Le désir
Le désir est un mouvement de l’être qui le pousse vers un objet. Objet imaginaire ou réel objet imaginaire : un être (la Sylphide de Chateaubriand dans Les Mémoires d’outre-tombe) une idée (les philosophes recherchent la sagesse, les historiens la vérité historique. Existent-elles ?) objet réel mais ce que l’on voit n’est jamais ce que l’on voit, seulement notre représentation, notre perception de cet objet, même et surtout si cet objet est une personne. Barbara. La madeleine de Proust. D’une certaine façon, l’objet réel du désir est quelque peu imaginaire.
2. Un désir sans fin Puisque cet objet est imaginaire, sa possession nous déçoit nécessairement. On le connaît autrement, il nous apparaît autre. Et sitôt possédé, nous désirons autre chose. Dom Juan ne peut jamais être satisfait, ou alors, il n’est plus Dom Juan. En d’autres termes, l’objet du désir n’a pas d’autre réalité que celle que je lui donne. C’est l’être qui désire qui constitue l’objet de son désir, qui le forme, le crée. Mais, en créant l‘objet du désir, l’être crée du même coup le manque semble en être à l’origine.
Il y a peut-être une distance très grande entre ce que nous désirons (l’objet imaginé, construit par notre imagination) et l’objet réel. Dans le mouvement du désir, nous ne connaissons plus l’objet. Nous affirmons qu’il est beau, bon, merveilleux, non pas parce que nous l’évaluons tel grâce à des outils de mesure ou des normes fondées mais parce que nous le désirons. « ce qui fonde l'effort, le vouloir, l'appétit, le désir, ce n'est pas qu'on ait jugé qu'une chose est bonne ; mais, au contraire, on juge qu'une chose est bonne par cela même qu'on y tend par l'effort, le vouloir, l'appétit, le désir. » (Éthique III, Prop. 9, scolie)
3. Rien n’est par nature désirable Une chose n’est pas désirable pour tous. Chaque désir est différent, chaque objet du désir l’est aussi. Ce qui est désirable pour l’un ne l’est pas forcément pour autrui. Rien n’est donc désirable en soi. Pour Spinoza, dans L’Ethique, l’essence de l’homme est un effort (conatus, désir) de persévérer dans son être. Le désir qui tend à développer notre puissance est un mouvement vers la joie qui doit motiver nos actes. Nous ne savons pas facilement quels sont les désirs qui nous sont bons et quels sont ceux qui peuvent nous nuire. Nous devons nous efforcer de nous connaître, c’est-à-dire de connaître nos désirs, leur cause (leur source, leur origine), ce qui nous pousse à agir, pour ne pas avoir à subir nos passions mais au contraire pour diriger correctement notre être sur la voie de la raison, pour le porter à s’accompir.