Anouar Hassoune Vice President, Senior Credit Officer

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Transcription de la présentation:

Anouar Hassoune Vice President, Senior Credit Officer Saint-Ouen 8 février 2009 Institut International de la Pensée Islamique La finance islamique au seuil de l’âge mûr: entre internationalisation et fragmentation Anouar Hassoune Vice President, Senior Credit Officer

Contexte: une industrie très jeune La finance islamique moderne a eu trente ans en 2005. Durant cette période, des taux de croissance à deux chiffres ont été enregistrés. Les actifs islamiques ont augmenté de 11% en moyenne annuelle au cours des dix dernières années dans le Golfe persique. Globalement ces actifs ont atteint une masse d’environ $600 milliards en 2008 (banques islamiques et compagnies de takaful, mais hors fonds). Toutes classes d’actifs confondues, on se situe autour de $840 mds. C’est devenu un ensemble de classes d’actifs à part entière, en voie d’internationalisation, mais encore loin d’être global. D’aucuns y voient une vaste supercherie, et au mieux une opération marketing réussie; d’autres y reconnaissent l’avenir financier du monde musulman… Entre ces deux extrêmes, notre point de vue est considérablement plus nuancé. En guise d’introduction, une fiche signalétique et deux mises en perspective: l’une historique, l’autre géographique…

La finance islamique: encore très intermédiée * 66% en Malaisie Répartition des actifs islamiques par classe

Mise en perspective historique: des hauts et des bas Naissance Dévelop- pement Croissance rapide Au seuil de l’âge mûr Peu de banques islamiques Essentiellement des start-ups Peu de dettes, beaucoup de fonds propres Base de clientèle inexistante Principes incertains Croissance numérique et en taille d’actifs Construction d’une base de dépôts Extension géographique en Asie Début d’innovation financière Principes sous-jacents plus cohérents Croissance fulgurante (chocs pétroliers) Foisonnement intellectuel Extension du retail donne un second souffle Début de désintermédiation Principes raffinés Croissance ne faiblit pas Internationalisation s’accélère Nouveaux entrants et nouvelle forme de concurrence Prise de conscience du caractère fragmenté du marché Principes sujets à de fortes interrogations

Mise en perspective historique: les raisons d’un succès fulgurant 9/11 Pétrole cher Sur-liquidité dans le golfe Persique Nouvelles classes d’émetteurs régionaux Diversification de l’investissement Prosélytisme étatique depuis 2002 La finance islamique atteint la taille critique Nouvelles classes d’actifs islamiques Investissements arabes locaux et régionaux Les émetteurs globaux lèvent des fonds dans le Golfe

Mise en perspective géographique: une industrie concentrée * Y compris: Iran, Pakistan, Soudan et Turquie Amérique du nord: <$10 mds Europe: <$20 mds Moyen-Orient*: $350 mds Asie du Sud-Est: $100 mds

Dynamique de la demande cadre réglementaire favorable « Government Pull » Vs. « Market Push » Iran Level of government “pull” Pakistan Sudan Malaysia La croissance des banques islamiques du Golfe est essentiellement nourrie par une demande explicit de la clientèle La Malaisie représente un quasi-idéal: une demande forte de la clientèle, doublée d’un régile réglementaire très favorable Bahrain Kuwait Brunei Qatar UK Singapore Bangladesh Sri Lanka Dynamique de la demande ET cadre réglementaire favorable US Japan China Indonesia United Arab Emirates Saudi Arabia Egypt Turkey Level of consumer “push”

Mise en perspective géographique: 4 degrés d’avancement Présence enracinée Position de niche Ouverture réglementaire Exploration/faisabilité

Mise en perspective géographique: « capillarisation » du phénomène Des initiatives nombreuses, éparses, faiblement coordonnées

Les axiomes de la finance islamique La monnaie est une mesure, un étalon de la valeur … pas une matière première, ni une valeur en soi Toute dette constitue une responsabilité … et ne peut donc faire l’objet d’un échange, d’une transaction La finance est au service de l’économie réelle, de la création de richesse … et pas une fin en soi, capable de générer une “inflation notionnelle” L’Islam encourage la finance participative … en cela elle est “intéressée”, pas “désintéressée” ni “charitable” … mais elle ne repose pas sur une relation de créancier-débiteur L’Islam encourage le partage des risques et des rendements … toutes les formes de partenariats sont valorisées

Les 5 piliers de l’islam financier Rappel Les 5 piliers de l’islam financier Les cinq piliers de l’islam financier contiennent 3 principes négatifs (-) et 2 principes positifs (+) : Principe n°1 (-): pas de “riba” (intérêt, usure); Principe n°2 (-): pas de “gharar” ni de “maysir” (incertitude, spéculation); Principe n°3 (-): pas de “haram” (secteurs illicites); Principe n°4 (+): obligation de partage des profits et des pertes ; Principe n°5 (+): principe d’adossement à un actif tangible. Un conseil de conformité à la Charia valide le caractère islamique d’un produit financier ou d’une transaction financière. Les investisseurs et/ou consommateurs de produits financiers sanctionnent in fine leur caractère (suffisamment) islamique.

Les Conseils de Conformité à la Charia En matière financière et bancaire, ce sont les Conseils de Conformité à la Charia (Sharia Supervisory Boards, ou Sharia Boards) qui sont les gardiens de l’« islamicité » des pratiques, i.e. des produits et des process. Les Conseils sont formés de docteurs en religion islamique (Sharia scholars) qui ont tous une compétence avancée en matière bancaire et financière. Les Conseils sont obligatoires dès qu’une institution financière prétend distribuer des produits financiers islamiques. Les Conseils ne sont pas permanents, mais se réunissent périodiquement, afin d’examiner la conformité: Des produits: ces derniers doivent tous être en phase avec les 5 piliers de l’islam financier; Des process: l’enchevêtrement (commingling) des fonds investis est interdit. En d’autres termes, la distinction des sources de financement de l’activité économique doit être clairement établie.

Enjeux et problématique A ce stade du développement de la finance islamique, une niche encore en phase de maturation, de nombreux enjeux se posent: Crédibilité et soutenabilité à long-terme du modèle islamique: qu’est-ce qui rend les banques islamiques et les produits qu’elles offrent si différents? Ces différences sont-elles viables dans le long-terme? Les facteurs-clés de succès du passé présagent-ils d’un avenir radieux? Quels défis la finance islamique devra-t-elle relever pour se constituer en concurrent sérieux de la finance conventionnelle? Pourquoi n’est-il plus possible de jeter un regard condescendant sur cette industrie, quoi qu’on puisse en penser? Problématique: les banques islamiques et, au-delà d’elles, tout le modèle de finance islamique, se sont désormais revêtus d’habits neufs, capables de transformer la dynamique concurrentielle des systèmes financiers du monde musulman… mais à certaines conditions.

Plan Pourquoi? Les raisons structurelles et conjoncturelles de l’essor des banques islamiques. Comment? La dynamique concurrentielle du marché bancaire islamique. Jusqu’où? Les limites et les défis du modèle de finance islamique sont nombreux et cruciaux.

Plan Pourquoi? Les raisons structurelles et conjoncturelles de l’essor des banques islamiques. Comment? La dynamique concurrentielle du marché bancaire islamique. Jusqu’où? Les limites et les défis du modèle de finance islamique sont nombreux et cruciaux.

1. Les raisons de l’essor des banques islamiques Désormais, c’est l’offre qui réagit à la demande Dans les années 70s, l’offre de produits islamiques a créé une demande latente, pas clairement exprimée. Aujourd’hui, c’est l’inverse… OFFRE DEMANDE Marchés financiers islamiques Produits islamiques (dépôts, placements, investissements, crédits) Liquidité (pétrodollars) Un marché encore très intermédié Un marché encore très peu liquide Un marché encore très peu profond

1. Les raisons de l’essor des banques islamiques Les effets d’une impasse stratégique pour les banques de petite taille Au Moyen-Orient, et en particulier dans le Golfe persique, la concurrence bancaire interne s’intensifie; Le marché bancaire se régionalise de plus en plus; Avec l’accession des pays à l’O.M.C., la concurrence internationale devient plus visible, plus explicite… Conséquences: Les banques de petite taille ont peu d’alternatives stratégiques. Options: fusionner, se spécialiser, ou disparaître. Culturellement, les fusions sont difficiles, donc rares; la spécialisation est le plus souvent une alternative attractive: opérationnelle et/ou « identitaire » via la conversion islamique. Pour les grandes banques, développer des “fenêtres islamiques” permet d’ériger des barrières à l’entrée, notamment pour protéger le marché “retail”.

1. Les raisons de l’essor des banques islamiques Des modalités diverses d’islamisation des banques du Golfe Banques islamiques historiques Al Rajhi Bank, Kuwait Finance House, Dubai Islamic Bank, Abu Dhabi Islamic Bank, Bahrain Islamic Bank, Shamil Bank Banques récemment islamisées Sharjah Islamic Bank (ex-NBS), Emirates Islamic Bank (ex-MEB), Kuwait International Bank, Dubai Bank Banques partiellement islamiques Toutes les banques saoudiennes, certaines agences des banques du Qatar, certaines filiales aux Émirats et à Bahreïn

1. Les raisons de l’essor des banques islamiques Un instrument de différenciation stratégique en soi Stratégies génériques: banques conventionnelles Stratégies ciblées: banques islamiques

1. Les raisons de l’essor des banques islamiques Un instrument de différenciation stratégique en soi (suite) Toute stratégie repose sur une exigence de différenciation; Trois stratégies génériques: concurrence en prix (si avantage de coûts), concurrence en qualité (si avantage de spécialisation haut de gamme) et focus (s’il existe une compétence territoriale ou opérationnelle particulière) Dans le Golfe persique, il y a peu de concurrence en prix. Les comportements bancaires sont souvent oligopolistiques. Par conséquent, il ne reste que deux stratégies génériques: la qualité ou la spécialisation (focus). La qualité est plutôt réservée aux banques de grande taille capables d’attirer les meilleurs spécialistes, de construire un capital réputationnel solide, et d’offrir une gamme suffisamment vaste de services financiers. Pour les plus petites, la spécialisation islamique est en soit un instrument de différenciation: valorisation religieuse par les clients, captation d’un part du marché retail, immunisation concurrentielle malgré la petite taille (car il est difficile de répliquer la crédibilité islamique d’une institution en peu de temps).

1. Les raisons de l’essor des banques islamiques Finance islamique et banque de détail vont de pair Les corporates sont peu sensibles à l’argument religieux en matière de financement; les particuliers le sont bien davantage, et de plus en plus. Se différencier islamiquement suppose au préalable une orientation “retail” de sa stratégie opérationnelle. Cette double dynamique est cohérente et explique dans une large mesure le succès des banques islamiques depuis une décennie: Le marché retail explose: les besoins des populations sont considérables; Le refinancement retail est très bon marché, presque gratuit dans certains cas; Renforcement de la loyauté de la clientèle: favorise la stabilité des dépôts; Le couple rendement/risque du marché retail est le plus attractif dans la région: les taux de chute sont faibles en raison de la démographie de la clientèle, dominée par les fonctionnaires locaux, les produits sont chers, la pratique de la domiciliation des salaires est quasi-systématique…

Retour sur fonds propres (2006) 1. Les raisons de l’essor des banques islamiques Des perspectives de profits très attractives: quelques chiffres (suite) Retour sur fonds propres (2006) Al Rajhi Al Rajhi 50 40 KFH Avg S. Arabia 30 DIB KFH 20 Avg Kuwait Avg UAE 10 Retour sur actifs (2006) 1 2 3 4 5 6

1. Les raisons de l’essor des banques islamiques Des perspectives de profits très attractives: explications ACTIFS PASSIFS Produits islamiques relativement chers Rende- ments bruts très élevés Accès à de vastes gisements de dépôts bon marché et stables Coût de refinan- cement très faible Marché retail bien maîtrisé; coût du risque faible Levier du crédit activement exploité MARGES ÉPAISSES

Plan Pourquoi? Les raisons structurelles et conjoncturelles de l’essor des banques islamiques. Comment? La dynamique concurrentielle du marché bancaire islamique. Jusqu’où? Les limites et les défis du modèle de finance islamique sont nombreux et cruciaux.

2. Banques islamiques: une intermédiation spécifique Dette ou fonds propres? Instruments hybrides, avec capacité d’absorption des pertes. Combinaison de contrats de musharaka et de mudaraba … Faisons l’hypothèse d’un RON de 100 et d’un taux de distribution contractuel aux PSIAs de 60% en vertu du contrat de musharaka (l’actionnaire et le PSIA fournissent tous deux le “capital”). Les PSIAs reçoivent donc 60. Sur ces 60, le contrat de mudharaba (délégation d’expertise) s’applique, et des frais de gestion de 15% sont à reverser à la banque. Les PSIAs reçoivent donc un net de 60x(1-15%)=51 et les actionnaires reçoivent 100-51=49 (i.e. un taux de RN/RON=49%, que l’on observe dans la pratique).

2. Banques islamiques et sukuk: un lien viscéral La politique financière des pays du Golfe depuis trente ans repose sur plusieurs objectifs: bancariser, mais aussi désintermédier; faciliter l’accès au crédit, mais aussi investir, et donc organiser des mécanismes de refinancement; et enfin, développer les marchés financiers islamiques comme alternative, pour des raisons sociales et politiques. Cela dit, les marchés financiers restent très intermédiés. Les banques jouent une rôle central dans le recyclage de la liquidité dérivée des pétrodollars. Eu égard à leur puissant enracinement sur le marché retail, les banques islamiques constituent une dimension importante dans la captation et la réallocation des flux financiers dans les pétromonarchies. Des contraintes émergent peu à peu: la captation des dépôts CT sert au déploiement de crédits de plus en plus longs, ce qui accroît les gaps de maturité et pose un sérieux problème d’ALM, d’autant plus que les banques islamiques ne peuvent guère utiliser des instrument de taux… Une solution existe :  inclure les sukuk dans les portefeuilles d’investissement des banques +  émissions de sukuk bancaires comme moyen de refinancement.

2. Conséquences pour la dynamique du marché islamique Les banques islamiques participent à la fois à l’expansion de la demande et de l’offre de sukuk. Les sukuk souverains « historiques », lesquels ont servis de référentiels (benchmarks), ont été absorbés immédiatement, et la demande s’est vite portée sur des émetteurs alternatifs de sukuk. La demande restant disproportionnée par rapport à l’offre, le marché des sukuk demeure très peu liquide: les investisseurs institutionnels préfèrent une posture de « buy-and-hold ». Le caractère très intermédié des systèmes financiers du Golfe crée une corrélation indirecte mais puissante entre les prix du pétrole d’une part, et les marchés financiers islamiques, y compris de sukuk, d’autre part.

2. La dynamique concurrentielle des banques islamiques Parts de marché des banques islamiques dans une sélection de pays: à la hausse! Les marchés bancaires islamiques sont peu désintermédiés, ce qui donne aux banques islamiques une mainmise importante sur les marchés de financement des particuliers et de certaines corporates (middle market)… Au total, les banques contrôlent une part de marché d’environ 17%

2. La dynamique concurrentielle des banques islamiques L’analyse stratégique classique s’applique au cas des banques islamiques Nouveaux entrants A Dynamique concurrentielle Clients Marchés Régulation C D B Substituts

2. La dynamique concurrentielle des banques islamiques A. Les nouveaux entrants sont nombreux Nouvelles banques islamiques: conversions, mais aussi start-ups (Al Masref, Al Salam, Al Hilal, Bank Albilad, Masraf Al Rayan, Islamic Bank of Britain, European Islamic Investment Bank, Boubyan Bank…) Nouveaux produits/innovation financière: concurrence indirecte des grandes banques globales occidentales. Fenêtres islamiques et filialisation: réactions préférées des banques conventionnelles installées De nouveaux métiers: structuration, titrisations islamiques; gestion d’actifs islamiques; investissements directs (private equity, immobilier, infrastructure)… … Donnent naissance à des acteurs d’un type nouveau: les banques d’investissement islamiques. Ex: Gulf Finance House, Arcapita Bank, Unicorn Investment Bank, Millenium Capital Corp.

2. La dynamique concurrentielle des banques islamiques B. Les banques islamiques réagissent aussi aux effets de substitution Les marchés bancaires islamiques sont peu désintermédiés, ce qui donne aux banques islamiques une mainmise importante sur les marchés de financement des particuliers et de certaines corporates (middle market)… environ 20% de parts de marché. Cela dit, des substituts tendent à poindre, en raison de la surliquidité qui prévaut dans le Golfe persique: les sukuk (obligations islamiques), fonds islamiques (actions et immobilier notamment), les transactions de private equity islamiquement structurées… Ces produits viennent concurrencer les dépôts islamiques, qui constituent le principal avantage concurrentiel de ces banques. La réaction consiste à développer de nouveaux leviers de refinancement: les « profit-sharing investment accounts » (ou PSIAs) et dans une moindre mesure les sukuk (certificats d’investissement islamiques) bancaires. Ces instruments sont plus chers, mais ils permettent la rétention des flux financiers au passif des banques islamiques.

2. La dynamique concurrentielle des banques islamiques C. Remplois et liquidité: deux défis importants Remplois: un enjeu important pour les banques islamiques réside dans l’exigence de diversifier davantage les emplois, en dehors du seul marché retail. Ces remplois sont rares, notamment au sein des secteurs corporates: les PME peuvent constituer une alternative intéressante. Les crédits hypothécaires, si toutefois le cadre législatif le permet, sont aussi explorés. En matière de portefeuille d’investissement, les classes d’actifs éligibles sont peu nombreuses et intrinsèquement risquées: portefeuilles actions, et investissement direct en capital ou dans des projets immobiliers pour l’instant. Liquidité: c’est sans doute la faiblesse la plus importante des banques islamiques. Les instruments de gestion de la liquidité sont souvent des instruments de taux, interdits par la Charia. D’où l’existence de substituts ad hoc (comme en Arabie saoudite), et un marché interbancaire encore immature. L’innovation financière sera cruciale dans ce domaine, ce à quoi le Liquidity Management Center (à Bahreïn) s’emploie.

2. La dynamique concurrentielle des banques islamiques D. Incertitudes et contraintes réglementaires Seules les lois bancaires du Koweït, de Bahreïn, de Malaisie et du Liban ont prévu un cadre réglementaire particulier pour les banques islamiques. Mais cela ne va pas sans poser un certain nombre de problèmes… En Malaisie, 20% des actifs bancaires de chacune des banques du système devront être conformes à la Charia avant 2010. Au contraire, au Koweït, les banques conventionnelles ne peuvent offrir de produits islamiques; et les licences islamiques sont rares. Le Qatar est plus opportuniste dans sa démarche: toute banque peut ouvrir des agences islamiques. Les Émirats offrent la possibilité de filiales islamiques. Le Sultanat d’Oman a tout bonnement interdit la finance islamique. C’est en Arabie Saoudite que la situation est la plus inédite: réglementer la finance islamique, ce serait reconnaître qu’il y aurait des banques « illicites »

Plan Pourquoi? Les raisons structurelles et conjoncturelles de l’essor des banques islamiques. Comment? La dynamique concurrentielle du marché bancaire islamique. Jusqu’où? Les limites et les défis du modèle de finance islamique sont nombreux et cruciaux.

3. Les limites et défis du modèle de finance islamique Réputation et crédibilité La finance islamique ne gagnera ses lettres de noblesse et ne pourra accéder à une forme de reconnaissance internationale qu’à un certain nombre de conditions: Transparence: la lecture des comptes des banques islamiques est un exercice difficile tant les concepts et les termes employés sont étrangers au jargon financier standard; le contenu informationnel des états financiers est souvent pauvre. Gouvernance: les banques islamiques sont souvent actives dans des régions émergentes qui valorisent assez peu les bonnes pratiques de gouvernance. Gestion des risques: certains risques inhérents aux banques islamiques sont à ce point spécifiques qu’ils nécessitent une approche différente en matière de gestion des risques. Par exemple: le « risque commercial translaté » (entre liquidité et ALM) Comptabilité: il existe des normes comptables islamiques… appliquées de manière très hétérogène. Notre proposition: des normes duales (IFRS + AAOIFI)

3. Les limites et défis du modèle de finance islamique Gestion des risques: a-t-on besoin d’un canevas spécifique aux banques islamiques? Les concepts et techniques usuels de gestion des risques sont dans une large mesure applicable en l’état aux banques islamiques. Toutefois, certains risques sont spécifiques: L’enchevêtrement des risques: Les contrats conformes à la Charia, comme les contrat d’ijara, de murabaha, ou de mudharaba, tendent à combiner dans les mêmes produits des risques de crédit et de marché, avec de surcroît des effets possibles d’optionalité cachée; Le risque commercial translaté: des rendements insuffisants sur les PSIAs ou les sukuk peuvent précipiter le remboursement des passifs, exerçant une pression accrue sur la liquidité. L’analyse de la gestion actif-passif (ALM) par conséquent intégrer les anticipations des pourvoyeurs de fonds… une tâche particulièrement délicate. L’IFSB (Islamic Financial Services Board) a rendu public un cadre conceptuel exhaustif pour la gestion des risques des banques islamiques. Certaines banques centrales l’utilisent comme un complément, mais pas un substitut, à leurs propres exigences réglementaires en la matière.

3. Les limites et défis du modèle de finance islamique Questions récurrentes en matière de gestion des risques dans les banques islamiques La gestion de la liquidité n’est pas chose facile. Sur-représentation des contrats d’ijara (leasing): la question de la re-tarification (repricing) est cruciale. Les risques de concentration sont élevés, ce qui nourrit la pro-cyclicité des rendements d’actifs alors que les banques islamiques entendent “lisser” les coûts de passifs. Les continuums de passifs sont difficiles à construire: peu de subordination, peu de titrisation, peu de convertibilité (optionalité sous-jacente). Peu de moyens de couvrir les risques: les dérivés sont (presque) inexistants. Gérer les risques d’image et de réputation: ce n’est pas un vain effort.

3. Les limites et défis du modèle de finance islamique Le reporting comptable: notre suggestion pour une approche dual Afin de traiter le problème de l’hétérogénéité du reporting comptable des banques islamiques, l’option du double reporting demeure sans doute la plus riche: Principe: les banques islamiques devraient appliquer tant les IFRS (normes comptables internationales) que les normes de l’AAOIFI* (spécifiques aux banques islamiques), en fonction du type de transaction comptabilisée; Conséquence: cela aurait l’avantage d’accroître la comparabilité des états financiers des banques islamiques globalement, ainsi qu’entre les banques islamiques et leurs concurrentes conventionnelles. Même lorsque les normes comptables nationales sont appliquées par les banques islamiques, une forme de réconciliation en phase avec l’approche duale proposée ci-dessus devrait être conduite et publiée. *AAOIFI: Accounting and Auditing Organization for Islamic Financial Institutions

3. Les limites et défis du modèle de finance islamique Une cohérence conceptuelle encore en gestation Il existe une forme de concurrence normative au sein du monde musulman, reflétant les différences d’interprétation de la vulgate islamique par des courants divergents. En particulier, on oppose traditionnellement l’Extrême Orient chafiite est plus « libéral » que le Golfe hanbalite, même en matière bancaire. Cela dit, la réalité est plus nuancée. Il n’y a rien de tel qu’une frontière géographique clairement entre d’une part, un islam plutôt conservateur, et d’autre part, un islam plutôt libéral… en matière d’ingénierie financière. La représentation traditionnelle d’une Asie plus souple opposée à un monde arabe plus conservateur, si elle reste (presque) vraie dans une perspective sociale, l’est beaucoup moins lorsqu’il s’agit de finance islamique. En revanche, des lignes de fracture existent à l’intérieur de chaque grand marché, notamment au sein-même de la région dominante du golfe Persique quant à la nature suffisamment islamique des produits financiers. Ex: Doubaï Vs Riaydh.

3. Les limites et défis du modèle de finance islamique L’absence de standardisation des pratiques a des conséquences sérieuses à court et moyen termes A court terme, peu de convergence en matière d’importance relative des principes clés qui nourrissent cette industrie. Cela crée: de la confusion dans le marché; de l’asymétrie, et par conséquent des formes de concurrence déloyale de l’illiquidité, et un manque de profondeur des marchés A long terme, l’absence de monde commun, ou l’absence d’au moins une série de normes communes, pourrait conduire à: davantage de fragmentation: marchés locaux/régionaux Vs marchés internationaux/globaux davantage de ghettoïsation: pas une finance islamiques, mais des finances islamiques Une perte de crédibilité: rédhibitoire pour une industrie jeune, en gestation Cela mérite pourtant quelques nuances…

3. Les limites et défis du modèle de finance islamique La question de la standardisation: de quoi parle-t-on au juste? La standardisation est d’autant plus adaptée qu’un marché se globalise: c’est de plus en plus pertinent pour les fonds islamiques, les sukuk, et les produits financiers dits “de gros”. A contrario, tant qu’un produit doit s’adapter aux spécificités de son marché local, une marge de flexibilité existe, et les degrés de liberté sont fonctions des demandes idiosyncrasiques.

3. Les limites et défis du modèle de finance islamique En définitive, qui décide? En dernier ressort, ce sont les consommateurs de produits financiers (clients et investisseurs) qui décident du caractère suffisamment islamique d’un instrument ou d’une classe d’actifs. Bien entendu, le comportement du consommateur est influencé, mais pas déterminé, par les opinions (fatwas en arabe) des membres des Conseils de Conformité à la Charia (les fameux “Sharia Supervisory Boards” ou “Sharia Boards”). Les émetteurs d’instruments financiers islamiques peuvent (et doivent) toujours s’adapter aux contraintes locales et régionales qui s’imposent à eux en matière de conformité à la Charia, en fonction de leurs stratégies commerciales de placement/distribution. Davantage de flexibilité conceptuelle permet une plus grande innovation, mais porte aussi le risque de multiplier le nombre de sous-marchés en concurrence, au risque de cannibaliser l’industrie dans son ensemble.

3. Les limites et défis du modèle de finance islamique Des paradoxes persistants Paradoxalement, la communauté financière internationale (i.e. occidentale) est sans doute parmi les plus fervents supporteurs de la finance islamique telle qu’elle tend à émerger; les tentatives de « torpillage » du projet d’extension de la finance islamique proviennent de l’intérieur… Quelques exemples: en Égypte, l’université d’Al Azhar (une référence dans le monde musulman) a édicté une fatwa disposant que l’intérêt était parfaitement licite en Islam; l’Afrique du Nord résiste (encore un peu) face aux demandes pressantes de banques islamiques orientales; l’Indonésie fait preuve d’une grande réserve; Oman n’a toujours pas autorisé la finance islamique sur son sol… Finalement, il n’est pas certain que les marchés financiers islamiques les plus prometteurs soient réellement dans le monde arabe…

3. Les limites et défis du modèle de finance islamique Internationalisation, globalisation Chiffres à fin 2005

3. Les effets de taille sont cruciaux Taille et diversification Principales banques islamiques: petites et peu diversifiées (d’un point de vue géographique et opérationnel) Le marché des sukuk globaux doit se développer davantage: seulement $40 mds au 31/12/2008 Prévisions

3. Émissions de sukuk: un marché en pleine croissance L’effet subprime! Un marché plus volumineux: 150 milliards de dollars à l’horizon de 2012. Un marché plus diversifié: de nouveaux émetteurs; des structures plus complexes (titrisation et convertibles en particulier). Essentiellement des émetteurs corporates et bancaires Essentiellement des émetteurs souverains

CONCLUSIONS Les défis de l’industries financière islamique Quelques anticipations en matière de banque islamique Quelques anticipations en matière de sukuk

L’industrialisation du modèle passera par davantage de coordination L’industrie financière islamique connaîtra des défis importants, à la mesure de son évolution rapide Les régulateurs devront s’adapter Construire une réglementation/législation parallèle pour la finance islamique Favoriser l’émergence d’un cadre concurrentiel équitable Améliorer l’impact sur l’économie réelle et sur la société La période initiale était focalisée sur les instruments de dette dans une perspective de réplication Les instruments de haut de bilan (equity) sont aujourd’hui à l’honneur avec l’internationalisation Attirer davantage de capital humain L’industrie a besoin de nouveaux talents pour s’engager dans une nouvelle vague de créativité L’industrie a besoin, de manière proactive, d’institutionnaliser sa formation Engagement et sponsorisation Renforcer la recherche académique pour se donner les moyens de définir sa direction prospective Les régulateurs, les praticiens et les jurisconsultes doivent se coordonner davantage Favoriser l’expansion des institutions financières islamiques Les acteurs actuels ont un horizons limité, mais commencent à découvrir de nouveaux horizons Les liens transfrontaliers et le décloisonnement des métiers sont une force L’industrialisation du modèle passera par davantage de coordination

Conclusions pour les banques islamiques Les banques islamiques devraient: continuer de générer des profits élevés, tant la croissance du marché retail leur est favorable. Cela est vrai dans le Golfe, mais aussi en Malaisie. se concurrencer de manière plus intense: les nouveaux entrants sont nombreux et parfois puissants. davantage s’internationaliser, mais à un rythme prudent: les marchés de prédilection sont l’Europe et l’Asie. La décorrélation aux prix du pétrole est en marche. diversifier leurs actifs: la croissance du marché des sukuk souverains, corporates et même bancaires aidera sans doute à élargir la gamme des actifs éligibles. L’innovation financière devrait s’intensifier. croître de manière organique: la consolidation bancaire au sein du marché bancaire islamique n’est pas à l’ordre du jour. Au contraire, de nouveaux entrants devraient faire leur apparition.

Conclusions pour le marché des sukuk Pour le marché des sukuk, nous anticipons davantage de: Complexité et diversité Volumes et d’écarts dans la qualité de crédit Titrisation, structuration et subordination Liquidité, ou l’émergence d’une finance islamique… sans banques islamiques