Yvonne Delevoye-Turrell

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Transcription de la présentation:

Yvonne Delevoye-Turrell La conscience du trouble Yvonne Delevoye-Turrell

Insight Comment expliquer le déficit de l’Insight dans les pathologies psychiatriques? Comment définir l’Insight et le distinguer de l’anosognosie? L’Insight est-il un élément pronostique de la maladie? L’Insight varie-t-il en fonction de la sévérité de la maladie? L’Insight peut-il être modifié par un traitement?  

Dr Ivana S. Marková Senior Lecturer/Honorary Consultant in Psychiatry                       

La perception des usagers (forum Bipotes) Définition Insight et conscience du trouble Evaluations Echelles d’évaluation Déterminants La perception des usagers (forum Bipotes) Implications pratiques et perspectives

Quelques définitions

De quoi parle-t-on? l’insight est un terme anglais sans équivalence en français Ce terme s’est généralisé depuis plusieurs années dans la littérature anglo-saxone pour désigner la perception par le patient de sa maladie, sa clairvoyance au sujet de ses troubles. Très utilisé aussi dans le monde du Marketing (black box) Marc Louis Bourgeois a repris le terme comme synonyme de conscience de la maladie mentale (d’où la proposition du terme introvision ou intravision) dont la signification est « la conscience du trouble ».

Définition insight Le New Oxford English Dictionary donnera pour l’insight les équivalents suivants : « une vue interne, avec les yeux de l’esprit, vision mentale, perception discernement, fait de pénétrer avec les yeux dans la compréhension de son caractère interne, nature cachée des choses, voir sous la surface, … »

Une notion multi-dimension L’insight est un concept multidimensionnel essentiellement utilisé pour les pathologies psychotiques. Le manque d’insight est considéré comme caractéristique de la schizophrénie, à tel point que ce défaut d’insight est considéré comme un symptôme constitutif de la schizophrénie. Cependant, on constate que certains patients atteints de schizophrénie peuvent avoir un certain niveau de prise de conscience de la maladie, et peuvent même avoir conscience d’être malade, analyser leurs symptômes et comprendre la nécessité d’un traitement.

Les dimensions Le plus souvent, l’insight est présenté comme ayant des dimensions distinctes mais intriquées : la reconnaissance de la maladie mentale la capacité à reconnaître certains évènements comme pathologiques l’adhésion au traitement Débat: insight comme un symptôme de la maladie OU comme une fonction indépendante avec des localisations cérébrales particulières.

Insight : plusieurs degrés déni complet de la maladie conscience d’être malade et besoin d’aide mais déni en même temps conscience d’être malade mais attribution de la faute aux autres, aux facteurs extérieurs ou aux médicaments conscience de la maladie mais pas d’attribution de cause insight intellectuel : le patient admet qu’il est malade et ses symptômes sont dus à un sentiment irrationnel sans appliquer ce savoir aux expériences futures insight émotionnel vrai : conscience émotionnelle du patient et des gens important dans sa vie. Le plus souvent, l’insight est présenté comme une notion multidimensionnelle, avec des dimensions distinctes et intriquées,

Résumé Insight = phénomène complexe On peut distinguer plusieurs aspects: 1) la conscience d'être malade; 2) la conscience des différents symptômes; 3) la conscience de nécessiter un traitement; 4) la conscience des conséquences (en particulier psychosociales); 5) l'attribution causale. Clairvoyance

Evaluation

Rmq: Majorité des études portent sur la schizophrénie Evaluation Permet d’évaluer le niveau de conscience du trouble De suivre l’évolution de la conscience du trouble D’évaluer le pronostic et plus particulièrement la qualité l’observance du traitement et le degré d’implication du patient dans sa prise en charge Rmq: Majorité des études portent sur la schizophrénie

Schizophrénie (1) Le terme de schizophrénie regroupe de manière générique un ensemble d'affections psycho-cérébrales présentant un noyau commun, mais dites différentes quant à leur présentation et leur évolution. « Schizophrénie » provient du grec « σχίζειν » (schizein) signifiant fractionnement et « φρήν » (phrèn) désignant l’esprit. C'est donc une « coupure de l'esprit », pas au sens d'une 'double personnalité' comme on l'entend parfois, mais au sens d'une perte de contact avec la réalité ou, d'un point de vue psychanalytique, d'un conflit entre le Moi et la réalité.

Schizophrénie (2) Généralement 0,5 % à 1 % de la population Chronique, qui survient à l'adolescence ou à un jeune âge adulte Psychose, qui se manifeste par des signes de : dissociation mentale, de discordance affective et d'activité délirante conséquences une altération de la perception de soi-même, des troubles cognitifs, et des dysfonctionnements sociaux et comportementaux allant jusqu'au repli autistique.

Schizophrénie (3) Diagnostic se fonde uniquement sur les déclarations du patient et son observation, puisqu'il n'existe aucun test de détection en laboratoire. Les études indiquent que des facteurs génétiques, environnementaux, neurobiologiques, psychologiques et sociaux jouent un rôle dans l'apparition de la maladie (des drogues et médicaments peuvent également causer l'apparition ou l'aggravation de symptômes), sans que l'on ne parvienne à isoler une cause organique. Le traitement se fait par la prise d'antipsychotiques, mais peut aussi consister en une psychothérapie, une réinsertion sociale ou professionnelle, voire une hospitalisation forcée dans les cas les plus graves.

Le sujet et sa schizophrénie Construction d’une nouvelle réalité  C’est son monde Un monde angoissant, disharmonieux, bizarre Ce qui sert au jugement est touché! Pas de naïveté ou d’innocence mais: Une grande souffrance Une interprétation privée des faits Conscience du trouble

Le sujet et sa schizophrénie Exclusion Errance Délinquance (petite) Toxicomanie ou alcoolisme Précarité Chômage Logement Suicide: Vingt fois plus que les autres! Conséquences

Consentement aux soins Le sujet et sa schizophrénie Accepter l’inacceptable Etre jeune et souffrant Constater les changements du monde S’engager dans un traitement long Long travail de renoncement Double renoncement nouveau monde (délire, repli)  être malade ancien monde (projets antérieurs)  avoir un handicap Consentement aux soins

Le sujet et sa schizophrénie Une relation de confiance Modèle paternaliste Modèle autonomiste Modèle partenarial Le sujet doit être informé Obligation de la loi du 4 mars 2002 Une information « sur mesure » Adaptée à sa visée Contextualisée Déployée dans le temps L’information

Les échelles Divers instruments de psychopathologie quantitative ont été proposés. Les échelles: ITAQ, Mc Evoy et al. (1981) SAI, David (1990) SUMD, Amador & Strauss (1994) SRI, Markova & Berrios (1992) SENS, Seltenet al. (1993) Q8, Bourgeois (2002)

Insight = phénomène unitaire ITAQ Insight and Treatment Attitudes Questionnaire par Mc Evoy et al. (1981) 11 items Evaluation de l’attitude et des croyances du patient sur comment il a une maladie mentale et la nécessité du traitement. Cette échelle n’évalue pas toutes les dimensions de l’insight mais elle est un progrès significatif. !!!Attention!!! Insight = phénomène unitaire

SAI Schedule for the Assessment of Insight, par David (1990) et Amador et al (1991) Vision plus complexe, avec plusieurs facteurs distincts mais chevauchants. Cette échelle est basée sur la reconnaissance d’avoir une maladie mentale, la compliance au traitement et la capacité à reconnaître comme pathologiques des évènements inhabituels comme le délire ou les hallucinations. Mais elle ne considère pas la variation des symptômes ou la différence entre l’insight actuel et l’insight rétrospectif. Amador différencie lui deux dimensions qui sont la connaissance de la maladie/méconnaissance du trouble, et l’attribution à la maladie des symptômes (mauvaise attribution des symptômes/troubles à autre chose malgré la conscience du trouble).

SUMD Scale to assess Unawareness of Mental Disorder, Amador et Strauss (1994) Mesure multidimensionnelle de l’insight validée et étudiée. Elle évalue la conscience du trouble et l’attribution des symptômes, distingue la conscience actuelle et rétrospective du trouble, les effets du traitement, les conséquences de la pathologie mentale, les signes et symptômes spécifiques de la maladie.

SRI Self Rating Insight Scale, Markova et Berrios (1992) Echelle avec 32 items qui mesure l’insight par la connaissance de soi, pas seulement par rapport à la maladie mais aussi par rapport à comment le malade altère les interactions avec le monde. Chaque méthode d’évaluation doit prendre en compte la culture individuelle du patient (étude de Johnson et Orrell en 1995), car l’origine ethnique est le plus important des facteurs individuels influençant l’insight.

SENS Subjective Experience of Negative Symptoms SENS, par Selten et al. (1993) Elle s’intéresse aux symptômes négatifs. On décrit au patient les différents symptômes négatifs et il se côte par rapport aux personnes non hospitalisées. Vient en complément de la Scale for the Assessment of Negative Symptoms SANS de Andreasen (1989).

Quoi choisir? L’échelle la plus utilisée est sans aucun doute l’ITAQ (11 items). La SUMD a l’avantage d’évaluer l’insight comme un phénomène multidimensionnel et ceci sous forme d’un entretien semi structuré. Elle est longue à mettre en œuvre mais peut être fractionnée. On retrouve également fréquemment dans des études l’utilisation de la PANSS dont 1 item (item G12) concerne l’insight (l’absence ou manque de jugement). Pour faire un choix d’échelle lors de la réalisation d’une étude, ce qui est important est surtout de cerner quelle dimension de l’insight on cherche à évaluer…

Réflexions… « La conscience du trouble est une dimension essentielle de la psychopathologie qu'il convient d'évaluer systématiquement car d'elle dépendent en grande partie l'alliance thérapeutique, l'observance du traitement, la probabilité de rechute et le pronostic. » M.L.  Bourgeois

Evaluation de la conscience Q8 Facile Rapide La banalité apparente des questions offre la possibilité de réaliser plusieurs passations sur une période courte L’utilisation de l’échelle Q8 auprès de patients schizophrènes a été validée!!!

Échelle insight Q8 1 – Pourquoi êtes-vous ici Échelle insight Q8 1 – Pourquoi êtes-vous ici ? 2 – Avez-vous l’impression d’être malade ? 3 – De quelle maladie souffrez-vous ? 4 – À quoi cela est dû ? 5 – Souffrez-vous psychiquement ou moralement ? 6 – Est-ce que vous êtes handicapé dans votre vie professionnelle, familiale ou sociale ? 7 – Que peut-on faire pour vous ? 8 – Pensez-vous qu’une guérison est possible ? Score d’insight (Q8) Score 0 – 2 non conscience du trouble Score 3 – 5 conscience médiocre du trouble Score 6 – 8 bonne conscience du trouble

L’étude de M.L Bourgeois et al. (2002) Etudes portant sur populations de 100 et 121 patients (Schizophrènes, maniaques, déprimés bipolaires et unipolaires) Résultats: Les patients déprimés ont un meilleur insight La conscience du trouble est corrélée à la dépression et à la suicidalité Meilleur insight chez les sujets vivant en couple Manies psychotiques et schizophrénies : même score

Conclusions La classification bon/pauvre insight uniquement basée sur le fait que le patient déni rigoureusement qu’il est malade, est dépassée. Utilisation d’échelles verbales d’évaluation mais la sélection est difficile, la passation peut être longue et problème de la validation des échelles...