LES URGENCES EN GÉRIATRIE Docteur Manuella Dubois Centre de Médecine Gériatrique et UHCD - CHRO
DÉFINITIONS Situations physiques, psychologiques et/ou sociales pouvant mettre en jeu le pronostic vital et/ou fonctionnel d’une personne âgée. 65 ans selon l’OMS, 85 ans en pratique gériatrique Peuvent se rencontrer à domicile, en institution ou à l’hôpital.
Législation réglementant la profession d’infirmier (art. R 4311-14) -1- En l’absence d’un médecin, l’IDE est habilité dans le cas d’une urgence à mettre en œuvre des protocoles de soins pré-établis et accomplir les gestes conservatoires nécessaires jusqu’à l’intervention d’un médecin.
Législation réglementant la profession d’infirmier (art. R 4311-14) -2- En dehors de protocoles pré-établis, l’IDE décide des gestes à pratiquer en attendant l’intervention d’un médecin et devra si nécessaire orienter le patient vers une structure adaptée.
La personne âgée aux urgences – 1 - Motif d’admission aux urgences identique quelque soit le lieu de vie. 80% = Problème d’ordre médical, 16% = Traumatismes. Déterminants de l’admission au SAU = État clinique et absence d’alternative.
La personne âgée aux urgences – 2 - Même qualité de soins que pour le sujet jeune (tout en tenant compte du rapport bénéfice/risque) et mêmes règles éthiques (toujours demander l’avis du patient et de sa personne de confiance). Éviter la sous médicalisation (rattacher trop facilement les symptômes à l’âge) et la sur médicalisation (acharnement dans des situations apportant peu de bénéfices au patient).
Spécificité de l’urgence chez l’âgé -1- Il s’agit des mêmes urgences que pour le sujet jeune: Hémorragie méningée Infarctus myocardique Coma diabétique Ischémie de membre … Certaines situations sont plus délétères chez le sujet âgé: Chute Déshydratation Intoxication
Spécificité de l’urgence chez l’âgé -2- Certains syndromes gériatriques sont des urgences dont les mécanismes déclencheurs sont difficiles à élucider: Confusion, agitation Chute Perte d’autonomie Incontinence Le risque principal est d’aboutir à un phénomène de « cascade » avec intrication des pathologies: Pneumopathie Confusion Chute Fracture …
Spécificité de l’urgence chez l’âgé -3- La clinique est souvent atypique : Infarctus sans douleur thoracique, Hypoglycémie sans signe sympathique, Sepsis sans fièvre … L’attitude thérapeutique est la même que chez le sujet âgé. La défaillance du système d’aides à domicile chez une personne dépendante peut être une urgence. Une altération subaiguë de l’autonomie ou de l’état général doit alerter.
Points de repères généraux simples -1- Ne pas mettre sur le seul compte de l’âge les symptômes observés. Si l’on identifie une pathologie, toujours chercher à savoir si elle évolue seule, expliquant l’ensemble du tableau constaté ou si quelque chose d’autre est survenue (simple juxtaposition ou lien de causalité). Savoir hiérarchiser (commencer par le plus « rentable »).
Points de repères généraux simples -2- La iatrogénie est très fréquente en gériatrie et facile à corriger. Se méfier des urgences retardées et donc savoir agir suffisamment tôt. Chercher toujours à interroger les aidants.
Points de repères généraux simples -3- Respecter la déontologie : Le soin est un contrat entre le patient et le soignant accorder tous les soins nécessaires et « raisonnables » selon l’état du patient, en accord avec lui ou son entourage (personne de confiance). Attention au risque de rationnement des soins chez les PA peut être délétère pour le patient et aussi pour la société.
Points de repères généraux simples -4- Repérer les situations de Fragilité intérêt de l’évaluation globale gérontologique, nécessaire pour prendre une décision : faire le(s) diagnostic(s), évaluation de l’autonomie (ADL, IADL), rechercher les facteurs de vulnérabilité physiques, psychiques et socio-affectifs (plusieurs grilles d’évaluation disponibles), évaluer les aides disponibles.
Informations et éléments immédiats nécessaires à la prise en charge des PA à l’arrivée dans un SAU -1- L’infirmier(e) d’organisation de l’accueil: l’identification exacte du patient, données concernant les accompagnants, présence de troubles du comportement, évaluer rapidement l’état de gravité du patient.
Informations et éléments immédiats nécessaires à la prise en charge des PA à l’arrivée dans un SAU -2- L’infirmier(e) en zone de soins: évaluation de l’état de gravité du patient, prises des constantes (T°, TA, pouls, FR, glycémie capillaire, SaO2), évaluation de la douleur état physique global (hygiène, nutrition), repérer la fragilité, mode de vie, évaluation de l’autonomie (ADL, IADL), réalisation des examens complémentaires et des thérapeutiques.
Informations et éléments immédiats nécessaires à la prise en charge des PA à l’arrivée dans un SAU -3- Le médecin en zone de soins: anamnèse précise (interrogatoire du patient, des aidants, du médecin traitant), examen clinique rigoureux et le plus complet possible, prescription d’examens complémentaires utiles et nécessaires (mais attention, ils sont parfois atypiques…).
Informations et éléments immédiats nécessaires à la prise en charge des PA à l’arrivée dans un SAU -4- Les examens complémentaires: NFS = l’anémie peut expliquer beaucoup de symptômes (confusion, chute, asthénie, insuffisance cardiaque) atypie = déshydratation Ionogramme sanguin = déshydratation, hyponatrémie, dyskalièmie, hypercalcémie, dénutrition, atypie = créat ECG = angor ou IDM non douloureux (chute, asthénie,…), atypie = bloc de branche fréquent Glycémie = diabète fréquent chez les sujets âgés.
Informations et éléments immédiats nécessaires à la prise en charge des PA à l’arrivée dans un SAU -5- Hospitalisation inutile diagnostic bien établi, Traitement possible dans la structure habituelle, absence de co-morbidités graves pouvant compliquer la prise en charge, environnement adapté, accord patient/entourage, s’assurer qu’une réévaluation rapide est possible, faire une fiche d’information de sortie Transfert en réanimation âge physiologique et non officiel, autonomie antérieur, ATCD de défaillance d’organe et terrain, souhait du patient et/ou de son entourage, risque de dépendance définitive aux techniques de suppléances, estimation du rapport bénéfice/risque, dimension éthique.
Les urgences en gériatrie 1. Syndrome confusionnel 2. Malaise / perte de connaissance 3. Altération aiguë de l’autonomie 4. Chute 5. Syndrome infectieux 6. Syndrome douloureux
Le syndrome confusionnel -1- Définition Diagnostic évoqué devant toute perturbation du comportement avec : caractère aigu, troubles de vigilance dans la journée, altération globale des fonctions cognitives, diminution des activités psychomotrices ou hyperactivité, inversion du rythme veille/sommeil, troubles de la parole propos incohérents
Le syndrome confusionnel -2- Démarche initiale Toujours rechercher une cause organique (hospitalisation +++) : prendre les constantes (T°+++), rechercher un signe neurologique focal, rechercher un fécalome, une rétention urinaire, examiner le cœur, les poumons, l’abdomen, les articulations…, vérifier les médicaments, rechercher la notion de chute, éthylisme ou chauffage défectueux, rechercher une douleur non exprimée, examens complémentaires (NFS, ionogramme, créatininémie, calcémie, glycémie, CRP, ECG, RP,…)
Le syndrome confusionnel -3- Conduite à tenir maintenir un éclairage suffisant, savoir tolérer un certain degré d’agitation, corriger les déficits sensoriels, aider à boire et manger, lever et faire marcher (ne pas attacher), traiter la cause organique aiguë.
Malaise et perte de connaissance -1- Définition Perte de connaissance plus ou moins complète et brutale, s’accompagnant fréquemment d’une hypotonie posturale. Elle traduit une souffrance transitoire et non focalisée du SNC.
Malaise et perte de connaissance -2- Démarche initiale Enquête étiologique rigoureuse et urgente. interrogatoire du patient et des témoins++++ circonstances, horaire, lieu, signes d’accompagnement, profondeur et durée de la perte de connaissance (longue = épilepsie ?, courte = cause cardiovasculaire ?), ATCD et terrain. examen clinique complet +++ (neurologique, cardiovasculaire,…). examens complémentaires : Constantes, glycémie capillaire, NFS, ionogramme sanguin, ECG.
Malaise et perte de connaissance -3- Étiologies Cardiovasculaires (IDM, EP, hypotension orthostatique, troubles de rythme cardiaque…), Neurologiques (épilepsie, AIT…), Divers (anémie, hypoglycémie, déshydratation…).
Altération aiguë de l’autonomie -1- Définition Apparition rapide d’une incapacité (complète ou partielle) à effectuer seul, correctement et sans aide les activités de la vie quotidienne (intellectuelle, physique, sociale, affective).
Altération aiguë de l’autonomie -2- Démarche initiale Toujours rechercher une cause organique ou toxique. Interrogatoire : rechercher une notion chute, de changement de médicaments. Examen : T° (hypothermie ou fièvre?), pouls, TA (à comparer aux chiffres habituels), FR, SaO2 (dyspnée?) Diurèse (rétention urinaire, anurie) Examen clinique rigoureux par le médecin. Examens complémentaires : NFS, ionogramme sanguin, glycémie, CRP, ECG, RP... Hospitalisation ou non selon la situation et les possibilités.
Chute -1- Épidémiologie et mécanisme La fréquence des chutes augmente avec l’âge (30% des + de 65 ans, 80% des + de 85 ans). Le risque augmente si il y a déjà eu une chute. 5 % s’accompagnent de fractures (col fémoral) et bien plus de conséquences psychologiques graves. C’est 9000 décès par an en France. Elle révèle une situation de fragilité avec risque majeur d’évolution vers un état de dépendance. Elles sont souvent multifactorielles : facteurs intrinsèques favorisants et précipitants, facteurs extrinsèques.
Chute -2- Démarche initiale 3 facteurs pronostiques : chutes répétées/temps au sol/possibilité de se relever seul. Rechercher des lésions traumatiques (fractures, tassements, plaies, hématomes,…). Malaise ou perte de connaissance initiale ? (4 types d’urgences : anémie aiguë, déshydratation, infection grave, urgences cardiovasculaires). Troubles de la marche et/ou de l’équilibre (examen neurologique, rhumatologique et orthopédique). -Handicap sensoriel (altération de la vision+++, ORL). Iatrogénie : psychotropes et médicaments cardiovasculaires Causes environnementales
Chute -3- Conduite à tenir Éliminer et/ou traiter les causes. Faire reprendre confiance et faire remarcher (surtout ne pas conseiller de restreindre les activités) Kiné. Faire le tri dans les traitements. Si cause claire, non grave, pas de lésion traumatique et patient bien entouré retour à domicile possible (avec conseils : se lever lentement, adaptation de l’environnement, rééducation).
Le syndrome infectieux -1- Généralités Symptômes peu nombreux ou atypiques (fièvre pas toujours présente). Évolution souvent traînante. Trois causes les plus fréquentes : Infections pulmonaires, Infections urinaires, Infections cutanées. Attention aux complications : Déshydratation, Complications de l’alitement (escarres, phlébites, perte de l’autonomie), Complications de l’infection initiale phénomène en « cascades ».
Le syndrome infectieux -2- Démarche initiale La clinique : Constantes (signes de gravité), Examen clinique complet (cardiopulmonaire, urologique, cutané, digestif, neurologique, rhumatologique, ORL, spléno-ganglionnaire). Les examens complémentaires : NFS, ionogramme sanguin, CRP, glycémie, BH, BU et ECBU, Hémocultures, ECG, RP….
Le syndrome douloureux -1- Généralités Sous-estimé, alors que les pathologies potentiellement douloureuses sont plus fréquentes avec l’âge situation « noyée » dans le contexte. 2 grandes causes au défaut d’expression de la douleur : Socialement, la douleur est vécue comme une « normalité » banalisée par l’entourage, les soignants et le patient lui-même. Cliniquement, il peut exister des obstacles à l’expression de la douleur (handicaps sensoriels, aphasie, démence…). Retentissement : Ralentissement idéatoire et intellectuel. Modifications des activités psychomotrices et sociales. Étiologies : ostéo-articulaires (50 à 80% des cas), Neurologiques (séquelles hémiplégies, neuropathies), Artérielles (ischémie, ulcères de jambes), Viscérales (angor, infections urinaires,…)
Le syndrome douloureux -2- Conduite à tenir Reconnaître la douleur et évaluer sa sévérité (EVA parfois difficile échelle gériatrique). Déterminer le type de douleur (Perception, Nociception ? ). Situer le bon niveau d’antalgie (3 niveaux). Choisir une voie d’administration simple. Prévenir la douleur. Réévaluer et ajuster régulièrement le traitement. Utiliser les co-analgésiques (corticoïdes, antidépresseur, antiépileptique). Connaître et prévenir les effets secondaires des opiacés (constipation+++, nausées, somnolence, troubles du comportement, sécheresse buccale, rétention d’urine, accoutumance). Préserver le plus possible les fonctions physiques et intellectuelles. Instaurer une approche globale de la personne âgée douloureuse et de son entourage.