Enseigner le Moyen Age à l’école

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Transcription de la présentation:

Enseigner le Moyen Age à l’école 1. Mémoire et histoire : Le problème se pose-t-il pour l’enseignement du Moyen Age ? 2. Écrire l’histoire, écrire en histoire : Place de l’écrit dans la classe d’histoire. Roselyne Lebourgeois Maître de conférences en histoire IUFM Amiens Membre du Groupe de Recherche et d’Innovation en Enseignement des Sciences et Techniques

Mémoire et histoire des relations complexes et ambiguës « La mémoire sourd d’un groupe qu’elle soude, ce qui revient à dire, comme Halbwachs l’a fait, qu’il y a autant de mémoires que de groupe ;[…]. L’histoire, au contraire, appartient à tous et à personne, ce qui lui donne vocation à l’universel. » « Au cœur de l’histoire, travaille un criticisme destructeur de la mémoire spontanée. La mémoire est toujours suspecte à l’histoire dont la mission vraie est de la détruire et de la refouler. » Pierre Nora, Les Lieux de mémoire, I. La République, p.XIX-XX.

L’histoire et ses fonctions sociales Bien que le but de l’histoire soit celui de rechercher à décrire « ce qui est arrivé », on ne peut nier qu’elle remplisse bien souvent volontairement ou à son insu une fonction sociale. Selon les sujets abordés, les périodes considérées les enjeux de la mémoire et de l’histoire enseignée ne sont pas identiques.

Des « questions vives » L’école est un des lieux privilégiés des tensions qui peuvent exister entre mémoire et histoire. Le débat a été enflammé à propos de la loi du 23 février 2005 évoquant les « aspects positifs de la colonisation. » (Ce passage a été supprimé en janvier 2006.) Ces tensions ont été étudiées en particulier dans l’ouvrage  Mémoires et histoire à l’école de la République. Quels enjeux ?  de C.Bonafoux, L. DeCock-Pierrepont, B.Falaize, A.Colin, 2007.

Relations entre histoire et mémoire Histoire du Moyen Age : Relations entre histoire et mémoire Le Moyen Age échappe-t-il à la question de la mémoire ? Quelle fonction est-il amené à remplir ? Événements et personnages : Quelles relations entre histoire savante et histoire scolaire ? En histoire « savante » En histoire scolaire

Évoquer l’histoire « savante » ne signifie pas que l’histoire scolaire n’en est qu’un décalque allégé. C’est postuler que mettre en relation les deux « histoires » peut éclairer certaines inflexions des Instructions Officielles qui dépendent de bien d’autres paramètres.

L’histoire médiévale évolue avec le temps comme celle des autres périodes. Les objets d’étude, les méthodes, les questions ont évolué, en particulier depuis la fin du 19ème siècle. Intérêt pour l’histoire politique à la fin du 19ème siècle et au début du 20ème siècle des l’histoire positiviste. Création des Annales (1929) par L.Febvre, M.Bloch et critique d’une histoire « événementielle ». Cette école historique privilégie l’approche économique, sociale et culturelle, s’ouvre à d’autres disciplines ( sociologie, linguistique…) et à de nouvelles sources. Histoire des « mentalités » dans les années 60-70….

L’événement et la mémoire : objets d’étude et de publication A partir des années 60, les publications à l’intention d’un public cultivé et des étudiants plus nombreux posent la question des relations entre histoire et mémoire. Ces publications poursuivent des buts bien différents

« Trente journées qui ont fait la France » La collection lancée par Gallimard dans les années 60 et comportant 10 titres pour le Moyen Age a été reprise en 2005 sous le titre « Les journées qui ont fait la France ». Elle avait pour but de mettre en avant les temps forts de la construction de l’identité nationale Le dimanche de Bouvines de Georges Duby paru en 1973 en est un des chefs d’œuvre.

Trente journées qui ont fait la France : Les ouvrages publiés sur le Moyen Age 25 décembre.. : le baptême de Clovis ou les incertitudes de l'histoire. de Georges Tessier ... Octobre 732: La bataille de Poitiers. de Jean Henri Roy et Jean Deviosse 25 décembre 800 : Le Couronnement impérial de Charlemagne. de Robert Folz. 3 juillet 987L'avènement d'Hugues Capet. de Laurent Theis 27 juillet 1214 : Le Dimanche de Bouvines. de Georges Duby. 16 mars 1244 : Le Bûcher de Montségur. de Zoé Oldenbourg. 7 septembre 1303: L'attentat d'Anagni. du Duc Antoine de Lévis-Mirepoix 31 juillet 1358 : Le Meurtre d'Étienne Marcel. de Jacques d'Avout. 8 mai 1429 : La Libération d'Orléans. de Régine Pernoud. 5 janvier 1477 : La Mort de Charles le Téméraire. de Pierre Frederix.

Remise en cause de « l’histoire dominante » Dès la fin des années 60, des études régionalistes, féministes…remettent en cause la mémoire nationale « contrôlée » par les historiens professionnels depuis la fin du 19ème siècle : le « roman national ». L’intérêt pour les anonymes, les exclus de l’histoire aboutit à la volonté de faire une « histoire vue d’en bas ».

Ouvrage dirigé par Pierre Nora 1984-1992 Les Lieux de mémoire Ouvrage dirigé par Pierre Nora De nouvelles problématiques : Explorer les enjeux de la crise du « mythe national français » Faire de l’histoire au « second degré » : non pas « du passé tel qu’il s’est passé » mais de « ses réemplois permanents, ses usages et ses mésusages ». Passer d’un « nationalisme agressif » à un « nationalisme amoureux », « du national au patrimonial »

Les Lieux de mémoire et le Moyen Age Les thèmes retenus Francs et Gaulois Jeanne d’Arc, Le roi Paris La langue française

L’histoire scolaire : Quels enjeux ? Quels choix ? Les années 80 : Inquiétudes pour l’histoire Les programmes scolaires depuis 1984-85 : Des objectifs qui évoluent Événements et dates : une certaine stabilité Des personnages et des événements qui ne sont pas toujours été consensuels.

Inquiétude pour l’histoire Dès les années 70, la « réforme de l’éveil » avait inquiété de nombreux enseignants d’histoire. 1979, article d’Alain Decaux dans le Figaro Magazine : « On n’apprend plus l’histoire à vos enfants » 1983, rapport Girault sur l’enseignement de l’histoire 1989 rapport Joutard (évoque l’inculture religieuse des élèves) Ces rapports officiels inspirent les nouveaux programmes qui doivent donner des repères historiques aux élèves et reconstruire chez eux un sentiment d’appartenance partagé.

Des objectifs qui évoluent Les programmes scolaires depuis 1984-85 Des objectifs qui évoluent 1984-1985 Il s’agira de permettre à l’enfant d’élargir et de consolider les repères qu’il a commencé à acquérir dans le temps et dans l’espace. de perfectionner ses méthodes de travail en particulier dans l’utilisation et l’organisation de l’information ; il s’agit de lui apprendre à recueillir et critiquer une information en cours d’enquêtes modestes conduites de compléter les connaissances acquises à la phase précédente en procédant désormais de façon plus systématique à la présentation de grandes périodes historiques. de prendre progressivement conscience de la nature de la société dans laquelle il vit, de la diversité de cette société et du rôle qu’il sera appelé à y jouer.

1984-85 A la suite des sujets à aborder, un paragraphe notait l’esprit dans lequel ils devaient être enseignés. « On soulignera que ces réalités ne sont pas toutes purement françaises et qu’elles ont laissé dans notre environnement de nombreuses traces qui constituent autant de documents pour faire l’histoire de cette longue période. En outre, les maîtres insisteront sur l’ancienneté, par rapport à la plupart des nations européennes, de l’apparition de l’État au Moyen Age en France et du sentiment national de Bouvines à la Révolution française.

1995 Finalités de l’histoire et de la géographie « Comprendre le monde contemporain et agir sur lui en personne libre et responsable, être présent et actif au sein de la cité, exigent la connaissance de ce monde dans sa diversité et son évolution. L’histoire et la géographie, évoquant la vie des hommes écartent les relations de cause à effet simplistes, apportent cette compétence. [….] [l’élève] acquiert ainsi –et cela parfois en faisant appel à d’autres disciplines, mathématiques en particulier- les jalons et les repères qui permettent d’établir la succession chronologique [….] . Par la lecture et par l’élaboration de textes courts, par l’utilisation d’une syntaxe correcte et d’un vocabulaire précis, il fait ainsi de cette étude un important moment d’expression écrite et orale  »

1995 Introduction au programme d’histoire Tout au long du cycle, l’élève apprend à situer les grandes périodes de l’histoire et à les caractériser. On s’appuiera le plus souvent possible sur des personnages, des grandes dates, des lieux symboliques constitutifs d’une culture et d’une conscience nationale

2002 : Quelques extraits des objectifs très développés Au cycle 3, à partir d’une approche disciplinaire de l’histoire mieux constituée, le maître aide l’élève à construire une intelligence du temps historique fait de simultanéité et de continuité, d’irréversibilité et de rupture, de courte et de longue durée. [….] En continuant à réserver une place prépondérante au territoire français, ce programme l’insère plus fortement dans une approche européenne et parfois même mondiale, sans exclure la dimension régionale. Il ne se limite pas aux seuls événements politiques [….] L’élève doit être capable de comprendre la spécificité de l’histoire cette « connaissance par traces » qui pour l’historien sont des sources ou des documents. Chaque époque a été marquée par quelques personnages majeurs, dans l’ordre politique, mais aussi littéraire, artistique ou scientifique. On n’oubliera pas, pour autant, le rôle des groupes plus anonymes, ni celui des femmes, dont on soulignera la faible place dans la vie publique

2002 Extraits des objectifs (suite) Les supports actuels de l’information rendent plus que jamais nécessaire l’apprentissage de l’interprétation des images, des codes qui leur sont spécifiques et du langage qui permet de les décrire. La leçon d’histoire fait une large place à la réflexion collective et au débat, et suppose donc un usage réglé de la parole, attentif à la précision du vocabulaire utilisé et à la rigueur du raisonnement. […] Pour éviter la mise en mémoire d’éléments fragmentés et, lors des évaluations, la tentation des questionnaires à choix multiple, chaque séance se termine par l’écriture d’abord collective, puis progressivement plus individuelle, d’une courte et modeste synthèse.

Le socle commun est intégré aux Instructions Officielles (Le projet de février 2008 reprend exactement les termes des programmes de 2007) La culture humaniste La culture humaniste ouvre l’esprit des élèves à la diversité et à l’évolution des civilisations, des parties du monde, des sociétés, des religions et des arts ; elle leur permet d’acquérir des repères temporels, spatiaux, culturels et civiques […] L’histoire et la géographie donnent des repères communs, temporels et spatiaux, pour commencer à comprendre l’unité et la complexité du monde. Elles développent chez les élèves curiosité, sens de l’observation et esprit critique.

2007 objectifs pour l’enseignement de l’histoire L’étude des questions suivantes permet aux élèves d’identifier et de caractériser simplement les grandes périodes qui seront étudiées au collège. Elle s’effectue dans l’ordre chronologique. Les événements et les personnages indiqués ci-dessous en italique constituent une liste de repères indispensables que le maître pourra compléter en fonction de ses choix pédagogiques. Jalons de l’histoire nationale, ils forment la base d’une culture commune. Ces repères s’articuleront avec ceux de l’histoire des arts.

Une approche du Moyen Age centrée sur la construction nationale depuis 1984 Les personnages cités dans tous les programmes Clovis, Charlemagne, Hugues Capet, Saint Louis (nommé Louis IX uniquement en 2002), Jeanne d’Arc. Les dates « vedettes » 496 (avec un point d’interrogation seulement en 2002), 800 et 987.

Enfant, Tu vois sur la couverture de ce livre les fleurs et les fruits de la France. Dans ce livre, tu apprendras l’histoire de la France. Tu dois aimer la France parce que la nature l’a faite belle, et parce que son histoire l’a faite grande. E.Lavisse (historien 1842-1922) Ouvrage paru en 1924

Des dates qui n’apparaissent que dans certains programmes 1985 et 2002 Mahomet et l’Hégire, 1099 et la prise de Jérusalem par les Croisés 1985 proposait un très grand nombre de dates et de personnages (tableau photocopié). Le programme était très détaillé, il donnait le vocabulaire actif et passif qui devait être maîtrisé par les élèves. 2002 1453 (prise de Constantinople) et 1455 (premier livre imprimé par Gutenberg) Marco Polo et des groupes significatifs : chevaliers, paysans et pèlerins.

Quelles significations donner à ces choix ? Si on revient sur les entrées choisies par Pierre Nora pour interroger le mythe national, on constate que pratiquement toutes se retrouvent dans les programmes d’histoire. Francs et Gaulois Jeanne d’Arc, Le roi Paris La langue française Les trois derniers sont quasiment repris dans le programme de 2002 « Naissance de la France ; un État royal, une capitale, une langue. »

Des personnages et des événements qui ne sont pas toujours été consensuels. Loin d’être « froides », certaines questions d’histoire médiévale ont animé des débats enflammés, en particulier au début du 20ème siècle mais parfois bien plus tard Elles ont été l’objet de l’affrontement entre les deux France catholique et laïque. (C.Amalvi. De l’art et la manière d’accommoder les héros de l’histoire de France, 1988) Les Francs et les Gaulois représentent ainsi un double enjeu. Une tradition faisait des Francs les ancêtres de la noblesse et des Gaulois, ceux du peuple. La Révolution aurait ainsi « vengé » la soumission subie par les Gaulois en abaissant les ancêtres des Francs. Après 1870, les Francs sont assimilés aux Allemands. La question des invasions barbares n’est donc jamais totalement neutre. Seuls les programmes de 2002 y avaient ajouté le terme de « migrations ».

Clovis : objet de débat Le personnage a longtemps été celui qui incarnait la naissance d’une France monarchiste et catholique. Pour lui faire concurrence, l’école laïque lui a associé Vercingétorix, fondateur de la nation gauloise. La commémoration de son baptême en 1996 a donné lieu à un nouveau conflit entre les deux France : celle de l’école libre et souvent catholique et celle de l’école publique. Il s’agissait de défendre la laïcité de l’État compromise par la venue du Pape à Reims. Pour défendre le projet et « calmer le jeu », l’historien Michel Rouche a rappelé que la christianisation avait déjà commencé en Gaule à partir du IIe siècle) et que Clovis peut aussi évoquer des valeurs fondamentales aujourd’hui. L’acceptation de l’autre surtout : Clovis encourage les mariages mixtes, interdit le pillage et l’exécution des prisonniers de guerre, promulgue les lois mais ne les élabore pas. Cependant celui-ci n’hésite pas à exterminer sa propre parentèle dont les structures archaïques sont un danger pour l’État…

Ouvrage paru en 1969 mais conforme aux programmes de 1945 et 1947

Ouvrage paru en 2005 et illustré par des vignettes extraites du manuel L’Histoire de France à l’école de Désiré Blanchet et Jules Toutain, 26ème édition, 1938, Belin.

Illustration de l’Histoire de France à l’école, cité, 1938. Bataille de Tolbiac par laquelle Clovis remporte une victoire sur les Alamans. L’épisode est racontée par Grégoire de Tours (v.538-594) qui relie cette victoire à la conversion de Clovis en s’inspirant de la conversion de l’empereur Constantin à la bataille du pont Milvius en 312 et en faisant du roi franc un nouveau Constantin.

Le baptême de Clovis Sainte Geneviève défend Paris contre les Huns Illustrations issues des Belles histoire de France, CE, Belin, 1969. Sainte Geneviève aurait incité les Parisiens à se défendre contre l’attaque des Huns en 451.

Charlemagne : l’empereur, l’européen avant l’heure, l’initiateur de la renaissance carolingienne. Le héros de la chanson de Roland. Roland sonne du cor à Roncevaux Héros introduit tard à l’école : héros « patriotique » (Amalvi) Charlemagne visite une école Illustrations issues du livre Belin CE

Illustration issue du manuel Belin CM et fin d’études, Notre Livre d’histoire, de R.Ozouf et L.Leterrier, 1953 (programmes de 1945-47)

« Charlemagne visitant une villa L’empereur, accompagné de sa suite, donne des ordres à un de ses intendants. Les bâtiments sont bien entretenus et chaque villa est une ferme prospère. » Illustration issue du manuel Belin CM, 1953

Hugues Capet est en fait peu représenté dans les manuels Hugues Capet est en fait peu représenté dans les manuels. Il est souvent associé aux Premiers Capétiens mais la date de 987 continue à être une des grandes dates repères. Le nom de Capet lui vient du fait qu’il portait la chape comme abbé laïc de saint Martin de Tours. Le personnage historique est peu important. Il est surtout un symbole du mythe national élaboré depuis le 19ème siècle.

« Saint Louis, simplement vêtu d’une robe et d’un manteau, reçoit chaque jour des pauvres dans son palais. Il leur sert lui-même à manger et parfois, par humilité, leur lave les pieds." Belin, CM, 1953

Le roi juste et proche du peuple. Louis IX a en effet utilisé la justice, en partie pour renforcer le pouvoir royal au dépens des justices seigneuriales. Il a aussi créé le Parlement, cour de justice royale. Belin, CE.

Départ de Saint Louis pour la croisade Belin, CM

La mort de Louis IX est rapportée dans La biographie de saint Louis rédigé par Joinville au début du 14ème siècle. Histoire de France à l’école, Belin, 1938

Jeanne d’Arc délivre Orléans (1429) Jeanne d’Arc, costumée en homme de guerre, son étendard à la main, entraîne les soldats français contre les Anglais installés dans Orléans. Une troupe nombreuse entre déjà en passant sur un pont-levis. La ville va être délivrée Manuel, Belin, CM, 1953.

Manuel Belin, 1938. « Jeanne d’Arc, née à Domrémy en Lorraine, entendit des voix qui lui ordonnaient de sauver la France »

Manuel Belin, 1938. « Paradoxalement, Jeanne est née politiquement au bûcher. La nouvelle se répand qu’elle est morte en martyr. » C.Gauvard, pour 1431 in 1515 et les Grandes dates de l’histoire de France, Seuil, 2005

Tous ces personnages que les anciens manuels avaient illustré demeurent nos héros incontestés des programmes du début du 21ème siècle Ce sont les héros de la construction nationale. Ils ont finalement évincé des personnages que les libéraux du 19ème siècle avaient voulu valorisés : Etienne Marcel, prévôt des marchands assassiné en 1358 qui voulait tempérer la monarchie par les États généraux. La Jacquerie contemporaine du prévôt des marchands est aussi pratiquement absente. Il nous reste donc un Moyen Age où l’État royal qui se met en place prépare la centralisation réalisée par Louis XIV puis par la Révolution jacobine et accroît le territoire qu’elle contrôle. Parmi ces personnages, Clovis, Louis IX et Jeanne d’Arc entretiennent des rapports privilégiés avec la religion catholique. Deux d’entre eux ont été canonisés.

Place de l’écrit dans la classe d’histoire. Écrire l’histoire, écrire en histoire : Place de l’écrit dans la classe d’histoire. L’écrit et l’histoire « savante » Les sources écrites Écrire l’histoire L’écrit et l’enseignement de l’histoire Lire en histoire Écrire en histoire

L’écrit et l’histoire « savante » Les sources écrites L’utilisation de l’écrit par une société est une des façons de la faire entrer dans l’histoire. Pour les Gaulois qui utilisent peu l’écrit mais sur lesquels les Grecs et les Romains ont écrit, on parle parfois de proto histoire. Cette étude des sources écrites suppose un recul par rapport à la langue utilisée par les auteurs. Cependant, aujourd’hui, on s’intéresse aussi à l’histoire orale et de nombreuses sources non écrites (traces archéologiques, iconographie…) font partie des supports qui permettent d’écrire l’histoire.

Écrire l’histoire A partir des années 70, un débat concerne l’écriture de l’histoire. Dans la mesure, où elle nécessite une « mise en intrigue » comme la littérature, l’histoire n’est-elle qu’une forme littéraire parmi d’autres ? Roger Chartier (historien moderniste spécialiste de la lecture et de l’usage de l’écrit) précise que « même s'il écrit dans une forme littéraire, l'historien ne fait pas de la littérature » du fait de sa dépendance à l'archive (qui est l'ensemble des traces d'un réel passé) et aux critères de scientificité ainsi qu'aux opérations techniques de son métier. 

L’histoire est un récit vrai LE MOT d'histoire désigne aussi bien ce qui est arrivé que le récit de ce qui est arrivé ; l'histoire est donc, soit une suite d'événements, soit le récit de cette suite d'événements. Ceux-ci sont réellement arrivés : l'histoire est récit d'événements vrais, par opposition au roman, par exemple. Par cette norme de vérité, l'histoire, comme discipline, s'apparente à la science ; elle est une activité de connaissance. » Paul Veyne, Universalis

2. L’écrit et l’enseignement de l’histoire à l’école Lire Lire en histoire un aspect de la lecture documentaire Des sources de difficultés spécifiques pour les élèves Écrire Le rôle des écrits intermédiaires Quelques exemples de situations d’écriture

Lire en histoire : un aspect de la lecture documentaire Le document d’accompagnement « Lire et écrire au cycle 3 » de 2003 distingue deux types de lecture La lecture pour effectuer un travail scolaire (consignes, exercices de recherche..) La lecture pour se documenter « il s’agit avec la lecture documentaire, non seulement de comprendre les textes, mais aussi de comprendre « par » les textes pour apprendre du nouveau, confirmer ou valider des savoirs naissants. » document, p.11. [ il s’agit aussi de ] « permettre aux élèves d’apprendre à réguler leur activité de lecture ; faire le point sur ce que l’on a compris et déceler ce que l’on ne comprend pas ne sont pas des attitudes spontanées. »

Des sources de difficultés spécifiques pour les élèves La variété des textes Le lexique La syntaxe et la morphologie Le point de vue et la formulation des critères de « vérité »

La variété des textes « Sans que l’accent soit mis sur la formalisation d’une typologie, il convient que les élèves identifient sur une double page, les différents textes et leurs usages possibles. » Les élèves éprouvent aussi des difficultés à faire du lien entre les différents textes, les images (reproductions iconographiques, cartes, graphiques) qu’ils abordent séparément.

Le lexique Traditionnellement, la difficulté essentielle réside dans le vocabulaire spécifique. En fait, bien d’autres points posent problème La présence forte des substituts nominaux (La blancheur de la solution remplace la solution obtenue est blanche) . Les textes d’histoire en regorgent. Les procédés multiples pour insérer une explication dans un texte : par exemple : « Les recensements systématiques eurent d’abord lieu tous les cinq ans, mais ce rythme quinquennal fut perturbé du fait des guerres. » L’abondance de noms dans les titres de chapitre ou les sommaires Le sens spécifique de mots utilisés dans le langage usuel : en histoire « tué au front », « servir le souverain », « la cité », on peut ajouter « bourgeois », « peuple ». La présence de lexique en fin d’ouvrage peut constituer une difficulté supplémentaire.

Syntaxe et morphologie La question de la longueur des phrases, des modalités de subordination mais aussi de la voix passive. Les textes explicatifs sont souvent très riches en connecteurs (liens logiques ou chronologiques très explicites) En histoire plus particulièrement, l’emploi des temps verbaux dont la complexité peut être grande.

Le point de vue et les marques des critères de « vérité » Pour marquer les hypothèses, les incertitudes, il faut être vigilant à l’emploi du conditionnel, de termes comme « peut-être », « nous pensons que »… Les événements évoqués ne sont parfois connus que « par la tradition .. » Les connaissances avancées peuvent être des croyances : « Pour les chrétiens, Jésus est le Fils de Dieu… »

Le rôle de l’iconographie Il faut dépasser l’illusion que l’image rend visible immédiatement un événement, un processus, un état …et créer des situations problèmes permettant de mettre en question leur perception de l’image et découvrir ses codes spécifiques. Rapport texte/iconographie Travailler cette relation en notant si les rapports sont explicites et ce que les images apportent : un contrepoint, un complément d’information

Le rôle des écrits intermédiaires 2. Écrire en histoire Le rôle des écrits intermédiaires « Les enseignants limitent souvent la production écrite à l’évaluation et au contrôle des connaissances en fin de séquence. Ils sous-estiment ainsi la fonction heuristique et structurante des écrits intermédiaires, sous la forme de prises de notes ou de formulations en cours de démarche. » Claudine Garcia-Debanc, chapitre « Lire/écrire dans les diverses disciplines : une responsabilité partagée », publié dans La lecture au début du collège : éléments de réflexion, octobre 2007

« La production individuelle d’écrits intermédiaire permet à l’élève de faire le point sur ses savoirs en construction : les termes qu’il utilise, les rapports de causalité qu’il formule sont, pour l’enseignant, de bons indicateurs de la compréhension du phénomène étudié. De plus, la confrontation des formulations de plusieurs élèves peut les aider à dépasser les obstacles pour mieux comprendre le phénomène étudié ». Cl.Garcia-Debanc

Une production écrite initiale « Une production écrite initiale, sous la forme d’un court texte en réponse à une question ou d’un schéma légendé permet de faire le point sur les connaissances initiales des élèves. Elle ne fait pas l’objet d’une évaluation. Elle peut être conservée pour que les élèves s’y reportent au fil de l’avancée de la démarche et puissent constater les modifications qu’ils apportent à leurs interprétations initiales. » Ibidem Cet aspect de l’écriture n’est pas abordé dans le manuel (« Le Moyen Âge »,cycle 3, éditions mars 2008 Nathan )car elle est laissée à l’initiative des enseignants.

Donner un titre à une image en le justifiant Le Moyen âge éd.Nathan

Des activités de transcodage La lecture de cartes, tableaux ou schémas peut donner lieu à des activités de transcodage, qui consistent à remplacer la simultanéité des informations données sur l’espace à deux dimensions par des formulations linguistiques, nécessairement linéaires.

Le Moyen âge éd.Nathan

Observer les activités agricoles représentées sur l’image et les remettre dans un ordre chronologique Le Moyen âge éd.Nathan

Réaliser un dessin légendé à partir de la lecture d’un texte Le Moyen âge éd.Nathan

Décrire une scène en utilisant un vocabulaire spécifique Le Moyen âge éd.Nathan

Le Moyen âge éd.Nathan

Restituer des informations en utilisant plusieurs documents Le Moyen âge éd.Nathan

Produire une explication Le Moyen âge éd.Nathan

Réaliser un petit récit à partir de deux documents (texte et image) Le Moyen âge éd.Nathan

Catégoriser par des activités simples d’écriture Le Moyen âge éd.Nathan

Écrire au sens de tracer des mots Le Moyen âge éd.Nathan

L’écrit manuscrit Communiquer au Moyen Age

Le Moyen âge éd.Nathan Le Moyen âge éd.Nathan Le Moyen âge éd.Nathan Réaliser un écrit de fiction en utilisant des connaissances historiques Le Moyen âge éd.Nathan

Le Moyen âge éd.Nathan

Conclusion Histoire et mémoire sont en tension dans tout enseignement de l’histoire à l’école. Cet enseignement est issu de l’air du temps, des sensibilités et préoccupations du moment mais aussi d’un projet éducatif qui ne doit pas faire oublier que l’histoire scolaire est à la fois « recherche de vérité » et « culture commune ». Cette tension se manifeste dans le socle commun où les attitudes qui évoquent la pensée critique « être capable de jugement et d’esprit critique » appartiennent au pilier 6 « Les compétences sociales et civiques » alors que l’histoire relève du pilier 5 « La culture humaniste » « qui donne aux élèves des références communes »

Maîtrise de la langue et Histoire Lire et Écrire en histoire relèvent de compétences acquises en Français aussi bien en maîtrise de la langue qu’en littérature. Cependant, l’histoire coopère par ses spécificités disciplinaires à la formation d’un lecteur différent du lecteur littéraire. Il est important que les enseignants en soient conscients et aident les élèves à acquérir ces compétences pour leur permettre d’atteindre le statut de lecteur plus autonome, « sachant douter, cerner ce qu’il ne sait pas, ce qu’il ne comprend pas » C.Garcia Debanc.

Écrire en histoire ne se résume pas à une construction collective de la trace écrite. La place et la fréquence des écrits intermédiaires familiarisent les élèves avec des activités modestes mais régulières d’écriture personnelle. Ces écrits n’ont pas le même statut que les écrits qui institutionnalisent les connaissances. Le support qui est utilisé (cahier ou feuilles de travail) ne demandent pas les exigences que l’on attend du cahier sur lequel on apprend la leçon. L’expression et la forme y sont plus libres. L’oral n’a pas été évoqué (par choix et manque de temps), il est cependant souvent une étape intermédiaire importante avant le passage à l’écrit et demande aussi à être travaillé, en privilégiant l’explicitation de ce qui a été compris sans exiger au départ une expression codifiée et abstraite que les élèves ne se seraient pas encore appropriée