La grammaire à l’école primaire

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Transcription de la présentation:

La grammaire à l’école primaire Marcq en Baroeul, 12 octobre 2011 Viviane BOUYSSE Inspectrice générale de l’Education nationale

Plan de l’exposé 1. Pourquoi enseigner la grammaire ? 2. Comment enseigner la grammaire ? 3. Quelle grammaire enseigner ?

Introduction Objet difficile ; problème de toujours de l’école primaire : finalités, contenus et méthodes souvent débattus, au vu des résultats. Exemple : dictionnaire de pédagogie de F. Buisson (2ème éd.- 1911) Finalités : « acquisitions simples et précises, suffisantes pour permettre à l’élève de comprendre sa langue et de l’écrire de façon irréprochable » (liens Grammaire / Orthographe – A. Chervel)

Introduction Méthodes : critique de la « méthode dogmatique » : « On apprenait la grammaire comme un catéchisme ; la mémoire jouait le principal rôle, la réflexion trouvait peu à s’exercer. » valorisation de la « méthode expérimentale » qui ne doit pas éclipser totalement la mémoire mais « l’observation, le raisonnement et la réflexion trouveront également à s’exercer, pour le plus grand profit de l’éducation intellectuelle et de la connaissance précise de la langue maternelle. » Problème compliqué depuis les années 1970 du fait de l’évolution des références scientifiques, des modalités didactiques et pédagogiques plus ou moins nettement prônées et des liens entre grammaire et autres disciplines.

1. Pourquoi enseigner la grammaire ? 1.1. Des finalités essentielles Développer la réflexion sur la langue ; faire comprendre le fonctionnement du système de la langue. Traiter la langue comme un système formel, analysable : il y a des régularités, des règles de fonctionnement ; les mots appartiennent à des classes identifiables, remplissent des fonctions, etc. dissociable de sa fonction de communication, même si les exercices de grammaire ne doivent pas tourner à vide. La langue est un objet de connaissance comme un autre Parallèle possible avec le système de numération (savoir dénombrer ne suffit pas ; il faut aussi comprendre comment fonctionne le système décimal).

1. Pourquoi enseigner la grammaire ? 1.1. Des finalités essentielles – suite - Faire acquérir un métalangage lié aux besoins de l’analyse et à la catégorisation des faits de langue. Deux applications essentielles : ce métalangage sert au raisonnement orthographique (orthographe grammaticale) et sert aussi dans les manipulations et phases de prise de conscience du « comment on parle » en LVE. Rappel : c’est en orthographe grammaticale que les résultats des élèves de l’école primaire ont le plus baissé dans les vingt dernières années (évaluations de la DEPP et d’universitaires, D. Cogis et D. Manesse)

1. Pourquoi enseigner la grammaire ? 1.1. Des finalités essentielles – suite - Faire acquérir des compétences réflexives à mettre au service des activités langagières : mieux lire (lire avec précision), mieux écrire (améliorer un texte, le mettre aux normes orthographiques) supposent des savoir-faire, des réflexes, que la pratique de la grammaire doit permettre d’installer. C’est en particulier vrai dans les phases de relecture, en cas de perte de compréhension en lecture et pour la révision des textes. Ce sont des éléments importants dans le cadre du palier 2 du socle commun de connaissances et de compétences, pour la compétence Maîtrise de la langue.

1. Pourquoi enseigner la grammaire ? 1.2. Des finalités souvent alléguées mais plus « faibles » Améliorer la communication (se faire mieux comprendre), favoriser la compréhension S’il s’agit seulement de l’oral, la fréquentation de la langue (imprégnation) peut suffire ; il n’est pas besoin de connais-sances sur la langue pour une bonne expression ou pour bien comprendre autrui. Pour le passage à l’écrit (rédaction ou lecture), l’habitude de l’analyse de la langue peut aider à améliorer l’expression de ses idées ; par ailleurs, la non-maîtrise de l’orthographe peut conduire à des ambiguïtés. C’est l’écrit, et ses usages scolaires, qui appelle la grammaire.

2. Comment enseigner la grammaire ? 2.1. Une confusion née du passage à l’observation réfléchie de la langue (ORL – 2002) et à son abandon ORL = modalité de travail et non « contenus » (contenus d’ail-leurs peu explicites) Enjeux de l’ORL : sortir du dogmatisme et mettre les activités sur la langue en interaction avec lecture et production d’écrit. Justification de son abandon : Une explication par la « forme » : les programmes 2008 sont aussi peu que possible prescriptifs en matière de démarches (liberté pédagogique). Une explication par le « fond » : on commençait à observer un développement d’activités aléatoires, occasionnelles, où les processus l’emportaient sur la construction, la stabilisation et l’appropriation des notions (cf. analogie avec l’approche expérimentale en sciences).

2. Comment enseigner la grammaire ? 2.2. Un enseignement structuré, à la fois spécifique et intégré Un enseignement structuré, programmé et non aléatoire (bien distinguer : enseigner la grammaire à l’occasion des textes et à partir des textes), … tout au long de l’école primaire (progressivité ; ce qui n’exclut pas les reprises ; logique de « chantiers » dans un système où tout se tient), … « explicite » en école élémentaire. Des séances spécifiques ET la mobilisation des connaissances acquises pour mieux comprendre et mieux s’exprimer à l’oral et à l’écrit : liens avec lecture et avec écriture : cf. compétences // paliers.

2. Comment enseigner la grammaire ? 2.3. « Faire de la grammaire » : importance de pratiques récurrentes (les « bonnes routines ») Travailler sur des corpus soigneusement choisis Apport des corpus : enrichir la matière même de l’observation et mieux guider cette observation. Conditions : ne pas se limiter à des exemples artificiels mais ne pas choisir des phrases/textes trop complexes pour illustrer l’objet étudié. Mais veiller à la complexification au fil des années pour une même notion. Mobiliser des exemples et des contre-exemples.

2. Comment enseigner la grammaire ? 2.3. « Faire de la grammaire » : importance de pratiques récurrentes (les « bonnes routines ») Pour les opérations syntaxiques, recourir avec régularité aux manipulations (déplacement, effacement, substitution, ajout). Veiller à la formalisation (reformulations). Faire beaucoup exercer les savoirs et savoir-faire ; ne pas oublier les reprises régulières (séances ritualisées et courtes).

2. Comment enseigner la grammaire ? 2.4. Avec la grammaire comme ailleurs, veiller aux processus d’apprentissage fondamentaux Compréhension : processus d’élaboration d’une représentation mentale (d’un texte, d’un fait, d’un objet…) ; toujours fondée sur les connaissances antérieures (liens). Facteur favorisant (FF) : multiplicité de l’encodage Conceptualisation : processus d’élaboration d’une connais-sance relativement stable d’un objet d’étude appréhendé d’abord sous des formes variées. En jeu : repérer des traits communs (catégoriser), intégrer l’étiquette de la catégorie, établir des relations avec d’autres concepts. FF : multiplicité des liens, profondeur de l’encodage Prise de conscience : élaboration d’une représentation de quelque chose que l’on sait / sait faire (ou pas) et de son explicitation. FF : analyse et comparaison explicites ; confrontations

2. Comment enseigner la grammaire ? 2.4. Veiller aux processus d’apprentissage fondamentaux –suite- Procéduralisation : processus de transformation de ce que l’on comprend en quelque chose que l’on sait faire : phase associative de l’apprentissage, moment clé (lent et coûteux cognitivement). En jeu : établir une association entre situation et connaissance(s), associer situation et solution, créer des règles d’appariement (pour une possible automatisation). FF : équilibre entre recherche et guidage ; travail sur situations nombreuses de transfert ; importance du temps Automatisation : processus de transformation d’une méthode / procédure en un automatisme (quelque chose que l’on peut mettre en œuvre sans y penser). FF : fréquence, répétition ; importance du temps

2. Comment enseigner la grammaire ? Grammaire pour écrire : visées = des connaissances sûres (consolidées) et des «raisonnements» adéquats Les « raisonnements » sont à enseigner explicitement. Les élèves les maîtrisent grâce à un entraînement en situation ; les raisonnements (procédures) s’automatisent par la pratique régulière, guidée d’abord puis autonome, dans des situations variées. La mobilisation adéquate des raisonnements utiles suppose l’intelligence de la situation, qui ne s’automatise pas. Sens et automatismes ne sont jamais disjoints.

2. Comment enseigner la grammaire ? Illustration de la complexité : l’accord Sujet/Verbe Connaître la règle Connaître les marques possibles en genre et en nombre pour les mots concernés (noms, pronoms, verbes ; selon le temps du verbe, le problème est différent) Savoir repérer le verbe, ses caractéristiques essentielles (catégorisation) Connaître la conjugaison de ce verbe (temps identifié, formes verbales, morphologie) Savoir repérer le sujet (si groupe nominal, repérer le « noyau »), ses caractéristiques de nombre et de genre Appliquer ses connaissances sans rien oublier

2. Comment enseigner la grammaire ? 2.5. Une progressivité dans l’approche des notions De l’implicite vers l’explicite Comme en mathématiques, des situations d’usage (place de l’observation), de manipulations précèdent le moment du travail explicite sur une notion ; une première connaissance s’esquisse qui sera ensuite formalisée. C’est vrai dès l’école maternelle. La complexification dans la conceptualisation : rester « à hauteur d’élèves » Certaines notions sont travaillées sur plusieurs années ; il ne doit pas s’agir de reprises à l’identique mais d’une réelle complexification (ex : le verbe, la relation sujet/verbe). Très grande importance d’une bonne gestion du temps.

2. Comment enseigner la grammaire ? 2.6. L’importance des « outils » des élèves La mémoire de ce que l’on apprend : création d’outils et apprentissage de leur utilisation Affichages, référents de classe Cahiers individuels, avec des options collectives pour favoriser la continuité. Mobiliser toujours les appuis sur les acquis. Le choix de « manuels » : une affaire d’équipe Manuels annuels ou de cycle ? Livre-référence (connaissances, repères) ou livre multi-fonctions (leçons et exercices) ?

2. Comment enseigner la grammaire ? 2.7. Le lien Grammaire/Orthographe : l’orthographe, « voie royale pour entrer dans la grammaire » (D.Cogis) En réception, sensibilité très précoce des enfants à certaines variations des mots (marques de genre et de nombre) et intérêt pour ce qui les explique. En production, matérialisation par l’orthographe de certains aspects de la grammaire. Aspect « concret » : les graphies sont des traces sur lesquelles on peut agir, revenir (support facilitant l’ancrage de la réflexion grammaticale). « Pour verbaliser des choix et pour décrire des configurations, les élèves ont besoin d’un métalangage. Il convient donc d’imaginer des dispositifs dont l’objectif principal est l’émergence d’une attitude métalinguistique et l’élaboration d’un vocabulaire spécifique. » (Sève & Ambroise. Repères, 39)

3. Quelle grammaire enseigner ? 3.1. Traiter le programme de manière différenciée Toutes les notions ne se « valent » pas quant à leur « rentabilité » : certaines sont plus importantes que d’autres pour écrire, pour comprendre (ex : construction des phrases, positions relatives des mots, accords, ponctuation). Certaines ne sont vraiment utiles qu’en description de la langue (ex : complément d’objet indirect). Passer plus de temps sur les notions « rentables » verbe - nature / fonction - relation sujet / verbe - accords - pluriel - temps des verbes (valeur ; morphologie : 3èmes personnes). Grammaire de texte / Grammaire de phrase : débat tranché par le programme.

3. Quelle grammaire enseigner ? 3.2. Au cycle 2 Les contenus Ponctuation : connaissance des marques et de leur usage. Identification : phrase ; verbe, nom, article, adjectif qualificatif, pronom personnel (sujet). Repérage dans une phrase simple du verbe et de son sujet. Marques du genre et du nombre ; conditions de leur utilisation. Distinction du présent, du passé et du futur (sens des temps) Conjugaison des verbes les plus fréquents Verbes du 1er groupe + Être - Avoir // indicatif présent, futur, imparfait, passé composé Verbes faire, aller, dire, venir // indicatif présent

3. Quelle grammaire enseigner ? 3.2. Au cycle 2 – suite - Une première approche en lien avec l’apprentissage de la lecture et de l’écriture avant formalisation et début de systématisation: Appui possible sur des acquis de la maternelle Découverte de "variations" (les pluriels) et première conscience de leur signification (l’écrit n’est pas que notation de sons) Première approche de la phrase (ponctuation ; lecture à haute voix ; production de textes) Conscience des classes de mots (classements ; substitutions ; environnement) dès les débuts de la lecture et l’écriture Usage de quelques temps verbaux

3. Quelle grammaire enseigner ? 3.3. Au cycle 3 Des contenus que l’on peut structurer en grands ensembles significatifs La phrase (liens avec lecture et écriture) Les classes de mots (liens avec le sens, avec la place dans la phrase : la « nature » d’un mot s’identifie - aussi - selon ses relations avec les autres mots) Les fonctions : les relations entre les mots (liens sens // fonction) et les accords qui les marquent Sur ces 2 derniers points, liens avec le vocabulaire, l’orthographe, la lecture et l’écriture.

3. Quelle grammaire enseigner ? 3.3. Au cycle 3 – suite - Des contenus que l’on peut structurer en grands ensembles significatifs – suite - Les homophones, mots identiques à l’oral ou - et à l’écrit (liens sens // sons ; liens nature //fonction ; liens sens // fonction) Les temps du verbe ; la morphologie verbale (conjugaison des verbes des 1er et 2ème groupes + 12 verbes très fréquents, soit 95 % des verbes) Sur ces points, liens essentiels avec l’orthographe, la lecture et l’écriture.

Conclusion Une variable clé : la gestion du temps des entraînements pour produire du sur-apprentissage, garantie d’irréversibilité. Séances courtes et fréquentes plus favorables. Un élément à ne pas négliger : l’explicitation, l’usage du métalangage précis en situation (attention aux modèles d’action qui restent implicites, non intégrés à un système organisé). Les rapprochements à travailler entre français et langue vivante étrangère (comment ça marche ?)