Quand penser à H. pylori et Comment le traiter ? 14e Journée de pathologie infectieuse pédiatrique ambulatoire Quand penser à H. pylori et Comment le traiter ? Josette Raymond Marc Bellaiche
Cunégonde, 8 ans, se plaint depuis plusieurs mois de douleurs abdominales plutôt haut situées, sans brûlures, sans horaires particuliers, mais l’obligeant à arrêter ses activités. Sa croissance staturo-pondérale n’a pas été modifiée, elle n’a pas de trouble du transit et un bilan biologique a permis de vérifier qu’elle n’avait pas de syndrome inflammatoire. Bien entendu elle a reçu tous les anti-spasmodiques et pansements gastriques de la terre ainsi que des traitements efficaces contre la constipation…
Recherchez-vous chez cette enfant H. pylori? Oui Non Ne sait pas
Pour ceux qui recherchent H. pylori quel(s) examen(s) demandez-vous ? Sérologie Test respiratoire à l’urée (Hélikit) Recherche d’antigène dans les selles Fibroscopie gastrique
Roger, 4 ans, présente, depuis plusieurs, mois une anémie ferriprive à 8 g d’hémoglobine, le VGM est à 68, les réticulocytes à 20.000/mm3, il n’y a pas de syndrome inflammatoire. Il n’y a aucune douleur abdominale, ni aucun saignement extériorisé. Sa croissance staturo-pondérale est normale et elle n’a aucun autre signe clinique ou biologique de malabsorption.
Recherchez-vous chez cette enfant H. pylori? Oui Non Ne sait pas
Pour ceux qui recherchent H. pylori quel(s) examen(s) demandez-vous ? Sérologie Test respiratoire (Hélikit) Recherche d’antigène dans les selles Fibroscopie gastrique
Hyposécrétion acide Ulcère gastrique Autres facteurs atrophie Cancer(1/100) Hyposécrétion acide Ulcère gastrique H. pylori Pangastrite Lymphome (1/10000) Gastrite Gastrite chronique active aiguë Ulcère duodénal(1/10) Gastrite antrale Lymphome Enfant Hypersécrétion acide Adulte
Cascade des anomalies histologiques gastriques conduisant au cancer Age 15 40 50 70 Réversibilité + +/- - Muqueuse normale Gastrite chronique active Atrophie Métaplasie intestinale Dysplasie Cancer gastrique H. pylori 100 50 20 8 1
H. pylori Infections & developpement of gastric cancer (Uemura. N Engl J Med 2001;345) 1526 patients Japon – suivi 8 ans 36* des 1246 patients infectés ont développé un cancer (2,9%) vs 0 des 280 patients non infectés 10
Epidémiologie - estomac humain Réservoirs de Helicobacter pylori : - estomac humain - réservoir environnemental contesté (PCR uniquement) Modes de transmission : - inter-humaine, transmission intrafamiliale - acquisition par voie orale - transmission par voie orale la plus probable (rôle des vomissements) - FR : bas niveau socio-économique, promiscuité Faible niveau d’étude (OR 6.3 mère en primaire)
Contamination : une histoire d’enfance Essentiellement avant 2 ans : 8.9% (3-19.6%) à 1 an 36.4% (23.8-50.4%) à 2 ans 31.9% (21.2-44.2%) à 4 ans Après 1-2 % par an Infection à vie : 78% des infectés entre 7-9 ans le restent à l’âge adulte Contamination : une histoire de famille Parents : Infectés : 40% enfants HP+ Sains : 3% enfants HP+ Rothenbacher. J Pediatr. 2000 Granstrom. J Clin Microbiol. 1997
Prévalence et incidence des infections à H. pylori Infection bactérienne la plus répandue sur le globe (50% de la population) Prévalence: disparités géographiques 90% : Asie, Amérique latine, pays en voie de développement 30% : pays occidentaux (effet cohorte) 50-70% : Europe de l’Est Incidence (pays occidentaux - /personne/an) : Elevée chez les enfants <5 ans : 3% Faible chez l’adulte : 0.3%
Messages Quand penser à H. pylori ? Quel(s) examen(s) demander ? Quand ne pas y penser ? Quel(s) examen(s) demander ? Qui traiter ? Comment traiter La résistance aux antibiotiques est-elle un problème ? Comment vérifier l’éradication ?
Marouane, 18 mois, hémorragie digestive après prise d’AINS
Helicobacter pylori et AINS Synergique pour l’ulcère gastroduodénal : HP : OR 18·1 (2·64–124) AINS : OR 19·4 (3·14–120) HP + AINS : OR 61 (9.98-373) Ulcères hémorragiques : Helicobacter pylori : RR 1.79 AINS : RR 4.85 HP + AINS : RR 6.13 Huang. Lancet. 2002
Mal au ventre : comment évaluer la douleur ? EN POSANT LES BONNES QUESTIONS !
Place des douleurs abdominales dans l’infection à H. pylori H. pylori-infected children H. pylori-non infected children p * n=26 n=74 Age (months) 137 + 32 125 + 38 Sex 12 Females. 14 males 44 Females. 30 Males NS RAP characteristics RAP intensity (EVA) value/100 71 + 15 66 + 19.5 NS RAP frequency (days per a week) 4.1 + 1.9 4.4 + 2.3 NS RAP nature 0.05 Torsion-like 7 (26.9%)* 6 (8.1%) 0.01 Burning 9 (34.6%) 26 (35.1%) NS Picking 3 (11.5%) 16(22.6%) NS Spastic 3 (11.5%) 4 (5.4%) NS Others 5 (6.75%) NS Does not know 4 (15.3%) 16 (21.6%) NS * chi-square test. p<0.05 Kalach. Pediatrics 2005
Place des douleurs abdominales dans l’infection à H. pylori H. pylori-infected children H. pylori-non infected children P* n=26 n=74 Diurnal (daytime) pain 25 (96.1%) 73 (98.6%) NS Nocturnal pain (nocturnal awakening) 9 (34.6%) 26 (35.1%) NS Epigastric tenderness at palpation 15 (57.6%) 42 (56.7%) NS Epigatric localisation of RAP 26 (100%) 74 (100%) Other locatisations of RAP 12/26 (46.1%) 34/74 (45.1%) NS RAP before meals 7 (26.9%) 15 (20.2%) NS RAP during meals 1 (3.8%) 19 (25.6%)* 0.01 RAP after meals 18 (69.2%) 40 (54%) NS Early satiety 1 (3.8%) 19 (25.6%)* 0.01 * upon the chi-square test. p < 0.05 Kalach. Pediatrics 2005
Douleur abdominales récurrentes de l’enfant Définition : 3 douleurs en 3 mois altérant les activités 35% des moins de 15 ans* Pas plus de HP chez les douloureux : 243 enfants douloureux : 11% HP+ 330 contrôles : 17% HP+ ** Eradication inefficace sur le traitement de la douleur 135 enfants douloureux 23.7% HP+ Douleurs persistent chez : 70.2% HP- 86.7% HP+ non éradiqués pendant 20 mois*** *Thiessen. Pediatr Rev. 2002 ** Malaty. Helicobacter. 2006 *** Lin. Hepatogastroenterology. 2006
Anémie ferriprive Le deficit en fer chez l’enfant a de multiple étiologies L’endoscopie digestive haute est indiquée si : des tests non invasifs n’ont pas retrouvé de cause du déficit en fer L’anémie est réfractaire à un traitement oral par fer L’infection à H. pylori peut être la seule cause de déficit en fer : En l’absence d’érosions de la muqueuse ou d’ulcérations En l’absence de symptômes gastro-intestinaux
HP limite l’absorption du fer 35 adultes HP+ Fer 1 mg/kg Mécanismes ? Hémorragies a minima Hypochlorhydrie Consommation par HP (dépendante de la souche) Avant TTT Après TTT Ciacci. Dig Liver Dis 04
Chez qui rechercher l’infection? Le principal motif pour entreprendre des investigations cliniques gastro-intestinales est de rechercher la cause de symptômes précis et pas seulement la recherche d’une infection à H. pylori
Principales indications de l’Endoscopie Haute devant des douleurs abdominales Localisation épigastrique des douleurs ET Caractère invalidant des douleurs Réveils nocturnes Absentéisme scolaire Limitation des activités usuelles ET/ou Existence d’au moins un des signes associés Perte de poids Vomissements itératifs Anémie Syndrome inflammatoire Guariso G J Pediatr Gastroenterol Nutr. 2010 24
Quand penser à H. pylori ? Recommandations d’experts de l’ ESPGHAN et du NASPGHAN (conference de Consensus pédiatrique) Pas tellement devant des douleurs abdominales isolées sans UGD Devant des douleurs évoquant un UD Devant une anémie ferriprive (après avoir éliminé une autre cause) Dans l’entourage d’un patient présentant une pathologie prouvée à H. pylori
Quand penser à H. pylori ? A ce jour, il n’y a aucune preuve évidente entre l’infection à H. pylori et l’otite, les infections respiratoires, la mort subite, le retard de croissance, urticaire, migraine….. 26
Comment faire le diagnostic ? La stratégie “test and treat” n’est pas recommandée chez l’enfant Si l’infection doit être recherchée, une endoscopie avec prélèvement de biopsies est nécessaire pour rechercher une autre pathologie pour obtenir un antibiogramme 27
La macroscopie Parfois normale : biopsies systématiques Gastrite congestive : érythème hémorragique au contact Gastrite antrale nodulaire : spéc 98,5%, sens 44% (Bahu. JPGN, 2003) Corrélée à l’âge, gastrite histologiquement sévère, charge bactérienne élevée 15% des cas chez l’adulte et 53% en pédiatrie* Ulcération Ulcère rare chez l’enfant: 8%** *Benhamou PH et al, Presse Med 1994 **Kalach N, Eur J Gastroenterol Hepatol,2010
Les lésions macroscopiques
HP à l’endoscopie laser confocale HP (1000x) HP (10000x) Ulcération Gastrite Acriflavine normale (1000x) HP (1000x) IHC Argent Kiesslich Gastroenterology 2005 31
Vous en prendrez bien un petit bout ? 32
Problème des résistances aux antibiotiques ? Résistances primaires: a augmenté ces dernières années , plus élevée chez l’enfant que chez l’adulte , >20% en Europe et en Amerique du Nord amoxicilline : 0 clarithromycine : 22%* (plus important chez les européens) métronidazole : 37% double résistance : 6% La resistance à la clarithromycine est fortement predictive d’un échec d’éradication si elle est utilisée (80% vs 10%). Adaptation à l’antibiogramme : > 90% de réussite ! * Raymond J, Helicobacter 2007 35
Resistance antibiotique de H Resistance antibiotique de H.pylori chez l’enfant en Europe : étude multicentrique 1999 – 2002* 1233 patients de 14 pays européens 1037 avant traitement groupe A 196 échecs d’éradication groupe B Métronidazole* Clarithromycine# Double Résistance Groupe A (Résistance I) 23% 20% 5.3% Groupe B (Résistance II) 35% 42% 15.3% * Higher in non European children (OR 2.34, 95%CI: 1.59+3.45, p<0.001) # higher in children from South Europe (OR 15.5, 95% CI: 2.1 – 115.8, p=0.008) *Koletsko. GUT 2006 36
Faut il traiter HP asymptomatique ou paucisymptomatique ? 37
Que faire face à une demande devant les tribunaux ? Cancer gastrique de l’adulte et HP diagnostiqué et non traité dans l’enfance ? 38
Le dicton et la loi « La liberté de prescription doit d’inscrire dans l’état de l’art » En cas de non éradication de HP, le médecin devra faire la preuve qu’il fait les prescription adéquates et informer le patient des risques résiduels en cas d’échec de l ’éradication En cas d’absence d’information démontrée, le médecin est en faute selon la loi Kouchner (L 111-2, code de la santé publique) Lucas Baloup gastroentérol clin biol 2008; 38 : 85-7 39
Les consensus Adultes Enfants 1995 : ANDEM 1999 : conférence de consensus 2005 : recommandations de Maastricht 2005 : AFFSAPS 2007 : recommandations de Maastricht III, groupe d’étude français de HP Enfants 1999-2005 Canada (canadian helicobacter pylori study group) 2000 : Europe 2000 : United states (naspghan) 2009: Espghan & Naspghan 40
Quel traitement ? Traitement de première ligne :selon les résultats de l’antibiogramme IPP + amoxicilline (50 mg/kg) + clarithromycine (15 mg/kg) ou IPP + amoxicilline + métronidazole (30mg/kg) ou Traitement séquentiel IPP + amoxicilline 5 jours suivi de IPP + clarithromycine + métronidazole 5 jours Durée du traitement: 7 à 14 j non précisé 41
Il est recommandé de vérifier l’éradication... Avec quels tests ?? Le test respiratoire à l’urée13C est un test fiable pour prouver l’éradication De même pour la recherche d’antigènes dans les selles Ils doivent être effectués au moins 4 semaines après l’arrêt des ATB et 2 semaines après l’arrêt des IPP A l’inverse, les tests basés sur la détection des anticorps (IgG, IgA) anti H. pylori dans le sérum, le sang total, les urines et la salive ne sont pas fiables pour juger de l’éradication 42
Test respiratoire à l’urée-13C Exprimé en delta sur seuil (DOB) du 13CO2 sur 12CO2 expirés Kits commerciaux : -Helicobacter Test INFAI 45mg Urée 13C : 3-11 ans 75mg Urée 13C : > 11 ans -Helikit : adulte Détection en laboratoire : B27 + B60 43
Performances du test utilisant l’antigène dans les selles Le test utilisant des Ac monoclonaux est aussi fiable que le test respiratoire 1 Méta-analyse de 22 études, incluant 2.499 patients avant et 957 patients après traitement Aucune variation des performances selon l’âge 2 Prior therapy Post therapy. Sensitivity monoclonal EIA 0.94 [0.93-0.95] 0.93 [0.89-0.96] Specificy monoclonal EIA 0.97 [0.96-0.98] 0.96 [0.94-0.97] 1 Gisbert. Am J Gastroenterol 2006;101:1921 2 Koletzko. Gut 2003;52:804 44
Performances des tests non invasifs chez l’enfant selon l’âge 13C-UBT(n=149) Spécificité <6 ans 88% (JPGN 2000;30:85-91) >6 ans 98% Sensibilité 100% Sérologie (IgG (n=130) Spécificité 92% (JPGN 1999;28:157-161) Sensibilité 2-6 ans 44% 7-11 ans 77% >12 ans 93% Mais Sérologies inutilisables pour le suivi de l’éradication 45
Stratégie proposée Drumm. JPGN 2000 46
Stratégie proposée après un premier traitement d’éradication Drumm B et al, JPGN 2000 47
Le dépistage en population générale n’est pas recommandé à ce jour Conclusions Limites des guidelines Peu d’études en pédiatrie Extrapolation des études de l’adulte Ces recommandations nécessiteraient des essais cliniques difficilement réalisables Prévalence de l’infection à H. pylori dans une population Prise en charge variable selon les ressources du pays Le dépistage en population générale n’est pas recommandé à ce jour 48