Aide multicritère à la décision en évaluation et sélection des projets : la méthode ELECTRE III Mamadou Moctar Ka Programme de maîtrise en gestion de projet (profil recherche) Université du Québec en Outaouais
Sommaire 1. Introduction 2. La sélection comme problème de décision 3. L’approche monocritère 4. Les limites de l’approche monocritère 5. Les approches multicritères: la méthode ELECTRE III 6. Conclusion
1. Introduction Face aux changements rapides au niveau de la technologie et sur les marchés, les organisations sont contraintes à se tourner vers les projets pour rester compétitives (Kerzner, 2009). Dans cet ordre d’idée, il est primordial pour elles d’évaluer et sélectionner judicieusement les projets sur lesquels elles s’engagent. En contexte de ressources limités, les entreprises ne peuvent se laisser aller au gaspillage (Frame, 1995). Les projets choisis doivent être en lien avec les orientations stratégiques (O'Shaughnessy, 2006).
2. La sélection comme problème de décision Pour Meredith et Mantel (2008), la sélection de projet consiste à évaluer des projets ou des groupes de projets dans le but de déterminer lesquels devraient être mis en œuvre pour atteindre les objectifs de l’organisation. Selon Buchanan & Vanderpooten (2007), dans la perspective ou le nombre de propositions de projets dépasse le budget alloué, la sélection devient un problème de décision consistant à classer les projets par ordre de préférence afin de choisir les meilleures options. Face à un tel problème de décision, deux approches peuvent généralement être adoptées pour comparer les différentes alternatives: l’optimisation monocritère et l’aide multicritère à la décision.
3. L’approche monocritère D’après Roy (1977a), elle est basée sur le postulat selon lequel «dans toute situation devant entraîner une décision, il existe au moins une décision, qui avec suffisamment de temps et de moyens, puisse être objectivement démontrée comme étant optimale et ceci en restant neutre par rapport au processus de décision». L’optimisation est sous-tendue par trois contraintes: la globalité, la stabilité et la complète comparabilité transitive. (Roy, 1977a) En contexte de sélection, elle consisterait à comparer les projets sur la base d’un aspect qui sera le plus souvent la dimension économique. Les projets ayant les coûts les moins élevés ou ceux avec les meilleurs profits sont favorisés dans cette approche.
4. Les limites de l’approche monocritére En contexte organisationnel, le postulat d’optimisation a des limites. Le décideur est confronté à des options partielles, complémentaires et rarement globales (Roy, 1977a). Par ailleurs, l’évaluation du projet sur la base d’un seul critère exprimé en terme économique ne cadre pas avec la nature complexe de ce dernier. Le projet englobe d’autres aspects comme les dimensions humaines, les intervenants, les ressources matérielles etc. (Wybouw & Azondékon, 2002). Certains de ces aspects sont parfois conflictuels, rendant la recherche d’un optimum impossible. Toutes les dimensions du projet ne sont pas réductibles en critères économiques (Goletsis, Psarras, Samouilidis, 2003) La sélection et l’évaluation de projet est le plus souvent un exercice de groupe. Les experts participant au processus de sélection sont des parties prenantes avec des valeurs différentes et conflictuelles. L’approche de sélection adoptée devrait considérer la multiplicité des points de vue (Oral, Kettani, Lang, 1991).
5. Les approches multicritères: la méthode ELECTRE III Dans ce contexte, l’aide multicritère à la décision se présente comme une démarche judicieuse. Elle permettrait de faire un choix entre un ensemble de projets en évaluant ces derniers sur plusieurs critères sans que les critères ne soient forcément économiques. Nous avons opté pour ELECTRE III de Roy (1978a) comme méthode d’analyse multicritères pour évaluer et sélectionner des projets. En considérant, un ensemble de projets P= {p1, p2,…pm}, la méthode permet de ranger les projets par ordre de préférence en les comparant par pairs sur la base des critères retenus. La comparaison débouche sur une relation de surclassement S selon laquelle, un projet p1 surclasse une projet p2 s’il est au moins aussi bon que p2 sur une majorité de critères sans être relativement plus mauvais sur les autres.
5. Les approches multicritères: la méthode ELECTRE III Cette relation de surclassement est pertinente dans les situations où entre deux projets, les évaluations permettent d’afficher une préférence faible ou forte pour l’un des deux, ou encore une indifférence. Les raisons qui nous poussent à opter pour ELECTRE III (Buchanan & Vanderpooten 2007): La méthode n’est pas compensatoire. Elle prend en compte l’imprécision et l’incertitude entourant la prise de décision. La méthode introduit le concept de préférence faible. ELECTRE III est une méthode complexe et difficile à interpréter.
6. Conclusion Comme le note Azondékon (1991), l’irréductibilité de toute la réalité humaine à des considérations monétaires explique l’avènement de l’aide multicritère à la décision en marge de l’optimisation. La nature multidimensionnelle du projet nous rappelle ce fait et nous invite à embrasser les approches multicritères lorsqu’il s’agit d’évaluer et sélectionner des projets. Dans cette perspective, ELECTRE III constitue un outil efficace. Elle permet de ranger un ensemble de projets par ordre de préférence sur la base d’une multitude de critères, qu’ils soient conflictuels ou non monétisables.
7. Réferences Azondékon, B. (1991). Aide multicritère à la décision dans un contexte non déterministe avec information incompléte. (Ph.D.). Université Laval: Québec. Buchanan, J., & Vanderpooten, D. (2007). Ranking projects for an electricity utility using ELECTRE III. International Transactions in Operational Research, 14(4), 309. Frame, J. D. (1995). Le nouveau management de projet. Paris: AFNOR. Goletsis, Y., Psarras, J., & Samouilidis, J.-E. (2003). Project ranking in the Armenian energy sector using a multicriteria method for groups. Annals of Operations Research, 120(1), 135. Kerzner, H. (2006). Project management : a systems approach to planning, scheduling, and controlling (9 ed.). Hoboken: J. Wiley. Meredith, J. R., & Mantel, S. J. (2006). Project management : a managerial approach (6 ed.). Hoboken: J. Wiley. Nafi, A., Werley, C. S.d. Aide à la décision multicritére: introduction aux méthodes d’analyse de type ELECTRE. En ligne. 21 p. http://sceco.u-strasbg.fr/doc/doc/cours_en_ligne/Nafi_Amir/Cours_MCDA_AN.pdf. Consulté le 5 mai 2011. Oral, M., Kettani, O., & Lang, P. (1991). A Methodology for Collective Evaluation and Selection of Industrial R&D Projects. Management Science, 37(7), 871. O'shaughnessy, W. (2006 ). Guide méthodologique d'élaboration et de gestion de projet : la gestion de projet et le concept de gestion intégrée (2 ed.). Trois-Rivières : Éditions SMG. Roy, B. (1977a). Critique et dépassement de la problématique d’optimisation. Cahiers Sema, (1), 35-42. Roy, B. (1978a) ELECTRE III : Un algorithme de classements fondé sur une représentation floue des préférences en présence de critères multiples. Cahiers du Centre d’Études de Recherche Opérationnelle, 20(1), 3-24. Wybouw, N. (2002). Approche multicritère d'accélération de projet : une piste d'amélioration de l'algorithme de Siemens (M.Sc.). Université du Québec en Outaouais : Gatineau.
Merci