Méningites bactériennes B. Mourvillier Service de Réanimation Médicale et des Maladies Infectieuses Hôpital Bichat Claude-Bernard, Université Paris 7
Homme de 44 ans, aucun antécédent Adressé par son MT pour syndrome méningé fébrile 11H10: arrivée aux urgences Conscient, fébrile, sd méningé franc 12H30: ponction lombaire 3000 éléments dont 85% PN Hypoglycorachie Hyperproteinorachie à 5,2 g/L
DECES 13h35: Claforan-Vanco 14H40: admission en réanimation Corticothérapie 14H40: admission en réanimation Coma nécessitant intubation 23H: hypotension, polyurie 1H (le lendemain): EME clinique 1er EEG plat 12H: 2e EEG plat DECES
LCR
Nombre estimé des cas de méningite en France (EPIBAC) Années Source : Institut de Veille Sanitaire
Diagnostic Tout retard diagnostique et donc thérapeutique est responsable d’une augmentation de la mortalité Syndrome méningé Fièvre
Syndrome méningé Céphalées Raideur de nuque Photophobie Attitude en chien de fusil Nausées, vomissements en jet, faciles
Signes cliniques Signes Céphalées 87% Nausées 74% Raideur de nuque 83% Température Température > 38°C 38,8°C + 1,2 77% Triade fièvre, raideur nuque, modification comportment 44% N Engl J Med 351;18:1849-59
Ponction lombaire Garder un tube au frigo Etude de la cellularité (normalement moins de 10 cellules/mm3) comptage et répartition entre PN et lymphocytes Glycorachie et glycémie (N=1/2glycémie) Proteinorachie (N<0,5g/L) Examen direct et culture (Examen direct:Si pas d’antibiotiques avant: 60-90%; Si antibiotiques avant: 40-60%) Autres examens en fonction contexte (Ag solubles, encre de Chine,…) Garder un tube au frigo
Méningites du malade non immunodéprimé Spontanées LCR purulent = bactéries LCR clair: virus, tuberculose. Nosocomiales Après neurochirurgie Sur dérivation ventriculaire
Orientation en fonction résultats Si LCR trouble, ANTIBIOTHÉRAPIE IMMÉDIATE Si normal, ne pas forcément écarter le diagnostic Interprétation résultats en fonction: prédominance PN ou lymphocytes normo ou hypoglycorachie
Prédominance de polynucléaires Hypoglycorachie Bactérienne (méningocoque, pneumocoque, autres) jusqu’à preuve du contraire Normoglycorachie bactérienne ou virale vue tôt
Prédominance de lymphocytes Hypoglycorachie Tuberculose ou listeriose Normoglycorachique A priori virale mais rechercher une méningo-encéphalite en recherchant des troubles de conscience ou du comportement ou des fonctions supérieures
Cultures Site % de positivité 1. Cultures du LCR 70-85% * 2. Hémocultures > 50% ________________________________________ * < 50% si antibiothérapie préalable
PL hémorragique Hémorragie méningée PL traumatique
Les bactéries 1. Les fréquents S. pneumoniae (pneumocoque) N. meningitidis (méningocoque) 2. Les rares H. influenzae (vaccin) Streptocoque B: nouveau-né Entérobactéries (E. coli, K. pneumoniae): malades avec co-morbidités. S. aureus: rare, rechercher un foyer para-méningé, une endocardite
Méningite purulente: bactéries selon l’âge Tranche d’âge Bactéries Nouveau-né Entérobactéries, strepto B, Listeria < 5 ans Méningo, pneumo, (Haemophilus) 5- 60 ans Méningo (jeunes), pneumo > 60 ans Pneumo (Listeria)
Mortalité des MP Méningocoque: < 10% Purpura fulminans 20-30% Pneumocoque: 25-35% Méningocoque: < 10% Purpura fulminans 20-30%
MP: mise en jeu du pronostic vital Conséquences directes de la méningite: - œdème cérébral HIC engagement - Etat de mal convulsif 2. Conséquences du coma Obstruction des voies aériennes supérieures Inhalation (pneumonie, chimique) 3. Conséquences de l’état septique sévère - Choc septique
Séquelles Retard du développement (enfant) Déficit moteur Epilepsie Surdité ++ (en particulier chez l’enfant) Retard du développement (enfant) Déficit moteur Epilepsie Troubles psychiatriques Troubles du comportement Au pire état végétatif
Le scanner Ne doit pas retarder le début du traitement antibiotique N’est réalisé avant la PL que si signes d’HIC ou déficit Elimine une collection: abcès, empyème Peut mettre en évidence une porte d’entré (sinusite, mastoïdite) Met en évidence une possible complication
Facteurs favorisants: méningocoque Portage pharyngé Dispersion gouttelettes de salive Contagiosité possibles épidémies
Facteurs favorisants: méningocoque Porte d’entrée: pharynx Sujets jeunes (défaut d’immunité vis-à-vis de souches virulentes) Facteurs génétiques Recrudescence hiver-printemps Contact avec sujet porteur ou malade Pèlerinages, regroupements de réfugiés
Facteurs favorisants: pneumocoque Porte d’entrée: voies respiratoires/ORL Pas de contagiosité donc pas d’épidémies MP: possibles (rares) complications d’ otites ou de sinusites Fréquence d’un facteur favorisant - Alcoolisme - Antécédents de traumatisme crânien (brèche au niveau de la dure-mère - Splénectomie ou asplénisme, drépanocytose
Facteurs favorisants: Listeria Cas sporadiques mais épidémies par contamination alimentaire possibles (charcuteries…). Pas de terrain particulier: 60% des cas Facteurs favorisants ou immunodépression: 30% - Cancers, hémopathies malignes - Corticoïdes au long cours - Diabète
Antibiothérapie : les règles 1. Urgence = dès la constatation d’un LCR trouble, en pré-hospitalier si purpura fulminans, avant la PL si celle-ci est retardée. 2. Voie IV, au moins les premiers jours. 3. Doses très élevées (« forcer » la barrière hémato-méningée). 4. Choix des molécules: probabilité du germe selon contexte, puis examen direct du LCR, puis cultures.
Méningites bactériennes: délai de mise en route des ATB h* D ’après Talan et al. CID 1996 * Par rapport à l ’arrivée aux urgences
Facteurs associés au décès 123 MB (mortalité: 13%) Facteurs OR p Absence de fièvre 39,44 0,01 Troubles de conscience 12,61 0,004 Délai d’ATB > 6h* 8,35 0,009 Age > 60 ans 4,43 0,09 ___________________________________________ Par rapport au début de la prise en charge médicale Proulx et al. ICAAC 2003
MB: mortalité et délai des ATB % % % % TDM/PL/ATB TDM/ATB/PL ATB/TDM/PL h Proulx et al. ICAAC 2003
Effet de la réalisation de la TDM TDM avant PL Pas de TDM p Délai admission et PL (h) 5,3 (0,9-20,5) 3 (0,7-14,6) < 0,001 et ATB (h) 3,8 + 2,9 2,9 + 2 0,09 _______________________________________________ Hasbun R et al. NEJM 2001; 345: 1727
Antibiothérapie : les règles 1. Urgence = dès la constatation d’un LCR trouble, en pré-hospitalier si purpura fulminans, avant la PL si celle-ci est retardée. 2. Voie IV, au moins les premiers jours. 3. Doses très élevées (« forcer » la barrière hémato-méningée). 4. Choix des molécules: probabilité du germe selon contexte, puis examen direct du LCR, puis cultures.
Traitement initial Céfotaxime: 200 mg/kg/j en 6 fois ou ceftriaxone (4 g/j en 2 fois) + vancomycine (15 mg/kg sur 1h puis 40-60 mg/kg/j en IV continu) si présomption de pneumocoque 35% des pneumocoques ont une sensibilité réduite aux pénicillines
Adaptation des antibiotiques Mesure de la CMI (Etest) Utiliser l’ amoxicilline si la souche est sensible Pour les souches non normalement sensibles Céfotaxime ou ceftriaxone seule ou associée à la vancomycine (pneumocoque)
Méningites à Listeria: traitement 1. Tt de référence: amoxicilline + gentamicine (3-5 js): association: - Synergique in vitro - Synergie dans le modèle animal 2. Alternative ? Amoxicilline + Bactrim 3. Durée > 3 semaines
Durée de traitement Méningocoque 7 Pneumocoque 10-14 Listeria 21 Bactéries Durée (J) Méningocoque 7 Pneumocoque 10-14 Listeria 21 _________________________________
Traitement symptomatique Objectifs - Liberté des voies aériennes - Etat circulatoire correct° - Réduction œdème cérébral° - Prévention/tt des convulsions ° Pression de perfusion cérébrale = Pression artérielle moyenne- Pression intracrânienne
Traitement symptomatique 2. Moyens Voie veineuse Intubation si GCS < 8, troubles de déglutition, encombrement bronchique Hypotension: remplissage, voire catécholamines Prévention convulsions: phénobarbital (Gardénal) Tt de l’œdème cérébral
PIC: survivants vs non survivants Lindvall et al Clin Infect Dis 2004; 38: 384
Maîtrise de la PIC : GCS < 8 Ventilation mécanique Tête en position surélevée (+30°) Sédation Equilibre hydro-électrolytique (Na > 140 mmol/l) PacO2 entre 34 et 38 mmHg Mannitol ??? Thiopental (si mesure de la PIC et > 20 mm Hg ou signes cliniques d’œdème cérébral) Prévention ou traitement des convulsions.
Maîtrise de la PIC : GCS < 8 Ventilation mécanique Sédation Equilibre hydro-électrolytique (Na > 140 mmol/l) PacO2 entre 34 et 38 mmHg Mannitol ??? Thiopental (si mesure de la PIC et > 20 mm Hg ou signes cliniques d’œdème cérébral) Prévention ou traitement des convulsions.
Dexamethasone à forte dose au cours des méningites bactériennes de l’adulte De Gans et al. NEJM 2002
Méthodes (1) Adultes > 16ans avec LCR trouble Exclusions: Etude multicentrique randomisée contrôlée en double aveugle vs placebo Adultes > 16ans avec LCR trouble Exclusions: ATB ou stéroïdes dans les 48 h précédant Traumatisme ou neurochirurgie récents Antécédents de tuberculose ou d’infection fungique
Méthodes (2) DXM: 10 mg toutes les 6h pendant 4 jours: début dans les 20 min. précédant la 1ère dose d’antibiotiques Antibiotique: amoxicilline Critère de jugement principal Evolution défavorable à 8 semaines (mortalité ou séquelles) Critères de jugement secondaires Mortalité à S8, séquelles neurologiques et auditifs, complications hémorragiques et infectieuses Hypothèse: réduction de 40 à 25% des év. Défavorables ( 150 malades/bras)
Résultats (1) DXM Placebo (n=157) (n=144) Age 44 + 18 46 + 20 GCS 12 12 Coma 25 23 S. pneumoniae 58 50 N.meningitidis 50 47 Autres 12 17 Pas de germe 37 30
Evolution défavorable % 26 52** RR IC 95% 0,59 0,37-0,94 0,50 0,3-0,83 0,75 0,21-2,63 15 25 * 8 11 * p=0,03 **p=0,006
Mortalité % RR IC 95% 0,48 0,24-0,96 0,41 0,19-0,86 1,88 0,76-2,01 14 34 7 15 4 2
Déficits neurologiques % RR IC 95% 0,62 0,36-1,09 0,67 0,33-1,37
Complications des corticoïdes DXM Placebo Hémorragie, n 2 5 Transfusions 2 4 Infections fungiques 8 4 _______________________________________________
Quelle surveillance ? Etat de pupilles (mydriase= possible engagement) Surtout dans les premières 24h Conscience: ouverture des yeux, réponse aux ordres, réactions aux stimulations: agitation ou au contraire évolution vers coma Etat de pupilles (mydriase= possible engagement) Déficit moteur Convulsions
Quelle surveillance ? Pression artérielle, SPO2 Surtout dans les premières 24h Pression artérielle, SPO2 Signes de choc: marbrures, extrémités froides, oligurie (sondage vésical) Polypnée ou pauses respiratoires, balancement thoraco-abdominal Encombrement bronchique, toux inefficace Troubles de la déglutition
Il est habituel qu’un malade atteint de méningite soit admis en réanimation
Chimio-prophylaxie des méningococcies Qui ? sujets contacts Personnes vivant sous le même toit (dans les 10 j) Personnes exposées aux sécrétions oro-pharyngées (dans les 10j) Manœuvres de réanimation/examen rapproché du pharynx sans masque de protection D’après Circulaire DGS 8.11.2001
Chimio-prophylaxie des méningococcies Comment ? dans les 24-48 h Rifampicine: 600 mg x 2 pendant 48 h - CI: grossesse, maladie hépatique sévère, hypersensibilité - Effets secondaires: coloration des lentilles de contact, interactions avec les contraceptifs oraux Alternative - Spiramycine: 3 MU x 2 pendant 5 j - Ciprofloxacine: 500 mg une fois - Ceftriaxone (grossesse): 250 mg IM une fois
Précautions pour les soignants Isolement respiratoire (porte fermée, masque+++) Durée: 24 heures
Jenny, 19 ans, est anglaise. Elle n’a aucun antécédent Jenny, 19 ans, est anglaise. Elle n’a aucun antécédent. Elle avait reçu un vaccin anti-méningococcique en 1997. En voyage scolaire, elle arrive à Paris dans l’après-midi du 8 avril 2003. Vers 18 heures, elle se plaint de céphalées et se sent fébrile Un médecin appelé vers 20h 30 fait les constatations suivantes: Nuque raide Purpura diffus Température à 40°C PAS: 70 mm Hg Appel au Centre 15 à 20h50
Prise en charge par l’équipe du SAMU Constatations initiales Obnubilation sans signe de localisation, vomissements en jet, nuque raide, purpura ecchymotique généralisé, PA: 90/50 mm Hg, FC= 150/min, SPO2= 96% en AA 2. Prise en charge initiale Céfotaxime : 2 g IV Remplissage vasculaire par: Hydroxyéthylamidon: 1000 ml, Gélatine fluide modifiée: 500 ml, Nacl 0,9 %: 500 ml Puis très vite en raison d’une baisse de la PA: noradrénaline 4 mg/h Transfert en réanimation médicale
En réanimation Examen clinique: identique au précédent. Pas de diurèse Premiers examens biologiques sanguins - GDS artériels (FiO2: 100%, VC: 6ml/kg): pH: 7,25, CO2T: 15 mmol/l, PaCO2: 37 mmHg, PaO2: 300 mm Hg (mmol/l): Urée: 8, Na: 139, K: 2,9, Cl: 104, glycémie: 7, lactate:7,4 Créat: 132 mol/l, protides: 37g/l, CRP: 49 mg/l. Hb: 11,5 g/dl, GR: 3,8 T/L, GB: 2,5 G/L dont PN: 2,2 G/L, plaquettes: 40 G/L TP: 12%, Fibrinogène: 0,2g/l, TCA: 150/36, Ddimères: 8g/ml
Il s’agit donc d’un purpura fulminans, très probablement à méningocoque, chez une jeune fille de 19 ans Il existe à ce stade: Une défaillance circulatoire Une défaillance hématologique avec CIVD Des troubles de la conscience Une insuffisance rénale Une acidose métabolique
Purpura fulminans infectieux : comment le reconnaître ? Purpura d’apparition brutale Extensif Survenant < 24H après les 1ers signes cliniques (fièvre, frissons, asthénie…) En contexte de gravité clinique : anomalies de perfusion Enfants >> Adultes
Purpura fulminans infectieux : présentation initiale Fièvre élevée ( inconstante ) Asthénie, troubles du comportement Tachycardie ++, TRC > 3”, diurèse Déshabiller complètement ++ Rechercher un élément purpurique nécrotique, CERCLER ++
Purpura fulminans infectieux : antibiothérapie précoce France : avis du 10 mars 2000 du Conseil supérieur d’hygiène publique. Signes infectieux + 1+ élément purpurique nécrotique de 3 mm ou plus = purpura infectieux sévère
Purpura fulminans comment ne pas en arriver là ? 4 pistes : Education des familles Antibiothérapie précoce Prévention des cas secondaires Vaccination ?
Purpura fulminans : éducation des familles Reconnaissance de la valeur d’alarme du purpura Formation à la vitropression
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