Dr C.Aumeran Hygiène Hospitalière RISQUES LIÉS À UNE MAUVAISE UTILISATION DES ANTIBIOTIQUES OU ECHEC D’UNE ANTIBIOTHERAPIE : POURQUOI ??? Dr C.Aumeran Hygiène Hospitalière
ECHEC THERAPEUTIQUE (1) Echec clinique : persistance ou aggravation des signes cliniques locaux et/ou généraux d’infection malgré l’antibiothérapie Echec microbiologique : isolement persistant de/des bactérie(s) initialement isolée(s) Nécessité de changement de traitement ATB Facteurs d'origine variée Certains peuvent être évités par une approche thérapeutique plus rationnelle EFFETS SECONDAIRES DES ANTIBIOTIQUES
PLAN Echec pharmacologique lié à l’antibiotique Echec lié à l’agent pathogène Erreur d’identification de l’agent pathogène Echec lié au site d’infection Echec lié au patient « Faux » échecs
Echecs pharmacologiques liés à ATB (1) Choix de molécule initiale inadapté (1 ; 9) Retard thérapeutique surmortalité PAVM : mortalité 22 à 73% car BMR (P.aeruginosa, A.baumannii, SARM) Analyse rétrospective 2154 chocs septiques (9) Prescription complexe : couvrir tous les germes en cause Ex : PAC grave : pas d’association β-lactamine et ATB intra-cellulaire Infection polymicrobienne aéro-anaérobie : bactéries pathogènes non traitées (Anaérobies dans infections abdo, gynéco et parties molles) Infections sévères : choix de l’antibiothérapie initiale Germes habituellement en cause pour la pathologie traitée Épidémiologie loco-régionale de la résistance de ce pathogène
Echecs pharmacologiques liés à ATB (2) Ignorance des paramètres PK/PD (2) Interaction PK/PD détermine le niveau d'activité du médicament ATB temps-dépendant (T>CMI) β-lactamines ; Macrolides ; Glycopeptides Tetracyclines ; Oxazolidinone ; Streptogramines ; Clindamycine Fluconazole ; Fluocytosines ATB concentration-dépendants (AUC/CMI et Cmax/CMI) Aminosides ; FQ ; Daptomycines ; Ketolides Amphotericine B ; Métronidazole
Echecs pharmacologiques liés à ATB (3) Quantité insuffisante d’ATB : posologie trop faible (4) Données malaysiennes sur ATB injectables 2002 62% C3G et 17% cefoperazone–sulbactam (dose 1–2 g/12 h) USI : 50% Acinetobacter spp ; 33% Klebsiella spp ; 8% E. coli : R C3G Gerding, 1985 : posologie cefoperazone pour CMI sensible = 2 - 3 g/6 h Durée TRT inadaptée : mortalité ; rechutes
Echecs pharmacologiques liés à ATB (4) Echec de diffusion/pénétration de l’ATB (1) Caractères physicochimiques de l’ATB : liposolubilité PK de l’ATB inadaptée au site infecté = inadéquation du TRT Compartiments accessibles Bonne diffusion tissulaire : Macrolide, β-lactamines, FQ Pénétration ATB dans SNC, oeil, prostate Liposolubles = bonne : Chloramphénicol, RMP, Métronidazole, FQ, Cyclines, Trimethoprime Peu liposolubles = mauvaise : β-lactamines, Aminosides, Vanco Infections intracellulaires : Macrolides, FQ, Lincosamides, Cyclines
Echecs pharmacologiques liés à ATB (5) Inhibition de l ’activité de l’ATB (1) Interactions médicamenteuses Inducteur du métabolisme hépatique = taux sérique macrolides Diurétiques et BZD = modification élimination rénale céphalosporines Inhibition activité ATB par facteurs d'environnement Liaison au matériel purulent inactive aminoside Liaison pénicillines et tétracyclines à Hb : efficacité dans hématome PO2 (abcès, suppurations abdominales) : activité aminosides Acidification urinaire : activité aminosides, macrolides et lincosamides Acidité Phagolysosome : cyclines non bactéricides sur C.burnetti (3) Alcalinisation : activité nitrofuranes et cyclines Alcalinisation : ↑ activité macrolides, clindamycine, aminosides
Echecs liés à l’agent pathogène (1;4) Résistance bactérienne Constitutive Emergence de résistance en cours de traitement Dissémination Pression de sélection Acquisition de résistance par une souche sensible Transfert génétique (6) ; Mutation spontanée ; Induction de résistance régulée préexistante dans la population bactérienne Sélection d’une sous-population résistante Utilisation topiques locaux (5) ; ATB dans l’environnement (8) Couple ATB – Bactérie émergence de résistance Bactéricidie insuffisante de l’ATB Bactéries persistantes ou quiescentes Effet inoculum Erreur d'identification du pathogène
Résistance bactérienne Constitutive Entérobactérie groupe 1 : multi-sensibles E.coli ; P.mirabilis (R nitrofurantoine, tétracyclines) ; Salmonella spp ; Shigella spp Entérobactérie groupe 2 : pénicillinase chromosomique Klebsiella spp ; C.koseri Entérobactérie groupe 3 : Céphalosporinase chromosomique inductible Enterobacter spp (R C2G) ; Morganella spp (R C2G) ; P.vulgaris (R cefuroxime) ; C.freundii ; Serratia spp ; Providencia spp Entérobactérie groupe 4 : Pénicillinase + céphalosporinase Yersinia enterocolitica
Emergence de résistance (1) Dissémination Non respect des règles d’hygiène Utilisation large des ATB ± correcte Diffusion germes résistants à hôtes réceptifs Acquisition de résistance par une souche sensible Transfert génétique (6) : Kluyvera ascorbata et Entérobactérie productrice de CTX-M : gènes de résistance similaires à 95–100%
Emergence de résistance (2) Acquisition de résistance par une souche sensible Mutation spontanée Résistance FQ (Staphylocoques, P. aeruginosa, Entérobactéries) Altérations du gène codant pour l’ADN gyrase 1 mutation résistance de bas niveau Plusieurs mutations résistance de haut niveau P. aeruginosa et mucoviscidose : jusqu’à 80 % de résistance Toutes FQ +++ Association FQ + autre ATB ne prévient pas nécessairement la résistance : mauvaise diffusion dans le foyer infectieux monothérapie FQ
Emergence de résistance (3) Acquisition de résistance par une souche sensible Induction résistance régulée préexistante dans population bactérienne -lactamines Induit hyperproduction enzyme hydrolyse C3G Entérobactéries groupe 3 : céphalosporinase chromosomique naturelle FEP, FPO : stables face à l’hydrolyse sauf niveau de production enzymatique trop important Transitoire : disparaît quand inducteur enlevé du milieu Kaye, 2001: infections à Enterobacter spp + C3G = 19 % R (OR = 2,3) Association C3G + aminoside Ne prévient pas l’induction par les β-lactamines Pourrait réduire l’émergence de ces souches in vivo Alternative thérapeutique : IMP, FQ, aminosides
Emergence de résistance (4) Sélection d ’une sous-population résistante Utilisation de topiques locaux (5) Ac fucidique en topique local résistance chez S.Aureus Shah, 2003 : dermatologie, patients avec culture S.aureus (durée 4 mois) 62% patients ont utilisé ac fucidique local dans les 6 mois précédents S.Aureus R FUC : 51% en dermatologie VS 9,6% ailleurs Eczema atopique : 78% S.Aureus R FUC Infection S.Aureus R FUC : 96% utilisation Ac fucidique dans 6mois Infection S.Aureus S FUC : 29% utilisation Ac fucidique dans 6mois
Emergence de résistance (5) Sélection d’une sous-population résistante ATB dans l’environnement (8) Avopacine (glycopeptide) Evite croissance bactérienne chez animaux ERV : animaux exposés (Danemark 56% chez volaille) ; homme Suppression avopacine prévalence ERV : Viande (Italie 15% à 8%) ; Personnes saines (Allemagne 12% à 3%) Gènes de résistance à la nourseothricine (streptothricines) retrouvé rapidement après leur introduction Bactéries animales (Salmonelle) et humaines (Salmonelle et Shigelle) Flore commensale humaine (fermiers); Infections urinaires à E.Coli Transfert de gène de résistance entre bactérie animale et humaine
Emergence de résistance (6) Imipénème Carbapénèmases Inhibiteurs enzymatiques Céphalosporinases plasmidiques K.pneumoniae, E.coli, Salmonelles C3G -lacatamases IRT E.coli, K.pneumoniae -lacatamases à spectre étendu K.pneumoniae, K.oxytoca, E.coli, Enterobacter… Céphalosporinases hyperproduites Enterobacter, Serratia, Citrobacter, Pseudomonas … Ampicilline Pénicillinases plasmidiques N.gonorrhoeae, H.influenzae, Enterobactéries, P.aeruginosa… Pénicilline G Céphalosporinases inductibles Enterobacter, Citrobacter, Serratia, Pseudomonas … Pénicillinase S.aureus 1945 1950 1955 1960 1965 1970 1975 1980 1985 1990 1995 D’après A.Philippon
Emergence de résistance (7) Couple ATB – Bactérie (1 ; 4) Portage S.pneumoniae I/R Péni (7) : nombre TRT ATB (C3G orale, AMX, AMC) dans les 3 mois précédents -lactamine/inhibiteur -lactamase Inhibition -lactamases plasmidiques, Bantar 2004 Remplacement C3G par TZP K. pneumoniae BLSE (68% à 37%) Effet protecteur contre ERV, Donskey, 1999 Protection : ampicillin–sulbactam ; TZP Augmentation risque d’acquisition: C3G ; TCC C.difficile, Wilcox, 2004 Remplacement CTX par TZP : taux diarrhée à C.diffcile > 50% Reprise CTX : taux diarrhée à C.diffcile de 232 %
Emergence de résistance (8) Couple ATB – Bactérie (1 ; 4) Céphalosporines à large spectre BGN : Résistance chromosomique et plasmidique P.aeruginosa, Acinetobacter spp : -lactamase + imperméabilité + efflux Utilisation excessive : NNIS 1992-2003 EBLSE (K.pneumoniae , E.coli), A.baumanii multi-R Favorise infections : SARM, ERV, diarrhée à C.difficile Carbapénèmes - P.aeruginosa et Acinetobacter spp Utilisation FQ efflux + imperméabilité R FQ + R IPM Carbapénémases : rapide ; extension autres espèces (Citrobacter spp) NNIS 1992-2003 : 12,4% P. aeruginosa R IMP dont 28% R CIP/LEV Aminosides : peu de résistance croisée.
Emergence de résistance (9) Couple ATB – Bactérie (1 ; 4) FQ Résistance croisée aux FQ et autres classes d’ATB Induction d’efflux chez les BGN notamment P.aeruginosa multi-résistance (Paramythiotou, 2004) SAMR et FQ Facteur de risque persistance portage SAMR (Harbarth 2000) Facteur de risque infection à SAMR (OR = 8,01) (Graffunder 2002) Exposition aux FQ expression facteurs d’adhésion facilitant la colonisation par S.aureus C.difficile et levofloxacine (Gerding, 2004) Vancomycine : émergence en 30 ans ; pas de résistance croisée
Emergence de résistance (10) Couple ATB – Bactérie (1 ; 4) Fish, 1995 : Meta-analyse incidence émergence résistance Huit classes d’antibiotiques ; 225 régimes de traitement Emergence résistance : 4 % bactéries ; 5,6 % infections traitées Significative : monothérapies pénicillines, aminosides > IMP, ATM, associations ATB Echec clinique fréquent : monothérapies FQ, aminosides Infections + incidence résistance élevée : mucoviscidose, ostéomyélite, infections voies aériennes inférieures Patient + incidence résistance élevée : réanimation ; ventilation mécanique Bactéries + incidence résistance élevée Serratia spp, Entérobactéries, Acinetobacter spp et P. aeruginosa Résistance par mutation unique aux ATB antipseudomonas Risque de sélection : IMP (RR = 44), CIP (RR = 9,2) > CAZ, aminosides
Bactéricidie insuffisante de l'antibiotique Défenses immunitaires systémiques ou locales insuffisantes Bactériémie à SAMS : Vancomycine < Oxacilline Effet inoculum efficacité certains ATB CMI β-lactamines avec inoculum bactérien sous-évaluée dans antibiogramme Sous-dosage ATB au foyer infectieux Bactéries persistantes ou quiescentes ; sites peu accessibles : Ostéomyélites chroniques, endocardites (HACEK) ; Biofilm
Gradients chimiques et de nutriments Biofilms = Populations organisées de microorganismes Associés aux surfaces : biotopes naturels ou artificiels Englobés dans une matrice extracellulaire auto-produite Composition : protéines + exopolysaccharides Actions Barrière de diffusion Filtre « chargé » pour certains agents antimicrobiens Complète l’action d’enzymes ou de pompes à efflux Gradients chimiques et de nutriments Activité métabolique
Biofilms = Populations organisées de microorganismes Résistance aux différents agents antimicrobiens augmentée MAIS mécanismes de résistance méconnus Biofilm de Bacillus subtilis (10) « Imperméabilité » du biofilm : « repousse » les liquides Produits avec concentration en éthanol jusqu’à 80% Rôle des exopolysaccharides +++
Erreur d'identification du pathogène Germe difficile à mettre en évidence : flore commensale Germe difficile à cultiver : mycobactérie Test de détection antigénique : AgU pneumocoque, 10 % faux + Antibiogramme Erreur d’interprétation Discordance in vivo/in vitro SARM sensible céphalosporines in vitro mais inefficaces in vivo Cotrimoxazole inefficace sur prostatites à Enterococcus spp sensible ATB à bonne diffusion intraprostatique MAIS germe utilise folates pour son métabolisme
Echecs liés au site Rétention purulente Présence de matériel étrangers Drainage chirurgical généralement nécessaire Vidange spontanée : abcès pulmonaires Traitement médical seul : abcès tubo-ovariens, abcès hépatiques Présence de matériel étrangers Adhérence bactérienne Biofilm Ablation nécessaire Maintien Rechutes (bactériémie à S.aureus) ; Décès (Candida et KT) Localisation secondaires : Métastases infectieuses ; persistance foyer endovasculaire, endocardite
Echecs liés au patient Patient immunodéprimé Délai d’administration des ATB dans infections sévères Mauvaise compliance : prises multiples ; effets secondaires Voie administration inadaptée Absorption insuffisante Perfusion intraveineuse défectueuse Troubles digestifs (vomissements, diarrhée) Injections intramusculaires (collapsus) FQ et anti-acides
« Faux » échecs Diagnostic initial erroné : documentation incorrecte ; absence d'infection bactérienne 2ème pathologie non influencée par TRT ATB en cours Nouvelle infection (nosocomiale +++) : sélection d'espèces résistantes ; colite à Clostridium difficile Non infectieuse : néoplasie, SDRA, thrombose veineuse, veinite Impatience injustifiée Intolérance médicamenteuse Inactivation de l'antibiotique lors perfusion : aminosides et héparine, vancomycine
Bibliographie Échec de l’antibiothérapie en réanimation. Réanimation 16 (2007) 179–192 Optimisation of antimicrobial therapy using pharmacokinetic and pharmacodynamic parameters. Clin Microbiol Infect. 2001 Nov;7(11):589-96. Review. Q fever. Clin Microbiol Rev. 1999 Oct;12(4):518-53 Squeezing the antibiotic balloon: the impact of antimicrobial classes on emerging resistance. Clin Microbiol Infect. 2005 Oct;11 Suppl 5:4-16. Review Dumb and dumber--the potential waste of a useful antistaphylococcal agent: emerging fusidic acid resistance in Staphylococcus aureus. Clin Infect Dis. 2006 Feb 1;42(3):394-400. Beta-lactamases of Kluyvera ascorbata, probable progenitors of some plasmid-encoded CTX-M types. Antimicrob Agents Chemother. 2002 Sep;46(9):3045-9. Risk factors for carriage of drug-resistant Streptococcus pneumoniae among children in Memphis, Tennessee. J Pediatr. 1996 Jun;128(6):757-64. Epidemiology of resistance to antibiotics. Links between animals and humans. Int J Antimicrob Agents. 2000 May;14(4):327-35. Review. Duration of hypotension before initiation of effective antimicrobial therapy is the critical determinant of survival in human septic shock.Crit Care Med. 2006 Jun;34(6):1589-96. Bacterial biofilm shows persistent resistance to liquid wetting and gas penetration. Proc Natl Acad Sci U S A. 2011 Jan 18;108(3):995-1000.
Abréviations AgU : antigène urinaire AMX : amoxicilline AMC : amoxicilline-acide clavulanique ATB : antibiotique ATM : aztréonam BGN : bacille gram négatif BZD : benzodiazépines C3G : céphalosporine de 3ème génération CAZ : ceftazidime CIP : ciprofloxacine CTX: cefotaxime EBLSE : Entérobactérie productrice de ß-lactamase à spectre étendu FDR : facteur de risque FEP : cefepime FPO : cefpirome FQ : fluoroquinolones Hb : hemoglobine Hc : hémocultures IMP : imipénème KT : cathéter LEV : levofloxacine PAC : pneumonie communautaire aigue PAVM : Pneumopathie acquise sous ventilation mécanique PD : Pharmacodynamie PK : Pharmacocinétique TRT : traitement TCC : ticarcillin-clavulanate TMP : triméthoprime TZP : piperacilline-tazobactam R : Résistance RMP : rifampicine