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Histoire de l’Afghanistan : des origines à demain…

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1 Histoire de l’Afghanistan : des origines à demain…

2 2.2 — La chute de Nadjibollah L'ancien médecin bourru inspirait toujours l'effroi dans les campagnes, mais aussi une sorte de respect stupéfait, reflété dans un nouveau proverbe rural : « Malin comme un diable, finaud comme un Nadjib. » En se proclamant nationaliste et de surcroît « musulman modéré » favorable au multipartisme et au commerce, l'homme fort de Kaboul cherchait à rallier d'anciens opposants à l'intervention soviétique, en se présentant comme le garant de l'identité et de l'autorité étatique de l'Afghanistan, que les groupes islamistes se proposaient de détruire au bénéfice du Pakistan. Les Soviétiques avaient quitté le pays, mais Nadjibollah recevait et redistribuait toujours leurs subsides, équipements et fournitures. Aussi croyait-il pouvoir revendiquer la légitimité traditionnelle d'un chef afghan.

3 Dans un entretien quelques semaines avant la disparition de l'URSS, Nadjibollah insistait : « Nous étions musulmans et nous le restons. Seuls les ennemis de l'Afghanistan nous accusent d'être communistes; cette propagande mensongère sert leurs intérêts. Depuis la politique de réconciliation nationale, nous n'avons cessé de proposer le dialogue et la négociation. Notre but : un gouvernement de coalition auquel pourraient participer toutes les tendances politiques. » Et de pointer un doigt accusateur vers le nouvel agresseur étranger : « Nous informons les Nations unies des interventions pakistanaises sur notre sol... Une force étrangère ne doit pas être relayée par une autre, une ingérence passée en justifier une nouvelle. La présence soviétique en Afghanistan a provoqué un tollé général, mais le monde reste étrangement silencieux face à l'agression pakistanaise. »

4 Agression « pakistanaise », non pas « américaine » : dès le départ des troupes soviétiques,les États-Unis cessaient leur assistance à toutes les organisations caritatives non gouvernementales européennes dans les maquis, et abandonnaient la gestion de la guerre à leurs alliés pakistanais et saoudiens. Pour l'état-major pakistanais, l'intervention dans la crise afghane demeurait une priorité absolue. Sous les brefs interrègnes libéraux de Benazir Bhutto et de Nawaz Sharif, l'ISI poursuivit encore sa politique de soutien à Hekmatyar, en toute autonomie. Le retour de Benazir Bhutto au pouvoir décida celle-ci à confier la stratégie afghane à un autre général, non affilié à l'ISI : Nasirollah Babar, officier de souche pachtoune, et l'inventeur des taleban. Les premiers succès de ceux-ci convainquirent l'ISI de lâcher Hekmatyar pour appuyer les « séminaristes » découverts par le général Babar.

5 Au lendemain du retrait soviétique, Islamabad espérait installer à Kaboul un régime appuyé sur l'ethnie pachtoune et affilié étroitement au principal parti islamiste du Pakistan, la Djamat-é Islami. C'est pourquoi l'ISI continuait de canaliser l'essentiel de son aide militaire aux Pachtounes les plus fondamentalistes, soit le groupe de Hekmatyar. L'ISI poussaient les tribus orientales à s'emparer d'une ville importante afin d'y installer un gouvernement « islamiste » provisoire, d'où l'attaque lancée en mars 1989, en présence d'officiers pakistanais et, déjà, de supplétifs arabes, contre la cité forteresse de Djalalabad. Mais les défenseurs de la ville, formés à l'école militaire soviétique, repoussèrent sans trop de peine les assauts mal coordonnés de maquisards. L'aviation écrasa leurs concentrations à loisir.

6 Cette bévue stratégique fut aggravée par un stupéfiant aveuglement politique : dès les premiers jours du siège, des soldats qui tentaient de se rendre furent torturés et exécutés par des combattants islamistes. L'enlisement de l'insurrection achevait de lasser l'opinion. À l'automne 1990, le Congrès américain suspendait son assistance économique à Islamabad et réduisait à 250 millions son aide à la guérilla afghane. D'où la nécessité pour Islamabad et son allié Riyad, une fois ce dernier libéré de la crise du Golfe, de frapper un grand coup et de prouver au monde que la résistance « islamique » demeurait vivace. Loin de s'apaiser, les combats pour le contrôle de l'Est afghan redoublèrent d'intensité avec la prise de Khost, le 31 mars 1991. Parce qu'elle craignait de subir le sort des soldats de Djalalabad, l'armée de Nadjibollah résolut de se défendre, encore ravitaillée par le Kremlin jusqu'au 1 er janvier 1992.

7 Les plus intelligents des chefs de la Résistance, et notamment Massoud, méditaient l'évidence : mieux valait séduire cette armée pour la retourner contre le régime que de s'épuiser à la combattre. C'est pourquoi, en dehors de quelques coups d'éclat comme la capture de Khost, la guerre stagna tandis que le pays s'effritait entre diverses zones. Durant cet interrègne, chacun des trois protagonistes majeurs dans l'orient du pays — Nadjibollah à Kaboul, Massoud dans le Nord-Est, Hekmatyar dans le Sud-Est — cherchait à conserver ou à obtenir l'allégeance de l'État-major. Nadjibollah parvint cependant à préserver trois ans durant l'essentiel de son assise militaire. En mars 1990, toutefois, Hekmatyar sut gagner à sa cause, parmi ces mêmes officiers, le général pachtoun ghilzaï Tanaï, lequel tenta un coup d'État militaire vite étouffé par ses camarades. Tanaï rejoignit alors les maquis du chef islamiste.

8 Mais là où Hekmatyar échoua, Massoud réussit. Ses négociations tissèrent une sorte d'alliance entre ses propres Tadjiks du Nord-Est et les Ouzbeks du Nord. L'arrêt de l'aide militaire russe paniqua l’état-major. Il appartenait à chaque officier de faire sa paix avec le chef modjahed de son choix. Dostom opta pour Massoud en mars 1992, et son opposition au régime scella le sort de Nadjibollah, ainsi coupé du Nord. Nadjibollah crut ne plus pouvoir se fier qu'aux gradés de sa propre ethnie et commença à écarter les officiers issus des autres clans, rompant ainsi l'équilibre ethnique savamment dosé de sa garde proche. Les officiers menacés contactèrent Dostom, décidés, à imiter le choix du général et à rallier Massoud. Dans la nuit du 16 au 17 avril 1992, l'état-major déclara le régime déchu. Nadjibollah s'enfuit vers l'aéroport, mais les gardes de l'aéroport empêchèrent l'ancien dirigeant de monter dans l'avion de Delhi.

9 Nadjibollah trouva asile dans la représentation des Nations unies à Kaboul et Massoud, de 1992 à 1996, interdira toute atteinte contre ce bâtiment et son principal occupant, ainsi assigné à résidence, mais la vie sauve. Rassurés sur les intentions de Massoud à leur égard, les officiers non pachtounes de Kaboul se rallièrent à lui, suivi par leurs collègues pachtounes. Printemps 1992, seul Massoud semblait en mesure de garantir aux anciens communistes leur vie. Les troupes de Massoud entrèrent le 17 avril 1992 dans une capitale intacte et le transfert du pouvoir eut lieu sans effusion de sang. Massoud s'installait au ministère de la Défense et Rabbani était proclamé président d'une République islamique d'Afghanistan. Hekmatyar, pris de vitesse, ne laissa pas entendre tout de suite sa vraie réponse. Mais il la fit connaître en août 1992, soutenu par le Pakistan. C'est alors seulement que le sang commença à couler dans Kaboul.

10 3 — Le Pakistan, les États- Unis et les Taleban 3.1 – Les intérêts géostratégiques Pour comprendre ce qui se passe à partir de 1992, il faut revenir en arrière et analyser l’ensemble de la politique américaine dans la région depuis 1979. Jusqu’en 1979, la clé de voûte du système de sécurité mis en place par les Américains reposait sur l’Iran, plus puissant État de la région. La proclamation de la république islamiste d’Iran va tout changer. Désormais, le Département d’État devra trouver un moyen de contrer les deux puissances qui lui sont hostiles dans la région, l’URSS en Asie centrale et l’Iran au Moyen-Orient.

11 Dans ce but, les stratèges de Washington mettront en place la théorie du « double endiguement ». Le dispositif mis en place reposera sur deux États : le Pakistan pour l’Asie centrale, et l’Arabie saoudite pour le Moyen-Orient. Considérant impossible de freiner le développement du radicalisme musulman, Washington décide de favoriser l’essor du radicalisme sunnite, afin de contrer le radicalisme chiite, qu’il juge plus dangereux. La guerre Iran-Irak constitue la première illustration de cette politique. C’est avec la bénédiction, les armes et l’argent de Riyad que Saddam Hussein s’en prend en 1980 à l’Iran. Bagdad, Riyad et Washington croient que le régime de Téhéran est fragile et qu’il convient de le frapper avant qu’il ne puisse se consolider. Mais ce dernier, loin d’en être fragilisé, va se présenter comme le défenseur de la Patrie et rallier tout le monde autour de lui, afin de vaincre l’agresseur.

12 La guerre s’achève dans un cul de sac : les objectifs des Américains et de leurs alliés ne sont pas atteints et le régime de Téhéran s’en trouve consolidé. Vient ensuite l’invasion du Koweït par l’Irak, qui croit que son importance régionale dans le dispositif américain lui donne assez de latitude pour annexer le petit émirat : il se trompe et s’ensuit alors la guerre d’Irak de 1991, qui voit les armées irakiennes terrassées par les forces coalisées. Mais l’objectif de Washington est quand même de garder en place Saddam Hussein, qui constitue le meilleur rempart contre Téhéran. Après avoir refoulé les forces irakiennes et alors que les forces coalisées font route vers Bagdad, Bush ordonne l’arrêt de l’offensive, permettant ainsi au gouvernement de mâter par la force les insurgés chiites du sud et kurdes du nord.

13 La chute de Saddam aurait entraîné la prise du pouvoir par la majorité de la population chiite, ce qui aurait permis d’entrevoir une alliance Bagdad-Téhéran, cauchemar des Saoudiens et des Américains. Dans ce jeu, l’Afghanistan a encore une fois un rôle- clé : abritant une minorité chiite relativement importante et partageant une frontière avec l’Iran, Washington, Riyad et Islamabad doivent tout faire pour qu’un gouvernement sunnite radical puisse s’installer à Kaboul, afin de contrer Téhéran sur sa frontière orientale. Outre son rôle de supplétif aux intérêts américains dans la région, Islamabad poursuit ses propres objectifs. Son but principal est alors de stabiliser son remuant voisin et d’en faire la continuité de ses « territoires tribaux », afin d’obtenir une certaine profondeur stratégique face à son ennemi régional, Delhi.

14 C’est pourquoi Islamabad va favoriser un pouvoir radical sunnite, qui dépendra entièrement de lui, ne pourra rien lui refuser et transformera l’Afghanistan en une sorte de protectorat pakistanais. D’autant que le contrôle de son voisin lui permettra aussi de contrôler le trafic d’opium, qui représente à la fin des années 80 près de 25 % de ses revenus. Pour Riyad, l’intérêt est surtout de contrer la puissance de Téhéran en mettant en place un bloc sunnite solide, l’Arabie saoudite étant elle-même dominée par un grand radicalisme sunnite (où la charia est appliquée et souvent de façon intégrale). Tous sont donc d’accord pour favoriser le parti sunnite intégriste d’Hekmatyar.

15 3.2 – Les intérêts économiques À ces impératifs sécuritaires s’ajouteront au cours des années 90 d’autres impératifs liés à l’exploitation et au transport du pétrole. Suite à l’effondrement de l’URSS, les Occidentaux se mettent en quête pour contrôler les hydrocarbures de l’Asie centrale. En 1991, l’ensemble des infrastructures de transport des hydrocarbures transite par le territoire de la Russie et même si les relations avec Moscou sont assez bonnes, l’Occident tente par tous les moyens de battre en brèche son influence en Asie centrale. Afin de permettre l’acheminement des hydrocarbures, plusieurs projets d’oléoducs et de gazoducs seront envisagés. Parmi les différentes possibilités, une seule permet d’éviter la Russie et l’Iran : un tracé partant du Turkménistan et se rendant dans les ports pakistanais à travers le territoire de l’Afghanistan.

16 Pour ce faire, il faut absolument stabiliser la situation en Afghanistan, favoriser la réunification du pays et faire en sorte que cette réunification et que ce nouveau pouvoir soient favorables aux intérêts pakistanais, saoudien et américain. C’est dans ce contexte que sera mis sur pieds le consortium Centgaz, composé principalement d’Unocal, entreprise californienne et de la Saoudian Oil Company (d’autres partenaires s’y joignent, dont Total, Shell et Gazprom, mais ce sont les deux premières qui, possédant 75 % des actions) prennent les décisions. Formé en 1992, ce consortium pèsera de tout son poids sur les événements à venir et sur la tragédie qui s’abattra bientôt sur le sol afghan. Puisque Hekmatyar n’est pas en mesure de pacifier le territoire, il faudra mettre sur pied une alternative qui sera capable de le faire. Ce sera le mouvement taleb.

17 Les talebans et l’opération « Liberté immuable » 1 — La prise de Kaboul 2 — Le régime taleban (1996-2001) 3 — L’assassinat de Massoud, le 11 septembre 2001 4 — « Liberté immuable »

18 1 — La prise de Kaboul 1.1 – Hekmatyar En août 1992, les troupes d'Hekmatyar occupaient les crêtes qui dominent le sud-est de la ville de Kaboul. En août, un déluge de roquettes fournies par le Pakistan s'abat sur les quartiers civils, les marchés, les écoles et hôpitaux de Kaboul. Ces attaques avaient pour but de semer la mort dans la population. Il avertissait ainsi les citoyens de la capitale que le gouvernement de Rabbani et Massoud était désormais totalement impuissant à les protéger. La longue mise à mort pakistanaise de Kaboul par l'intermédiaire d'Hekmatyar dura jusqu'à l'automne 1994.

19 Gonflée par l'afflux de déplacés ruraux, la population de la capitale afghane s'élevait à plus de 1 500 000 habitants à la veille de la nouvelle flambée de guerre civile, le 1 er janvier 1994. À la fin du mois d'avril, plus de 300 000 personnes fuirent vers les camps de Djalalabad. Les trois autres grandes ethnies se virent contraintes de regarder au-delà des frontières, pour réclamer, soit la protection de l'Iran, de l'Ouzbékistan et du Tadjikistan Derrière ces trois États se profilait un retour de la puissance russe en Asie centrale. Dès qu’il cessait d'agresser directement, le Kremlin retrouvait son influence et les Tadjiks tentèrent de rétablir les relations privilégiées de l'ancien régime royal avec les Russes. À terme, l'intervention pakistanaise internationalisa de nouveau la guerre afghane. Mais cette métamorphose du Grand Jeu aboutit en 1995, à un réalignement selon les mêmes vieux schémas, avec un Afghanistan, comme toujours, disputé entre forces du Nord et du Sud.

20 Toutefois, la confusion politique à Kaboul semblait telle, que ni l'Iran, ni la Russie ne savaient encore comment jouer leurs pièces ethniques afghanes. Quand Massoud entra dans Kaboul en 1992, les miliciens de Dostom se déployèrent dans tous les secteurs de la capitale que Massoud leur désignait. Dostom détenait le fléau de la balance militaire, nul ne pouvait se maintenir au pouvoir sans sa force d'appoint. Le 1 er janvier 1994, Dostom retournait de nouveau sa vareuse. Le tombeur de Nadjibollah trahissait son allié Massoud pour se ranger aux côtés d'Hekmatyar, lequel venait, depuis deux ans, de faire la guerre au peuple de Kaboul pour cause d'« impiété » de ce même Dostom. Bousculés dans la nuit du 31 décembre au 1 er janvier par Dostom autour du palais présidentiel, les guerriers de Massoud se ressaisirent et repoussèrent les forces conjointes de leurs assaillants jusqu'au fleuve.

21 Cependant, la coalition d'Hekmatyar se lézardait déjà. Il avait déclenché la guerre en jouant du ressentiment pachtoune, mais voulait maintenant trop bien faire. En effet, il travaillait désormais les Hazaras. En s'alliant à Dostom et en scellant une entente avec les Hazaras, Hekmatyar avait failli capturer Kaboul : ses alliés ouzbeks pilonnaient la capitale, alors que ses alliés chiites interdisaient tout passage vers les Tadjiks. Mais cette dernière volte-face d'Hekmatyar froissa nombre de tribus pachtounes qui avaient appuyé le chef islamiste. Hekmatyar se voyait contraint de redoubler l'intensité du siège pour remporter enfin cette victoire qui lui échappait et retenir les indécis qui se multipliaient dans son camp. D'autant qu’il eut la maladresse d'irriter les Saoudiens. Riyad s'était associé à Islamabad pour imposer Hekmatyar, mais la nouvelle alliance d'Hekmatyar avec les Hazaras lui coûta le soutien de l'Arabie Saoudite.

22 Horrifiés par cette trahison en faveur de Téhéran, les Saoudiens prirent langue avec Massoud, lequel perçait une faille dans le mur du siège. À la fin de l'hiver 1994, Massoud bénéficiait d'un revirement : le chef pachtoune Sayyaf rejoignait son camp, contre celui de son frère ethnique et idéologique Hekmatyar. Tous ces retournements d'alliance dans Kaboul signifiaient, en réalité, une seule et même chose : la panique des diverses ethnies afghanes dans un pays assiégé par une puissance voisine, afin de se garantir chacune son protecteur étranger. Or, en 1994, les cousins ethniques du nord se voyaient désormais aspirés, à leur tour, dans la tourmente afghane : le Pakistan multipliait les approches auprès de l'Ouzbékistan postsoviétique d’Islam Karimov, pour enserrer l'Afghanistan de Massoud dans de nouvelles tenailles.

23 1.2 – L’entrée en scène des talebans C’est dans ce contexte de retournements d’alliance et d’enlisement de la situation que le Pakistan va avancer sa carte taleb, en appuyant massivement financièrement et militairement ces derniers. Ceux-ci s'emparent de la ville de Kandahar en novembre 1994 et rétablissent l'ordre dans tout le sud afghan, ouvrant les routes, éliminant les petits chefs de guerre et imposant partout la charia. À cette étape, c’est leur capacité à assurer enfin la sécurité qui leur vaut l’appui de la population, alors que l’aspect idéologique du mouvement n’est que peu pris en compte. Dès 1994, les troupes du mollah Omar s’emparent de la province du Helmand et conséquemment, d’une part importante de la production d’opium du pays, qui va servir à financer le mouvement.

24 Les talebans exigent la reddition et le désarmement immédiat de tous les groupes armés, qu'ils obtiennent en général sans combat. Leur progression ne rencontre aucune opposition dans toutes les zones pachtounes. Leurs premiers objectifs militaires incluent les dépôts d’armes des différentes forces en présence : armes légères, mais aussi armes lourdes, incluant des chasseurs et des hélicoptères. Pour les piloter, ils auront recours à des mercenaires, anciens militaires de l’armée afghane, qui se joignent à eux pour l’argent En septembre 1995, ils prennent tout l'ouest afghan, avec la ville de Herat, et, le 25 septembre 1996, ils entrent dans Kaboul, évacué par les troupes de Massoud, qui se replie dans la vallée du Pandjchir. Le 24 mai 1997, ils s'emparent de Mazar-i Charif, dans le nord afghan : le général Dostom est trahi par son adjoint, Abdul Malik, qui leur livre la ville. C'est l'apogée du pouvoir des talebans.

25 Mais ceux-ci commettent l'erreur de vouloir désarmer leur nouvel allié et s'attaquent à la mosquée chiite de la ville. Les chiites, qui n'ont rien à attendre des talebans, contre-attaquent, aussitôt rejoints par Malik. Les talebans subissent une sévère défaite la semaine suivante et se replient sur la ville de Kunduz, tandis que Massoud contre-attaque en juillet sur Kaboul. En septembre 1997, les talebans lancent une seconde offensive sur Mazar-i Charif (ils prendront finalement la ville lors de leur troisième tentative, en août 1998). À la guerre civile statique, centrée jusqu'en 1995 autour de Kaboul, fait suite une guerre mobile faite d'avancées et de replis brutaux, de retournements, de trahisons et de ralliements motivés tantôt par l'argent, tantôt par la solidarité ethnique.

26 2 — Le régime taleban (1996- 2001) 2.1 – Origines et doctrine Qui sont les talebans? Il ne s'agit pas d'un mouvement surgi du désert, détaché de la tradition musulmane afghane. Mais leur rigorisme est étranger à cette tradition et témoigne de l’influence prépondérante des courants radicaux des écoles coraniques pakistanaises, lesquelles ont vu leur nombre exploser au cours de la dictature du général Zia, attirant les jeunes garçons afghans qui ont fui le pays, ou qui sont nés au Pakistan, en leur offrant le toit, le couvert et l’instruction. Leur nom signifie « étudiants en religion ». Ils sont originaires du sud de l'Afghanistan, plus particulièrement de la ceinture tribale pachtoune.

27 Ils ont été formés dans des madrasas installées de part et d'autre de la frontière avec le Pakistan. Traditionnellement en Afghanistan, les étudiants en théologie et en droit islamique commençaient leurs études dans de petites madrasas constituées autour d'une famille de religieux liée à une confrérie religieuse. Ils parachevaient ensuite leurs études au Pakistan, également en zone pachtoune, puis pour les meilleurs, à Lahore et Karachi. Les madrasas afghanes étaient ainsi liées, dans le sous-continent indien, à des réseaux religieux dont elles épousaient les querelles. Ces réseaux de madrasas ont connu un développement certain à partir des années 1950. La plupart d'entre elles sont « fondamentalistes traditionalistes » : les talebans sont sunnites; ils sont liés en général à l'école des Deobandi, des radicaux sunnites qui se sont développés avant tout en réaction à l’hindouisme plutôt qu’à l’occident.

28 Durant la guerre, les talebans se sont mobilisés dans le cadre de leurs madrasas locales, transformées en bases militaires, loin des populations civiles. Ils adhéraient alors aux principaux partis traditionalistes de la résistance afghane, comme leur chef Mohamed Omar. Leur transformation en mouvement politique date de 1994 et résulte de plusieurs causes : l'aspiration à l'ordre, la quête par les Pachtounes d'une nouvelle représentation politique et, enfin, le soutien des Pakistanais et de milieux pétroliers américains, désireux d'établir un corridor sous contrôle entre le Pakistan et les nouvelles républiques indépendantes d'Asie centrale. Après avoir tenu à bout de bras Hekmatyar, le Pakistan, frustré, a ainsi abandonné celui-ci au profit du mouvement taleb, espérant qu’il serait davantage en mesure d’assurer le contrôle de l’Afghanistan.

29 Le Mollah Omar

30 Le mouvement taleb exprime la révolte de jeunes mollahs contre la dérive des moudjahidin et leur incapacité à assurer la sécurité du territoire. Le mollah Omar lance le mouvement dans son village natal de Panjway, à l'ouest de Kandahar, en exécutant un chef moudjahid local. Les réseaux des madrasas se mobilisent alors autour de ce jeune chef, grièvement blessé durant la guerre contre les Soviétiques. Les talebans ne sont pas des révolutionnaires : pour eux, un État islamique se définit par la stricte application de la charia; on chercherait en vain chez eux le discours antioccidental que l'on peut trouver en Iran, encore moins de projets de remodeler la société et l'économie. Cela étant, l’interprétation qu’ils font de la charia, tout en étant rigoriste, est mâtinée de certains éléments traditionnels afghans issus du code d’honneur pachtoune.

31 En outre, ils comprennent mal la charia à cause des faiblesses de l’éducation qu’ils ont reçue. Nombre d’entre eux sont pratiquement analphabètes et ont simplement appris par cœur les textes religieux. Leur fondamentalisme se ramène à la question du droit et des mœurs. Leur puritanisme est strict : interdiction de toute vie publique aux femmes, contraintes de porter le chadri ou la burqa; obligation d'assister à la prière; interdiction de la musique, du cerf-volant et de la pratique de presque tous les sports. Ce rigorisme est à l'intersection d'un puritanisme traditionnel des tribus pachtounes et d'une interprétation très stricte et littérale de la charia, dans la lignée des courants néo-fondamentalistes Leur puritanisme est sans doute renforcé par leur origine rurale et leur formation de moines guerriers séparés très jeunes de leur famille et élevé dans un milieu exclusivement masculin.

32 Si dans un premier temps, la population accueille avec enthousiasme les étudiants, ce rigorisme fait rapidement en sorte que cette popularité initiale s’estompe, surtout dans les villes En outre, l’application rigoriste et intégrale de la charia entraîne rapidement le retour à des châtiments moyenâgeux, qui révulsent la population urbaine : amputation de la main des voleurs, ensevelissement vivant des homosexuels, exécutions publiques dans les stades pour les personnes coupables de meurtre ou les femmes adultères, etc. À ce titre, et étrangement, les talebans partagent quelque chose avec le PNDA : tous deux ont tenté d’imposer par la force des coutumes et des mœurs radicales issues de l’étranger. Traditionnellement, les Afghans ont tendance à considérer que leur pratique de l’Islam est la plus authentique et ne voient aucune raison de s’inspirer de l’islam étranger.

33 Une autre raison du succès initial des talebans est qu'ils incarnent la revanche de l'ethnie pachtoune. Or la guerre contre les Soviétiques a entraîné une baisse de leur influence et leur dispersion dans de multiples partis politiques, alors que chacune des trois autres grandes ethnies se regroupait derrière un parti homogène. Face à l'éclatement du monde pachtoune, les talebans peuvent faire l'unité, car ils se situent au-dessus des clivages tribaux propres à leur ethnie. Leurs madrasas recrutent sans considération tribales et en dehors des grandes familles aristocratiques. Elles fournissent un encadrement qui permet d'unifier les tribus. La double légitimité des talebans, religieuse et ethnique, leur a permis d'être l'instrument de la revanche des Pachtounes, et d'occuper rapidement la ceinture pachtoune.

34 Ils ont été rejoints par d'anciens communistes de la tendance khalqi, par des représentants de l'élite tribale, par des mollahs d'autres partis et par la plupart des commandants locaux du Hezb-i-Islami, particulièrement bien implantés dans les poches de peuplement pachtounes du nord de l'Afghanistan. Cette coalition des Pachtounes autour des talebans a fait leur force et leur faiblesse : elle leur a permis de conquérir les deux tiers du pays, mais a érigé les autres groupes en représentants de mouvements ethniques minoritaires menacés par le retour de l'hégémonie pachtoune. Par exemple, la population de la plaine du nord de Kaboul, qui avait laissé les talebans s'emparer de son espace en octobre 1996, s'est brusquement retournée contre eux au printemps de 1997. Malgré le discours des talebans, qui porte uniquement sur l'islam, leur percée a accentué la polarisation ethnique de l'Afghanistan.

35 2.2 – Système politique L'organigramme du pouvoir taleban est flou et très lié à Mohamed Omar. Celui-ci s'est fait proclamer Amir ol- Momunin, c'est-à-dire « commandeur des croyants », un titre religieux qui rend impossible tout compromis politique, car le refus d’obéissance est assimilé à un crime d’apostasie et conséquemment, puni de mort. Les talebans refusent de poser la question du pouvoir en termes d'alliances politiques : ils ne conçoivent les rapports des autres groupes avec eux que sous la forme d'allégeance totale. Ce refus d'une approche politique est illustré par l'attitude du mollah Omar : il reste dans sa ville de Kandahar, inaccessible aux diplomates comme aux dirigeants politiques, et délègue le pouvoir à Kaboul à une petite équipe dirigée par le mollah Rabbani (qui n'a aucun lien avec le président Rabbani).

36 Les provinces sont gérées par des mollahs venus du sud, mais l'administration reste très souple en zone rurale. À Kaboul en revanche, le pouvoir s'exerce avant tout comme police des mœurs (le ministère de la répression du vice et de la promotion de la vertu). Deux structures se partagent le pouvoir d’une façon inefficace et incohérente, car les décisions politiques prises par celles-ci sont souvent contradictoires. Autour du mollah Omar se trouve le premier cercle du pouvoir, composé de six hommes, dont les prérogatives sont mal définies, alors qu’à Kaboul, un second cercle de neuf hommes gère l’administration et les affaires étrangères. L’incohérence du gouvernement, qui vient entre autres du refus du commandeur de quitter Kandahar, est également causée par l’incapacité du mouvement social de se transformer en mouvement politique.

37 L’intransigeance idéologique du régime fait en sorte que les quelques personnalités compétentes sont rejetées par le régime, qui reste dépourvu des moyens concrets de gestion politique. La rectitude idéologique tient lieu de compétence. Entre 1996 et 2001, les talebans ont imposé des mesures de plus en plus restrictives concernant les femmes, le travail des organisations non gouvernementales, les mœurs, tout en se désintéressant de la situation économique et sociale. L'interdiction de la culture du pavot, prise à l'automne 2000, s'inscrit dans cette perspective : alors même qu'elle était réclamée par l'Occident, cette mesure n'a pas eu l'effet escompté (améliorer les relations avec la communauté internationale) et a, au contraire, aggravé la situation économique en mettant des milliers de travailleurs saisonniers au chômage.

38 2.3 – Économie La gestion économique de l’Afghanistan par le mouvement est à l’image de sa gouvernance : chaotique et superficielle. Encore une fois, la « faiblesse intellectuelle » du mouvement et son intransigeance, qui repousse les fonctionnaires compétents, fait en sorte qu’au cours des 5 années de gouvernance, la situation économique du pays ne s’est guère améliorée. Les quelques mesures économiques prises par le gouvernement se limitent à tenter d’accroitre les revenus du gouvernement en imposant les quelques entreprises étrangères présentes au pays. Dès 1996, un impôt de 50 % sur les profits de ces entreprises est mis en place, et celles qui ne veulent ou ne peuvent pas payer sont tout simplement attaquées militairement par les milices du régime.

39 De même, ils établissent leur contrôle militaire des frontières et des aéroports, imposant une taxe de 6 % sur tous les produits importés. Le recours à ces mesures est nécessaire d’une part parce que la guerre civile se poursuit, que les besoins financiers de cette guerre continuent d’être importants et que le mollah Omar tente d’obtenir une certaine indépendance financière par rapport à Islamabad. D’autre part, avec un revenu annuel par habitant inférieur à 200 $, le gouvernement ne peut pas vraiment compter sur la population pour remplir ses coffres. Outre ces mesures légales, le régime recourt largement à l’exportation de l’opium, du moins au cours des premières années, alors que le régime contrôle plus de 95 % de la production d’opium au pays. En 1999, on estime que la production de pavot d’Afghanistan représente plus de 75 % de la production mondiale.

40 Cependant, en 2000, le gouvernement remet en question cette orientation et se lance dans une lutte contre la culture du pavot. Les méthodes violentes employées par le régime vont permettre de réduire drastiquement cette production, qui passe de 3300 tonnes à 75 tonnes seulement à l’espace d’une année. Les raisons de ce retournement sont expliquées soit par le désir du régime d’obtenir une certaine reconnaissance internationale, soit de provoquer une hausse des prix sur le marché. Cette deuxième thèse est appuyée par le fait que, selon certaines sources, en septembre 2001, avant même l’attaque contre les États-Unis, la culture du pavot fut de nouveau autorisée. Quoiqu’il en soit, il demeure que cette interdiction, même si elle ne fut que temporaire, va contribuer à éloigner davantage la population du régime, entendu que celui-ci la prive alors d’une de ses rares sources de revenus.

41 2.4 – Relations internationales En matière de politique étrangère, le dogmatisme et l’incompétence du régime lui furent préjudiciables. Seuls trois États reconnurent la légitimité du gouvernement de mollah Omar en Afghanistan, soit le Pakistan, l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis, encore que ces deux derniers lui retirent par la suite leurs appuis. Mais la communauté internationale semblait s'être résignée à leur pouvoir qui reprenait la tradition d'un État fondé sur les tribus pachtounes et apparaissait comme un gage de stabilité. Le mouvement entretenait des relations avec les services d’aide humanitaire de l’ONU. La position de celle-ci était difficile, car si elle ne voulait pas servir de caution en venant en aide au régime, elle ne pouvait pas non plus abandonner les millions d’Afghans pour qui l’aide internationale était une condition de survie.

42 Le régime comprenait que ses chances de se maintenir au pouvoir dépendaient des conditions économiques de la population et qu’une famine ne pouvait pas permettre la consolidation du régime politique. Le gouvernement a été incapable de nouer des relations avec ses voisins, mais plus encore, son intransigeance et son fanatisme a conduit plusieurs États à prendre une position franchement hostile contre lui. En Occident, où certains intérêts économiques lorgnaient sur le potentiel du pays, la réputation du régime auprès de l’opinion publique à rendu impossible toute collaboration économique Les talebans ont toujours été systématiquement soutenus par le Pakistan, pour des raisons ayant trait à la vision stratégique de ce pays : face à l'ennemi héréditaire, l'Inde, le Pakistan considère qu'il a besoin d'un Afghanistan ami.

43 Pour Islamabad, seul un régime pachtoune et islamiste est acceptable : il ne jouera pas la carte du nationalisme afghan et l'importance des Pachtounes au Pakistan peut permettre à Islamabad d'exercer une sorte de gestion indirecte de l'Afghanistan en jouant sur le double registre de la solidarité ethnique et de la connivence religieuse. Le Pakistan a donc fait systématiquement campagne pour que la communauté internationale reconnaisse le régime des talebans et a toujours refusé de faire pression sur eux pour qu'ils livrent Oussama ben Laden. Le principal obstacle à la reconnaissance internationale du régime taleban a été justement la présence de ben Laden sur le sol afghan. Celui-ci est arrivé au début de 1996 à Jalalabad, chassé du Soudan. Il est entré en contact avec les talebans en octobre, après la prise de Kaboul par ces derniers, vraisemblablement par l'intermédiaire des services secrets pakistanais (l'ISI.).

44 Oussama ben Laden

45 Très vite, ben Laden s'est trouvé en symbiose avec le mollah Omar. Ben Laden fait partie d'un réseau de militants islamistes du Moyen-Orient qui a soutenu les moudjahidin afghans dans la guerre contre les Soviétiques, à la fin des années 1980. Une organisation, basée à Peshawar, au Pakistan, appelée le Bureau des services, assurait le recrutement et l'envoi en Afghanistan de volontaires. Après l'assassinat de son fondateur en 1989, ben Laden prend la direction de cette organisation qu'il renommera, au début des années 1990, Al-Qaida (la Base). Un certain nombre de combattants étaient restés en Afghanistan après le retrait des troupes soviétiques en février 1989 : ils s'entraînaient pour mener le « djihad » dans d'autres zones, avec le soutien des services pakistanais et des mouvements religieux radicaux pakistanais.

46 Lorsque ben Laden revient en Afghanistan en 1996, il reprend le contrôle des volontaires étrangers, monte une brigade qui combat auprès des talebans contre l'Alliance du Nord et entraîne de jeunes musulmans pour former des réseaux terroristes qui se mettent en place en Occident et dans les marges du monde musulman. Excellent organisateur, ben Laden regroupe et motive les jeunes en rupture avec leur famille et leur pays. Cette présence de plus en plus importante d’étrangers sur le territoire national indispose la population, pour qui les djihadistes sont aussi indésirables que n’importe quelle autre présence étrangère. Bien qu'il ait déjà été accusé par les Américains d'être l'instigateur du premier attentat contre le World Trade Center en février 1993, c'est seulement après les attentats d'août 1998 contre les ambassades américaines au Kenya et en Tanzanie que ben Laden devient l'ennemi numéro un pour Washington.

47 Commence alors un jeu complexe avec les talebans. Washington décide de dissocier le cas de ben Laden du régime de Kaboul et n'a plus qu'un seul objectif : obtenir l'expulsion du terroriste. Les sanctions contre les talebans présentées au Conseil de sécurité de l'ONU en décembre 2000 ne visent que cela. L'idée est qu'une extradition, ou un simple départ de ben Laden, en échange d'une non-ingérence dans la politique intérieure des talebans et d'une promesse implicite de reconnaissance internationale, devrait satisfaire et ces derniers et leurs parrains pakistanais. Les États-Unis, soucieux de dissocier leur contentieux avec les talebans du conflit indo-pakistanais, se gardent bien de faire pression sur le Pakistan. Or cette politique se révèle rapidement contradictoire. Les talebans prennent prétexte des sanctions de l'ONU pour refuser tout contact avec les organisations internationales.

48 Le mollah Omar, quant à lui, refuse de rencontrer un non-musulman, si bien que les Occidentaux n'ont aucun accès au centre du pouvoir taleban. Comme les Pakistanais refusent de faire pression sur Kaboul (ou plutôt sur Kandahar, lieu de résidence du mollah Omar), la situation est complètement bloquée à l'été 2000.

49 2.5 — Radicalisation La direction des talebans se lance alors dans une radicalisation idéologique. Régulièrement sommés par les États-Unis puis par le Conseil de sécurité de l'ONU de livrer ben Laden, les talebans répondent sur un registre juridique : le suspect doit être jugé par un tribunal islamique et le procureur américain doit venir apporter les preuves. Différentes mesures sont prises en 2001 : la destruction des statues des bouddhas géants de Bamiyan en mars, l'imposition de signes distinctifs aux hindous de Kaboul en mai, l'arrestation de travailleurs humanitaires occidentaux pour prosélytisme religieux en août, ainsi que des interdictions plus anodines, mais tout aussi significatives de l'état d'esprit des dirigeants talebans, comme l'interdiction d'importation de cravates et d'épingles de cravate...

50 Cette soudaine hostilité envers ce qui n'est pas l'islam est nouvelle, mais elle est cohérente avec l'idéologie de ben Laden. Cette radicalisation va de pair avec l'isolement de la direction des talebans et la concentration du pouvoir entre les mains d'un petit comité où sont associés, autour du mollah Omar, les volontaires étrangers, dont Oussama ben Laden. Le conseil de Kaboul, qui fait office de gouvernement, n'est plus réuni. Al-Qaida devient autonome : les volontaires qui arrivent de l'extérieur entrent directement en Afghanistan par l'intermédiaire des filières pakistanaises et sont pris en charge par les structures d'Al-Qaida. Tout se passe comme si le mollah Omar avait choisi entre construire l'État afghan et adhérer aux thèses de ben Laden, pour qui il est inutile de construire un État islamique dans un pays donné tant que la communauté musulmane reste opprimée.

51 3 — L’assassinat de Massoud, le 11 septembre 2001 Les opposants aux talebans, Tadjiks de Massoud, Ouzbeks de Dostom et Hazaras chiites du centre du pays s'unissent consécutivement à l’évacuation de Kaboul par les troupes de Massoud à l’automne 1996 dans une coalition qui est, en théorie, dirigée par le président Rabbani, garant d'une continuité étatique, mais dont le pouvoir est quasi nul, Le nom d’Alliance du nord lui a été donné par l’ISI, qui tentait de faire croire qu’il ne s’agissait que d’un petit groupuscule de résistance très circonscrit, alors que le véritable nom de l’organisation est le « Front unique et islamique national pour le salut de l’Afghanistan ».

52

53 L’homme fort de la coalition est le commandant Massoud, bien que chaque groupe conserve sa totale autonomie. L'Iran, la Russie, l'Ouzbékistan et l'Inde, inquiets de la montée d'un fondamentalisme sunnite à leurs frontières, soutiennent la coalition du Nord, tandis que le Pakistan et l'Arabie Saoudite se rangent derrière les talebans, approuvés par les Américains. De 1996 à 2001, les forces de Massoud parviennent à empêcher le gouvernement du mollah Omar de prendre pied dans le nord du pays et de se présenter dans les faits comme le gouvernement de tout l’Afghanistan. De sorte que, malgré l’apparente pacification du pays à partir de 1996, c’est bel et bien une guerre civile qui se poursuit, mettant aux prises les Pachtounes talebans aux autres ethnies du pays réunies sous la bannière de Massoud.

54 Il fallait donc pour Al-Qaïda et le Pakistan supprimer Massoud, dernier symbole d'une résistance autonome afghane. Massoud vivant ébranlerait l'image d’Al-Qaïda dans l'opinion musulmane et sa visite au Parlement européen de Strasbourg dans la première semaine de mars 2001 inquiéta fortement Islamabad. Deux faux journalistes réclamèrent de rencontrer Massoud. Le 9 septembre, Massoud donna l'ordre de les admettre dans son bureau. Les deux hommes déclenchèrent leur bombe et moururent dans l'attentat. Mais leur bombe tua l'interprète de Massoud, blessa l'ambassadeur de l'Alliance en Inde et déchiqueta le côté gauche du Lion du Pandjchir. L'Alliance cacha la nouvelle de sa mort pendant une semaine, L'attentat réussi contre Massoud, le 9 septembre, donna le signal de ceux du 11 septembre : les réseaux islamistes dormants aux États-Unis passèrent à l'action.

55 4 — « Liberté immuable » Dès lors, il n’est plus question de tergiverser. Le président Bush met en demeure ses alliés régionaux de choisir leur camp. Le Pakistan tourne le regard et laisse tomber son allié, de même que l’Arabie Saoudite Le 7 octobre 2001, des frégates et des sous-marins des forces navales américaines et britanniques lancent des missiles de croisière sur les principaux centres urbains du pays tenu par les talebans. Pendant 12 jours Kaboul, Jalalabad, Kandahar et les camps d’entraînement d’Oussama ben Laden sont bombardés. L’attaque américaine s’accompagne d’une série d'opérations menées en divers points du territoire par les différentes composantes de « l’Alliance du nord », qui opèrent sur deux fronts : le nord de Kaboul et la province du Takhar, à l’ouest.

56 C’est dans cette région qu’ils établissent la jonction avec les troupes de Dostom autour de Mazar-i Charif. À ces deux formations s’ajoutent les Hazaras de la région de Bagram, de même que les Tadjiks de l’ouest d’Ismail Khan. Le Front uni tente ainsi de former un croissant antitaleban depuis le corridor de Wakhan jusqu’à la frontière iranienne Avant le 7 octobre, des conseillers et plusieurs centaines de membres des forces spéciales occidentales sont dépêchés afin de préparer des actions communes auprès des divers représentants du « Front uni ». Mais il s’agit surtout aussi de rallier par différents moyens les chefs de clans encore hésitants. Le 20 octobre, les plans d’intervention se précisent. Les forces spéciales américaines et britanniques sont déployées dans la région de Kandahar. Au nord, des unités d’élite américaines sont stationné pour aider et encadrer les forces du « Front uni ».

57 Le premier objectif est de permettre aux combattants de Dostom de conquérir la province de Balkh, afin d’établir un accès direct avec les forces américaines basées en Ouzbékistan. Puis il s’agit de favoriser l’avancée des « Tadjiks de l’Est ». Pour préparer cette double offensive dans l’est du pays, les Américains bombardent Mazar-i Charif et Kaboul et les troupes de Dostom parviennent le 10 novembre à prendre le contrôle de Mazar-i Charif, provoquant la fuite de l’armée talebane. Deux jours plus tard, les « Tadjiks de l’Est » s’emparent de Herat. La chute de Mazar-i Charif apparaît comme le tournant dans la guerre. Elle galvanise les Tadjiks de l’Est, dont l’avancée vers Kaboul est accélérée par le changement de stratégie des talebans. En effet, début novembre, le mollah Omar ordonne à ses troupes de se retirer de la capitale afin de concentrer la guérilla sur les régions qui bordent le Pakistan.

58 Pour le gouvernement américain, la prise de Kaboul risque d’être trop rapide, car ils n’ont pas encore de stratégie politique à appliquer. Les autorités américaines et l’ancien roi Zaher Shah tentent de convaincre les Tadjiks de l’Est de ralentir leur progression, le temps de négocier la démilitarisation de la capitale et la répartition des pouvoirs entre les différentes ethnies. Mais les combattants tadjiks ne s’arrêtent pas : le 13 novembre, ils prennent possession de Kaboul sans réels combats. Cinq semaines après le début des opérations militaires, le régime taleban est renversé. Plusieurs milliers de talebans ont été tués ou faits prisonniers tandis que 3 700 civils ont péri dans les combats. Début novembre 2001, différents pays, parmi lesquels les Pays-Bas, l’Allemagne, le Canada et le Japon annoncent, à la demande des États-Unis et du Royaume-Uni, qu’ils vont eux aussi apporter une aide militaire.

59 Dans un premier temps, le changement de régime imposé par la force militaire étrangère est assez bien vu par la population afghane, même chez les Pachtounes, pour qui la tangente djihadiste prise par le mouvement du mollah Omar n’était absolument pas conforme aux intérêts et traditions du pays. Ce n’est qu’avec le temps, dans le contexte d’une occupation militaire qui s’éternise, que cette perception se modifiera et que les vieux réflexes de la population face aux occupants étrangers se raviveront.


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