CAT devant une patiente présentant un micro-adénome à prolactine Justine CAGNAT DES Gynécologie Obstétrique 5è Semestre 24/09/2007
Plan Définition Bilan Prise en charge : Discussion, Conclusion Thérapeutiques Contraception Désir de grossesse, suivi obstétrical Allaitement Discussion, Conclusion Bibliographie
Introduction Hyperprolactinémie : pathologie fréquente. 0.38% population mais 1 à 1.5% femmes Étiologies : Iatrogène++++ Grossesse Tumorale : micro/macroadénomes à prolactine Autres : hypothyroïdie, IRC, SOPK
Micro-adénome à prolactine : Présentation clinique Définition
Présentation clinique 1 femme/1000 20-40 ans+++ Troubles du cycle : aménorrhée, oligoaménorrhée, spanioménorrhée, irrégularités du cycle Bilan d’infertilité Galactorrhée Exceptionnellement céphalées ou troubles visuels dosage de prolactine Et BHCG… (grossesse = 20% des cas)
Définition Après élimination des DDF+++ Taux de prolactine modérément élevé < 200 µg/l (en moyenne 30-100) Anomalie imagerie hypothalamo-hypophysaire : adénome à développement strictement intra-sellaire <10 mm à l’IRM S’assurer du caractère organique de l’hyperprolactinémie avant de demander l’IRM
Micro-adénome à prolactine 15% des hyperprolactinémies 90% des tumeurs sécrétant de la prolactine Tumeur bénigne hypophysaire d’étiologie indéterminée* Histologiquement : adénome à cellules lactotropes, à granulations érythrophyses Parfois mixte (cellules lactotropes et somatotropes)
Bilan
Biologie Contrôle de l’hyperprolactinémie dans un laboratoire d’hormonologie spécialisée : (technique de dosage par immunomarquage radiométrique) Conditions de prélèvement optimales : 3 dosages à jeun à 10 min d’intervalle, à distance de toute prise médicamenteuse Faux positifs : stress, prise alimentaire, médicaments hyperprolactinémiants Test à la TRH : réponse bloquée Contrôle +/- systématique de la fonction hypothalamo-hypophysaire : tests statiques / dynamiques (adénome mixte GH-PRL++)
Imagerie IRM : imagerie de référence Lésion < à 10 mm à développement intra-sellaire (donc peu de symptômes visuels) Asymétrie de la glande T1 : lésion arrondie ou ovalaire intra-sellaire en hyposignal par rapport à l’antéhypophyse normale ; parfois hypersignal T1 (transformation hémorragique) T2 : hypersignal Si images non formelles : injection de gadolinium indispensable puis nouvelle séquence T1: pas de réhaussement de l’adénome en T1 Oublier la radiographie de la selle turcique et le scanner
Imagerie 24 ans, spanioménorrhée, hyperprolactinémie à 36 µg/l T1 : hyposignal T2 : hypersignal
Poursuite du bilan Pas d’exploration systématique neuro-ophtalmologique : Champs visuel Fond d’œil Si patiente symptomatique Selon avis du neuroradiologue
Prise en charge GLOBALE Évolution naturelle Thérapeutiques Contraception Infertilité / désir de grossesse Suivi obstétrical Allaitement
Évolution Histoire naturelle : <7% évolution spontanée vers un macroadénome Stabilisation Régression voire disparition, parfois au décours d’une grossesse (35%) ou spontanément (15%) Sous traitement médical : diminution des taux de prolactine et régression du volume tumoral Surveillance au long cours : IRM annuelle 2 dosages de prolactine/an puis surveillance biologique seule si imagerie stable sur 2 ans
Thérapeutiques Objectifs : rétablir des cycles menstruels normaux, stopper une galactorrhée, restaurer une fertilité normale, éviter l’ostéoporose (hypogonadisme prolongé) Traitement médical de première intention : agonistes dopaminergiques (AD) Efficace et faible risque tumoral si grossesse Physiopathologie : effet sélectif activateur sur les récepteurs centraux D2 dopaminergiques : sécrétion de dopamine : inhibition de la sécrétion de prolactine par les cellules lactotropes Chirurgie en deuxième intention si échec et/ou intolérance des AD (en première intention si adénome mixte)
Thérapeutiques AD avec AMM à choisir pour les micro-adénomes : bromocriptine, lisuride, cabergoline, quinagolide Réponses : Clinique : restauration de cycles normaux, ovulatoires, arrêt d’une galactorrhée, survenue d’une grossesse Biologique : normalisation prolactine Radiologique : diminution du volume tumoral (contrôle IRM à 6 et 12 mois) Adaptation très progressive des doses Traitement au long cours. Récidive si interruption thérapeutique Résistance (5%) : absence de réponse ou réponse insuffisante à 15 mg de bromocriptine pendant 3 mois
Agonistes dopaminergiques Bromocriptine, PARLODEL® cp 2.5mg Médicament de référence, dérivé de l’ergot de seigle Dose : 5 à 7.5 mg en 2 prises par jour + : le plus utilisé, inoquité démontrée pendant la grossesse Plusieurs prises par jour Nombreux effets secondaires : troubles digestifs, psychiques, malaises, hypotension orthostatique, risques vasculaires Interactions médicamenteuses : macrolides, NLP Nombreuses contre-indications : HTA gravidique, troubles psychiatriques
Agonistes dopaminergiques + récents + efficaces Non embryotoxiques, non tératogènes, mais à éviter pendant la grossesse Cabergoline, DOSTINEX® 0.5 à 2 mg par semaine + : 1 à 2 prises par semaine, pas de contre-indication, moins d’effets secondaires - : dérivé de l’ergot de seigle, comme la bromocriptine Quinagolide, NORPROLAC® 75 à 150 µg en 1 prise par jour + : une prise/j le soir ; non dérivé de l’ergot de seigle
Contraception Pas d’incidence de la pilule contraceptive sur l’apparition et/ou l’évolution d’un micro-adénome à prolactine Prolactine normale = fertilité retrouvée = contraception nécessaire Après adénectomie chirurgicale : pilule EP
Contraception Si normalisation de la prolactine sous traitement médical : Pilule EP microdosée (≤20µg) sous surveillance Traitement progestatif séquentiel du 5è au 25è jour (LUTERAN ®, SURGESTONE ®)
Désir de grossesse/ Infertilité
Désir de grossesse / Infertilité Stérilité par anovulation : inhibition de la sécrétion de GnRh par la prolactine et donc LH et FSH Grossesse spontanée possible Traitement par agoniste dopaminergique : restauration de la fertilité dans 90% des cas Revue littérature sur + 400 patientes : 80-90% de taux normaux de prolactine ou de restauration des cycles Molitch, Endocrinoloy and Metabolism, Clinics of North America, 1992 Efficacité globalement équivalente des principaux AD, mais seule la bromocriptine a l’AMM en cas de grossesse
Désir de grossesse / Infertilité Prise en charge antéconceptionnelle : 2 options thérapeutiques : traitement par AD ou traitement chirurgical recommandations vis à vis du traitement : arrêt des AD en début de grossesse 80-87% de grossesses obtenues quel que soit le traitement
Désir de grossesse : traitement chirurgical Échec du traitement médical : chirurgie TURNER H. European Journal of Endocrinology. 1999 Trans-sphénoidal surgery for microprolactinoma : an acceptable alternative to dopamine agonists? Étude rétrospective sur 32 patientes opérées par un seul opérateur ; diagnostic + : taux de prolactine et imagerie suivi sur une période moyenne de 5.8 ans (médiane 4.5) Indications : 31% intolérance, 18%résistance 59% : traitement pré-opératoire par AD 10j-10 ans
Désir de grossesse : traitement chirurgical Résultats : succès : 78% (litt 80%) récidive : 4% (litt 12 à 21%) risque d’insuffisance hypophysaire : 16% Risque de diabète insipide : 6% transitoire, 16% définitif Pas de corrélation entre échec et : taux de prolactine pré-opératoires temps d’imprégnation par AD en pré-opératoire atcd échec ou intolérance aux AD
Prise en charge obstétricale Allaitement
Évolution naturelle Effet de la grossesse sur l’adénome : cellules lactotropes RE+ Augmentation taille cliniquement significative : 1.6-5.5% cas (mais taille calculée sur rx selle turcique) + récemment, taille adénome caractérisée à l’IRM : 57 patientes avec un micro-adénome : 0% de troubles visuels
Évolution naturelle Revue de la littérature, Molitch, NEJM, 1985 246 femmes avec micro-adénome suivis pendant la grossesse 6.1% augmentation du volume tumoral : 1.6 % symptomatique (céphalées, troubles visuels) 4.5 % asymptomatique Réintroduction du traitement médical. Pas de recours à la chirurgie
Conclusion : grossesse non à risque Divers WA. Prolactin-producing microadenomas in pregnancy. Obstet Gynecol, 1983 Étude prospective sur 54 patientes Évènements obstétricaux : 4 FCS précoces (7.4%), 1 mort né (1.8%), 1 accouchement prématuré (1.8%) Évènements neurologiques Mineurs (9%) : 2 troubles visuels, 4 céphalées Majeurs (3.6%) : 2 altérations du champs visuel Suivi taux prolactine : pas d’augmentation progressive (taux déjà très élevés) Pas de corrélation entre le taux de prolactine et la survenue d’une complication Conclusion : grossesse non à risque
Suivi obstétrical Si la grossesse a débuté sous AD : arrêt des AD (sauf indication médicale précise, cf macroadénomes) Grossesse débutée sous bromocriptine : pas de risque tératogène. 27% de FCS 2% de malformations à la naissance Pas d’anomalie au long cours sur un suivi prospectif d’enfants jusqu à 9 ans Grossesse débutée sous quinagolide : données encore insuffisante. Pas de potentiel embryotoxique ou tératogène chez l’animal. Sur 150 patientes : 14% FCS, 4.4% malformations fœtales Grossesse débutée sous cabergoline : pas d’effet tératogène. Sur 250 patientes : 13% FCS, 5.5% malformations fœtales De toute façon : rassurer
Suivi obstétrical Surveillance obstétricale mensuelle classique Patientes traitées chirurgicalement : risque tumoral nul Sinon risques de 2 types : Évolution de l’adénome : risque tumoral Risque fœtal en cas de traitement par agoniste dopaminergique : risque tératogène? Pas de surveillance de la prolactine Pas de surveillance systématique du CV ; mais IRM facile à la moindre aggravation clinique Si IRM : éviter la gadolinium avant le 3è mois En cas d’apparition de troubles visuels et d’augmentation du volume tumoral : réintroduction d’un traitement par bromocriptine
Post-partum : Allaitement Peu de données précises dans la littérature Peu d’effet de l’allaitement sur le volume tumoral, en comparaison avec la grossesse Ne pas contre-indiquer l’allaitement Evidence : ne pas reprendre les AD
Post-partum : surveillance Bilan complet hormonal et morphologique hypophysaire 2-3 mois après l’arrêt de l’allaitement Estimation du retentissement de la grossesse sur l’adénome : Augmentation/stabilité du volume tumoral Diminution/disparition si nécrose tumorale en cours de grossesse CAT : Bilan normal : pas de reprise des AD ;contraception à proposer : DIU, pilule oestroprogestative Bilan anormal : reprise des AD, contraception par progestatifs ou DIU
Discussion Place de l’abstention thérapeutique Durée du traitement médical en préconceptionnel Micro-adénome et ménopause
Abstention thérapeutique Balance bénéfice/risque Conditions : Micro-adénome, peu symptomatique Pas de désir de grossesse Femme de 40 ans ou + avec adénome peu évolutif Traitement progestatif séquentiel du 16è au 25è jour (ex: LUTENYL, SURGESTONE) pas d’effet contraceptif Menstruations régulières À moyen terme : diminution de la sécrétion de prolactine par effet antioestrogénique au niveau des cellules lactotropes
Ménopause 45% de normalisation de la prolactine à l’âge de la ménopause Abstention thérapeutique possible Pas de CI au THS, qui n’augmente pas le taux de prolactine
Complications 7/35 = 20% (macroadénomes++) Holmgren U. Women with prolactinoma-effect of pregnancy and lactation on serum prolactin and on tumor growth. Acta Endocrinol (copenh), 1986 35 patientes suivies en prospectif pendant grossesse/allaitement, sous parlodel en pré-conceptionnel 9 macro-adénomes (5/9 : microchirurgie ou radiothérapie) ; 26 micro-adénomes Complications 7/35 = 20% (macroadénomes++) 3 syndromes de compression chiasmatique 4 augmentation du volume de la selle turcique Complications ssi traitement par Parlodel <12 mois Pas d’influence de la période de lactation sur le développement tumoral Conclusion : tt Parlodel>12 mois avant la grossesse semble réduire le risque de croissance tumorale
Conclusion Tumeur bénigne, fréquente, posant au final peu de problèmes sur les plans gynécologique obstétrical neurologique Traitement médical efficace, à proposer en première intention Prise en charge pluridisciplinaire (gynécologue, endocrinologue, neurochirurgien)
Bibliographie CHANSON P. Adénomes à prolactine et grossesse. Médecine Thérapeutique Endocrinologie et Reproduction . Volume 2, No 6, 487-94, Nov-dec 2000 LUTON D. Pathologie endocrinienne et grossesse. Encycl Med Chir (Elsevier, Paris), 5-048-C-10, 2007 TURNER H. Trans-sphénoidal surgery for microprolactinoma : an acceptable alternative to dopamine agonists? European Journal of Endocrinology. 1999 ;140, 43-47 BONNEVILLE JF. Imagerie par résonance magnétique de la région hypophysaire : aspects pathologiques. Encycl Med Chir (Elsevier, Paris), 31-630-A-10, 1999, 10p CHANSON P. Hyperprolactinémie. Encycl Med Chir (Elsevier, Paris), 1-1300, 1998, 4p TOURAINE Ph. Les hyperprolactinémies. DIVERS WA. Prolactin-producing microadenomas in pregnancy. Obstet Gynecol, 1983 oct;62(4):425-9 HOLMGREN, Women with prolactinoma-effect of pregnancy and lactation on serum prolactin and on tumor growth. Acta Endocrinol(copenh), 1986Apr;111(4):452-9 SCHLIENGER JL. Pathologie hypothalamo-hypophysaire et grossesse. Encycl Med Chir (Elsevier, Paris), 10-024-B-10, 1996 SERFATY D. Contraception. Ed MASSON. 1998