la douleur ; traiter les infections Contrer l’effet anorexigène des médicaments (nombre de prises, nausées, sécheresse buccale, etc.) Augmenter le nombre de repas… et réduire la quantité proposée à chaque repas Améliorer la présentation et la qualité des repas Respecter les goûts du patient Accroître la densité nutritionnelle Encourager la convivialité et les actions de la famille Envisager une action pharmacologique : antidépresseurs,
Etape 2 : Proposer des compléments alimentaires Compléments protéino-énergétiques quand l’alimentation orale ne suffit pas. Inconvénients : le coût la lassitude ; varier les présentations (potages, entremets gélifiés, liquides) et les parfums.
Etape 3 : Prescrire une nutrition entérale Technique d’alimentation artificielle la mieux adaptée au sujet âgé : pas de complications septiques, pas d’alitement, permet l’administration de médicaments, coût modique. Contrat à « durée déterminée », en concertation avec le patient, sa famille et l’équipe soignante. Exclusive ou partielle (nocturne). Complications : pneumonies d’inhalation (SNG ou GPE) ; infections locales du point de ponction pour la GPE (habituellement bénigne). L’alimentation par sonde de gastrostomie est compatible avec le retour à domicile (Arr. 5/oct/2000 & 20/sept/2001).
Donc 2 possibilités: Soit augmenter les apports alimentaires spontanés Soit une substitution totale ou partielle par une nutrition enterale
Le choix dépend De la gravité de la dénutrition De l’éventualité de certains troubles associés(tble de la déglutition,fausses routes) Du niveau des apports alimentaires spontanés De l’état cognitif spontané Du désir du patient
L’indication d’une Nutrition Entrale dépend: L’importance de la dénutrition <800kCal/j Présence de facteurs catabolisants (escarre) Du rapport bénéfice/risque Du désir du patient
Comment augmenter les apports oraux: Information patient/famille Diversification alimentaire Enrichissement de l’alimentation Augmentation des apports alimentaires Texture plus adaptée Fiche de goût La prise de repas en groupe
Recommandations Club Francophone Gériatrie et Nutrition
Conclusion: La nutrition du sujet âgé doit faire l’objet d’une évaluation régulière PREVENTION+++ L’état nutritionnel d’un patient peut être facilement apprécié Prévenir la dénutrition c’est prévenir la fragilisation et la perte d’autonomie
Conclusion La surveillance et le maintien du poids habituel reste le moyen de prévention le plus simple.