Le syndrome confusionnel du sujet âgé B. Durand-Gasselin Groupe Hospitalier Paris Saint-Joseph
Sujet âgé Age chronologique > 80 ans Espérance de vie # 10 ans Polypathologie (5 diagnostics/patient en moyenne en court séjour gériatrique) Polyhandicaps
Vieillissement cérébral Modifications biologiques Processus inflammatoires, radicaux libres, modifications hormonales Modifications anatomiques : Diminution progressive du nombre de neurones, diminution de l’acétylcholine et de la dopamine ; Diminution du poids du cerveau, atrophie cortio-sous-corticale. Modifications fonctionnelles : Diminution de l’attention, de la résistance aux interférences, aux doubles tâches Diminution de l’aptitude à l’effort : mémoire, adaptation, gestion du stress
Epidémiologie de la confusion 10 - 20% des motifs d’admission en court séjour gériatrique Prévalence 10 - 50% en milieu gériatrique Jusqu’à 85% en post-opératoire Mortalité hospitalière : 10 - 65% Morbidité hospitalière : Prolongation du séjour (x2) Augmentation du taux d’institutionnalisation
Définition de la confusion Altération globale des facultés psychiques Faillite réversible et temporaire du fonctionnement cérébral Trouble aigu de l’attention et de la cognition Pas de définition standardisée jusqu’au DSM III (Diagnostic and Statistical Manual of mental disorders – 1980) “Delirium” en anglais
Critères du DSM-IV Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders, 4th ed Text Revision (DSM-IV-TR). American Psychiatric Association 2000 A. Perturbation de la conscience avec diminution de la capacité à mobiliser, focaliser, soutenir ou déplacer l'attention B. Modification du fonctionnement cognitif (telle qu'un déficit de la mémoire, une désorientation, une perturbation du langage) ou bien survenue d'une perturbation des perceptions qui n'est pas mieux expliquée par une démence préexistante, stabilisée ou en évolution
Critères du DSM-IV C. La perturbation s'installe en un temps court (habituellement quelques heures ou quelques jours) et tend à avoir une évolution fluctuante tout au long de la journée D. Mise en évidence, d'après l'histoire de la maladie, l'examen physique, ou les examens complémentaires, que la perturbation est due aux conséquences physiologiques directes d'une affection médicale générale
Critères pratiques Chronologiques +++ Sémiologiques Étiologiques Début brutal Évolution fluctuante Durée : quelques jours Fin brutale Sémiologiques Anxiété, perplexité anxieuse, agitation Trouble de l’attention et de la vigilance Hallucinations, onirisme Pensée incohérente Inversion du rythme nycthéméral Étiologiques Cause organique ou médicament
Démence Installation progressive Troubles cognitifs Amnésie antérograde Désoriention temporo-spatiale Syndrome aphaso – apraxo – agnosique Repercussion sur le quotidien Evolution mortelle en 10 ans
Confusion ou démence ? Critères chronologiques +++ Début Brutal Insidieux Durée Quelques jours > 6 mois Evolution Fluctuante Continue Fin Délimitée
Confusion ou démence ? Critères chronologiques +++
Confusion ou démence ? Critères sémiologiques Vigilance Altérée Inchangée Attention Agitation Fréquente Rare Anxiété Pensée Incohérente Pauvre Hallucinations Fréquentes Rares
Confusion ou démence ? Critères sémiologiques
Confusion ou démence ? Critères étiologiques Etiologie Maladie somatique Maladie d’Alzheimer D Vasculaire Médicaments D Mixte D à Corps de Lewy D Fronto-temporale
Confusion ou démence ? En pratique souvent associés Dans 2/3 des cas la confusion se surajoute à la démence : La démence est un facteur de risque majeur de confusion… comme l’insuffisance cardiaque est un facteur de risque d’œdème aigu du poumon (OAP) 25% des syndromes confusionnels sont révélateurs de démence … comme l’OAP est révélateur d’insuffisance cardiaque Un épisode confusionnel est un facteur de risque de développement ultérieur d’une démence Dans le doute : conclure à un syndrome confusionnel
Autres diagnostic différentiels Dépression Anxiété État maniaque Surdité Aphasie de Wernicke Ictus amnésique Etat délirant
Étiologies médicamenteuses Psychotropes : anxiolytiques (introduction ou sevrage), antidépresseurs tricycliques, anticonvulsivants, neuroleptiques Anticholinergiques : antihistaminiques, atropiniques, antiparkinsonniens Cardiotropes : ß-bloquants, diurétiques, antihypertenseurs centraux, disopyramide, Antalgiques palier II (dextropropoxyphène, codéïne, tramadol) et morphiniques Anti-inflammatoires non stéroidiens, corticoïdes Mélanges +++
Étiologies organiques Post-chirurgie : anesthésie, immobilisation Traumatismes : fractures, contusion cérébrales, douleurs Douleurs : de toute origine, fécalome, rétention aiguë d’urines Infectieuses extra-cérébrales : fièvres, septicémies, pneumopathie, infection urinaire, sigmoïdite, érysipèle Métaboliques : hypo- et hyperglycémie, hypo- et hypernatrémie, hypercalcémie, déshydratation, insuffisance rénale, encéphalopathie hépatique, anémie, intoxication et sevrage alcoolique (delirium tremens et carence en vitamine B1), monoxyde de carbone Cérébrales : accidents vasculaires cérébraux, tumeurs, hématomes intracrâniens et hémorragie méningée, épilepsie et état post-critique, méningite, méningo-encéphalite, hypertension intracrânienne Cardiaques : infarctus, insuffisance cardiaque décompensée, troubles du rythme et de la conduction, embolie pulmonaire Pulmonaires : anoxie, insuffisance respiratoire aiguë CAUSES INTRIQUEES +++
Interrogatoire Préciser la chronologie d’installation Définir l’état cognitif antérieur Chercher une cause médicamenteuse Ordonnances Introduction récente d’un nouveau produit ? Arrêt brutal d’une benzodiazépine ? D’une intoxication alcoolique ? Chercher un traumatisme physique Chercher un choc psychologique
Examen clinique Après sédation si besoin température, pression artérielle, pouls Cuir chevelu, ecchymoses Signes d’imprégnation alcoolique Examen neurologique avec recherche d’un signe de localisation y compris examen du champ visuel, recherche d’une ataxie cérébelleuse, d’un trouble du langage Examen extra-neurologique : recherche d’un globe, d’un fécalome, d’une douleur
Examens paraclinique Hémoglobine, leucocytes, natrémie, glycémie, calcémie, créatinine, ASAT-ALAT, bilirubine, CPK, LDH, troponine Gaz du sang, radio de thorax, ECG Alcoolémie, carboxyhémoglobine, dosage médicaments Scanner cérébral sans injection +/- ponction lombaire (PL), électroencéphalogramme (EEG)
Traitement De la cause +++ S’installer, calmer, rassurer Lieu calme, isolé Prendre du temps Se nommer, nommer le patient, donner des repères Ecouter Rassurer, expliquer Si insuffisant ou agitation incontrôlable Méprobamate 250 à 800 mg Exceptionnellement, neuroleptique
Traitement préventif +++ Facteurs de risque modifiables Repérer la démence Âge, endroit, faits récents Présentation, hygiène corporelle Limiter la longueur de l’ordonnance Surveiller l’état d’hydratation Pesée +++ Incitation aux boissons Perfusion sous-cutanée
Traitement préventif +++ Bien communiquer Seul à seul Vérifier l’audition Audioprothèses en place, en état de marche S’installer Phases simples et courtes Vérifier la vue Demander les verres correcteurs S’installer face à la lumière Se présenter Expliquer les soins, l’hospitalisation Aider à s’orienter Messages répétés, positifs et rassurants
Traitement préventif +++ Respecter le rythme jour/nuit Mobiliser Lever précoce Fauteuil Suppression de la contention Former les infirmières…et les médecins Relativiser les comportements dérangeants (déambulation, refus toilette, repas, médicaments) Éviter l’escalade symétrique, ne pas répondre aux provocations
Situations pratiques Que faire en cas de : Agitation Délire Envie de contention
Que faire en cas d’agitation ? S’installer Prendre du temps S’installer au calme, au même niveau visuel Gestes doux et prévenants Éclairage direct Audioprothèses en place, ton de voix calme, apaisant Établir un contact physique Situation à deux
Que faire en cas d’agitation ? Bien communiquer Se nommer et nommer la personne par son nom Donner des repères Dans le temps et dans l’espace Famille, métier, médecin traitant Utiliser les mots du patient Utiliser des phrases simples et courtes, une seule directive à la fois Proposer des réponses en oui/non, laisser le temps de la réponse Mots du patient : « mes affaires » vs « toilette intime » ; « opération de la matrice » vs « hystérectomie » ; « cachets » vs « médicaments » ; « docteur » vs « médecin traitant » « Je vais vous aider pour vous déplacer pour vous rapprocher du lavabo pour faire la toilette du haut avec votre gant et du savon » vs « je vais vous aider pour la toilette » ; « vous aller mettre les pieds sous le fauteuil…. » ; « que voulez-vous pour le petit déjeuner » ; A quel endroit avez-vous mal ? » ; »qu’est-ce qui vous ferait plaisir ? » ;
Que faire en cas d’agitation ? Essayer de comprendre Que s’est-il passé de nouveau ? Que veut-il dire ? Rechercher une cause Endogène : Douleur ? Faim ? Tristesse ? Anxiété ? WC ? Exogène : Conflit familial ? Deuil ? Relativiser les comportements dérangeants (déambulation, refus toilette, repas, médicaments) Éviter l’escalade symétrique, ne pas répondre aux provocations Exemple confusion inexpliquée : divorce de la fille ; argent réclamé par patient…. Exemple toilette Sœur G…
Que faire en cas d’agitation ? Faire diversion Proposer une occupation Proposer une collation Se faire accompagner Proposer une solution alternative, passer la main à un collègue Appeler le médecin Pousser le chariot, accompagner
Que faire face à un sujet âgé délirant ? Ecouter le délire Montrer que on a bien entendu : Reformuler Poser des questions Donner son avis Sur le caractère irréel du thème délirant Redonner au patient des points de repère Amener le patient à critiquer lui-même le délire
Que faire pour éviter la contention ? Prévention : y réfléchir avant Être convaincu que la contention est un acte violent : Non conforme aux recommandations de la Haute Autorité de Santé (2000) Aggrave le risque de chute La chute est un risque acceptable au cours du vieillissement (discussion éthique) Faire preuve d’empathie : Comprendre le patient Comprendre l’incompréhension du patient
Que faire pour éviter la contention ? Solutions alternatives Avoir un objectif de soins cohérent (fin de vie = contention ?) Aller faire un tour avec le patient ; kiné ; famille Lit « Alzheimer », matelas au sol, fauteuil coquille Sensibiliser le médecin au risque d’arrachage : Perf IV voie SC, tt discontinus Sonde U sondages AR ou discontinu nocturne O2 arrêt ou arrêt de la surveillance de la saturométrie Occuper : magazine, collation, pliage du linge, enveloppes à tamponner, accompagnement Informer la famille : ici on ne fait pas ça… Imaginez-vous attachée à la fin de votre vie …
Conclusion La confusion est un dysfonctionnement cérébral aigu et transitoire En gériatrie la confusion se surajoute parfois à la démence Les médicaments sont souvent en cause Le traitement est préventif +++ (communication, explications) Recherche et suppression de la cause