Prise en charge thérapeutique des infections à mycobactéries atypiques SPIF 18/03/06 Dr Nicolas Veziris Service de Pneumologie, Laboratoire de Bactériologie-Hygiène, Pitié-Salpêtrière, Paris Centre National de Référence des Mycobactéries et de leur Résistance aux Antituberculeux
Diagnostic des infections pulmonaires à mycobactéries atypiques diagnostic difficile car la mycobactérie est isolée de cavité ouverte (sur l’environnement) la mycobactérie isolée peut: - être responsable d’infection pulmonaire - coloniser l’arbre bronchique - être un contaminant de la culture
Faut-il traiter ces patients (tes) ? Prince (NEJM, 1989) : 21 patients (17 femmes, 4 hommes) Anomalies cliniques et radiographiques + preuve d’une infection à M. avium 100% réponse initiale au traitement mais 8 rechutes 4 décès reliés à l’infection à M. avium
Critères diagnostiques des infections pulmonaires Critères diagnostiques des infections pulmonaires à mycobactéries atypiques (ATS, 1997) Signes cliniques et radiologiques de tuberculose pulmonaire ou de bronchopneumopathie subaigüe évoluant depuis plusieurs semaines + Culture positive à mycobactérie atypique Et , si et seulement si - au moins 3 prélèvements sont positifs avec > 20 colonies de la même espèce de mycobactérie (identification certaine) ou - 2 prélèvements seulement sont positifs avec > 20 colonies de la même espèce de mycobactérie (identification certaine) mais au moins 1 des 2 prélèvements est positif à l'examen microscopique (présence de baar) - 1 prélèvement seulement est positif en culture mais il s'agit d'un prélèvement profond (biopsie ou ponction chirurgicale) et l'examen histologique montre des baar ou des signes d'infection à mycobactérie (granulome) Immunodépression - locale (pathologie locale chronique) ou - générale (cancers, greffes, SIDA, traitement immunosuppresseur) Compte tenu des critères bactériologiques stricts permettant de faire le diagnostic [15], la réalisation d'au moins 3 prélèvements est nécessaire lorsque la nature du prélèvement le permet (sécrétions respiratoires, hémoculture, écoulement cutané...). Mais ceci ne s’applique pas aux infections cutanées
Traitement
Mycobacterium avium complex Résultats décevants du traitement antituberculeux conventionnel : Négativation des expectorations dans 25 à 90% des cas. Révolution de la clarithromycine à la fin des années 80.
MAC : sensibilité naturelle aux antibiotiques CMI inférieures aux concentrations sériques clarithromycine (1 mg/l) azithromycine (2 mg/l) CMI juste inférieures aux concentrations sériques amikacine (16 mg/l) moxifloxacine (2 mg/l) CMI un peu supérieures aux concentrations sériques rifampicine (16mg/l), rifabutine (2mg/l) ethambutol (16 mg/l) sparfloxacine (2 mg/l) CMI très supérieures aux concentrations sériques isoniazide, pyrazinamide, minocycline ofloxacine, ciprofloxacine linezolide
Mycobacterium avium complex In vivo, le modèle murin : Bactéricide : clarithromycine, amikacine, éthambutol Bactériostatique : sparfloxacine, clofazimine Inactive : rifampicine, rifabutine
Mycobacterium avium complex Modèle murin : Pas d’augmentation de la bactéricidie par ajout éthambutol, rifabutine, rifampicine ou sparfloxacine à la clarithromycine. Augmentation de la bactéricidie par amikacine pendant 4 ou 8 semaines.
Mycobacterium avium complex Modèle murin : Prévention sélection mutants R-clari : Efficacité d’amikacine Aucun effet de minocycline, éthambutol, rifabutine ou éthambutol+rifabutine
Mycobacterium avium complex Chez l’homme Premier essai de la clarithromycine en monothérapie (Wallace 1994) : 58% négativation des expectorations 3/19 rechutes avec une souche clari-R
MAC chez l’immunodéprimé Clarithromycine (CLR) monothérapie efficace mais sélection mutants résistants (Dautzenberg 1991, 1993). CLR efficace en prophylaxie (Pierce 1996) Efficacité de l’association CRE (clari+rifabutine+ethambutol)(Shafran 1996) Ajout clofazimine augmente mortalité (Chaisson 1997) CRE > CE en termes de survie (Benson 2003)
Mycobacterium avium complex Clarithromycine (Tanaka 1999) : 46 patients Clr+Emb+Rmp+Sm puis Fluo 39 > 6 mois trt 21 trt complet 12 culture négatives 2 négativations puis rechute 7 toujours culture positive 14 en cours de trt 10 négativation des cultures 1 négativations puis rechute 3 toujours culture positive 4 sorties d’étude entre 6 et 24 mois
Mycobacterium avium complex Influence de la sensibilité à la clarithromycine : 31 souches clari-S 26 négativations 5 cultures + persistantes (dont 3 sélections de souches clari-R) 8 souches clari-I/R 2 négativations 6 cultures + persistantes
Mycobacterium avium complex Azithromycine (Griffith 2001) Azt+Emb+Rfb+Sm (2 premiers mois) 55 à 65% négativation des expectorations 4% développent R-clari
Mycobacterium avium complex Facteurs influençant la réponse au trt Charge bacillaire initiale Antécédent de trt > 6 mois Sensibilité à la clarithromycine Forme clinique Facteurs n’influençant pas la réponse au trt Comorbidités Extension initiale de la maladie Utilisation de kanamycine
Mycobacterium avium complex Effets indésirables : Tanaka 46 patients 3 arrêts clarithromycine (rash/hypoacousie/diarrhée) 10 dus aux autres antibiotiques (BAV, rash, oreille interne, hépatite, hypothyroïdie) Griffith 92 patients 10 azithromycine (hypoacousie, troubles digestifs) 1/3 des patients sous rifabutine (troubles digestifs, arthralgies, frissons, fièvre, leucopénie) 2 BAV avec arrêt éthambutol. Wallace 50 patients 4 arrêts clarithromycine (hypoacousie, cholestase) 16/39 autres antibiotiques (troubles digestifs, BAV, leucopénie, uvéïte) 9/24 arrêt rifabutine 8/36 arrêt éthambutol 3/25 arrêt rifampicine 3/29 streptomycine
Mycobacterium avium complex Des nouveautés ? Linezolide CMI=32 mg/l Pic=20 mg/l Moxifloxacine CMI=0.125-2 mg/l Pic= 2,5 mg/l Un cas de LLC avec MAC disséminé Succès de linezolide + mefloquine + GM-CSF Evaluation modèle murin de l’association moxifloxacine+mefloquine+ethambutol Bactéricide à 1 mois, mais pas de témoin clarithromycine.
Mycobacterium avium complex Chirurgie : Nelson 1998, 28 patients Indications : échec trt médical (15), complications du poumon détruit (4), programmé dans le trt initial (9) (ère pré-macrolides) 8 pneumonectomies, 18 lobectomies, 2 résections atypiques. 2 décès 7 complications précoces 23/26 culture négative à 1 mois 1/26 survivants à deux ans rechute
Mycobacterium avium complex Conclusion Clarithromycine et amikacine sont les deux antibiotiques efficaces. L’intérêt de l’ajout de la rifabutine n’est pas bien démontré Fréquence des rechutes dans les formes bronchectasiques Recommandation : Clarithromycine+ethambutol+rifabutine+/-amikacine durant les 2 premiers mois Durée : 1 an après négativation des cultures
Mycobacterium xenopi In vitro Modèle murin (Lounis, 2001): ATB aux CMI inférieurs aux concentrations sériques : clarithromycine, fluoroquinolones, aminosides. ATB aux CMI proches des concentrations sériques : rifampicine, isoniazide (éthambutol). Modèle murin (Lounis, 2001): intérêt de la clarithromycine (supérieure à RMP + INH + EMB), pas d’augmentation de la bactéricidie par l’ajout de fluoroquinlones, aminosides ou traitement antituberculeux.
Mycobacterium xenopi Antibiotiques : 30 à 50 % négativation expectoration. 1 essai randomisé comparant 2 ans de RE ou RHE (BTS, 2000): Pas de différence 42 patients : 8 sorties de protocole 24 DC 5 échecs et rechutes 7 succès « Better regimens are required » 1 essai ouvert : clari + oflo + ethamb/clofa (Dautzenberg, 1993) : 11/11 négativations expectorations à 6 mois 1 rechute
Mycobacterium xenopi Chirurgie : Une étude portant sur 57 patients (Parrot, 1988) 27 succès 28 évolutions défavorables 12 décès 7 rechutes 9 autres 9 cancers
Mycobacterium xenopi Conclusion Pronostic très défavorable de ces patients dû aux comorbidités. Intérêt de la clarithromycine Nécessité d’une meilleure description de la maladie.
Mycobacterium kansasii Comme M. tuberculosis sauf… Résistance au pyrazinamide Résistance bas niveau à l’isoniazide ATS recommande isoniazide+rifampicine+ethambutol 18 mois
Mycobacterium kansasii Intérêt isoniazide ? (BTS, Thorax, 1994) Etude prospective rmp+emb 9 mois 113 patients 1 toujours C+ à 8 mois mais inobservant. 15 repositivation culture après fin traitement Guérison stabilisé sur 3 ans chez 80% des malades
Mycobacterium kansasii 12 ou 18 mois de traitement ? (Sauret J, Tuber Lung Dis. 1995) 28 patients HIV-, atteinte pulmonaire, 1985-91 14 traités avec rifampicine-isoniazide-éthambutol 12 mois (éthambutol 6 mois) 14 traités 18 mois. Suivi 12-30 mois. 100% guérison 1 rechute dans le groupe 12 mois
Mycobacterium kansasii Place de la clarithromycine. Griffith, Clin Infect Dis, 2003 18 patients Clarithromycine + rifampicine + éthambutol, 3 fois par semaine 4 perdus de vue Négativation expectoration en 1 mois Durée traitement 13 mois en moyenne Bonne tolérance Pas de rechute à 46 mois de suivi
Mycobacterium kansasii Place de la clarithromycine. (Shitrit, Chest 2006) 56 patients Clarithromycine+rifampicine+ethambutol, 1 an après négativation des cultures Négativation culture en 9 mois 100% guérison
Mycobacterium kansasii Conclusion Pronostic globalement meilleur que xenopi ou avium complex Recommandation officielle isoniazide+rifampicine+ethambutol mais clarithromycine de plus en plus utilisé.
CONCLUSION Malgré les progrès enregistrés grace à la clarithromycine le traitement des infections pulmonaires à M. avium complex et M. xenopi reste non satisfaisant tant en terme de résultats que d’effets indésirables.