Université d’Alger Faculté de médecine Département de pharmacie Investigation d'un episode épidémique Dr BENZAROUR.H Mai 2014
Plan 1. Quelques définitions 2. Pourquoi enquêter ? 3. Objectifs spécifiques de l’investigation 4. préparation du plan de travail 5. les étapes d’une investigation épidémiologique a. étape descriptive b. étape analytique 6. conclusion
1. Définitions a. Epidémie : est une augmentation inhabituelle de cas dans un espace de temps et de lieu limités, aussi bien les maladies transmissibles (peste, cholera, toxi-infection collective) que toute autre maladie. La notion d’augmentation du nombre de cas suppose un nombre habituel ou un taux de base de cette maladie et un seuil qui a été franchi.
1. Définitions b. Endémie : c’est la présence habituelle, dans une région ou au sein d’une population, d’une affection donnée qui s’y manifeste de façon continue ou discontinue (tuberculose, paludisme,…). C’est un phénomène de masse limité dans le temps mais aussi dans l’espace.
1. Définitions c. Pandémie : C’est une forme d’épidémie particulièrement étendue géographiquement, touchant tout un continent, voire plusieurs, exemple de la grippe A H1N1 en C’est un phénomène de masse non limité dans l’espace.
Pourquoi enquêter ? Investigation d’une épidémie Plusieurs raisons peuvent motiver l’investigation d’un épisode épidémique Enrayer la progression de cet épisode ; Prévenir la survenue de nouveaux épisodes ; Approfondir les connaissances sur les relations entre l’hôte. L’agent causal et l’environnement ; Evaluer la qualité de la surveillance épidémiologique et le cas Echéant.
Pourquoi enquêter ? Investigation d’une épidémie mettre en place un nouveau système de surveillance Saisir l’occasion, sur le terrain, d’enseigner l’épidémiologie d’intervention à des collaborateurs moins chevronnés. Quelles que soient les motivations, chaque investigation apporte quelque chose de nouveau. Chaque épisode épidémique est unique pour l’épidémiologiste tout comme Chaque malade est unique pour le clinicien.
3. Les objectifs spécifiques de l’investigation Un problème de santé publique, Un épisode épidémique, réclame des prises de décision rapides et appropriées. Il faut donc collecter des informations de bonne qualité, les analyser et formuler des recommandations, ceci dans les plus brefs délais.
3. Les objectifs spécifiques de l’investigation La tendance est souvent de collecter les informations et de retourner vite à son bureau pour les analyser. C’est en fait une tentation contre laquelle il faut lutter car c’est sur le terrain qu’il est encore possible de vérifier ses données et collecter les informations manquantes. C’est aussi sur le lieu de l’enquête que les conclusions de l’étude sont les plus attendues.
4. Préparation de l’investigation L’expérience a montré que la phase préparatoire conditionne la réalisation et l’analyse de l’enquête ainsi que l’utilisation des résultats. L’épidémiologiste chargé de l’enquête doit dés ce stade répondre à plusieurs questions : Qui a alerté les services de santé publique ? Qui doit être informé de l’épidémie potentielle ? Quelles sont les motivations de la demande d’investigation t- on les autorisations officielles ? Quelle est la composition précise de l’équipe d’investigation ?
4. Préparation de l’investigation Qui dirigera l’investigation ? Qui est responsable de l’archivage, de l’utilisation et de la diffusion des résultats et des données ? Qui va faire l’analyse ? Y aura –t-il un rapport écrit, qui le signera comme premier auteur ? S’est on assuré de la collaboration de toutes les catégories professionnelles requises pour l’investigation (en particulier les spécialistes du laboratoire) ? Qui sera porte-parole unique de l’équipe d’investigation
5. Les étapes de l’investigation La démarche épidémiologique est systématisée, il s’agit d’une approche différente de celle du clinicien. L’enquête est toujours rétrospective, l’épidémie existe depuis plusieurs jours, semaines, ou mois. On doit compter sur la mémoire des gens pour récolter des informations.
5. Les étapes de l’investigation A titre d’exemple : Une épidémie communautaire d'infections à S. Typhimurium s’est déclaré à Jura, entre mai-juin L’alerte a été donnée par la direction de la santé au ministère. 80 cas de salmonellose ont été enregistrés en 5 semaines. Le germe identifié était le Salmonella Typhimurium. Tous les cas étaient regroupés dans le sud du Jura A priori aucun lien entre les cas n’a été établi. Sous la Pression des médias, des autorités,des Comités ont été en place.
La méthode d’investigation Elle peut être résumée en 10 étapes que l’on regroupe en deux phases successives. - La première phase est descriptive et comporte : L’affirmation de l’épisode épidémique : La confirmation du diagnostique : La définition et le décompte des cas : L’organisation des données en termes de temps, de lieu et de caractéristiques individuelles. A l’aide de ces informations descriptives, on peut le plus souvent évoquer la source et le mode de contamination et préciser quelles sont les personnes à risque.
La méthode d’investigation La deuxième phase fait appel aux méthodes de l’épidémiologie analytique. Elle repose sur : La formation d’hypothèse pouvant expliquer l’exposition spécifique impliquée dans la survenue de la maladie, hypothèses qu’il faudra ensuite tester ; La comparaison de l’hypothèse retenue avec les faits observés ; le développement d’une étude épidémiologique analytique complémentaire ;
La méthode d’investigation La rédaction d’un rapport scientifique et la mise en place de mesure de lutte et de prévention. Il faut savoir que l’ordre importe peu, et que plusieurs étapes peuvent abordées en même temps.
1ére étape : affirmer l’existence de l’épisode épidémique La confirmation d’un épisode épidémique repose sur l’observation d’un nombre de cas supérieur au nombre de cas attendus pendant la même période au sein de la même population. Les données de surveillance épidémiologique hebdomadaire ou mensuelle, lorsqu’ elles existent, permettent souvent cette comparaison.
1ére étape : affirmer l’existence de l’épisode épidémique Dans certaines situations, il est important de vérifier si une augmentation du nombre de cas déclarés d’une maladie ne reflète pas simplement un artefact du système de surveillance (nouveaux moyens diagnostiques, nouvelle personne chargée de la surveillance).
1ére étape : affirmer l’existence de l’épisode épidémique Il est parfois nécessaire de confirmer l’existence d’un épisode épidémique en consultant plusieurs sources d’information telles que : registres d’absentéismes des écoles et des usines, les registres des laboratoires, ou en contactant les médecins de la région. Parfois encore, une enquête dans la population générale est nécessaire pour confirmer l’épisode épidémique.
2éme étape : confirmer diagnostic Tous les efforts possibles doivent être fournis pour confirmer le diagnostic clinique à l’aide de techniques de laboratoire telles que la sérologie et/ou l’isolement de l’agent causal ou la recherche de toxiques. Tous les cas n’ont pas besoin d’être confirmés si la pluparts des malades ont des signes cliniques similaires et si 15à20 % des cas ont été vérifiés à l’aide d’examens de laboratoire. Cela suffit pour confirmer le diagnostic.
2éme étape : confirmer diagnostic Il est également plus convaincant pour l’épidémiologiste de pouvoir examiner un ou plusieurs cas lui-même ou en compagnie d’un spécialiste.
3éme étape : définir et compter les cas - Définition d’un cas Mettre au point la définition d’un cas représente une étape fondamentale. C’est l’outil de travail qui est la base de l’investigation. Cette définition repose sur les critères cliniques et/ou biologiques ainsi que sur la précision des notions de temps de lieu et de caractéristiques personnelles. Le choix de la définition d’un cas comporte deux risques : - celui d’inclure parmi les cas des individus qui ne sont pas des cas (définition trop sensible) et à l’inverse de risque d’exclure certains des cas réels.
3éme étape : définir et compter les cas les critères simples mais précis font en général les meilleures définitions (ex, fièvre inferieur39 °C, évidence radiologique de pneumonie, nombre de selles par jours, éruption cutanée, etc.). Si la maladie est inconnue, on a recours à plusieurs définitions de cas :
3éme étape : définir et compter les cas Des cas certains dont le diagnostic repose sur l’isolement de l’agent causal ou sur des tests sérologiques spécifiques : Des cas probables rassemblant un faisceau d’arguments cliniques et biologiques de présomption ; Enfin des cas possibles ou indéterminés qu’il faut le plus souvent exclure de l’analyse s’ils ne sont pas confirmés.
Ex : définition de cas Epidémie d'infections à S. Typhimurium, Jura,Mai Juin 1997 Cas probable Résidents du Jura ou communes limitrophes A partir du 12 mai 1997 Diarrhée (> 2 selles liq/j) et/ou fièvre >38°C (+ de 1 jour) et contact avec cas certain
Ex : définition de cas Epidémie d'infections à S. Typhimurium, Cas certain Résidents du Jura ou communes limitrophes A partir du 12 mai 1997 Diarrhée (> 2 selles liquides/j) et/ou fièvre > 38°C ( + de un jour) et isolement de S. Typhimurium
Compter et recenser les cas Les sources d’information : Les méthodes de recherche des cas varient selon la maladie et la population considérée. Le plus souvent, l’intensification des déclarations de cas par les médecins, les hôpitaux, les laboratoires, les écoles, les industries, ou par une information générale du public, permet d’identifier un grand nombre de cas. Parfois au contraire on doit entreprendre des enquêtes par téléphone, porte à porte ou des enquêtes sérologiques pour identifier des cas.
Compter et recenser les cas Combien de cas ? Il n’est de toute façon par nécessaire d’identifier tous les cas d’un épisode épidémique. Une majorité suffit pour l’analyse. Les informations recueillies La recherche des cas doit s’accompagner de la collecte d’informations qui aideront à décrire l’histoire naturelle de l’épidémie.
Compter et recenser les cas Celle-ci comprennent : - Des informations démographiques telles que l’âge, le sexe, l’adresse et la catégorie socio professionnelle : - Des informations sur la maladie elle-même : les signes cliniques, leur date de début, leur durée, la sévérité et le traitement reçu. - il faut déterminer la taille de la population (dénominateur) d’où sont issus les cas ( numérateur et dénominateur serviront au calcul des taux d’attaque).
4éme étape : organiser les données en termes de temps, de lieu et de caractéristiques individuelles Le temps La courbe épidémique est un histogramme, qui représente la distribution des cas d’une épidémie en fonction du temps (par date de début des symptômes le plus souvent). Elle permet de visualiser le début, le maximum et la fin de l’épidémie Elle permet aussi de poser des hypothèses quand au mode de transmission.
Les différents types de courbes épidémiques : Epidémie à Source commune momentanée
Epidémie à Source commune persistante
Epidémie par transmission interhumaine directe
Epidémie à source commune initiale suivie d’une transmission directe de personne à personne
5éme étape :Formuler des hypotheses A partir des informations descriptives (T,L,P),de la connaissance de la maladie, d'une étude exploratoire sur quelques cas Expliquant :L'agent causal, la source,le mode de transmission et le véhicule ; des hypothèses peuvent être soulevées
6 ème étape : Tester les hypothèses Pour confirmer l’hypothèse, il faut démontrer que l’exposition au facteur en cause est associée à un risque significativement plus élevé de développer la maladie. La démonstration repose sur deux types d’enquête à visée étiologique (déterminer la cause)
6 ème étape : Tester les hypothèses Cohorte rétrospective compare : Taux d’attaque chez les exposés Taux d’attaque chez les non exposés Cas-témoins compare : la proportion d'exposés parmi les cas la proportion d’exposés parmi les non cas
7ème étape : Comparaison de l'hypothèse retenue avec les faits observés Il faudrait confronter les résultats des observations cliniques des examens biologiques des études épidémiologiques des tests statistiques
7ème étape : Comparaison de l'hypothèse retenue avec les faits observés Les hypothèses doivent être : plausibles biologiquement acceptables expliquer agent causal, source, mode transmission, durée d’exposition
8 ème étape : Etudes complémentaires Cela consiste en la réalisation de prélèvements de l’environnement, ou de personne s ou d’animaux, susceptibles de représenter le réservoir du microorganisme responsable de l’épidémie. L’enquête environnementale sera planifiée en parallèle avec l’enquête épidémiologique.
8 ème étape : Etudes complémentaires Ex : Etudes complémentaires épidémie d'infections à S. Typhimurium, Jura, mai-juin, 1997 Enquête microbiologique : Prélèvements des aliments chez les cas Prélèvements chez les fournisseurs des cas Comparaison des souches humaines et alimentaires Enquête sur le circuit de distribution des aliments Enquête chez le producteur : Vétérinaire
9ème étape : Rédiger un rapport Dans tous les cas, il est indispensable d’établir un rapport écrit de l’investigation pour documenter l’événement. Ce rapport permet de communiquer avec les partenaires et d’informer les décideurs. Il permet également de proposer des recommandations.
10ème étape : Prendre des mesures de contrôle et de prévention Ne pas attendre la fin de l'investigation pour proposer les mesures générales au début/ spécifiques selon les résultats. Ces mesures porteront sur : Types de mesures pour contrôler : la source (ex : chloration de l’eau) la transmission (ex : mesures d’hygiène) le véhicule (ex : retirer un produit) diminuer la susceptibilité de l’hôte (ex : vaccination)
Conclusion : L’investigation d’un épisode épidémique permet de fournir des solutions rapides Elle met en évidence des arguments pour identifier la cause (source, véhicule) et même si la cause est non identifiée, la description des données oriente l’intervention ( groupes à risque).