LES ÉTUDIANTS EN PREMIER CYCLE Parcours, inégalités et politiques universitaires.

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Transcription de la présentation:

LES ÉTUDIANTS EN PREMIER CYCLE Parcours, inégalités et politiques universitaires

INTRODUCTION Pourquoi parle-t-on des étudiants et plus généralement de la question étudiante aujourdhui ? En quoi cette question est-elle pertinente ? Intéressante ? Importante ? Il faut relier cela à laugmentation du niveau de formation dans lensemble des sociétés développées, à linvestissement économique que cela représente pour les nations, aux espoirs dascension sociale que cela représente pour les individus. Autant de « bonnes raisons » de sintéresser aux étudiants, et notamment aux primo-entrants, (étudiants de première année, mais aussi au sens détudiants de « première génération »).

INTRODUCTION (2) Pour cela, on ne peut raisonner au seul plan individuel. Car beaucoup de choses dépendent des contextes éducatifs et sociaux. Cela dépend donc des systèmes éducatifs nationaux: sélectivité de lenseignement secondaire, structure de lenseignement supérieur, hiérarchie des filières, etc. Donc mon propos sorganise en trois parties: Le contexte Échec et réussite: une question de socialisation étudiante ? Des systèmes universitaires aux dispositifs denseignement

1. CONTEXTES On ne peut parler des étudiants en premier cycle sans parler du contexte dans lequel ils évoluent. Jentends par « contexte » le système éducatif (y compris secondaire) dans lequel ils étudient. Exemple: Stéphane Beaud, « 80% au bac…et après ? »: la massification scolaire et ses conséquences sur la « valeur » des diplômes. Frustration relative pour les « enfants de la démocratisation » Ce contexte peut être décrit de la façon suivante: –Degré de sélectivité de démocratisation du secondaire et du supérieur –Nature de lenseignement supérieur et formes de hiérarchisation (système dual ? Unifié et hiérarchisé ?) –Hiérarchie des filières et des structures du supérieur (Université vs hautes école (Suisse); université vs iut et grandes écoles (France)) –Taux de réussite

En définitive: le poids du contexte La nature des problèmes que rencontrent les étudiants primo entrants dépend en partie du niveau de sélectivité du système dans lequel ils étudient et de la nature du système. Cas de la France: démocratisation de lenseignement secondaire, dualisation de lenseignement supérieur, échec massifs en premier cycle. Cas de la Suisse: Malthusianisme scolaire, monopole de luniversité. Mais bien entendu, le niveau « macro » ne suffit pas pour comprendre les processus à lœuvre dans les parcours des primo entrants. Doù la question de la socialisation étudiante, cest-à-dire de leur adaptation aux structures universitaires qui est un facteur déterminant de la réussite de léchec.

2. ÉCHEC ET RÉUSSITE: UNE QUESTION DE SOCIALISATION ? La socialisation des étudiants est une question classique, que Durkheim abordait dans Lévolution pédagogique en France (publié en 1938). De quoi parle-t-on lorsquon parle de socialisation étudiante ? De la capacité des individus à intérioriser les normes et valeurs du système, à sadapter au système. Mais cette adaptation ne va pas de soi et peut être vue de façon très contrastée. Or la façon dont on définit cette socialisation détermine les solutions que lon peut imaginer pour réduire les inégalités ou augmenter les taux de réussite.

La socialisation étudiante comme intériorisation Bourdieu et Passeron (1964): Lhabitus cultivé, un certain rapport à la culture légitime est valorisé par luniversité. Et luniversité des années 1960 décrite par les auteurs valorise les étudiants socialisés par leur naissance à la culture cultivée. Cest un mécanisme de reproduction sociale (léchec est lié au capital culturel et à lhabitus) Merton (1957): La question se situe plus dans une perspective « fonctionnaliste ». Quelles sont les mécanismes qui permettent aux étudiants de se socialiser (cest-à-dire intérioriser les normes et valeurs) au monde universitaire et professionnel (léchec est une question dintégration sociale).

La socialisation étudiante comme prise de distance Becker (1963): La socialisation nest plus considéré comme une simple intériorisation, mais comme une construction dacteurs en situation. Comment les étudiants en médecine sélectionnent les savoirs « importants » et ceux qui le sont moins pour leur formation ? Comment ils contournent les règles officielles, réinterprètent les consignent et les savoirs faire (adaptations secondaires) Mehan (1979); Coulon (1993): être étudiant est un « métier », il faut être « compétent » cest à dire interpréter les consignes, identifier les attentes, mettre en place des « routines » pour réussir. Il faut « voir ce qui nest pas montrer et entendre ce qui nest pas dit. Cest le thèse de la « pédagogie invisible ».

Le « métier détudiant » dans luniversité de masse Pourquoi cette socialisation ne va pas de soi ? –Université de masse accueille de « nouveaux étudiants » dont le capital culturel et scolaire est plus faible. –Dans les période dextension du supérieur: les nouveaux étudiants sont aussi souvent des « premières générations », cest-à-dire des étudiants dont les parents ne sont pas diplômés du supérieur. –De plus le système universitaire nest pas toujours cohérent et « rationnel », du point de vue de lévaluation (Romainville, 2000), de la cohérence des enseignements, des attentes (très diverses selon les lieux), etc. –De plus, luniversité de masse reste attachée à un mode de fonctionnement « élitiste », soit dans sa structure même, soit parce que les universitaires gardent des conceptions élitistes de leur métier.

La socialisation des nouveaux étudiants

Trois étapes de ladaptation

Les variations du contexte en fonction des filières en France

En définitive Léchec et labandon ne sont pas uniquement le fruit dinégalités de capital culturel. Les dimension de socialisation et dadaptation ont un poids non négligeable. Plusieurs caractéristiques des universités semblent renforcer les inégalités : faible taux dencadrement, très faible efficacité pédagogique du « cours damphi », incohérence des formations, investissement variable des universitaires dans des activités non évaluées. On peut donc se questionner sur les voies possibles damélioration.

3. DES SYSTÈMES UNIVERSITAIRES AUX DISPOSITIFS DENSEIGNEMENT La question de léchec en premier cycle, et notamment des « premières générations » détudiants, suscite des réflexions et des pistes de politiques universitaires depuis au moins deux décennies en France. Quels sont les dispositifs qui ont été mis en place pour ouvrir lenseignement universitaire et remédier à cet échec et aux inégalités qui les accompagnent ? Ces dispositifs sont de plusieurs ordres: –Institutionnels (Iut, professionnalisation, délocalisations) –Pédagogiques (accompagnement, encadrement, tutorat)

a. Exemples de dispositifs institutionnels Comme pour lenseignement secondaire, démocratiser lenseignement supérieur et améliorer les taux de réussite passe par une diversification institutionnelle. Dans lenseignement supérieur en France, cette diversification se fait soit par la voie de la professionnalisation (formations courtes et professionnalisées) soit par celle de la « proximité » (antennes délocalisées des universités)

IUT Les IUT: pour former des techniciens et cadres moyens, au départ réservés aux élèves les moins dotés en diplôme du secondaire ou pour les bachelier technologiques. Aujourdhui: « embourgeoisement » des IUT qui sont devenus un moyen déviter premiers cycles universitaires pour des étudiants plutôt bons. Baisse des effectifs des universités au profit des IUT.

Délocalisations universitaires Lun des buts de ces délocalisations étaient de renforcer les taux daccès à luniversité en créant des établissements dans les petites villes dans des disciplines variées (Droit, Lettres, sciences, etc.) Forte extension de ces antennes, succès du point de vue institutionnel: favorise linscription des étudiants de milieu modeste, renforce lencadrement par le seul fait deffectifs très réduits (modèle « petit lycée »), favorise la réussite dans certains cas (Felouzis, 2000) Mais universités « à deux vitesses » très éloignées de la recherche notamment.

b. Exemples de dispositifs pédagogiques La pédagogie nest pas la caractéristique la plus répandue ni la plus valorisée dans le monde universitaire! Pourtant, la tendance aujourdhui est de renforcer cette dimension dans les universités. Ces dispositifs concernent la formation des enseignants du supérieur (Monitorat ou encore recrutement denseignants du secondaire), et laccompagnement des étudiants débutants: aide à lorientation, tutorat en première année notamment.

Formation des enseignants du supérieur Traditionnellement, les universitaires nont pas directement de formation pédagogique. Leur mérite scientifique fait souvent office de seul critère de nomination. Deux tendances actuelles dans le système français; –Augmentation très nette du recrutement denseignants du secondaire dans le supérieur (pratique ancienne dans certaines disciplines classiques), ce qui renforce les compétences pédagogiques en première année. –Formation pédagogique pour les « moniteurs » de lenseignement supérieur, mais qui sont loin de constituer lensemble des recrutés (cette formation nest donc donné quà une minorité)

Tutorat daccompagnement Lautre voie est celle du renforcement de lencadrement des étudiants par le tutorat, assuré soir par des « aînés » plus avancés (transmission des implicites pédagogiques, identification des attentes, apprentissage des méthodes de travail). Peu dévaluations existent sur ces dispositifs. Les évaluations qui ont été effectuées montrent que ceux qui bénéficient de ces dispositifs (volontariat) ne sont pas ceux qui en auraient le plus besoin.

CONCLUSION Je suis resté jusquici dans le cadre universitaire pour rendre compte des parcours universitaires des nouveaux étudiants. La vision que jai donné du phénomène est donc nécessairement partielle. Lune des questions que lon ma posée est de savoir comment les étudiants sengagent dans leurs études, et quelles sont les conditions favorables à cet engagement. –Jespère dabord ne pas avoir donné une vision trop pessimiste de ces conditions dengagement. –Jajoute que pour comprendre cet engagement, il faut aussi considérer ce qui vient après luniversité, cest-à-dire linsertion professionnelle, sur laquelle luniversité na que peu de prise et qui est pourtant déterminante pour comprendre les stratégies détude des étudiants, leur degré dinvestissement, leur motivation pour réussir.

MERCI DE VOTRE ATTENTION