L’adoption : un changement de vie majeur, avec quelles conséquences sanitaires et scolaires pour l’enfant ? Juliette HALIFAX et Marie-Véronique LABASQUE Département d’Études, de Recherches et d’Observation – CREAI de Picardie, France Direction Générale de la Cohésion Sociale (DGCS) – Ministère des Solidarités et de la Cohésion sociale, France
Evolutions récentes des adoptions par des familles françaises Adoptions internationales (nombre de visas délivrés) Adoptions nationales (nombre de placements en vue d'adoption) CREAI de Picardie Près de 5 000 adoptions en 2005 (4 920), dont 84% à l’international. Plus de deux fois moins en 2012 (2 266), dont 69% à l’international. Retour au niveau du début des années 1980. Évolution 2005-2012 : -11% pour le national et -62% pour l’international. Changements ayant un impact sur la durée des démarches ainsi que sur le profil des enfants adoptés. Principales caractéristiques des familles adoptives : Enfants : Âge et sexe très variables selon les pays (2,9 ans en moyenne lors de l’adoption). Parents : 10% de familles monoparentales. Peu de séparations stabilité. Âges de 40,6 et 42,2 ans en moyenne lors de l’adoption. Écarts d’âge de 37,9 et 39,5 ans en moyenne (âge à l’accouchement 30 ans). 1er enfant pour 58,5% des familles. Seuls 20% des couples ont un enfant en commun. CSP plus élevées que la moyenne : 42% de cadres chez les hommes et 39% chez les femmes.
Enquête nationale en 2012 Sur l’intégration, dans un but de prévention des risques et d’amélioration du processus d’adoption Entretiens auprès des acteurs concernés par l’adoption (institutions, associations, services médicaux spécialisés, etc.) Questionnaire détaillé aux parents ayant adopté en 2005, 2008 ou 2010 Échantillon représentatif de l’ensemble des adoptions Pondération en fonction des réponses 10 parties thématiques reprenant l’ensemble du processus adoptif, dont : " Santé et développement de votre enfant " " Apprentissage et scolarisation " CREAI de Picardie Enquête du CREAI de Picardie, sur financement de la DGCS et proposition du CSA. Enquête sur l’intégration des enfants adoptés, à visée d’amélioration du processus d’adoption. Questionnaire : point de vue des parents peut être biaisé. Les entretiens permettent de mettre en perspective.
État de santé lors de l’adoption 27% des enfants arrivent avec un problème de santé 22% en France 34% à Haïti 36% des problèmes étaient connus avant l’adoption 85% en France 8% à Haïti Pays / continent d’origine Pas de problème de santé Problème de santé connu par les parents Problème de santé non connu Ensemble France 77,6 % 19,1 % 3,4 % 100 % Europe 77,2 % 13,7 % 9,1 % Amérique 75,4 % 8,6 % 15,9 % Asie 74,4 % 9,5 % 16,1 % Afrique 68,2 % 6,0 % 25,8 % Haïti 66,0 % 2,8 % 31,2 % 72,7 % 9,7 % 17,6 % Effectifs pondérés 9 602 1 288 2 326 13 216 CREAI de Picardie Différences importantes selon les pays, mais…
État de santé lors de l’adoption CREAI de Picardie Problèmes de santé de niveaux très différents. Ainsi, en France, les problèmes sont souvent « graves » tandis qu’à Haïti, ils sont souvent « bénins ». 1°: « Maladies infectieuses et parasitaires » = teigne, gale, parasites, etc. Problèmes "classiques" dans les pays d’origine. 2° : « Troubles mentaux et du comportement » = problèmes de sommeil, angoisses + problèmes plus graves de type moteurs ou IMC. 3° : « Malformations congénitales et anomalies chromosomiques » = problèmes beaucoup plus importants handicaps (environ 4%). 4° : « Maladies du sang et troubles du système immunitaire » = anémies. 12° : « Affections dont l’origine se situe dans la période périnatale » = prématurité + différents syndromes dont le syndrome de l’alcoolisation fœtale.
Les problèmes de santé après l’arrivée Aucun problème (hors maladies infantiles classiques) : 69,9 % Problème d’ordre physique : 15 % Problème d’ordre psychologique : 11,6 % Les deux types de difficultés : 3,6 % CREAI de Picardie Problèmes physiques (18,6%) : 1° : « Maladies des appareils circulatoire et respiratoire » = asthme, végétations, bronchiolites, pneumopathies… 3° : « Maladies endocriniennes, nutritionnelles et métaboliques » = puberté précoce (2,2%). 4° : « Troubles du développement moteur et troubles mixtes » = handicap. Problèmes psychologiques (15,2%) : 1° : « Autres troubles mentaux et du comportement » = problèmes de sommeil, angoisses, difficultés d’attachement, troubles psychologiques (6%). 2° : « Troubles des conduites (et des comportements) » = problèmes de comportement (4,7%). 3° : « Difficultés liées à la situation familiale » = difficultés relationnelles avec le ou les parents (3,6%). 5° : « Difficultés liées à l’environnement social » = difficultés en collectivité (1,3%). 6° : « Difficultés liées à une enfance malheureuse (avant l’adoption) » = deuil de la famille biologique ou de la famille d’accueil non fait (0,6%).
Les problèmes de santé après l’arrivée Âge lors de l’arrivée Pas de difficulté Au moins une difficulté physique Au moins une difficulté psychologique Effectifs pondérés Moins d’un an 80 % 17 % 5 % 4 711 1 à 3 ans 72 % 21 % 10 % 3 960 3 à 6 ans 62 % 19 % 23 % 2 800 6 à 10 ans 53 % 40 % 1 464 10 ans et plus 43 % 25 % 57 % 314 Ensemble 70 % 15 % 13 250 Pays / continent d’origine Pas de difficulté Au moins une difficulté physique Au moins une difficulté psychologique Effectifs pondérés Asie 78 % 15 % 10 % 2 966 France 76 % 17 % 9 % 2 326 Afrique 71 % 20 % 14 % 2 905 Haïti 68 % 23 % 13 % 2 200 Amérique 62 % 24 % 1 235 Europe 52 % 32 % 1 618 Ensemble 70 % 19 % 13 250 CREAI de Picardie Problèmes physiques indépendants de l’âge à l’adoption, mais dépendants de l’origine : surreprésentation des enfants originaires d’Europe et d’Haïti. Problèmes psychologiques en lien direct avec l’âge à l’adoption et l’origine : surreprésentation des enfants originaires d’Europe et d’Amérique. Nb : Si l’adoption s’est faite via l’AFA, il y a moins de problèmes physiques, mais davantage de problèmes psychologiques. Idem pour l’adoption individuelle concernant les problèmes psychologiques.
Scolarisation avant l’arrivée Âge moyen des enfants lors de leur adoption : 2,9 ans. Moins d’un an : 35 % Entre 1 et 3 ans : 30 % 3 ans ou plus : 35 % dont 6 ans ou plus : 13 % 15% scolarisés avant leur adoption Durée moyenne de scolarisation : 2,1 ans Durée inférieure à un an pour plus de la moitié (53%) CREAI de Picardie Deux-tiers des enfants de plus de 6 ans ont été scolarisés avant l’adoption. Peu à Haïti (36%) ou en Europe (52%).
Entrée à l’école après l’adoption CREAI de Picardie
Entrée à l’école après l’adoption 12% non scolarisés à l’enquête L’entrée à l’école se fait en moyenne près de 14 mois après l’arrivée >= 6 ans à l’arrivée : 24 jours ; 64% moins d’un mois 3-6 ans à l’arrivée : 2,2 mois ; 36% moins d’un mois < 3 ans à l’arrivée : 2 ans 39%, 3 ans 58%, 4 ans 3% Âge d’entrée à l’école après l’adoption moins de 3 ans : 27% entre 6 et 10 ans : 13% CREAI de Picardie En France, le taux de scolarisation à 2 ans est de : 24,5% en 2005 ; 18,1% en 2008 ; 13,6% en 2010 3-6 ans : trois-quarts sont scolarisés après moins de 3 mois. < 3 ans : projection réalisée si les enfants n’étaient pas encore scolarisés lors de l’enquête. entre 3 et 6 ans : 57% 10 ans ou plus : 3%
Entrée à l’école après l’adoption CREAI de Picardie Au regard de leur âge, 68% entrent en très petite ou petite section et 18% en moyenne ou grande section. Restent 14% qui intègrent une classe de primaire ou de secondaire. 3 sur 5 sont scolarisés dans la classe en lien avec leur âge et 26% dans une classe supérieure à leur âge (essentiellement des enfants scolarisés à 2 ans). Restent 14% des enfants qui intègrent une classe de niveau inférieur à leur âge. Seuls 2% intègrent une classe spécifique ou bénéficient d’un dispositif spécifique pour non francophones : 0,8% en classe spécifique pour élèves non francophones (CLIN ou CLA) et 1,5% avec un dispositif spécifique (CASNAV, FLE). CLIN : classe d’initiation dans le premier degré. CLA : classe d’accueil dans le second degré. CASNAV : Centres Académiques pour la Scolarisation des enfants allophones Nouvellement Arrivés et des enfants issus de familles itinérantes et de Voyageurs. Chargés de l'accompagnement de la scolarisation des élèves nouvellement arrivés en France sans maîtrise suffisante de la langue française enseignant individuel, cours de Français Langue Étrangère (FLE), ... De plus, 1,8% entrent en RASED dès l’arrivée et 0,8% sont plutôt dans une prise en charge en lien avec un handicap (accompagnement par un AVS ou scolarisation en IME). RASED : réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté. AVS : auxiliaire de vie scolaire. IME : institut médico-éducatif. Légère adaptation de l’EN puisque 11% des enfants voient leur scolarité modifiée au cours de la 1ère année : scolarisation dans une classe de niveau supérieur (2,6 %), scolarisation dans une classe de niveau inférieur (2,8 %), intégration dans un dispositif spécialisé (3,2 %), aménagement des horaires (2,1 %). Une majorité de classes en lien avec l’âge des enfants 14% dans une classe de niveau inférieur à leur âge 2% dans une classe ou avec un dispositif spécifique pour élèves non francophones 11% de modifications en cours d’année Une adaptation de l’Éducation Nationale faible
Scolarisation au 1er semestre 2012 CREAI de Picardie Taux de retard de 17,8% : 2,5% en maternelle, 19,4% en primaire, 57% au collège et 62,9% au lycée surreprésentation dans le secondaire, mais cela concerne essentiellement des enfants adoptés tardivement et donc scolarisés dès le début avec du retard. Les autres rattrapent leur retard. Retard en population générale : 33,9% des 7-18 ans ; jusqu’à 12 ans : < 30% ; plus de 15 ans : > 50% (Murat, Insee). Lors du passage en 6ème, un tiers des enfants adoptés présente un retard (âge théorique du passage en 6ème à 11 ans). Retard scolaire difficile à comparer car très variable. A l’entrée en 6ème, il était, en population générale, de 17,2% en 2005 contre 12,1% en 2012. Pour comparaison : 65% des élèves de dispositifs spécifiques sont en retard, dont… 8,8% des élèves de Segpa. 62,1% des enfants de 11 ans placés en établissement ASE ont au moins un an de retard à l’entrée au collège ou sont déscolarisés (DREES, Études et résultats n° 845). RASED : réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté. Essentiellement à dominante pédagogique pour « comprendre et apprendre ». Essentiellement des enfants originaires d’Europe. 18% des adoptés présenteraient un retard, dont : 2,5% en maternelle, 19,4% en primaire, 57% au collège 12% ont (ou ont eu) un accompagnement d’un RASED
Difficultés en lien avec les apprentissages et la scolarisation Aucune difficulté (enfants scolarisés) : 63,4% CREAI de Picardie « Langue – prononciation » (14%) : en incohérence avec les durées d’apprentissage de la langue française ainsi que l’évaluation, par les parents, des difficultés rencontrées pour s’exprimer. En lien avec les exigences des parents. Nb : Surreprésentation des enfants originaires d’Europe concernant les difficultés d’apprentissage de la langue française.
Difficultés en lien avec les apprentissages et la scolarisation Les difficultés sont plus prégnantes pour les enfants : adoptés après l’âge de 3 ans versus avant 3 ans parlant le français avant leur adoption originaires d’Amérique ou d’Europe versus Haïti / Asie dont les parents adoptifs sont âgés lors de l’adoption dont les parents sont de niveau social élevé ayant des frères et sœurs non adoptés précédemment ayant été adoptés suite à une démarche individuelle non scolarisés avant l’adoption scolarisés moins de 3 mois après leur arrivée scolarisés dans une classe du cycle 2 CREAI de Picardie Âge des enfants : pas de différence pour les enfants adoptés avant l’âge de un an. Peu d’écarts après l’âge de 3 ans. Âge des parents : situation la plus favorable : < 40 ans. 40-45 ans : difficultés 1,5 fois plus importantes. 45 ans : 3,6 fois plus. Niveau social élevé : cadres, professions intellectuelles supérieures, professions intermédiaires versus employés et ouvriers. L’existence de difficultés est renseignée, dans l’enquête, par les parents adoptifs. Il s’agit donc de leur perception des difficultés de leur enfant et il est possible que les parents de niveau social supérieur soient plus exigeants quant à la réussite scolaire de leur enfant et déclarent davantage de difficultés. Frères et sœurs : les difficultés augmentent avec le nombre d’enfants dans la famille tandis que, si les parents ont déjà fait l’expérience antérieure d’une adoption, ils vont déclarer moins de difficultés. Ainsi, ce n’est probablement pas l’expérience du système scolaire par les adultes qui favorise la scolarisation de leur enfant, mais l’expérience de la scolarisation d’enfant(s) adopté(s). Celle-ci nécessite parfois des adaptations particulières qu’il faut connaitre. D’ailleurs, seule la pratique adoptive antérieure a un impact positif sur les difficultés puisque, dans le cas d’adoptions simultanées, la probabilité de rencontrer des difficultés est plus élevée. Démarche individuelle : probablement en lien avec la préparation reçue par les familles (parents et enfants) avant l’adoption. Classes du 1er degré, cycle 2 : l’intégration semble moins aisée dans les classes où se déroulent les apprentissages fondamentaux (maternelle MS, CP, CE1).
Constats liés à la santé et à la scolarisation des enfants adoptés Des difficultés récurrentes, notamment lors de l’intégration scolaire. Des enfants ayant besoin de temps pour : Apprendre, si besoin, la langue française. Plusieurs mois sont nécessaires aux enfants non francophones pour s’exprimer clairement et réussir à comprendre les enseignements proposés. Construire des liens d’attachement avec leur nouvelle famille avant d’intégrer l’école. Des enfants d’origine étrangère n’ayant pas été scolarisés dans leur pays d’origine ou succinctement. Des acquisitions bien souvent inférieures à celles des enfants de leur âge scolarisés en France. Des bases manquant pour pouvoir suivre correctement et ne pas accumuler de retard. Peu d’aménagements proposés pour s’adapter aux spécificités des enfants adoptés. CREAI de Picardie 14% des parents déclarent avoir rencontré des difficultés par rapport à la santé de leur enfant et à sa prise en charge. Ils sont 36% concernant les apprentissages et la scolarisation. C’est bien moins que pendant les démarches postérieures à l’agrément (52%), mais c’est la proportion la plus importante après l’arrivée de l’enfant. Langage : 6,3 mois en moyenne pour construire des phrases en français (enfants non francophones).
Constats liés à la santé et à la scolarisation des enfants adoptés Des situations a priori moins problématiques que ce à quoi nous nous attendions. Des (futurs) parents ayant besoin d’informations pour s’adapter aux problématiques physiques et psychologiques des enfants adoptés et dédramatiser. Des enfants ayant besoin d’un bilan de santé lors de leur adoption : Avec une vigilance particulière selon les pays / continents d’origine. En prolongeant par un accompagnement psychologique si nécessaire. CREAI de Picardie