Journée de Francheville 8 Novembre 2014 Relecture d’expérience et approfondissements théologiques Bruno-Marie DUFFE Docteur en Philosophie ; Maître en.

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1 Journée de Francheville 8 Novembre 2014 Relecture d’expérience et approfondissements théologiques Bruno-Marie DUFFE Docteur en Philosophie ; Maître en Théologie Maître de conférences en Ethique Vicaire épiscopal « Famille, Santé et Société » pour le Diocèse de Lyon

2 « Le plus grand parmi vous se fera le serviteur de tous » L’engagement diaconal : une histoire personnelle, une aventure à deux; un positionnement social; une mission ecclésiale Sur les traces d’un Christ-serviteur « Comprenez-vous ce que je viens de vous faire (ce que j’ai fait pour et avec vous) ? » (Jean 13,12) Une présence en humanité, une posture en humilité (un rapport singulier avec la terre d’où nous venons) La recherche d’une place juste : recherche inhérente à la figure du serviteur : qui reçoit un appel et une mission d’un a/Autre ; qui prend conscience, chemin faisant, de l’enjeu de sa mission (Cf 2 ème Chant du Serviteur Isaïe 49, 1 – 9) qui vit sa mission comme une Pâque (Jean 15, 20)

3 Eclaireur, témoin et frère La réactualisation du diaconat comme ministère s’inscrit dans une nouvelle considération de la vie des baptisés, pensée comme une vie communautaire : au cœur d’une humanité aimée par Celui en qui nous sommes baptisés; au cœur d’une fraternité envoyée par Celui qui ouvre (pour nous et pour tous) le chemin de Pâque. Eclaireur, « dis-nous où en est la nuit ? » (l’espérance) (Cf. Isaïe 21) Témoin, « dis-nous comment tu comprends ce que nous vivons » (la Parole et la foi) Frère, « montre-nous l’amour qui nous permet de tenir debout » (le souci de chacun et le souci du lien) Trois dimensions (foi, espérance et amour) en appel mutuel constant

4 Une expérience ; une espérance entre la joie essentielle de la rencontre et un échange inachevé En avant de nous, nous L’avons reconnu… parfois (Cf. Emmaüs, Luc 24, Tibériade, Jean 21) C’est avant tout l’expérience d’être touché(es) par l’événement et/ou par la condition d’humanité Touché (es) aussi par la résonnance en nous – et entre nous -de cette « co- humanité » (Naïm Luc 7; Lazare Jean 11). Traversé(es) par la contradiction entre enfermement et libération, entre solitude et solidarité. Habité(es) par une certitude offerte, que nous ne pouvions imaginer ni concevoir par nous-mêmes, selon laquelle ce monde porte en lui la trace d’un Amour inépuisable

5 Ce que nous dit notre expérience d’un « diaconat partagé » Une histoire « singulière » : un itinéraire personnel, un appel, un envoi, une mémoire Une expérience humaine : familiale, professionnelle et communautaire Une aventure dans la foi et dans la découverte de l’altérité Le ressenti d’une grâce donnée (ordination – cheminement et temporalité – reconnaissance) Un jeu d’échos : Parole de Dieu – parole d’hommes Un jeu de liens et l’exigence d’un certain détachement : avancer sans peur (?) « en eaux profondes » Une présence et une liberté : être là – entre visibilité et délicatesse; entre lisibilité et confidentialité. Avec le Christ

6 Ce que nous dit l’ espérance qui nous habite « Trouver ses marques » (comme personne et comme ministre) et vivre la rencontre avec les chercheurs de sens, d’humanité et d’absolu… Trouver sa place et son rôle (le rôle proposé et le rôle assumé) Encourager ce qui vient à la lumière Co-opérer et se réjouir de voir se déployer la diversité des charismes et des compétences Rester attentifs à ce qui noue, dénoue et tisse les solidarités (au sein des milieux indépendants), au-delà des « discours » convenus S’inscrire dans le projet et la dynamique d’un mouvement (A.C.I.) qui offre un espace d’écoute (de l’autre et de la Parole) une reconnaissance mutuelle un lieu d’expression une proposition d’Evangile un chemin d’Emmaüs

7 Ce que manifestent nos inquiétudes La beauté et la vulnérabilité de nos existences et de nos expériences (personnelles, familiales, sociales) La conscience de nos limites et de nos points de fragilité La pesanteur de nos groupes et communautés, souvent liée à un rapport inquiet à l’avenir ou à l’autre La difficulté de « savoir où l’on est – comme diacre – au sein de la communauté » La question lancinante du renouvellement, partagée avec tous ceux qui vivent la responsabilité (après nous ?) Le besoin primordial d’un ajustement au sein du couple, dans l’activité professionnelle, dans les engagements et les responsabilités, « vécues au titre du service » ou à titre personnel

8 Ce qui germe patiemment « La semence qui pousse d’elle-même » et le temps paradoxal de la patience La promesse d’un partage « au quotidien » avec des collègues et des compagnons de route (dans l’activité professionnels, la vie associative, les engagements civiques et éventuellement politique …) La quête partagée du « sens » (éthique) et de la « suite du Christ » (théologie) Le positionnement jamais complètement acquis dans le dialogue (« la conversation ») entre la société et l’Eglise

9 Revenir à la communauté… Serviteur et frère, dans le lien communautaire : jamais diacre seul Veilleur, éveilleur, au sein de la communauté Dans une juste complémentarité entre membres du corps et entre ministres La nécessaire inscription dans un lieu d’élaboration pastorale(le sens de la démarche pastorale) L’articulation entre analyse de situation, discernement et initiative concertée Quelle communauté ? Quelle est «ma» / «notre » communauté ? la « cellule d’Eglise » (équipe, inter-équipe) l’« assemblée située » (paroisse, mouvement) l’« Eglise universelle » (« l’oikouménè »)

10 … pour re - partir sans peur à la « position amont » (de l’éclaireur) « Avancez et jetez votre filet » (Cf. jean 21) La « position amont » : une attention aux signes et aux appels une humanité partagée une veille avec et pour les frères et sœurs (« ceux qui écoutent et vivent la parole ») une bienveillance à l’égard de ceux qui sont en marche L’« éclaireur » reçoit la lumière de ce qui vient au jour et il porte en lui la lumière pour ceux qui font la traversée Il se tient dans les intervalle/s, au lieu des médiations

11 La primauté de l’alliance Le serviteur est un « être en alliance » Isaïe chap. 42 : « Voici mon serviteur que je soutiens, mon élu en qui mon âme se complaît. J’ai mis sur lui mon esprit; il présentera aux nations le droit. Il ne crie, il n’élève pas le ton, il ne fait pas entendre sa voix dans la rue; il ne brise pas le roseau froissé, il n’éteint pas la mèche qui faiblit, fidèlement il apporte le,droit… « Moi, Yahvé, je t’ai appelé dans la justice… j’ai fait de toi l’alliance des peuples, la lumière des nations, pour ouvrir les yeux des aveugles, pour extraire du cachot le prisonnier et de la prison ceux qui habitent les ténèbres » Une alliance vécue en couple, en équipe, en Eglise, dans les lieux de l’implication et de la solidarité Autour de la Parole (annoncée et partagée), de la compréhension et de la fraternité (équipe : Eglise), de l’espérance offerte (engagement et

12 Identifier son puits et (re)venir pour s’y désaltérer Où est ton puits ? Un lieu, un temps, une respiration Le puits, lieu de mémoire et lieu de renouvellement (Cf. Jean 4) Une eau vive : le regard du Christ et la beauté de l’autre Le regard des autres et le renouvellement sacramentel Le mémorial et l’inédit : « ce que nul œil n’a encore vu, nulle oreille encore entendu… » (Cf. 1 Co. 2,9) Accueillir, baptiser, préparer la table, partager le pain et la paix… envoyer dans et pour la con-fiance Relire, relier et rendre compte, c’est-à-dire offrir (avec qui ?)

13 Des questions irrésolues comme autant d’appels et de défis Une double question de fond : l’implication et l’équilibre investissement dans le lieu du travail et/ou dans le lieu social; implication dans la communauté ecclésiale; équilibre personnel, conjugal, familial Le rapport entre l’intime, le familial et le socio-ecclésial La question du statut et de la reconnaissance dans la communauté La question de la singularité (un chemin personnel) et de la complémentarité des rôles et des ministères La question du rapport intérieur entre implication et contemplation La question du bougé permanent des personnes et des sensibilités et le travail de l’ajustement Les deuils et les nouveaux défis ; la nécessité d’une formation continuée

14 Milieux indépendants, croisée des chemins et indépendance des personnes * 1. La notion de « milieux indépendants » (singulier ou pluriel) : un héritage marqué (quand la pensée sociale distinguait les paysans, les ouvriers et les artisans) 2. La culture de l’autonomie (indépendance et interdépendance) 3. L’histoire contemporaine des « milieux » indépendants croise l’évolution du travail et des « rôles économiques » et l’évolution de la pensée commune, entre désir d’indépendance et recherche d’appuis 4. Diacres dans « les milieux indépendants » : avant tout au service d’une « rencontre » (entre des personnes et dans une commune humanité : une « comhumanité » - sur fond de communication permanente… - à laquelle beaucoup aspirent alors même qu’ils professent leur individualisme)

15 Approfondissement 1 : la figure paradoxale du « serviteur » L’antinomie service >< pouvoir, dans une « culture de l’affirmation identitaire » Le paradoxe d’une « société de service/s » : conseil et accompagnement Le rôle déterminant du service et de celui / celle qui l’assure : « j’ai besoin de toi » Entre « service reçu » et « service offert », une posture de messager Le serviteur (l’envoyé) n’est pas plus grand que le maître (celui qui envoie) : la force de « la parole donnée »

16 Au cœur des « joies et des espoirs des hommes et des femmes de ce temps » Envoyés avant tout pour écouter et pour vivre l’échange (incarnation : l’expérience d’un écho de l’humanité en notre proche chair, à la manière de Jésus) Un travail de l’intelligence et du coeur : qu’est-ce qui est source de joie, d’espoir, de souffrance et de mort dans notre humanité ? Une démarche « en écho » : baptême et traversée d’expérience ; appels et solidarités ; recherche de sens et Evangile; proximité et espérance Une participation à l’histoire en train de s’écrire.

17 Approfondissement 2 : Dans une Eglise en chemin avec l’Homme « L’homme, dans la pleine vérité de son existence, de son être personnel et en même temps de son être communautaire et social – dans le cercle de sa famille, à l’intérieur de sa nation ou de son peuple… même dans le cadre de toute l’humanité –, cet homme est la première route que l’Eglise doit parcourir en accomplissant sa mission : il est la première route et la route fondamentale de l’Eglise, route tracée par le Christ lui-même, route qui, de façon immuable, passe par le mystère de l’Incarnation et de la Rédemption » (Jean-Paul II, Redemptor hominis, 1979, n°14)

18 Le Christ et l’autre La place centrale du Christ dans la représentation du ministère diaconal : Christ inscrit dans une histoire, Christ Messie-serviteur, Christ-frère, Christ-Lumière, Christ souffrant, Christ anéanti, Christ relevé, Christ présent en tout homme Le jeu d’appel entre le Christ et l’homme : le Christ comme l’homme accompli l’homme comme signe et appel d’un Christ proche (Cf. Matthieu 25 « C’est à moi que l’aurez fait »). Le Christ, serviteur de l’homme et l’homme en attente de la Parole

19 Approfondissement 3 : penser la diversité et la complémentarité des « charismes » et des « fonctions » L’enseignement « symbolique »de la parabole des talents (Cf. Mt 25) Le don, la confiance et la peur La diversité demeure toujours une question et parfois même une épreuve De la diversité à la complémentarité : la parabole paulinienne du corps (1 Co. 12) La complémentarité est une option déterminante Entre inquiétude et joie dans la diversité assumée des charismes, des fonctions, des histoires et des rôles A quelles conditions, pouvons-nous vivre la complémentarité comme une espérance ?

20 Considération de la particularité du ministère diaconal et mise en perspective des ministères Si l’on part de l’inscription fondamentalement communautaire du diaconat… Actes 2 : la communauté, Actes 6 : l’institution des Sept Actes 7 : le témoignage d’Etienne Communauté et témoignage : penser la communauté et la mission en appel réciproque La complémentarité des ministères est à la fois une réflexion sur l’homme et une pensée de l’Eglise La visée consiste donc à déployer les dimensions constitutives de la mission Un articulation double et constante : charismes personnels et devenir communautaire… appel personnel et mission partagée Appuis et obstacles à une complémentarité « bien tempérée »

21 Approfondissement 4 : serviteurs d’humanité et porteurs d’une espérance « Vous tous qui avez soif, venez, voici de l’eau » (Is. 55) Le diaconat n’est jamais réductible ni à une fonction interne de la communauté ni à une seule activité diluée et invisible dans la vie sociale. Le diaconat est une présence qui rappelle et qui offre au cœur de la communauté et au cœur de l’humanité (dans sa diversité) : l’espérance du Père, accomplie par le Fils. Il y a donc une dimension prophétique du diaconat, dans la veille, le partage et la prière, la dénonciation de qui met en péril l’humanité l’annonciation de ce qui ouvre la communauté humaine à un temps nouveau. Cette dimension prophétique est intimement reliée à la mission que la communauté reçoit du Ressuscité au soir de Pâques : la paix, l’annonce, le baptême et le pardon. La dimension prophétique – qui se manifeste par l’attention aux pauvres : ceux qui attendent – s’ouvre sur une dimension eschatologique : le serviteur, dans son être même, est signe du Royaume, déjà là (mais non encore réalisé) dans lequel chacun se réjouit de servir l’autre (Cf. François « La Joie de l’Evangile », 2013, n° 1 à 18; n° 110 et ss; n° 193 à 201)