Addictions chez les adolescents Dr Degani BANZULU – UNIKIN Kinshasa 2015
Adolescence : transition entre l’enfance et l’âge adulte CONTEXTE Adolescence : transition entre l’enfance et l’âge adulte Plus précoce chez les filles Changements physiologiques mais aussi psychologiques (maturité?) Affranchissement du lien de dépendance aux parents, recherche de nouvelle figures d’identification, recherche de nouvelles expériences
Désir d’émancipation, intégration dans un nouveau groupe (celui des pairs) Dans ce contexte, expérimentation de l’usage des substances psychoactives et de comportements particuliers, dont la répétition peut entrainer abus, voire dépendance. Ces conduites peuvent avoir un impact sur le développement
Des points communs entre les addictions avec et sans substances comme la fréquence de polyconsommations, la perte de contrôle, la poursuite de l’usage,… Et des différences sur le plan de la dangerosité et de la réaction sociale On s’intéressera plus aux addictions avec substance (toxicomanie)
Selon des enquêtes longitudinales : Quelques constats : Selon des enquêtes longitudinales : Les initiations à l’alcool, tabac et cannabis se déroulent principalement à l’adolescence En France, en 2011, seulement 6,6% des adolescents de 17 ans n’avaient consommé aucune de ces trois substances Généralement, la consommation baisse à l’entrée dans la vie adulte (sauf pour le tabac). Le niveau d’expérimentation, d’usage occasionnel et de précocité d’expérimentation sont alarmants Polyconsommation et autres produits illicites sont aussi d’autres caractéristiques
Les principaux facteurs associés aux usages problématiques Les facteurs psychologiques : défaut d’assertivité, mauvaise estime de soi, manque de confiance en soi, impulsivité, recherche des sensations, troubles de l’humeur,…événements de vie stressants Les facteurs socioéconomiques et scolaires : inégalité sociales, parcours scolaire perturbé,… Les facteurs familiaux et la transmission intergénérationnelle : refuge face à un dysfonctionnement familial, addiction ou troubles mentaux des parents, en partie génétiques pour la dépendance? Le cercle amical : selection ou socialisation via les pairs Marketing publiciataire : jouant sur la socialisation, l’humour, l’aventure, le pouvoir, l’innovation,…sponsoring des événements culturels et sportifs,…
Sensibilité des adolescents aux effets de l’alcool et du cannabis : Des étapes importantes de la maturation du cerveau se déroulent durant cette période (15 à 25 ans) Des consommations excessives porteront atteintes au cerveau et à son fonctionnement, selon un continuum fonction de la dose, de la fréquence et des modalités d’exposition.
Sensibilité à l’alcool : Les jeunes sont moins sensibles aux effets négatifs de l’alcool (hypnose, hypothermie,…) mais plus réceptifs aux effets positifs (désinhibition, facilitation des interactions sociales,…) Effets neurotoxiques proportionnellement plus marqués interférant avec les capacités d’apprentissage et de mémorisation
Sensibilité au cannabis : Risque d’apparition des troubles psychotiques Apparition des troubles cognitifs (mémoire, attention et concentration) corrélés à la dose, la fréquence, la durée d’exposition et la précocité de la consommation, et à long terme Syndrome amotivationnel déficit d’activité scolaire, professionnelle, pauvreté idéative et indifférence affective
Pourquoi 10-30% des sujets perdent le contrôle de leur consommation? : Quelques généralités sur la neurobiologie des addictions Pourquoi 10-30% des sujets perdent le contrôle de leur consommation? : Des facteurs génétiques (50% du risque de développer une addiction) Des facteurs développementaux (vie intrautéine, adolescence) Des facteurs environnementaux (stress, drogue, familial, culturel)
Les prises initiales de drogues sont associées au plaisir qu’elles produisent =renforcement positif (dopamine) A long terme, le renforcement négatif, la compulsion et le craving D’autres circuits interviennent alors : Les fonctions exécutives (contrôle inhibiteur, prise de décision,…) La mémoire (conditionnement, habitude) La récompense Le conditionnement La motivation (énergie, dynamisme) L’humeur (réactivité au stress, hédonisme) L’intéroception Le chemin menant à la dépendance passe par l’automatisme et par l’augmentation progressive de la motivation à consommer La consommation chronique entrainant des adaptations cérébrales
Les effets plaisants des drogues sont relayés par la dopamine dans le noyau accumbens La dopamine intervient aussi dans le phénomène d’attribution de la « plus-value » (valeur incitatrice) associée à la drogue. Aussi dans le mécanisme de l’indice contextuel (qui explique le rôle de l’environnement dans la rechute)
La récompense : L’effet des drogues se substitue à celui de récompenses naturelles pour lesquelles notre cerveau est programmé (comme la nourriture, la sexualité), et la drogue a un effet plus intense et prolongé. La consommation aiguë de drogue diminue le seuil de récompense (récompense augmentée) alors que la consommation chronique augmente ce seuil (récompense diminuée) et donc le besoin de consommer davantage de drogue pour atteindre ce seuil
Aire tegmentale ventrale (Dopamine) Cortex préfontal (contrôle inhibiteur de la consommation) Noyau accumbens Aire tegmentale ventrale (Dopamine) Striatum dorsal, Cortex moteur Amygdale, Hippocampe Or cet état de faible contrôle comportemental, d’augmentation de la motivation et d’états émotionnels négatifs sont caractéristiques de l’adolescence!! Récompense, Motivation, Mémoire/Conditionnement + Réactivité au stress et Interoception (craving) D’où la vulnérabilité accrue des adolescents à l’addiction!!
Le sevrage : Apparait à l’arrêt de la consommation de la substance La drogue initialement consommée pour ses effets plaisants est alors consommée, au moins en partie, pour se soulager des effets néfastes du sevrage (« renforcement négatif »). Diminution de la motivation pour les récompenses naturelles alors que celle pour la drogue est largement amplifiée!!!! (rôle de amygdale) La combinaison de l’atteinte du système de récompense et le recrutement des systèmes impliqués dans le stress explique l’état émotionnel négatif qui est responsable du renforcement négatif et en partie de la compulsion.
Addiction et neuroplasticité : Mécanisme par lequel les stimuli internes et environnementaux peuvent modifier la réponse neuronale À court terme ou à long terme Or certains systèmes (GABA-ergique et Glutamate) sont ciblés par l’alcool Mémoire pathologique qui explique, au moins en partie, comment les drogues laissent des traces cérébrales, ou engrammes, qui font que, même après une très longue période d’abstinence, le sujet dépendant peut rechuter lors d’une re-consommation, même faible, de drogue ou lors d’une exposition à un indice contextuel qui avait été associé avec les prises régulières de drogue. Phénomène aussi observé en cas de stress aigu ou chronique.
Le développement cérébral : Neurobiologie des addictions et adolescence : Vulnérabilité neurobiologique des adolescents aux addictions Le développement cérébral : Au niveau comportemental, l’adolescence se caractérise par des niveaux élevés de prise de risque, un besoin d’exploration, de nouveauté et une recherche de sensations, un niveau élevé d’interactions sociales, une activité importante, et un enclin à jouer Toutefois, la forte propension à la recherche de nouveauté et de sensations pendant cette période est aussi un facteur fortement prédictif de l’abus de substances psychoactives et du risque à développer une addiction Le contrôle inhibiteur exécutif s’améliore de l’adolescence à l’âge adulte Tous ces remodelages sont adaptatifs pour la vie en tant qu’adulte
L’état affectif interagit avec la réponse neuronale à la récompense Sensibilité à la récompense La propension des adolescents à la recherche de sensations et à la prise de risque ainsi que leur faible capacité à la prise de décision font qu’ils sont plus sensibles aux récompenses Hyperactivité du striatum ventral avec libération accrue de dopamine cycle vicieux de renforcement du comportement Les adolescents en pleine phase de maturation attachent une importance particulière au contexte social et à l’influence des pairs quand ils répondent à une récompense (rôle du cortex préfrontal dans la cognition sociale et les représentations personnelles) L’état affectif interagit avec la réponse neuronale à la récompense Des niveaux hormonaux élevés de testostérone
Vulnérabilité inégale des individus face à l’addiction Génétique et addiction : Vulnérabilité inégale des individus face à l’addiction Forte héritabilité de l’addiction (50% = génétique) Les études d’adoption : l’addiction à l’alcool chez les adoptés était liée à celle des parents biologiques et non à celle des parents d’adoption. Le risque de développer une addiction à l’alcool est multiplié par 4 à 5 chez les enfants de parents alcoolo-dépendants Susceptibilité est polygénique : des gènes impliqués dans la transmission neuronale ou signalisation cellulaire (enzymes et récepteurs), patterns communs ou spécifiques Cette héritabilité peut porter sur l’initiation et/ou sur la dépendance Valable aussi pour le comportement de polyconsommation Cette héritabilité joue aussi sur les attentes et les motivations par rapport à la consommation Les facteurs génétiques joueraient un rôle important pendant les premières phases de l’adolescence, ensuite les facteurs environnementaux, notamment la pression du groupe de pairs, gagneraient en importance
Ces gènes potentiels jouent un rôle à différents niveaux : Dans le métabolisme de la substance (métabolisme de l’alcool : alcool déshydrogénase, acétaldéhyde déshydrogénase), la sensibilité aux effets plaisants/récompensants, ou encore la sévérité de l’addiction. Dans des comportements/traits phénotypiques plus restreints comme la désinhibition, l’attention, certaines activités cérébrales (encéphalogramme), la réponse au stress, la recherche de sensations ou l’impulsivité. Pour beaucoup d’auteurs concernant l’alcool, les facteurs environnementaux favorisent l’initiation tandis que les facteurs génétiques favorisent le maintien ou l’escalade de la consommation
Epigénétique et addiction Interaction des gènes et de l’environnement entraînant des modifications stables de l’expression des gènes Or l’exposition aiguë ou chronique à des drogues induit des modifications de l’expression des gènes Pouvant se traduire par des modifications comportementales comme la sensibilité aux récompenses et aux stimuli Intervenant aussi durant les phases développementales in utéro, adolescence
Vulnérabilité psychologique des adolescents aux addictions : 1. La problématique de l’attachement : L’expérience d’un entourage disponible, cohérent et prévisible procure au bébé puis à l’enfant un sentiment de sécurité qui lui permet d’affronter les séparations et de tolérer les frustrations. Plus l’enfant sera confiant dans sa sécurité, plus il sera autonome et pourra explorer le monde Les besoins d’attachement doivent être satisfaits pour s’autoriser à s’éloigner Notion de base de sécurité : « ma figure d’attachement est accessible, je peux explorer, et revenir vers elle en cas de problème ( havre de sécurité ) »
A l’inverse, l’expérience de relations précoces peu satisfaisantes, du fait d’un entourage indisponible ou imprévisible risque d’entraîner chez l’enfant des attitudes de dépendance relationnelle. Le système d’attachement est alors de type « insécure »: - les séparations sont mal gérées - deux types: insécure évitant ou préoccupé insécure résistant ou détaché
Ces différents modes d’attachement vont colorer la crise l’adolescence : Les adolescents sécures font plus facilement face au conflit : - empathiques - capables de discussions productives - trouvent un équilibre entre autonomie et maintiennent des liens en cas de désaccord Les adolescents insécures gèrent mal l’affrontement : - peu empathiques - coupure émotionnelle escalade de lutte pour le pouvoir
L’adolescence réactualise les premiers liens… L’adolescence impose une prise de distance vis-à-vis des parents… Elle interroge l’adolescent sur sa capacité d’autonomie…. L’adolescence devient un puissant révélateur de la confiance en soi et de ce qui reste de dépendance non résolue aux parents
Les adolescents insécures « préoccupés » présentent des troubles « internalisés »: - Troubles anxieux Dépression Les adolescents insécures « détachés » présentent des troubles « externalisés »: - Troubles des conduites - Tentatives de suicides - Addictions
L’expérience de relations peu satisfaisantes, un entourage indisponible ou imprévisible risque d’entraîner chez l’enfant des attitudes de dépendance relationnelle. La dépendance pourrait être le signe de l’incapacité à élaborer l’angoisse de séparation. Addiction: protection contre l’angoisse de perte et de séparation Illusion que ce qui manque existe puisque momentanément, l’addiction permet l’apaisement Toute addiction peut être envisagée comme une tentative d’aménagement de la dépendance.
violence familiale, négligence ou sévices 2. Les facteurs environnementaux : 2.1. La famille : désinvestissement, absence d’intérêts des parents ou sollicitude excessive (père) , séparations multiples (abandon, divorce, deuils…). abus d’alcool ou de psychotropes chez les parents, conduites d’automédication violence familiale, négligence ou sévices l’implication des parents dans l’éducatif, la fixation des limites et l’affirmation assurée de leur fonction parentale sont inversement corrélées à l’usage de toxiques par l’adolescent.
2.2. Le rôle des pairs : L’influence est un facteur important, la pression du groupe est un facteur de déclenchement ou d’entretien. La mode, l’exemple, le défi, la pression expliquent la première prise à laquelle le groupe confère une valeur d’initiation. Ensuite, le sentiment d’appartenance constitue un facteur de maintien. Le groupe fonctionne comme un modèle de référence. Un adolescent addictif a tendance à s’associer avec des camarades qui consomment aussi, ce qui accroît le risque de poursuite. L’addiction peut être une tentative de solution à la crise d’adolescence
La fragilisation personnelle Le produit La situation déclenchante Satisfaction éprouvée Evitement de la souffrance Evitement du sentiment d’incompétence Conséquences cognitives, émotionnelles, comportementales et sociales Conduites addictives Interaction des facteurs de risque : Addiction
CONCLUSION : Les recherches ont identifié la période de l’adolescence comme une phase très critique du développement cérébral qui constitue une période de vulnérabilité particulière relativement non seulement aux effets des drogues mais aussi au risque d’abus voire de dépendance. Quel que soit le produit considéré, la précocité de l’expérimentation et de l’entrée dans la consommation accroît les risques de dépendance ultérieure et, plus généralement, de dommages subséquents. A cause de cette vulnérabilité des adolescents aux effets neurotoxiques et addictifs, non seulement sur le court terme mais aussi à long terme. Il est important de s’attaquer au problème selon les différents angles que sont la dangerosité de l’usage et de la consommation excessive, les représentations sur les produits et leur usage, et le respect des lois d’interdiction de vente aux mineurs, afin de retarder au maximum l’âge d’initiation et d’entrée dans des consommations régulières ou excessives.