Collège des Enseignants de Pneumologie CAS CLINIQUE Proposé, revu et corrigé par : Ch. Marquette (Université de Nice - Sophia Antipolis) G. Deslée (Université de Reims Champagne Ardennes) A. Scherpereel (Université de Lille2) A. Delage (Université Université Laval Québec) P. Astoul (Université de la Méditerranée) Items des ECN concernés par ce cas clinique : 5 les examens paracliniques en pneumologie 86 infections respiratoires non tuberculeuses 157 cancer bronchique 198 orientation diagnostique devant une dyspnée 211 oedème de Quincke et anaphylaxie 227 BPCO 324 orientation diagnostique devant une opacité intrathoracique
Monsieur C …. , 69 ans, consulte aux urgences pour dyspnée et gonflement du visage. A l’examen vous notez une érythrose faciale, un œdème des paupières, un œdème en pèlerine et des varicosités sous-cutanées thoraciques. La voix est éteinte, on note un cornage lorsque l’on demande au patient d’inspirer profondément. La femme du patient vous apprend que les symptômes sont apparus progressivement au cours des trois derniers jours, depuis qu’il prend des antibiotiques prescrits pour une bronchite aigue. Jusqu’alors son mari pratiquait du vélo 2 à 3 fois par semaine sans essoufflement Elle vous signale aussi que son mari se plaint depuis la nuit dernière d’avoir des céphalées rebelles aux antalgiques usuels. Monsieur C …. n’a pas d’antécédents particuliers en dehors d’un tabagisme à 50 paquets-années.
Son épouse vous montre un compte rendu de la radiographie qui avait été réalisé il y a un an lors d’un bilan de santé (qui concluait : « image thoracique normale »). Elle vous montre aussi le « test de souffle » réalisé à cette époque.
A l’auscultation thoracique on note des sibilants Les aires ganglionnaires sont libres. Il n’y a pas d’hépato ou de splénomégalie. La tension artérielle à 150/80 à droite et à 150/75 à gauche. Le pouls est à 92/min, la T° à 37,5C°. La SpO2 est à 97%.
A ce stade de l’observation quelle est votre hypothèse diagnostique ?
Syndrome cave supérieur en raison de l’association d’un de la tête, du cou et des membres supérieurs d’une circulation veineuse collatérale préthoracique, de l’érythrose faciale, des signes d’hypertension intracrânienne débutante. L’angiœdème (œdème de Quincke) aurait pu être évoqué car la symptomatologie oedémateuse est évocatrice et débute après la prise de médicaments potentiellement allergisant Mais, le caractère très progressif de la symptomatologie l’absence d’urticaire associé l’absence d’autres signes de la lignée anaphylactique (respiratoires, digestifs, hémodynamiques) sont des arguments qui plaident contre ce diagnostic. Par ailleurs, la circulation collatérale préthoracique, et les signes d’hypertension intracrânienne n’ont rien à voir avec un l’angiœdème
La radiographie de thorax est la suivante
Vous complétez votre bilan par la réalisation d’un scanner thoracique dont voici deux coupes, l’une passant par la crosse aortique, l’autre passant au niveau de la carène.
A ce stade de l’observation quelle est votre hypothèse diagnostique ?
Masse du médiastin avec compression ou envahissement cave supérieur Compte tenu de la localisation (médiastin moyen) et du caractère compressif de la masse on suspecte une tumeur ou des adénopathies tumorales (métastatiques d’une tumeur d’organe solide ou lymphome)
les compartiments du médiastin
1 cm en arrière du corps vertébral en avant du péricarde 1 cm compartiment antérieur compartiment viscéral (moyen) 1 cm sulcus para vertebral 1 cm
niveau supérieur arc aortique niveau moyen carène niveau inférieur
compartiment antérieur compartiment postérieur Thymus Vaisseaux extra-péricardiques Tissus lymphatiques compartiment postérieur compartiment viscéral (moyen) coeur Vaisseaux intrapéricardiques péricarde Trachée Hiles pulmonaires Œsophage canal thoracique chaine sympathique systeme azygos
Médiastin antérieur moyen postérieur Contenu normal thymus aorte extrapéricardique veines tissu lymphatique cœur gros vaisseaux intrapéricardiques péricarde trachée hiles pulmonaires oesophage nerf vague canal thoracique chaînes sympathiques système azygos Masses malignes Thymome Séminome Dysembryomes malins Lymphomes (ADP) Cancers (ADP) Neuroblastome bénignes Goitre endothoracique Anévrysme de l’aorte ascendante ou de la crosse Lipome ou franges graisseuses péricardiques Kyste pleuro-péricardique Hernie de la fente de Larrey Sarcoïdose (ADP) Tuberculose (ADP) Kyste bronchogénique Pneumoconiose (ADP) Hernie hiatale Mégaoesophage Schwannome Neurofibrome Anévrysme de l’aorte descendante
Comment expliquez vous l’œdème de la tête, du cou et des membres supérieurs ? Comment expliquez vous la dyspnée, et le cornage ? Comment expliquez vous la voix éteinte ?
Il existe une masse du médiastin moyen (mais aussi du médiastin antérieur). La masse du médiastin moyen est responsable d’une compression du système veineux cave supérieur (on ne voit plus la lumière de la veine cave supérieure). Ceci explique les oedèmes de la partie supérieur du corps. La masse du médiastin moyen est responsable d’une compression de la trachée (sa lumière est franchement diminuée sur la partie gauche de la figure. Ceci explique la dyspnée et le cornage. La masse du médiastin moyen infiltre la fenêtre aorto-pulmonaire par où passe le nerf récurrent gauche. Son atteinte peut être responsable de la dysphonie par le biais d’une paralysie récurrentielle gauche. Un syndrome cave supérieur sévère peut aussi être responsable d’une dysphonie par le biais d’un œdème laryngé.
Atteinte du nerf phrénique : hoquet paralysie phrénique qui se manifeste par une dyspnée et une asymétrie des mouvements thoraciques, avec ascension paradoxale d’un hémi-diaphragme en radioscopie (l’hémidiaphragme paralysé remonte à l’inspiration profonde). Atteinte du nerf récurrent gauche le nerf récurrent gauche (CV gauche) issu du pneumogastrique gauche devant la crosse de l'aorte qu'il croise par en dessous avant de remonter à gauche de la trachée, en avant de l'œsophage. Le long de ce trajet il est en contact avec de nombreux relais ganglionnaires thoraciques paralysie de la corde vocale avec dysphonie (voie éteinte ou bitonale) le nerf récurrent droit décrit sa croisse à la limite supérieure du thorax sous l’artère sous-clavière n’est donc pas atteint au cours des syndromes médiastinaux.
Atteinte du nerf récurrent gauche le nerf récurrent gauche (paralysie de la CV gauche)
Syndrome de Pancoast-Tobias cancer du sommet du poumon Atteinte du plexus brachial Atteinte du 1er ganglion sympatique
Syndrome de Pancoast-Tobias Atteinte du plexus brachial les racines C8-D1 sont à la limite supérieure du thorax douleur descendant sur le bord interne du bras et le 5ème doigt troubles sensitifs dans le même territoire (cancer du sommet, syndrome de Pancoast-Tobias). Atteinte du 1er ganglion sympatique : atteinte du premier ganglion de la chaîne cervicale responsable du syndrome de Claude Bernard Horner myosis, ptose palpébrale énophtalmie
Syndrome de Claude Bernard-Horner myosis, ptose palpébrale énophtalmie
Syndrome cave supérieur 1: V. cave sup 2 : V. innominée 3 : V. sous clavière 4 : V. azygos 5 : V.jugulaire interne 6 : V. jugulaire externe 7 : V. mammaire interne 8 : V. thoracique latérale 9 : Arche jugulaire antérieure
Syndrome cave supérieur Lié à une obstruction du système cave supérieur Compression externe Envahissement Thrombus Le plus souvent d’origine tumorale Le sang veineux de la partie sup du corps ne peut plus rejoindre le cœur droit Les signes sont d’autant plus aigus que la compression est aigue Une compression très progressive entraîne l’installation d’un réseau de suppléance intra et extra thoracique qui permet de rejoindre le cœur droit via le système cave inférieur
Syndrome cave supérieur
Syndrome cave supérieur
Manifestations vasculaires Syndrome cave supérieur Dilatations veineuses veines collatérales pré-thoraciques cherchant à établir des communications avec les veines inter-costales pour rejoindre le système azygos veines sublinguales, veines des fosses nasales, veines rétiniennes (visibles au fond d’oeil). Peut entraîner épistaxis et hémoptysies Œdème bouffissure du visage, des paupières, oedème en pèlerine œdème des structures profondes dysphagie (œsophage) une dyspnée et une toux (trachée et bronches) un épanchement pleural une dysphonie (cordes vocales). Céphalées matinales Lié à l’œdème cérébral Cyanose localisée aux mains et au visage nez, lèvres, pommettes, oreilles, ongles, doigts accentuée par la toux et l’effort
Syndrome cave supérieur
Syndrome cave supérieur
Autres manifestations des Syndromes Médiastinaux Digestives dysphagie (difficulté à avaler) intermittente ou permanente, débutant généralement par les grosses bouchées puis s’étendant à tous les solides et aux liquides traduit une compression de l’oesophage. en rapport avec une atteinte de l’œsophage Respiratoires Par atteinte de l’arbre trachéobronchique proximal Dyspnée Toux sèche Wheezing Hémoptysie
Quels seraient les moyens de vous assurer du diagnostic de l’affection dont souffre Monsieur C … ?
médiastinoscopie axiale : permet l’exploration du médiastin moyen via l’introduction du médiastinoscope par une incision à la base du cou juste au-dessus du sternum ou Bronchofibroscope avec ponction des masses ou des adénopathies du médiastin moyen réalisées à l’aveugle ou sous guidage d’une sonde d’échographie située à l’extrémité de l’endoscope
médiastinoscopie axiale permet l’exploration du médiastin moyen via l’introduction du médiastinoscope par une incision à la base du cou juste au-dessus du sternum médiastinoscopie axiale
La vidéomédiatinoscopie
Ponction transmuqueuse à l’aiguille Bronchofibroscopie avec ponction des masses ou des adénopathies du médiastin moyen réalisées à l’aveugle Ponction transmuqueuse à l’aiguille
Giemsa x 100
écho-endoscopie bronchique Bronchofibroscopie avec ponction des masses ou des adénopathies du médiastin moyen réalisées sous guidage d’une sonde d’échographie située à l’extrémité de l’endoscope aiguille écho-endoscopie bronchique ganglion
Comment appelle-t-on le « test de souffle » que le patient avait réalisé il y a un an ? Comment l’interprétez-vous ? ?
Pensez vous que le patient souffre d’une BPCO ?
Non, car on ne nous parle pas de toux productive ni d’essoufflement à l’effort et sa fonction respiratoire est normale.
Etait-il justifié de prescrire une antibiothérapie au moment où elle a été prescrite chez ce patient, justifiez ?
Non, car l’abstention de toute prescription antibiotique en cas de bronchite aiguë de l’adulte sain est la règle. Quand cette antibiothérapie a été prescrite, le patient était à considérer comme sain, même s’il était gros fumeur, compte tenu de ses données fonctionnelles respiratoires.