Cours master 1 second degré L’identité professionnelle Bruno Hubert Formateur Lettres Espé Académie de Nantes Docteur en sciences de l’éducation

Identité professionnelle et identité Selon Claude Dubar, l’identité professionnelle est le produit d’un double compromis entre une identité pour autrui (assignée par l’institution dans laquelle travaille l’individu) et une identité pour soi (liée à la biographie, la trajectoire scolaire, l’identité visée…). « L’identité de quelqu’un est ce qu’il a de plus précieux : la perte d’identité est synonyme d’aliénation, de souffrance, d’angoisse. » (Dubar, 1991)

L’identité personnelle Cette notion renvoie fondamentalement à l’individu puisqu’elle désigne l’ensemble des caractéristiques qui l’identifie ainsi que le regard qu’il porte sur lui-même dans l’espace et le temps. Pour Pierre Tap (2004), l’identité personnelle s’inscrit dans une construction dynamique qui se lit à travers 6 caractéristiques La continuité : avoir le sentiment de rester le même. La cohérence du moi : donner aux autres une image stable de moi. L’unicité : avoir le sentiment d’être original, différent. La diversité : être plusieurs personnes à la fois selon les situations. dans lesquelles l’individu se trouve. L’action : L’identité renvoie à la réalisation de soi par l’action. L’estime de soi : Avoir une image positive de soi pousse l’individu à agir.

Profession et identité Renaud Sainsaulieu (L’identité au travail, 1977) affirme que le travail constitue un lieu de socialisation (c’est-à-dire un espace où l’individu façonne des attitudes, des manières de pensée, des comportements…) au même titre que la famille ou l’école. Mokhtar Kaddouri désigne le projet professionnel de l’individu comme « l’ensemble des actes et des discours ayant pour fonction de maintenir ou d’empêcher l’avènement des écarts entre "identité pour soi" et "identité pour autrui", entre "identité héritée" et "identité visée". »

Sujet et sujet professionnel Faire une place au sujet au-delà du sujet professionnel dans la formation professionnelle. Alors que dans les secteurs social, sanitaire et éducatif, les institutions incitent sans cesse les individus à rendre compte de leur activité professionnelle (Berton, Millet, 2014), peu d’attention est accordée à l’histoire des personnes et peu d’espace leur est donné pour explorer ce qui peut éventuellement dans leur parcours peser sur cette activité professionnelle.

Formation « tout au long de la vie » et dynamique identitaire des individus Pour les professionnels de l’éducation, nécessité de penser la formation et l’identité du sujet dans un même mouvement (Moyne, 2000). Nécessité d’interroger le dialogue entre le je de l’enseignant et ce qui est autre, dialogue s’inscrivant nécessairement dans le parcours de vie de la personne. Dans la lignée des travaux de Ricoeur ou d’Huberman, on peut affirmer que la construction d’un savoir enseignant ne prend sens que replacée dans le contexte d’une histoire personnelle, mais cela concerne plus largement toutes les professions de l’éducation : Atsem, assistantes maternelles, animateurs dans le temps péri-scolaires, animateurs sportifs ou artistiques…

Enfance et identité professionnelle de l’enseignant Martine Lani-Bayle (2000) se demande comment une expérience pédagogique peut se construire valablement sans s’intéresser au devenir à long terme de ce qui s’est joué pour l’enfant. L’expérience de l’enfant fait partie du système de sens dans lequel le mouvement complexe et inachevé qu’on appelle éducation du sujet a commencé de s’élaborer : « Il y a là un principe fondamental pour comprendre l’expérience scolaire et pour analyser le rapport au savoir : l’expérience scolaire est, indissociablement, rapport à soi, rapport aux autres (aux enseignants et aux copains), rapport au savoir » (Charlot, 1997, 52).

Replonger dans cette expérience de l’enfant, c’est inévitablement se questionner soi, questionner le rapport qu’on avait aux enseignants, aux autres enfants, aux parents, questionner le rapport à l’apprendre de cet enfant qu’on était, qu’on n’est plus, qu’on est toujours un peu… Replonger dans cette expérience, c’est aussi se questionner sur ce qu’est pour soi l’éducation et la place que l’on peut y tenir.

Les dilemmes identitaires Hélène Bézille (2007) affirme que « dresser un panorama de ces oppositions est très utile pour comprendre les enjeux identitaires qui orientent les pratiques sociales et professionnelles ». Individuel/collectif : effacement du « je » ou inversement. Pour soi/collectif : opposition entre identité personnelle et identité publique mise en scène dans les rapports sociaux. Hérité/construit : duel entre les origines et les souhaits de devenir. Objectif/subjectif : oppositions dans les domaines de valeur et de représentation. Attribué/revendiqué : opposition entre l’image vue par l’extérieur et l’image souhaitée. Conforme/différent : volonté d’appartenir à un groupe/ garder sa singularité. Le même/l’autre : déchirement entre souci de rester soi-même et d’évoluer en ayant un regard distancié. Unifié/éclaté : opposition entre la recherche d’une identité cohérente et la multiplicité des univers dans lesquels évolue un individu.