DISSECTIONS ARTERIELLES CERVICALES ET CEREBRALES Jeudi 28 janvier 2016 Dr Casulli Coralie Service de neurologie, Chalon sur Saône
INTRODUCTION 1 à 2% des AVC ischémiques Mais 10 à 25% des AVC ischémiques des sujets de <45 ans Incidence annuelle de 3/100 000 habitants pour les artères carotidiennes (1à 1,5/100 000 pour les artères vertébrales) Dans 70% des cas, complications ischémiques Sex ratio: H>F (CADISP, 2012)
RAPPELS ANATOMIQUES
Topographie usuelle: artère carotide interne (post bulbaire), artère vertébrale (V3 et V4), dissections multiples (15%) Dissections carotidiennes: infection récente, céphalées Dissections vertébrales: traumatisme cervical dans les mois précédents, cervicalgies, accidents ischémiques
M. R, 42 ans Pas d’antécédent Pas de traitement au long cours Depuis 1 semaine, ptosis de l’oeil droit et céphalées temporales droites intermittentes Pas de notion d’infection, pas de manipulation cervicale, pas de traumatisme cervical ou crânien
Bilan ophtalmologique normal Echodoppler TSA: Axes carotidiens: athérome pariétal non significatif et sans retentissement hémodynamique. Pas d’argument direct ou indirect en faveur d’une dissection Axes VB: normaux
Angioscanner TSA
Hospitalisation en secteur USINV Interrogatoire: pas de FF Examen neurologique: syndrome de Claude Bernard-Horner droit isolé Bio standard normale, pas de sd inflammatoire, homocysteinémie et alpha 1 antitrypsine normales Mise sous PSE d’héparine TCA 1,6-2 et Aspégic 250
IRM cérébrale
Stop héparine, maintien Aspégic 250mg pour 6 mois min Pas de modification clinique RAD après 7 jours d’hospitalisation
PHYSIOPATHOLOGIE Dissection sous intimale: Déchirure intimale avec +/- formation d’un hématome de paroi spontané par rupture des vasa vasorum COMPLICATIONS: Ischémiques: AVC, AIT par caractère hémodynamique (sténose) ou thromboembolique Anévrysmales: douleurs, compression des tissus adjacents (nerfs crâniens) Dissection sous adventicielle: formes anévrysmales, lumière de artère peut être normale
ETIOLOGIES Traumatiques 15% Spontanées 85% Dans 50% des cas: traumatismes mineurs ou infections des voies respiratoires supérieures Pathologies prédisposantes: Ehler Danlos de type IV, Marfan, dysplasie fibromusculaire, polykystose rénale, déficit en alpha 1 antitrypsine, hyperhomocysteinémie...
FACTEURS DE RISQUE Accident de la voie publique («coup du lapin»,…) Manipulation cervicale Activité sportive: ski, arts martiaux, rugby, natation, basket-ball, golf, tennis, hockey, football, danse, jogging, cyclisme, équitation, plongée, yoga,… Gestes médicaux: intubation trachéale, cathétérisme jugulaire, bronchoscopie… Accouchement Activité sexuelle Eternuement, toux, vomissement, crise généralisée TC Rasage, brossage des dents Montagnes russes Communication téléphonique prolongée, «cul-sec» itératifs, réalisation d’un créneau automobile, port charges lourdes…
CLINIQUE Syndrome algique: 90% des cas et dans 65% inaugural Céphalées non caractérisées, algies faciales, cervicalgies Signes locaux Sd de Claude Bernard-Horner (CBH) dans 30 à 50% des dissection de ACI: ptosis, myosis, enophtalmie Acouphènes pulsatiles (10%) Atteinte des nerfs crâniens (12%): IX, X, XI, XII, VI et VII Accident ischémique cérébral ou rétinien, transitoire ou constitué: 70% des cas et dans 30% inaugural
Traumatisme mineur (ou infection) Quelques minutes à qq jours Syndrome algique +/- signes locaux Qq minutes à 30 jours (moy 5J) Signes ischémiques (dans ¾ des cas si signes locaux)
PIEGES DIAGNOSTIQUES Autres syndromes algiques: AVF (CBH), migraine, algie dentaire, ORL ou ophtalmologique, torticolis ! Si torticolis rechercher CBH ! Si douleurs après manipulation rechercher CBH
DIAGNOSTIC RADIOLOGIQUE Objectifs: visualiser l’hématome de paroi, évaluer le retentissement hémodynamique (si sténose) et rechercher une atteinte parenchymateuse Plusieurs possibilités diagnostiques Echodoppler TSA et transcranien Scanner cérébral et angioscanner des TSA IRM cérébrale et angio-RM (Artériographie: doutes diagnostiques, artères intracérébrales)
Echodoppler Examen de 1ère intention car non irradiant, accessible rapidement et sensible (95%) Visualisation des signes indirects (FLAP intimal, hématome intramural) Evaluation du retentissement hémodynamique +++ pour le suivi Mais opérateur dépendant et moins sensible si CBH isolé (Sens 69%, Arnold 2008)
Scanner cérébral/angioscanner TSA-PW Visualisation FLAP intimal, anévrysme et sténose serrée Recherche d’atteintes ischémiques parenchymateuses Mais irradiant et pas d’évaluation du retentissement hémodynamique
IRM cérébrale/ARM Examen de référence Visualisation hématome de paroi, épaississement pariétal, sténose Evaluation du retentissement parenchymateux (AI)
TRAITEMENT Prévention des complications ischémiques Hospitalisation Décubitus et contrôle tensionnel Si AVC ischémique: PEC habituelle Une dissection (sauf de l’aorte ou intracranienne) n’est pas une contre indication à la fibrinolyse (Georgiadis 2005, De Keyser 2007, Menon 2008, Engelter 2009, Zinkstock 2011)
TTT médicamenteux Lésion vasculaire non athéromateuse Mécanismes emboliques > hémodynamiques Pas de recommandations Engelter 2007 ANTICOAGULANTS (AAC) ANTIAGGREGANTS (AAP) Occlusion, sténose serrée AVC ischémique, AIT Thrombus flottant 3 à 6 mois AVC ischémique étendu (NIH>15) Absence de complication ischémique Dissection intracranienne Dissection >3 semaines
CADISS 2015 Etude comparative Antiagrégants plaquettaires vs anticoagulants Pas de différence significative entre AAC et AAP en terme d’efficacité sur la prévention de récidive d’AI et de décès Plus de risque de saignement en cas AAC Durée: au min 6 mois puis jusqu’à reperméabilisation de l’artère?
TTT endovasculaires Stenting, Bypass Exceptionnels en phase aigue si récidive AI malgré ttt médical bien conduit Différés si persistance d’une sténose symptomatique ou d’un anévrysme
PRONOSTIC Mortalité 15% à 10 ans (Leys 1995) Récidives: Evènements ischémiques 0 à 5% dissections <1% (Touzé 2003) Absence de séquelles dans 70% des cas Fonction de la présence d’un AVC ischémique lors de dissection et du score NIH (gravité) Evolution radiologique (Baracchini 2010): >90% stabilisé à M3, 100% à M6
DISSECTIONS INTRACRANIENNES Rares, patient + jeunes, population asiatique Topographie: artère vertébrale V4 >> artère cérébrale moyenne Facteur déclenchant sur artériopathie sous jacente Clinique: céphalées inaugurales (60%), complications ischémiques (50%) et hémorragiques (50%, HSA ++) Pronostic péjoratif: décès dans 20 à 30% des cas, récidive hémorragique
SUIVI Clinique: recherche de signe de récidive AI, évaluation et traitement des douleurs résiduelles, évaluation de la tolérance du traitement, A 3 mois puis 6 mois, puis fonction de la situation clinique et du praticien Radiologique: évaluer repermeabilisation complète ou partielle de l’artère atteinte Echodoppler TSA ou angio-RM A 6 mois puis fonction de la reperméabilisation artérielle
CAT PRATIQUE Détecter les patients à risque: Jeunes (<45ans), pathologies prédisposantes, traumatisme récent, infection des voies respiratoire, manipulations cervicales +++, port de charges lourdes, positions d’hyperextension cervicale... Rechercher signes cliniques compatibles: sd algique, signes locaux (CBH, acouphènes...), déficit neurologique brutal régressif ou constitué Adresser le patient en URGENCE pour une imagerie adaptée des TSA et du PW Suivi: détecter signes de récidive AI, poursuite AAP pendant 6 mois au min, contrôle echodoppler TSA à 6 mois
CONCLUSIONS Dissections cervicales : 1ère cause d’AVC ischémique sujet jeune Symptomatologie spécifique avec risque de complications ischémiques (+ hémorragiques en IC) Confirmation diagnostique radiologique Prévention des complications ischémiques Affection de bon pronostic
MERCI POUR VOTRE ATTENTION