Chaîne épidémiologique des infections nosocomiales Docteur Marie-Christine BIMAR Maître de Conférence des Universités / Praticien Hospitalier Assistance Publique - Hôpitaux de Marseille 2008/2009
« Soulager le malade et ne pas lui nuire » Hippocrate Véritable paradoxe Lieu des plus grandes prouesses Lieu du plus grand risque infectieux Infections Hospitalières ou Nosocomiales Années 80 : 5 à 10% des patients hospitalisés Soit 500.000 à 1M d’I.N en France 10.000 décès 1/3 évitable
Infections nosocomiales 3 enquêtes françaises de prévalence en 1996, 2001 et en 2006 ( enquête d’1 jour). 1533 établissements en 2001 (830 en 1996). 1/3 des hôpitaux; 1/3 des cliniques de court séjour; 1/5 des établissements long séjour. 305.656 patients audités. 6,9% patients infectés; 7,5% infections ( 5,9% dans l’établissement, 1% dans 1 autre).
PREVALENCE NATIONALE 2001 SITES
Dernière enquête : ENP 2006 358 467 patients enquêtés en France Près de 95 000, inter-région Sud-Est Patients infectés : 5,0 % I.Noso : 5,4 % 6,6 % en CHU (malades les + lourds) Répartition des I.Noso : IUN = 31,3 % ISO = 15,4 %; Pneumopathies = 12,6 % Peau = 10 %; Voies respiratoires = 7 % Bactériémie = 6 %; ORL/Stomato = 4,5 % Infections sur cathéter = 3,3 %
Répartition des Infections Nosocomiales I.Urinaires : 40% 31 % I.S.O (site opératoire) : 10% 15 % Pneumopathies : 10% 12,5 % I.Cutanées : 10% ( brûlures, escarres, abcès du sein) idem I.Respiratoires hautes : < 9% 7 % Bactériémies : 4% 6 % Cathéters : 3% 3,3 %
Infection Noso en maternité A la fois chez mères et nouveau-nés Incidence très variable selon les structures 0,5% à 5% dans accouchements 11% à 60% dans césariennes 1% à 2% chez nouveau-nés 5% à 25% en Soins Intensifs de Néonatalogie Chez les mères : I. urinaires, ISO, endométrites, bactériémies et Infections du sein Chez les enfants : Infections cutanées et oculaires
Coût 5 à 10 MM de dollars aux USA 1MM euros en France Augmentation de la durée de séjour Traitements anti-infectieux Indemnités en sus
Définitions (1) Affections dues à des microorganismes. Contractées par les patients au cours de leur séjour hospitalier, consultation, ou traitement ambulatoire. Non présentes à l’arrivée, ni en incubation, d’où nécessité d’un certain délai avant l’apparition des signes pour affirmer l’origine nosocomiale. Ce délai est fixé à 48h sauf si l’infection nosocomiale est due à une maladie infectieuse communautaire (grippe, rougeole, tuberculose..) transmise à un tiers en milieu hospitalier Ici délai > durée d’incubation (ex : grippe)
« Infections nosocomiales et liées aux soins » Définitions (2) Mais nécessité d’apprécier un lien causal dénomination actuelle « Infections nosocomiales et liées aux soins » Les IN répondent à des critères précis. Peuvent affecter le personnel.
INFECTIONS NOSOCOMIALES Mécanismes INFECTIONS NOSOCOMIALES Schématiquement 2 étapes colonisation d ’un site normalement stérile développement de l ’infection si il existe des conditions locales et/ou générales favorisantes
IMPORTANCE DE LA COLONISATION Mécanismes IMPORTANCE DE LA COLONISATION La colonisation à l ’entrée est un facteur majeur de développement de l ’infection en tenant compte de l ’origine de la colonisation il est possible de classer les infections nosocomiales en « exogènes » et « endogènes »
Survenue de l’infection : origine des microorganismes Infection exogène : 1/ Environnement animé - autres patients, personnel, visiteurs, animaux 2/ Environnement inanimé air, eau, alimentation, végétaux, matériel, surfaces, linge, déchets… Infection endogène: infection due à des germes portés par le sujet (flore indigène) flore cutanée, ORL, digestive, gynécologique.
Chaîne épidémiologique 4 maillons Agents étiologiques et réservoir de germes Voies de transmission Portes d’entrée – Facteurs Favorisants Facteurs de risque liés au terrain
Agents étiologiques (1) Bactéries : cocci gram + ( staphylocoque, streptocoque) cocci gram - (neisseria : méningocoque, gonocoque) bacilles gram - (entérobactéries : escherichia coli et autres bactéries hydriques : pseudomonas). bacilles anaérobies (clostridium difficile, perfringens) Virus : Zones cutanées ou muqueuses (varicelle, zona, herpès) ORL, (grippe, rougeole, VRS), digestif (rotavirus) sanguins ( VHB, VHC, VIH). Différents fluides biologiques : Ebola
Bactéries : Cocci Gram + Staphylocoques S. dorés S. epidermidis
Bactéries : Bacilles gram négatifs P. aeruginosa (pyocyanique) E. coli
Agents étiologiques (2) Champignons : levures candida, moisissures aspergillus; dermatophytes (teigne) Parasites : toxoplasme, pneumocystis carinii, sarcopte (gale) ATNC (Prions) : agents des « ESST » ou encéphalopathies subaigües spongiformes transmissibles (MCJ, ESB = maladie de la vache folle, scrapie = tremblante du mouton).
Champignon : aspergillus (moisissure)
Agents étiologiques (3) notion de pouvoir pathogène Bactérie commensale : bactérie vivant en permanence sur notre peau et nos muqueuses et en parfaite harmonie flore indigène : staphylocoque epidermidis (peau); bacille gram- (tube digestif) Bactérie saprophyte : présence transitoire de bactérie de l’environnement (flore de passage, portage) Pas de danger si pas de problème de santé. Bactérie opportuniste : bactéries commensales ou saprophytes qui acquièrent un pouvoir pathogène ( infection), si déficience de l’hôte ou modification de l’environnement.
Sources ou Réservoirs (1) « réservoir animé » 1/ Flore indigène Humaine (commensale) Cutanée : 103 à 105 / cm2 flore résidente : cocci (staphylocoque) levures flore transitaire : bacille gram-, bacilles anaérobies, virus ORL : 106 /ml de salive 109/g de plaque dentaire nez : staphylocoque bouche : streptocoque, haemophilus, pneumocoque, levures, anaérobies. Intestinale : > 1011/g de selles entérobactéries, anaérobies, levures. Génitale : cocci (strepto, staphylo),anaérobies, levures;
Flore Génitale Cocci + streptocoque Champignon : levure Candida albicans
Sources ou Réservoirs (2) « réservoir animé » 2/ Flore Pathogène Spécifique : - maladies infectieuses bactériennes BK (tuberculose ); salmonelles (fièvre Typhoïde); angine à streptocoque A, lésions infectées à staphylocoque doré. - viroses : maladies infantiles (rougeole, varicelle, oreillons); pneumopathies virales (grippe) et bronchiolites ( VRS) gastroentérites (rotavirus) virus sanguins : VIH, VHB, VHC
Sources ou Réservoirs ( 3) « réservoir inanimé » 3/ Flore de l’environnement : Eau : légionelles, bacilles pyocyaniques (pseudomonas aeruginosa), aeromonas. Air : aspergillus, staphylocoques Aliments : listéria, toxoplasme, salmonelles, staphylocoques Végétaux : pseudomonas. 4/ Flore hospitalière : germes les plus fréquents origine humaine : Staphylocoque doré (aureus) environnement : pseudomonas aeruginosa
Notion de germes ou bactéries multirésistants : BMR - BHR Bactéries sensibles à moins de 3 familles d’AB Les patients porteurs de BMR : soit colonisés ( porteur sain) : pas de signe d’infection. soit infectés : la BMR est responsable de l’infection Exemples de BMR : 1/ flore humaine SARM : réservoir nasal entérobactéries à BLSE : tube digestif 2/ Bactéries de l’environnement pyocyanique (pseudomonas aeruginosa), acinetobacter.
Voies de Transmission (1) 1/ Contact - direct : mains des soignants, des malades manuportage: germes cutanés (et muqueux) flore résidente et/ou transitaire indirect : par l’intermédiaire du matériel, de l’équipement bactéries de la flore transitaire, virus sanguins : hépatites B ou C, Sida.
Contact direct ou indirect
Voies de Transmission (2) 2/ Véhicules (liquides) : tout système d’eau à l’hôpital : médicaments injectés, collyres, solutions aqueuses d’antiseptiques bacilles gram nég. perfusions, dialyse bacilles gram négatif, VHC. nébuliseur, humidificateur gram- légionelles. alimentation entérale, biberons T.I.A à Staphylococcus aureus, E.coli. Virus.
véhicules
Voies de Transmission (3) 3-1 / Aérienne : origine « humaine » Flore ORL indigène : staphylocoque (nasal)staph. aureus sensible ou résistant « SARM », responsable d’ISO. Flore respiratoire pathogène : Gouttelettes de mucus: grippe endémique, varicelle, variole, SARS ou « syndrome respiratoire aigu sévère », BK, diphtérie, pneumocoque…Strepto A ou pyogène (alerte en obstétrique) Air : BK ( tuberculose) port de masque +++
Flore respiratoire indigène Flore respiratoire pathogène
Voies de Transmission (4) 3-2 / Aérienne : « Environnement » - Bloc opératoire : risque d’aérobiocontamination ( risque ++ de contamination des plaies opératoires): prévention de l’aérobiocontamination traitement de l’air : filtration, pression >o, flux laminaire + respect de la fermeture des portes). - Matériel d’assistance respiratoire (filtres sur les circuits)
Transmission aérienne : risque au bloc opératoire
Voies de Transmission (5) Aérienne : « Environnement » Climatisation (risque de contamination par les légionelles : eau contaminée pénétrant dans les poumons : aérosols, douche). Risque d’empoussièrement Mesures de protection lors des travaux selon les zones (zones à risque) et selon les patients vis à vis de l’aspergillus : infections sévères chez les personnes immunodéprimés)
Voies de Transmission (6) 4/ Vecteurs : - mouches (faux vecteurs) : par contact - moustiques, puces, tiques : par piqûres en général infections communautaires (paludisme, peste, typhus, fièvre jaune, maladie de Lyme…); petits mammifères, rongeurs…
Portes d’entrée - Gestes invasifs Suppression des barrières anatomiques d’où perte de l’intégrité cutanéo-muqueuse - cathéters, drains, plaies (opératoires ou accidentelles), brûlures; « toute technique invasive : soin ou exploration » Suppression des barrières physiologiques ( méats, filiaire respiratoire, sphincters) - sondages urinaires (40%), gastriques - intubation trachéo-bronchique - actes endoscopiques (matériel)
Gestes invasifs
1/ Facteurs favorisants liés à l’environnement Facteurs de risques (1) 1/ Facteurs favorisants liés à l’environnement Écologie hospitalière : grande dissémination de réservoirs multiples; nombreux sujets réceptifs; mobilité des patients croisements, contacts Architecture : locaux de soins, circuits et locaux annexes déchets, linge circulation fluide, croisement propre/sale; contamination des fluides air : travaux eau : bras morts (risque de légionelles ) Personnel : quantité, charge de travail, formation du personnel
Facteurs de risques (2) 2/ Facteurs liés à l’évolution des techniques - prothèses, greffes - C.E.C - explorations invasives - ventilation assistée – AREC - épuration extra-rénale risques liés aux techniques et au matériel (DM) chez des patients souvent fragiles (SUSI, Réa) 3/ Facteurs liés aux thérapeutiques - Antibiotiques résistance des bactéries (BMR) - Anti-inflammatoires des réponses immunes - Chimiothérapie des réponses immunes
Facteurs de risques (3) 4/ Facteurs liés au terrain: Diminution des défenses immunitaires Pathologie directe : hématologie / cancérologie Affections médicales chroniques : diabète; I. rénale; cirrhose; dénutrition; mal. de système (lupus, P.A.N) Ages extrêmes : prématurés, nouveaux-nés, sujets agés. Risque chirurgical particulier - Polytraumatisé, transplanté, brûlé. - Fonction de la classe de contamination de l’acte
Risque chirurgical
Appréciation du risque chirurgical Classification d’Altemeier pour apprécier le risque infectieux de l’acte chirurgical en fonction de la contamination cutanée, aidera la mise en place de la prévention. Classe 1 ou 2 chirurgie propre / propre contaminée Risque faible, mais si infection : GRAVITE +++ Classe 3 ou 4 chirurgie contaminée / sale: infectée Risque grand mais l’infection fait déjà partie de la pathologie ( fracture ouverte, occlusion, péritonite).
CONCLUSION « Risque » infectieux nosocomial Maximum : nombreux réservoirs et actes invasifs - services à risque : Réanimation – soins intensifs - sujets à risque : immunodéprimé, brûlé, prématuré, agé - actes à risque : ventilation mécanique, chirurgie de greffe, prothèse orthopédique « Polytraumatisé +++ » Orientation de la prévention : systématique - diminution des réservoirs ( stérilisation, désinfection) - rupture de la chaîne de transmission (asepsie, lavage ou désinfection des mains, isolement ) Vigilance particulière si risque élevé
Respect des mécanismes de défense naturels contre l’infection flores commensales: armée défensive # antibiotiques peau, muqueuses: barrière physique # gestes invasifs réactions inflammatoires : phagocytose système immunitaire : AC # altéré par chimiothérapie / corticoïdes Augmentation des défenses immunitaires. sérothérapie, vaccination.
Conclusion prévention efficace Connaissance réelle voire scientifique du problème: rédaction de protocoles judicieux Communication entre les acteurs Formation des différents acteurs Moyens d’action réels et adéquats Organisation effective de la prévention Évaluation : assurance - qualité