L’enseignement des faits religieux, une démarche laïque SÉMINAIRE INTERACADÉMIQUE « GRANDE MOBILISATION DE L’ÉCOLE POUR LES VALEURS DE LA RÉPUBLIQUE » Mardi 17 mars 2015 ESPE Poitiers Gérald CHAIX Président de l’IESR

Introduction « Les religions n’ont pas leur place dans l’école. Ce qui n’empêche pas qu’il y ait un enseignement laïque des religions » François Hollande, Président de la République, 21 janvier 2015 La première des onze mesures présentées par Madame Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’Education nationale: « Renforcer la transmission des valeurs de la République » Mesures articulées à la pédagogie de la laïcité, à l’éducation à la citoyenneté, à la réduction des inégalités scolaires. Mesures qui peuvent s’appuyer sur le rapport de Régis Debray : passer d’une « laïcité d’incompétence » à une « laïcité d’intelligence », définir ce qu’est un fait religieux.

Les attendus d’un enseignement laïque du fait religieux 1/ Les attendus en termes de connaissances: « Patrimoniaux »: pallier les ignorances et les méconnaissances qui font obstacle « à l’intelligence de nos sociétés, de leur passé, de leur patrimoine littéraire et artistique » « citoyens »: comprendre le monde contemporain et la place qu’y tient, à l’échelle collective comme à l’échelle individuelle, le religieux « cognitifs »: étudier les religions comme des « langages symboliques » donnant sens au monde, individuellement et collectivement, de manière englobante ou partielle.

Les attendus d’un enseignement laïque du fait religieux 2/ Les attendus en termes de compétences Comprendre et faire sienne la distinction entre opinion, foi, savoir. Comprendre et savoir analyser un « récit littéraire », un « document imagé » ou « sonore », une « expression corporelle » Comprendre et savoir analyser un « système symbolique », « faisant sens » individuellement et collectivement, parce qu’il entend rendre compte du monde et orienter l’existence Prendre part à un débat argumenté: savoir formuler, savoir écouter, savoir dialoguer Des compétences construites sur la base des enseignements disciplinaires, dont la cohérence est fondée sur la laïcité, conçue comme principe, comme pratique et comme objectif. Des compétences qui s’exercent dans une société pluraliste, ce qui n’est pas pédagogiquement sans conséquences, comme le soulignait Paul Ricoeur:

« Nous ne vivons pas dans un consensus global de valeurs qui seraient comme des étoiles fixes. C’est là un des aspects de la modernité et un point de non retour. Nous évoluons dans une société pluraliste, religieusement, politiquement, moralement, philosophiquement, où chacun n’a que la force de sa parole. Notre monde n’est plus enchanté. La chrétienté comme phénomène de masse est morte (ce qui est plutôt positif) et nos convictions ne peuvent plus s’appuyer sur un bras séculier pour s’imposer. Du même coup, tout est changé pour tout le monde, puisque les croyances religieuses elles-mêmes ne constituent plus le bien commun. C’est une des paroles qui doivent se faire entendre parmi d’autres. Préparer les gens à entrer dans cet univers problématique me paraît une des tâches de l’éducateur moderne. Celui-ci n’a plus à transmettre des contenus autoritaires, mais il doit aider les individus à s’orienter dans des situations conflictuelles, à maîtriser avec courage un certain nombre d’antinomies ». Paul RICOEUR, in Anita HOCQUARD (dir.), Eduquer, à quoi bon? Paris, 1996, p. 95

Les attendus d’un enseignement laïque du fait religieux 3/ La laïcité: principe, projet, pratique La laïcité comme principe La laïcité comme projet, cf. Abdennour BIDAR, Plaidoyer pour la fraternité, Paris, 2015. La laïcité comme pratique: La laïcité fonde l’exigence de mixité sociale La laïcité fonde la possibilité d’un enseignement du fait religieux Elle implique à tous les niveaux une réflexion et une action commune de tous les acteurs du système éducatif.

Les modalités d’un enseignement du fait religieux 1/ Un enseignement résolument laïque Un enseignement fondé sur une approche historico-critique Un enseignement qui ne s’interdit rien, cf. l’article 12 de la Charte de la laïcité, tout en respectant la singularité de son objet Un enseignement qui n’ignore pas sa dimension éducative. On tirera profit sur ce point de la distinction proposée par Paul Ricoeur entre « laïcité d’abstention » et « laïcité de confrontation »

Les modalités d’un enseignement du fait religieux 2/ Un enseignement qui relève des enseignements disciplinaires 3/ Un enseignement qui exige Une réflexion et une mise en œuvre curriculaire, interdisciplinaire, cognitive et éducative À l’échelle nationale, académique et locale

La nécessaire formation des enseignants, des personnels éducatifs et des personnels d’encadrement 1/ Une indispensable formation commune 2/ Une nécessaire formation initiale 3/ Un laboratoire pour une véritable formation continue

Pour conclure Un enseignement dont l’actualité – à laquelle il ne se réduit pas! – n’échappe à personne, parce qu’il doit affronter La sainte ignorance. Le temps de la religion sans culture (Oliver ROY, Paris, 2008, repr. 2012)

Un enseignement qui se situe au cœur des pratiques pédagogiques, parce qu’il vise à instruire et à éduquer, parce qu’il concilie nécessaire ambition collective et possible différenciation des enseignements, parce qu’il passe par des enseignements disciplinaires et nourrit des approches interdisciplinaires

Un enseignement qui est au fondement de la laïcité républicaine, parce qu’il implique par principe que l’école soit un espace de laïcité, parce qu’il contribue en pratique à la mise en œuvre d’un enseignement et d’une éducation laïques, parce qu’il participe aux objectifs de l’école républicaine: instruire, éduquer et intégrer.