Inclusion scolaire: les contradictions françaises Etat des lieux problématisé P. Mazereau, CERSE, et MRSH Université de Normandie Caen
Cadre théorique et méthodologique Multiréférentiel et socio-historique qui met en relation: une sociologie de l’action publique, des éléments de sociologie du travail et des groupes professionnels, des apports de clinique de l’activité ou d’ergologie. Au plan empirique, il s’agit d’analyses secondaires - D’entretiens de recherches, réalisées entre 2008 et 2013, sur les conditions de scolarisation des élèves handicapés auprès d’enseignants généralistes, spécialisés et de parents. - D’éléments d’analyse tirés de recherches en cours sur la coordination des parcours de scolarisation d’élèves suivis par le secteur sanitaire ou médico-social. Relativiser l’aspect socio historique mais présent dans l’ici et maintenant
Au plan socio-politique (niveau macro) L’inclusion résulte en France d’une conversion tardive et inachevée. Le choix initial du législateur parle de scolarisation.(Loi de 2005, rapport Chossy 2011) Ce n’est qu’en 2013 loi de juillet 2013, que l’on constate une convergence entre politique sociale et politique éducative sur le thème de l’inclusion. Pour les enseignants généralistes cela se traduit par un changement de la prescription « - Adapter son enseignement et son action éducative à la diversité des élèves. - Travailler avec les personnes ressources en vue de la mise en œuvre du «projet personnalisé de scolarisation» des élèves en situation de handicap. Différencier son enseignement en fonction des rythmes d'apprentissage et des besoins de chacun. Adapter son enseignement aux élèves à besoins éducatifs particuliers. » Arrêté du 1-7-2013 – Référentiel de compétences professionnelles
Etat des lieux chiffré En 2014 il y avait 239 000 élèves handicapés scolarisés 141 000 dans le premier degré dont 2 tiers en classe ordinaire 1 tiers en CLIS . 97 560 dans le secondaire dont 30% en dispositif collectif ULIS. En moyenne 60% sont accompagnés par un ou une AVS. Du côté des formations des enseignants le statu quo ante 2005.
Des contextes de scolarisation variés marqués par les normes antécédentes (Schwartz) Globalement dominent des contextes où l’on trouve peu d’adaptation pédagogique. Les besoins sont généralement évalués en fonction de la norme scolaire ce qui génère une augmentation du temps d’AVS en fonction de l’avancée dans la scolarité. Des enseignants généralistes se disent «démunis» leur professionnalité est mise à mal. Ils sont quelque fois «formés» par les parents. Les interventions médico-sociales coordonnées à la scolarisation le sont sans objectifs communs.
Le poids de la prescription trans-historique L’organisation scolaire maintient le modèle originel « L’école primaire publique doit agir, non sur quelques enfants pris à part, mais sur la masse de la population enfantine. L’enseignement y est nécessairement collectif et simultané ; le maître ne peut se donner à quelques uns, il se doit à tous ; c’est par les résultats obtenus sur l’ensemble de sa classe et non pas sur une élite seulement que son œuvre pédagogique doit être appréciée ». Organisation pédagogique et plan d’études des écoles primaires publiques. Arrêté du 27 juillet 1882. Les parents sont aussi concernés par la demande de conformité
Un nouvel enjeu construire de l’intercompréhension On constate une situation où beaucoup d’éléments conspirent au maintien de l’intégration scolaire. Les interventions médico-sociales ou sanitaires se font selon une version faible de la coopération: «qui repose sur une meilleure coordination (=ordonner ensemble) des actes de travail. Cette version faible est compatible avec le maintien des anciens paradigmes : on maintient un travail séparé et divisé, on entretient le principe selon lequel la responsabilité ne se partage pas, mais on vise à améliorer les passages de relais et les dialogues entre les travaux séparés » (Zarifian, 1996)
Et des environnements capacitants Dans de rares situations de scolarisation on relève les prémices d’une version forte de la coopération: «C’est communiquer, au sens de construire et développer un espace d’intersubjectivité, de compréhension réciproque, c’est établir des accords solides sur : la nature des problèmes à traiter ; l’identité (au moins partielle) des objectifs, et donc les processus communs de définition de ces objectifs et du sens donné aux actions. » (Zarifian,1996)
Des contradictions à surmonter L’inclusion scolaire suppose de dépasser les anciens paradigmes construits sur la longue durée qui ont servi la division du travail entre soin, éducation et enseignement. Elle exige de construire des cadres organisationnels et de formation des professionnels à même de soutenir des pratiques collaboratives entre enseignants et personnels spécialisés du secteur médico-social. Le chemin promet d’être long compte tenu des logiques historiques cristallisées dans les représentations et pratiques.
Références Clot, Y. (2008). Travail et pouvoir d’agir, Paris : P.U.F. Mazereau, P. (2015) Inclusion scolaire et action publique, entre contradictions et inachèvement, Vie sociale, n° 11. Mazereau, P. (2014) Inclusion scolaire et nouvel ordre des savoirs : vers des professionnalités enrichies, Nouvelle revue de l’adaptation et de la scolarisation, n° 65, p. 21-30. Schwartz, Y. (2009). Manifeste pour un Ergo-engagement, Chapitre 5, p. 1, in Schwartz, Y. et Durrive, L. (dir.) Travail et Ergologie – entretiens sur l’activité humaine, tome II, Toulouse : Octarès. Zarifian P. (1996). Travail et communication : essai sociologique sur le travail dans la grande entreprise industrielle, Paris, PUF.