Lecture et apprentissage au cycle II Michel Grandaty Professeur des universités IUFM Midi-Pyrénées
Plan de l’intervention LE POINT SUR LES ACQUIS DE LA RECHERCHE Lire induit une triple activité La notion de pacte de lecture INCIDENCES DIDACTIQUES Equilibrer quatre domaines - Identification et production des mots - Compréhension de textes - Production de textes - Acculturation
LE POINT SUR LES ACQUIS DE LA RECHERCHE Lire induit une triple activité
La lecture peut être décrite comme une triple activité de : - décodage - compréhension littérale - compréhension inférentielle
DECODAGE - Deux raisons majeures - Découvrir le principe - Maîtriser le code - L’orthographe: voie directe/voie indirecte
Relier des phonies et des graphies puis déchiffrer ainsi un mot inconnu, c’est l’assurance que le déchiffrement est acquis c’est-à-dire que l’enfant va auto-entretenir sa production lexicale (concept d’auto-apprentissage, « self-teaching, décrit par D.L. Share dans la revue cognition, 1995). Sur le plan cognitif, dans le domaine du fonctionnement avéré de la mémoire, il s’agit pour l’apprenant (enfant ou adulte analphabète) de maintenir une représentation phonologique stable d’une unité graphique dans l’attente d’une représentation sémantique qui va arriver : garder en mémoire « ch » puis « a » (ou plus vraisemblablement la syllabe initiale « cha ») puis « p » puis « eau » ( ou « peau ») avant de parvenir à saisir l’unité de sens « chapeau ».
Découvrir le principe alphabétique Redécouvrir, pour l’enfant, ce principe c’est réussir à établir un rapport non aléatoire entre les graphèmes et les phonèmes, c’est-à-dire entre une unité sonore de la langue « i » et son unité visuelle correspondante « i ». C’est aussi simple que cela mais c’est indispensable à l’entrée en lecture. Le système le plus transparent, pour une langue donnée, aurait été qu’à chaque son corresponde une lettre. La redécouverte en aurait été extrêmement simplifiée pour chaque enfant.
L’étape de la découverte du principe précède le traitement du code et il est indispensable pour tout enseignant de distinguer quel enfant relève d’un travail sur le code (exploration systématique) et quel enfant n’en est encore qu’au seuil du principe. Les activités d’apprentissage doivent alors être différenciées.
Quelques exercices visant à évaluer l’aptitude à repérer des unités sublexicales (syllabes, rimes, phonèmes) à l’intérieur des mots parlés et à les manipuler volontairement : exercice de rimes qui consiste pour l’enfant à dire si les deux mots prononcés riment ou non (avion / savon). exercice d’omission de syllabes ; première ou dernière syllabe d’un mot (sa – von) exercice d’omission phonémique ; premier phonème d’un mot donné (s-avon) exercice qui consiste à isoler le premier son de deux mots successifs et à les fusionner pour produire la syllabe correspondante (acronyme) cheval / avion = cha. exercice de décomposition qui consiste à énoncer l’ensemble des phonèmes d’un mot oral (s- a-v-on).
Pour travailler ce principe il faut libérer en mémoire des ressources cognitives en orientant et guidant l’attention de l ‘élève. Pour cela: Il faut s’appuyer sur la répétition verbale par des stimuli auditifs. Il faut travailler à partir d’un petit nombre de correspondances phonies graphies. Il faut s’appuyer sur la mémoire phonologique à partir de mots réguliers. Il faut utiliser 4 des 21 structures syllabiques les plus fréquentes (91%) : Consomme/Voyelle (pa), Voyelle (a), CVC (bal), CCV (bleu). Il faut faire appel au lexique oral de l’élève (EX. de « une femme » : est-ce le mot oral « fame » ou « fème » que l’on a déjà entendu ?)
Maîtrise du code alphabétique L’apprentissage du code c’est la maîtrise de l’ensemble des règles de correspondance graphèmes/phonèmes qu’une langue renferme, à savoir : les complexités graphémiques : 2,3,4 lettres pour un phonème les règles contextuelles : « s » entre voyelle -> « Z » les règles positionnelles : -er en finale = « é » les re-syllabisations : « bon N enfant », « grand T ami » les règles morphologiques (pluriel, féminin…) Cette exploration systématique s’effectue massivement en cycle 2 et se poursuit en cycle 3
Intervention du ministre le 2 octobre 2006 « Mesdames et Messieurs, Je suis très heureux d'être aujourd'hui avec vous, dans le cadre prestigieux du Collège de France, pour clôturer ce séminaire sur les sciences de la lecture. ….j'ai pris des décisions importantes au cours de cette année, notamment par l'arrêté du 24 mars 2006, qui modifie les programmes de lecture au cours préparatoire. Que dit cet arrêté ? Premièrement que l'apprentissage de la lecture se fonde sur les acquis de l'école maternelle. L'enfant doit avoir enrichi son vocabulaire oral pour accéder rapidement à la lecture. Evidemment, il serait contre-productif de vouloir superposer deux difficultés : l'apprentissage de la lecture et l'accès au sens du mot. L'ordre logique, qui seul permet des progrès décisifs, c'est donc de donner d'abord aux enfants un vocabulaire oral étendu, avant de passer à la lecture.
Deuxièmement, l'arrêté dit que l'apprentissage de la lecture doit être systématique. Il faut donc faire prendre conscience à l'enfant que des règles précises d'association de lettres existent, qu'il y a donc une logique de composition des mots de la langue. Il faut que l'enfant apprenne à reconnaître les sons élémentaires de sa langue -les phonèmes- et à établir des correspondances avec des combinaisons élémentaires de lettres -les graphèmes-, qui forment les mots. L'accès aux règles de cette combinatoire est essentiel, car leur maîtrise permettra ensuite aux enfants de faire cette grande découverte que l'on peut déchiffrer un mot jamais vu auparavant On ne saurait donc sans mauvaise foi assimiler l'acquisition de ces règles de composition à une récitation stérile. Tout au contraire, elles seules permettent d'affronter la nouveauté. Bref, le déchiffrage, c'est la clé de la liberté de lire et de penser.
Troisième point de l'arrêté : le déchiffrage doit être fait, je cite, « au début du cours préparatoire ». Ne jouons pas sur les mots ! « Au début » veut dire : dès la première leçon de lecture….toutes les leçons qui seront faites sans recourir au déchiffrage des associations graphèmes-phonèmes seront des leçons perdues ! Naturellement, je n'attends pas de la science qu'elle nous livre « clés en main » la méthode idéale, la structure du cours parfait. En revanche, elle nous permet de nous rendre compte de nos erreurs, de les corriger, et de donner à l'apprentissage des orientations claires.….C'est dans le même esprit que je vous encourage à poursuivre le dialogue que vous avez entamé aujourd'hui, sous forme d'échanges réguliers et ciblés, à mesure que les connaissances scientifiques avancent. »
Codage orthographique S’il est admis l’existence d’un traitement phonologique par décodage analytique en lecture-écriture on ne peut plus sous-estimer aujourd’hui le rôle joué par la reconnaissance de patrons orthographiques (Rittle-Johnson, 1999; Bosse, 2003 ; Martinet, 2004 ; Pacton 2005). De plus il est reconnu que le recodage phonologique ne peut rendre compte à lui seul de l’acquisition des connaissances orthographiques
Deux autres notions sont repérées : la notion de patrons orthographiques porte sur la capacité visuo-attentionnelle à traiter toutes les lettres d’un mot en parallèle, simultanément. Cette capacité s’exerce sur les mots orthographiquement complexes et les mots irréguliers dès le CP, la capacité phonologique s’exerçant sur les mots simples. Ainsi le degré d’exposition d’un enfant à de l’écrit semble jouer un rôle important. La notion de régularité grapho-tactique porte sur la capacité de l’enfant à conserver en mémoire des régularités relatives de l’ordre des lettres dans une langue donnée. Si l’erreur pappillon peut être commise par un enfant celle de ppapillon est ainsi évitée…
Les recherches récentes qui visent à clarifier le rôle respectif du codage orthographique (les lettres ou graphèmes) et le codage phonologique (mise en correspondance entre lettres et sons, i.e « entre graphèmes et phonèmes ») sont donc amenées à proposer un modèle à deux voies de la lecture experte : - une voie directe où les codes orthographiques sont associés aux informations sémantiques, et - une voie indirecte où les codes orthographiques sont d'abord associés aux informations phonologiques avant de rejoindre la sémantique (Lire au CP,p45).
COMPREHENSION
La compréhension nécessite, à côté du décodage, de faire appel à une base de connaissance du monde ainsi qu’au but poursuivi par le lecteur. Lire c’est déchiffrer, comprendre littéralement, faire des inférences, tout cela à l’intérieur d’un projet défini de lecture. Apprendre à lire c’est apprendre à déchiffrer, à comprendre et à construire des projets de lecture (cf Le socle commun : « attitudes de lecteur »).
En effet, tous les modèles psycholinguistiques de compréhension/mémorisation présentent un point commun : le traitement de l'information y est présenté comme le résultat d'une interaction entre les propriétés du texte et les caractéristiques du lecteur, d'où l'importance des connaissances antérieures et de la stratégie attentionnelle du lecteur.
LE POINT SUR LES ACQUIS DE LA RECHERCHE La notion de pacte de lecture
A la suite de sociologues tels J.C. Passeron et P. Bourdieu, il est courant d'affirmer que les enfants élaborent très tôt des "pactes" de lecture à partir d’une construction individuelle du livre, de ses fonctions, de ses usages. En effet l'école et la famille vont créer des attentes des pratiques et des connaissances diverses vis-à-vis du livre. Il en est de même vis-à-vis de tous les supports de l’écriture.
Dans tous les cas de figure, il est évident que se joue dans l'acquisition du goût de lire et du pouvoir lire la possibilité de dépasser des difficultés d'ordre cognitif et socio-affectif.
INCIDENCES DIDACTIQUES
Equilibrer quatre domaines - Identification et production des mots - Compréhension de textes - Production de textes - Acculturation
Points d’ancrage de toute démarche - Il faut bien différencier, dans la classe et donc dans la tête de l’élève qui apprend (contrat didactique à passer avec lui), les activités d’apprentissage des activités de lecture fonctionnelle (lire pour se distraire, s’informer, se documenter, faire quelque chose, se faire une opinion) - Il faut diversifier les supports et les types d’écrits (récit, livre documentaire, presse...) - Il faut articuler production d’écrit et lecture - Il faut programmer des lectures en réseaux
Des modalités La dictée à l’adulte L’écriture tâtonnée La différenciation (page 29, lire au CP 2)