Médicaments et médias: comment prescrire aujourd’hui ? Sophie Gautier, Pharmacologie 17 septembre 2013
Evaluation du médicament En France
Elle évalue le risque inhérent au médicament Evaluation du médicament en France : qui décide ? L’express Elle évalue le risque inhérent au médicament Ha Co A r
Pharmacovigilance : évaluation du risque médicamenteux Notification spontanée ESSENTIELLE
(effet thérapeutique recherché) (effet délétère non souhaité) Evaluation du médicament en France (et ailleurs …) Traitement par un médicament (substance active) = interaction avec l’organisme Bénéfice (effet thérapeutique recherché) Risque (effet délétère non souhaité) Repose sur un postulat : P actif = benefice et risque obligatoire mais doit etre acceptable : medicament maintenu sur le marche ssi risque acceptable par rapport benefice apporte. et si possible evitable ou limitee Eviter prevenir accepter Une fois cette evidence acquise (qu’il est toujours bon de rappeler) Balance bénéfice/risque
Précisions sur le bénéfice De quel bénéfice s’agit-il ? Bénéfice symptomatique Douleur Rhume Bénéfice curatif (antibiotique, anticancéreux, …) Bénéfice préventif Vaccin Antihypertenseurs/AVC Statines/cardio-vasculaire Sur quel critère est-il établi ? - Critère « dur »: clinique, morbi-mortalité, - Critère « intermédiaire » : diabète/HbA1c Actos sur critère intermediaire et pas sur morbi mortalite
Précisions sur le risque Une définition apparemment simple du risque : « Danger, plus ou moins probable, auquel on est exposé » (dictionnaire Robert) Risque mesuré : absolu, attribuable [en excès], relatif (RR ou OR) Mais des interprétations variées du risque : Risque ‘réel’ : mesuré par les scientifiques, ne tient pas compte du cas particulier Risque ‘vécu’ : malade (inacceptable/grave) Risque ‘perçu’ : public, médias, politiques Difficulté de l’évaluation
Evaluation bénéfice/risque d’un médicament Nature des effets indésirables en cause Medias Pathologie Nature du bénéfice SMR-ASMR Acceptabilité du risque Evaluation bénéfice/risque d’un médicament Chiffres de vente Coût Alternatives thérapeutiques Patients ciblés Facteurs de risque maitrisables Laboratoires Visite médicale Mésusage
Médicaments et média: morceaux choisis
Médicaments et médias : Utilité des médicaments… et nature du risque!
Exemple : Pioglitazone (ACTOS®…) - Agoniste «sélectif» des PPAR-gamma Commercialisation en 2002 en France (AMM - UE) Indication chez le diabétique en surpoids Vrai problème de nos sociétés occidentales 11
Exemple : Pioglitazone (ACTOS®…) Suivi de pharmacovigilance Europe et USA: Cas de cancers de la vessie = alerte FDA en septembre 2010 Augmentation du nombre de cas notifiés de cancer sous ACTOS Pas suffisant pour remettre en cause le bénéfice / risque Besoin de plus d’arguments 12
Etudes épidémiologiques Etude KPNC (base de données) : cohorte/10 ans (en cours) Objectif : identifier les K incidents sur une cohorte de diabétiques 3ième analyse intermédiaire : Toutes utilisations de PIO confondues : pas d’association PIO/K de vessie (HR = 1.2 ; [IC95% 0.9-1.5]) Cependant : Ttt > 24 mois : HR = 1.5 ; [IC95% : 1.1-2.0] (p < 0.01) Ttt > 48 mois : HR = 1.7 Doses cumulées élevées : HR = 1.5 ; [IC95% : 1.1-2.2] Etude cas-témoins nichée dans la cohorte KPNC Toutes utilisations de PIO confondues : risque de K de vessie PIO : OR = 2.7 ; [IC95% 1.5-4.9] Metformine : OR = 0.9 ; [IC95% 0.6-1.5] SU : OR = 1.0 ; [IC95% 0.6-1.7] Insuline : OR = 0.6 ; [IC95% 0.4-1.1] Utilisations longues et doses cumulées élevées de PIO également significativement associées au K de vessie
Etudes cliniques avec ACTOS Essais contrôlés : hématuries microscopiques (jusqu’à 45% dans certaines études ?) Etude épidémiologique PROactive : Etude de morbi-mortalité : PIO vs placebo Durée moyenne d’exposition : 34,5 mois Diabétiques (type 2) : N = 5238 (2605 PIO ; 2633 placebo) Dans le groupe placebo, une tumeur benigne Sans la tumeur bénigne (14 vs 5) 2 à p=0,0358 différence significative avec RR= 2,8
Par ailleurs, données expérimentales Sécurité pré clinique : - Toxicologie : incidence accrue d’hyperplasie chez le rat (mâle + femelle) et de tumeur (mâle) de l’épithélium de la vessie (traitement jusqu’à 2 ans) - Mécanisme : formation et présence de calculs urinaires (crystalluria hypothesis) irritation, hyperplasie et réponse tumorigène - Pas de réponse tumorigène chez la souris, quel que soit le sexe. L'hyperplasie de la vessie n'a pas été observée chez le chien ou le singe traités jusqu'à 12 mois par la pioglitazone. Effets indésirables rénaux et urinaires (essais cliniques) - En association avec la metformine - Hématurie (Fréquence > 1% et < 10%) Pharmacodynamie : - n’est pas une agoniste PPAR gamma mais un agoniste mixte PPAR alpha/gamma
Toxicologie des agonistes PPAR Traitement > 18 mois Glitazars
Conclusion de la pharmacovigilance sur ACTOS (mars 2011) Plausibilité expérimentale d’effet carcinogène de la PIO (vésical) : Des résultats, chez l’homme, sur le risque de K de vessie avec la PIO Pouvant être discutés concernant l’étude clinique PROactive Significatifs au niveau de deux études de pharmacoépidémiologie, suggérant un effet cumulatif de la PIO et effet temps-dépendant Une notification spontanée certes « faible », d’interprétation délicate, mais croissante depuis l’alerte FDA En prenant en compte l’absence de bénéfice de la PIO, la commission de PV souhaite que la commission d’AMM examine la proposition de suspension d’utilisation de la PIO en France. L’afssaps commande une autre étude épidémiologique (produit européen, risque difficile à gérer)
Etude épidémiologique CNAM/PMSI (Etude de cohorte) 1 491060 diabétiques Age : 40-70 ans Groupe exposé à la PIO : 155 535 patients Groupe témoin non expose : 1 335 525 patients Résultats : 175 cas incidents de K vessie chez les exposés vs 1841 chez les non exposés Augmentation du risque de 22% Dose cumulée : dose > 28 g risque : + 75% Durée d’exposition : durée > 24 mois risque : + 36% Confirme le risque : suspension en juin 2011 en France Pas suivi par l’EUROPE
Revue Prescrire, juillet 2011
Ex : paracétamol / dextropropoxyphène (DIANTALVIC) surdosages mortels nombreux en Angleterre et Suède : retrait en 2005 pas de risque identifié en France, maintenu arbitrage européen en 2009 : retrait en 2010 Tenormine, poso trop importante pas de gamme de dose possible
Le figaro, mars 2011 Marianne, juillet 2010 Diantalvic 2,36 euro Tramadol para 5,86 Codoliprane 2, 46 Marianne, juillet 2010
Ex : Méthylphénidate (RITALINE) structure moléculaire du d-méthylphénidate structure moléculaire de l'amphétamine Perte mémoire, épuisement (depletion monoamines da ET nad) psychoses EI du méthylphénidate : amphétaminiques +++
Le méthylphénidate en 2011 HAS/transparence : ASMR de niveau II (important) et SMR important (TDHA) Mais des questions sont posées : Mésusage ? Chez l’enfant, quelles conséquences à long terme ? Mort subite (?) : étude américaine en cours Le monde, 17/07/2013
Médicaments et médias: Quand l’opinion publique s’y attarde
Les génériques Spécialité : (Art.L601-6 du code de la santé publique) Spécialité : - Ayant la même composition qualitative et quantitative en PA qu’une forme de référence (princeps) - Ayant la même forme pharmaceutique (galénique) - Dont la bioéquivalence avec le princeps est démontrée par des études appropriées de biodisponibilité. Nom commercial d’un générique (nom de spécialité) : DCI du PA suivie du nom du Laboratoire Nom de fantaisie suivi de Gé
Générique vs princeps Générique : dossier allégé Princeps : spécialité de référence ayant bénéficiée d’une AMM complète Générique : spécialité ayant démontré par une étude de biodisponibilité sa bioéquivalence avec le princeps, étant admis qu’à une bioéquivalence correspond une équivalence clinique (possibilité de substitution) Générique : dossier allégé Dossier pharmaceutique Dossier bibliographique Etude(s) de bioéquivalence
Etudes de bioéquivalence Cp t Cp Générique Princeps Volontaires sains t Bioéquivalence retenue : Profils cinétiques similaires Écarts des paramètres : entre 80% et 125%
Différents types de génériques Exemple allopurinol : Princeps : ZYLORIC de GSK (comprimés, excipient : lactose) Générique strictement identique : ALLOPURINOL Biogaran (filiale de GSK) même site et même chaine de fabrication 3. Génériques identiques : ALLOPURINOL Merck, RPG – comprimés, excipient : lactose Génériques essentiellement similaires : ALLOPURINOL EG, ARROW, GNR, ZYDUS - comprimés, excipients ≠ (lactose, amidon de blé) Génériques apparentés aux essentiellement similaires : ALLOPURINOL Bayer, Ratiopharm, MSD, TEVA, IVAX - capsules et excipients ≠ (huile d’arachide, huile de soja, lécithine de soja et sorbitol)
Sécurité d’un générique Fonction de son conditionnement
fonction de sa présentation Risque de confusion par similitude des formes pharm. Message Afssaps du 08 mars 2010 PREVISCAN LISINOPRIL EG 20 mg
fonction de son nom de spécialité : Contracné®, Curacné ® (isotrétinoïne, en capsules) Cutacnyl® (peroxyde de benzoyle, en gel) fonction du principe actif (de sa bioéquivalence) Profil cinétique similaire : Quid des Médicaments à marge thérapeutique étroite (antiépileptiques, antiarythmiques, colchicine, …) ? Ecarts des paramètres (-20%; +25%): Spécification : aptitude d’un médicament à conserver ses propriétés chimiques, physiques, microbiologiques et biopharmaceutiques dans des limites spécifiées pendant toute sa durée de validité
Ex la lévothyroxine
Lévothyroxine BIOGARAN® DDL + Mise en garde au niveau du répertoire des génériques Taux de notif global 2011 : 0,45 pour 100 000 mois-ttt Commercialisation Incidence x 6 /Lévothyrox® Déséquilibres thyroïdiens de nov 2009 à déc 2011 Lévothyroxine BIOGARAN® Lévothyrox® Merck Taux de notif global 2011 : 0,075 pour 100 000 mois-ttt
Explication évoquée (?) Spécifications exigées différentes Lévothyrox® Teneur en PA de 100 à 110% à la sortie des lots Teneur en PA de 90 à 110% à péremption des lots Génériques : Teneur en PA de 95 à 105% à la sortie des lots Teneur en PA de 90 à 105% à péremption des lots Δ possible de 15 à 20% pour un traitement substitutif Spécifications de teneur resserrées à 95-105% pour toutes les spécialités de LT4
Conclusion : que penser des génériques ? Substitution à l’instauration du Ttt : pas de pb Substitution en cours de Ttt : plus délicate pour des MTs à marge thérapeutique étroite (AE) « Valse » des génériques : inacceptable Pharmacovigilance difficile Notifications : rares EIs souvent banals : fonctionnels à composante psychologique fréquente Baisses d’efficacité EIs graves des excipients possibles ? Certains problèmes sont réels (sécabilité) Mais en pratique les génériques posent peu de problèmes
Médicaments et médias Quand cela prend l’allure d’un scandale sanitaire …
Exemple :Contraceptifs Oraux Combinés Classes Oestrogène Progestatif Spécialités (exemples) Nature du progestatif 1ère G (1961) EE (35 µg) Noréthistérone TRIELLA Androgénique 2ème G (1973) EE (20, 30 ou 40 µg) Lévonorgestrel ADEPAL, MINIDRIL, TRINORDIOL EE (50 µg) Norgestrel STEDIRIL 3ème G (1984) Norgestimate Mét. lévonorgestrel (2ème G ?) CILEST, TRICILEST*, TRIAFEMI* EE (15, 20, 30, 40 µg) Gestodène CARLIN, EFEZIAL HARMONET, MELODIA, MONEVA EE (20, 30 µg) Désogestrel DESOBEL, VARNOLINE CONTINU MERCILON, VARNOLINE Autres COC (2001) Drospirénone JASMINE, JASMINELLE, YAZ Antiandrogénique EE (30 µg) Chlormadinone BELARA Oestradiol (1, 1.5, 2, 3 mg) Nomégestrol Diénogest ZOELY QLAIRA * Indication : contraception chez la femme ayant une acné
COC et coagulation sanguine Plausibilité biologique du risque TEV Contraceptifs Oraux Combinés Paramètres sanguins Variations Activité procoagulante Facteurs de coagulation I, II, VII, VIII et X (30-50%) Facteurs d’anticoagulation - Antithrombine III - Protéine S - Protéine C activée - TFPI = Inhibiteur de la voie du facteur tissulaire (voie extrinsèque) (30-40%) Résistance acquise Activation de la fibrinolyse Up-regulation : PAI 1 (inhibiteur t-PA) . Fragments de Prothrombine 1.2 . D-dimères Augmentation de la SHBG Sex Hormone Binding Globulin : protéine de transport (foie) . Reflet du climat « oestrogénique » de l’association OP . Son augmentation est considérée comme un marqueur du risque TEV . [SHBG] sous désogestrel/acétate de cyprotérone/DSN > [SHBG] sous LNG
Risque TEV des COC Ethinyl Estradiol : « Procoagulant », clairement à risque TEV Progestatifs associés : quelle que soit leur génération Non « procoagulants » sur les paramètres sanguins Utilisés seuls : sans risque TEV Androgénicité diminue l’ de la SHBG induite par l’EE (limite donc le risque TEV) Grossesse : de 6 à 10 BMJ, 2009; infographie Le Monde
La Croix, 10 janvier 2013
COC et risque TEV : Historique 1961 : COC de 1ère G (noréthistérone) 1961, 62, 63 : 1er signaux du risque TEV, d’AVC ischémique, d’IDM 1967 : 1er essai contrôlé positif sur le risque TEV 1973 : 2ème G (norgestrel, lévonorgestrel) 1984 : 3ème G (désogestrel, gestodène) 1995 : 3 études risque TEV des 3èG x 2 / 2èG (« pill scare ») 2001 - EMEA réévaluation du risque TEV des COC 3ème G Rapport B/R reste positif Mais sur-risque à mentionner dans le RCP des produits 2002 : 1er laboratoire demande le remboursement de sa 3èG (« 4èG »?) 2002 – HAS : SMR important ; ASMR V échec des négociations prix 2007 - HAS : Reste favorable au remboursement des 3èG Précision : prescription en première intention COC de 1ère et 2ème G 2009 : négociations prix aboutissent remboursement (certaines 3èG) 2011 : DGS demande à la HAS la réévaluation des COC 3èG 09/2012 – HAS : SMR insuffisant déremboursement 1 an plus tard 12/2012 : plainte d’une patiente (AVC) précipitation du processus
Juillet 2013
TopACtuSanté, mars 2013 Blog TerraFemina, mars 2013
Risque artériel des COC Plus rare, mais potentiellement plus grave Heureusement réduit avant 35 ans Non variable avec le durée d’utilisation Risque AVC thrombotique et d’IDM / non utilisatrices Lidegaard Ø. N Engl J Med 2012;366:2257-66 Apparaît indépendant du progestatif associé Est par contre influencé par la dose d’EE : EE 20 µg : surrisque de 0,9 à 1,7 EE de 30 à 40 µg : surrisque de 1,3 à 2,3 Les facteurs de risque sont classiques : Notamment le tabagisme Mais probablement incomplètement identifiés
Médicaments et médias Quand ca devient absurde
Le Parisien, juin 2013 Le Figaro, juin 2013
20 minutes, juin 2013 JSSNews
Comment s’y retrouver pour faire ses choix thérapeutiques et informer correctement son patient ? Pourquoi ? Garder un regard critique sur les sources d’information - visite médicale - internet/journaux/radio/TV - souvenirs des cours de Médecine - habitudes de prescription Trouver la bonne information au bon moment
Privilégier l’information indépendante Quelles informations ? Privilégier l’information indépendante Générales (sur un médicament ou sur une classe) Ciblées : - prescriptions multiples (interactions) - choix thérapeutique/ recommandations - populations à risque (sujet âgé, grossesse, IR.. - alternatives thérapeutiques Exemple BZD : generale sur vidal theraique mediquick par classe ou specialités Ciblées : prescrition multiple (risque d’IAM : avec les bzd attention aux prescriptions à effet sedatif ou depressif respiratoires associés page thesaurus afssaps) Choix parmi une classe (bzd hypnotiques ou anxiolytiques page mediquick, ASMR afssaps Effets indesirables (theriaque par classe ou vidal par molecule mediquick) Populations à risque (mediquick par classe ou vidal par molecule)
Ex : les NACO Le Figaro, Le Figaro, novembre 2010
Ex : les NACO Pharmacorama, 13 février 2011
Ex : les NACO Lequotidienpharma.com
La tribune, novembre 2011 Ex : les NACO
Ex : les NACO
Bases de données Thériaque - Créé par le CNHIM - Labellisé par l’HAS - Données référencées - Très complet (pharmacologie, effets indésirables, données administratives, SMR, ASMR, alternatives thérapeutiques, référentiels, …)
Ex : les NACO
Avis HAS février 2012 dans la FA
Recommandations :
Bases de données Haute Autorité de Santé Avis de la commission de transparence (SMR, ASMR) Recommandations de bon usage Outils pour la prise en charge des patients
Bases de données Agence Nationale de Sécurité du Médicament Avis des commissions nationales d’évaluation du B/R Décisions européennes Suivis et problèmes de santé nationaux
Bases de données Revue Prescrire Information indépendante Mensuelle Parfois jusqu’au boutiste
Conclusion Médicaments et médias : liaison inévitable nous oblige à rester en alerte nous conduit à mieux prescrire et à informer objectivement en étant vigilant… mais critique : connaître les données (ou se renseigner…) : l’évaluation B/R est évolutive en s’adaptant au patient en se posant les bonnes questions (pathologie, alternatives, bénéfice recherché, risques, …)
Médiator (avis HAS) Site de l’HAS Avis de la commission de transparence en mai 2006