3-2-6 Autres peintres de la première Renaissance La seconde génération: Pierro della Francesca, Andrea del Castagno, Mantegna La première renaissance au nord de l’Italie: le paysage lyrique et le néoplatonisme Bellini, Botticelli
Souvenez-vous: La renaissance en peinture arrive après la renaissance en architecture et en sculpture, et est avant tout un retour à l’observation directe de la nature, qui va permettre la découverte des lois de la perspective linéaire, ainsi que de la perspective atmosphérique. Ces découvertes vont permettre aux peintres de représenter le monde tel que nous le voyons: l’espace, fond uni dans l’icone médiévale, devient l’espace réel, sujet aux lois de la perspective. L’architecture peinte met en évidence les lois de la perspective linéaire, alors que le paysage montre la connaissance de la perspective atmosphérique. Le corps est à nouveau représenté dans sa réalité physique (poids, volume, ombre, raccourci) mais aussi dans sa nudité, dans sa beauté…
Masaccio (1401-1428) C’est un peintre nommé Masaccio (1401-1428), qui lance le nouveau style en peinture, en appliquant, le premier avec consistance, les lois de la perspective linéaire et atmosphérique. Mais Masaccio va mourrir très jeune...
Sa mort va laisser un vide Sa mort va laisser un vide. Ses contemporains adoptent peu à peu le nouveau style, mais avec moins de force , clarté, consistance… Dans l’Annonciation de Fra Angelico (1440-1450), l’espace est en perspective mais les figures sont minces, décharnées, gothiques. Fra Filippo Lippi peint sa Vierge (vers 1440) aux détails réalistes mais perspective en somme irrationnelle … Fra Angelico, l’Annonciation vers 1440-1450, fresque saint Marc de Florence, Fra Filippo Lippi vers 1440 Fra Angelico, l’Annonciation vers 1440-1450 Fra Filippo Lippi,La Vierge à l’enfant (vers 1440)
Domenico Veneziano va introduire un nouveau type de tableau d’autel appelé la Sainte conversation, La sacra conversazione. Ses couleurs sont très spécifiques: rose, vert clair, jaunes, évoquant la lumière pâle du petit matin. Veneziano (1410- ) s’établit à Florence en 1439 Veneziano, Vierge à l’enfant, (vers 1445, bois)
Piero della Francesca (1412/20- 1492) Après la mort prématurée de Masaccio, il faudra attendre la seconde génération d’artistes de la première renaissance, pour retrouver un autre maître de sa taille, tel Piero della Francesca, un élève de Domenico Veneziano… Élève de Veneziano à Florence, qu’il quitte quelques années plus tard La découverte de la vraie croix (1452-59), fresque, Saint François, Arezzo
Piero della Francesca, Résurrection, fresque, 1463 Aussi connu dans son temps comme mathématicien, Piero della Francesca arrive à cette impression de solennité, à l’aspect intemporel de ses personnages en les traitant en corps géométriques (sphères, cylindres, cônes) sur lesquels il applique strictement les règles de la perspective mathématique… Piero della Francesca, Résurrection, fresque, 1463
La flagellation du Christ, 1469 Piero della Francesca est dans son temps aussi connu comme géomètre et mathématicien… Dans cette œuvre nous voyons un espace profond, rendu en perspective linéaire rigoureuse. Huile et tempera sur bois La flagellation du Christ, 1469
Dans l’œuvre de della Francesca, nous voyons une recherche rigoureuse de la perspective (Brunelleschi, Alberti), mais aussi la monumentalité des personnages (Masaccio), et l'utilisation de la lumière et des couleurs pâles de son maître Domenico Veneziano. fresque, Saint François, Arezzo, Italie centrale Piero della Francesca, La découverte de la vraie croix (1452-59), fresque
Alors que dans ce double portrait nous voyons aussi son utilisation de la perspective atmosphérique. L’espace pour la première fois, se prolonge jusqu’à l’horizon… Della Francesca, Portraits de Federico da Montefeltro et son épouse Battista Sforza, 1465/66
Andréa del Castagno Cette fresque prolonge l’espace réel du réfectoire de Ste Apollonia à Florence, par la représentation du dernier repas du Christ, La Cène. La Cène, vers 1445/50, fresque, Ste Apollonia, Florence
Padoue: Mantegna (1431-1506): Le Christ mort Raccourci (de plus court): procédé, correspondant aux lois d’optique, qu’utilisent les peintres et les sculpteurs pour représenter les corps et objets en perspective (skraćenje). C’est Mantegna qui va explorer les cas extrêmes de cette perspective linéaire maintenant acquise par les peintres: son Christ mort, raccourci, est insoutenable, dans la réalité de son corps sujet aux imperfections de notre œil charnel…
Alors que son Saint Jacques conduit au supplice, présente un point de vue inhabituel, la scène est vue d’en bas. Mantegna, Saint Jacques conduit au supplice, 1455, fresque détruite pendant la Seconde guerre mondiale
Mantegna, Saint Sébastien, vers 1455/60 Dans son Saint Sébastien, nous retrouvons tout le programme de l’art de la première Renaissance: la colonne à laquelle le saint est attaché est antique, le dallage est rendu en perspective (linéaire) et le corps du saint chrétien est vigoureux, sculptural, un corps d’athlète… Au fond, un paysage paisible, presque lyrique contraste avec le drame du Saint Sébastien martyre. C’est que Mantegna travaille à Padoue, près de Venise… Mantegna, Saint Sébastien, vers 1455/60
Venise et le paysage lyrique: Giovanni Bellini (1431-1516) Ces paysages lyriques sont la caractéristiques de la Renaissance à Venise. Je jeune Bellini peint ici saint François, pieds nus , tout petit dans le paysage, et en extase mystique devant les beautés de ce monde, nous invitant à les admirer. Giovanni Bellini, Saint François en extase, 1485
Nous retrouvons cette beauté du monde offerte à notre admiration dans cette Vierge en Majesté entourée de Saints, de 20 ans postérieure. La Vierge est placée dans l’abside d’une église, mais les bras du transept sont des baies ouvertes, par lesquelles nous entrevoyons un paysage, remplaçant ici le fond doré des icônes médiévales. Giovanni Bellini, Vierge en Majesté entourée de saints, 1505, retable, Santa Zaccaria, Venise
Le Néoplatonisme: le sensible symbole de l’intelligible, la beauté des choses provenant de la splendeur divine, le Beau est le Bien… La renaissance a commencé avec un retour aux textes latin et grecs, repris, relus, traduits. Ainsi sont aussi traduites et commentées les œuvres complètes de Platon et de Plotin, qui exerceront un impact considérable sur l'art de la Renaissance. Se basant sur le mysticisme de Platon, le néoplatonisme considère que la vie de l’univers en général, et de l’homme en particulier, est lié à Dieu, de sorte que toutes les révélations de l’esprit humain, et non seulement la Bible et les écrits chrétiens, ont une valeur d’enseignement. Ainsi le néoplatonisme fonde le dogme chrétien dans la pensée platonicienne, et abolit les limites entre le sacré et le profane. Dans cette conception de l'Univers où le sensible (=qui peut être senti) symbolise l'intelligible (= qui peut être compris), la beauté des choses provient de la splendeur divine. Cette idée platonicienne, que le Beau, qui est aussi le Bien, est identique à l'Idée suprême est particulièrement propice à inspirer les peintres… Cosme de Médicis, grand mécène des artistes et penseurs florentins, incite un de ses protégés, Marsile Ficin...
Nous avons vu que des thèmes classiques étaient parfois employés dans l’art du Moyen Age, mais les mythes classiques étaient réinterprétés comme allégories chrétienne. Les artistes ne pouvaient s’inspirer du répertoire classique de poses, gestes, expressions qu’en changeant l’identité de leur sujet: ainsi Bacchus devenait Jésus, les philosophes les apôtres, Hercule Samson…. Nous avons parlé du décalage entre le fond et la forme classique. Dionysos, Crète, Christ bon pasteur, catacombes romaines
Avec la pensée néoplatonicienne il est à nouveau possible de peindre les épisodes de la mythologie gréco-romaine, comme ici Botticelli, peignant La Naissance de Vénus, vers 1480.
Le Néoplatonisme et Botticelli (1444-1510) Les néoplatoniciens parlent de la « Venus céleste » pour parler de Vierge Marie comme source de l’amour divin. Cette Venus céleste reste dans le domaine spirituel, alors que sa sœur jumelle, la Venus ordinaire, engendre l’amour humain. Détail, Venus, Botticelli, La Naissance de Vénus, vers 1480
C’est aussi Eve d’avant le péché, l’amour divin réapparaissant sur Terre, la nouvelle église chrétienne qu’une fois sur terre, et habillée, elle va symboliser, et finalement cette renaissance dont l’époque revendique le nom… Botticelli, La Naissance de Vénus, vers 1480
Botticelli (1444-1510), Le sacre du Printemps
Détail, Flore
Pour en savoir plus sur l’interprétation de la Naissance de Vénus, explorer le site d’UQAM: http://revueexsituuqam.wordpress.com/2010/12/17/la-naissance-de-venus-de-sandro-botticelli-la-representation-dun-mythe/
La fin du quattrocento florentin, la première renaissance florentine… Cette période est marquée par des événements politiques qui influenceront beaucoup les arts: à Florance, c’est la chute des Médicis et l’arrivée au pouvoir du moine dominicain Savonarole (exécuté en 1498), connu pour ses sermons fanatiques et apocalyptiques. Après l’autodafé de Savonarole, Florence redevient une république, au sens des cités-État, avec l'influence des Cinq cents nobles et grands les plus importants dans la cité c’est plutôt une ploutocratie. C’est Rome qui est dorénavant le nouveau centre de patronage artistique, avec la papauté qui reprend sa puissance politique en Italie… C'est à cette époque que Machiaveli écrit son œuvre majeure le Prince, pour instruire l'un des princes Médicis, qui mettront trente ans à reprendre grâce aux yeux des Florentins.
Rome et la reprise de pouvoir politique par la papauté La papauté reprend sa puissance politique en Italie et devient un important centre de patronage artistique. Le but: que les monuments de la Rome chrétienne surpassent la beauté de la Rome païenne. Le projet le plus ambitieux de l’époque: la décoration de la chapelle Sixtine au Vatican à laquelle la plupart des grands artistes de l’époque vont participer. Nous allons voir ici la fresque La remise des clefs de Pietro Perugino, qui au niveau du thème traite l’épisode fondatrice de la papauté, alors qu’au niveau formel elle présente un manifeste sur l’art de la première Renaissance.
Pietro Perugino, La remise des Clefs, 1485, fresque, Chapelle Sixtine, Le Vatican
Ainsi nous arrivons à la Haute Renaissance, dont nous parlerons dans la suite de notre cours…