Démarche palliative Aspect médico-légaux Pr MF Mamzer Bruneel Unité fonctionnelle d’éthique, Hôpital Necker Enfants malades EA 4569, Université Paris Descartes Démarche palliative Aspects médico-légaux 22/09/16
Démarche palliative Aspects médico-légaux 22/09/16 Introduction Démarche palliative Aspects médico-légaux 22/09/16
La décision médicale hippocratique Un « Art » Corpus de connaissance Approche globale du malade Une délibération intersubjective bornée par le savoir et la responsabilité médicale (morale médicale) Primum non nocere Principe de bienfaisance Une portée limitée des décisions Démarche palliative Aspects médico-légaux 22/09/16
L’évolution technoscientifique de la médecine Depuis la deuxième moitié du XXème siècle, la médecine se pense comme une science Production de connaissances scientifiques (EBM) Dans sa version caricaturale, l’objet de la médecine est la maladie et le malade est réduit à un corps-machine (voire à un organe) Puissance des actes médicaux qui peuvent interférer avec la nature Démarche palliative Aspects médico-légaux 22/09/16
La grande oubliée de la médecine scientifique: La souffrance La souffrance n’est pas une maladie Elle n’est pas un symptôme Elle ne se mesure pas, et n’est pas transformable en « donnée » Elle se vit, est une expérience subjective Souvent réduite à sa dimension physique ou psychologique Ou reliée aux situations de fin de vie (souffrance globale de Cicely Saunders) Démarche palliative Aspects médico-légaux 22/09/16
Les conséquences de cette évolution technocoscientifique Naissance du mouvement bioéthique Décalage entre les attentes des patients et celle de la société (santé individuelle et santé publique) Mobilisation des associations de patients Médecine plus « juste » (précise et équitable) Médecine plus respectueuse de la dignité humaine (place de l’autonomie) Condamnation du paternalisme médical Naissance de l’éthique médicale Démarche palliative Aspects médico-légaux 22/09/16
Le modèle de relation médecin-malade devient complexe Famille Proches Société Famille Proches Démarche palliative Aspects médico-légaux 22/09/16
Une évolution des pratiques Pratique sociale évolutive et très encadrée Un code de déontologie médicale Des grands textes internationaux (ex: déclaration d’Helsinki) Des dispositions légales qui transforment les devoirs déontologiques des médecins en droits pour les patients Démarche palliative Aspects médico-légaux 22/09/16
La prise de décision en médecine Démarche palliative Aspects médico-légaux 22/09/16
Vers une décision procédant d’une véritable délibération Décision, nom féminin. Action de décider après délibération; acte par lequel une autorité prend parti après examen Acte par lequel quelqu’un opte pour une solution, décide quelque chose: résolution, choix Délibération, nom féminin Action de réfléchir, d’examiner une question; discussion Décision prise au cours de cet examen Littéraire. Examen réfléchi précédant une décision Concertation obligatoire avant toute décision que doit rendre une juridiction de jugement Démarche palliative Aspects médico-légaux 22/09/16
(Une) définition philosophique Vocabulaire technique et critique de la philosophie (André Lalande, 1926) Sens 1: La décision est la « Terminaison normale de la délibération dans un acte volontaire », « choix réfléchi de l’un des actes possibles » Simple conclusion logique, ou conclusion faisant intervenir quelque chose de plus S’oppose aux terminaisons anormales (délibérations inachevées ou interrompues, choix « idéologiques », sans délibération) Sens 2: La décision est une « Qualité de caractère consistant à ne pas prolonger inutilement une délibération, ou à ne pas changer, sans raison sérieuse, ce qui a été résolu » Démarche palliative Aspects médico-légaux 22/09/16
Circonstances et conséquences de la décision Pôle subjectif Pôle subjectif La décision est un concept qui implique: Un pôle subjectif Une situation donnée La mise en œuvre de la décision aboutit à un changement de situation Démarche palliative Aspects médico-légaux 22/09/16
Démarche palliative Aspects médico-légaux 22/09/16 Les composantes « objectives » de la situation dans laquelle la décision médicale est prise Les contraintes de la situation : L’état de santé du patient La compétence du médecin Les limites des connaissances médicales (l’état de l’Art et les situations d’incertitude) Le cadre légal et réglementaire Les moyens disponibles Démarche palliative Aspects médico-légaux 22/09/16
Démarche palliative Aspects médico-légaux 22/09/16 Le savoir reste l’un des déterminants de la décision, considéré comme le fondement rationnel du choix. Le partage du savoir se fait via le processus d’information La transparence est requise Démarche palliative Aspects médico-légaux 22/09/16
Démarche palliative Aspects médico-légaux 22/09/16 Le savoir est le principal déterminant de la décision médicale qui se veut rationnelle… … Alors même que le caractère parcellaire des connaissances souligne le nombre des incertitudes persistantes et les besoins de recherche Démarche palliative Aspects médico-légaux 22/09/16
La reconnaissance d’un savoir « expérientiel » Le mouvement de la médecine narrative Le concept de patient-expert: Personne atteinte d’une maladie chronique, qui en a développé au fil du temps une connaissance fine et a appris à vivre avec. Acteur de sa propre santé avant tout Peut aussi intervenir en tant que personne ressource pour les autres Partenariat entre expertise « scientifique » et expertise « profane » Démarche palliative Aspects médico-légaux 22/09/16
Les pôles de subjectivité de la décision médicale La société Le cadre légal et réglementaire Les moyens financiers Le médecin Le malade Les proches Les tiers (médecine de solidarité) Place pour les doutes, les émotions et les valeurs morales Démarche palliative Aspects médico-légaux 22/09/16
La loi et la prise de décision en médecine Démarche palliative Aspects médico-légaux 22/09/16
Un double objectif de la loi Protéger les personnes, leur dignité et leur intégrité corporelle Protéger les médecins qui sont amenés à transgresser les règles du droit commun dans l’exercice de leurs missions Démarche palliative Aspects médico-légaux 22/09/16
Démarche palliative Aspects médico-légaux 22/09/16 Les valeurs phares actuelles de la norme en médecine (1): la dignité humaine Principe fondamental de la bioéthique française (Lois de bioéthique de 1994): « La loi assure la primauté de la personne, interdit toute atteinte à la dignité de celle-ci et garantit le respect de l’être humain dès le commencement de la vie » (Art. 16 du code civil) Principe protecteur Principe de limitation de la liberté individuelle interdit aux individus certains usages de leur propre corps Démarche palliative Aspects médico-légaux 22/09/16
Les valeurs phares actuelles de la norme en médecine (3): l’Autonomie Autonomie matérialisée par un consentement éclairé exigible (loi du 4 mars 2002) « Toute personne prend, avec le professionnel de santé et compte tenu des informations et des préconisations qu’il lui fournit, les décisions concernant sa santé. Le médecin doit respecter la volonté de la personne après l’avoir informée des conséquences de ses choix … » Valeur (validité) du consentement Loyauté de l’information Compétence Vulnérabilité Démarche palliative Aspects médico-légaux 22/09/16
L’autonomie est un fondement du principe de liberté. En France, cette liberté s’exerce dans le cadre du respect de devoirs universels. Nombreuses contraintes mais nombreux droits collectifs (égalité et solidarité) Concept anglo-saxon, il s’agit d’une liberté individuelle avec un très grand espace pour avoir des préférences singulières ; négociation, place du contrat Démarche palliative Aspects médico-légaux 22/09/16
Les manquements de l’autonomie Les fragilités pour Emmanuel Levinas ou Hans Jonas, le principe de bienfaisance fonde la moralité sur la fragilité de l'autre. Le principe de responsabilité de Hans Jonas: Devoir moral à l'égard du plus fragile et du plus menacé. Absence de réciprocité Démarche palliative Aspects médico-légaux 22/09/16
Démarche palliative Aspects médico-légaux 22/09/16 Principe de démocratie sanitaire: Les droits des personnes loi du 4 mars 2002 et suivantes Un droit à l’accès aux soins les plus appropriés et au meilleur apaisement possible de la souffrance Toute personne dispose d’un droit fondamental à la protection de sa santé et d’un égal accès aux soins Art 1110-5 :« Toute personne a, compte-tenu de son état de santé et de l’urgence des interventions que celui-ci requiert, le droit de recevoir (…) les traitements et les soins les plus appropriés et de bénéficier des thérapeutiques dont l’efficacité est reconnue et qui garantissent la meilleure sécurité sanitaire et le meilleur apaisement possible de la souffrance au regard des connaissances avérées » Un droit à la liberté de refuser un traitement Deux dispositifs spécifiques aux personnes majeures pour se prononcer par anticipation Démarche palliative Aspects médico-légaux 22/09/16
Démarche palliative Aspects médico-légaux 22/09/16 Principe de démocratie sanitaire: Information des usagers loi du 4 mars 2002 Toute personne a le droit d’être informée sur son état de santé Cette information est délivrée au cours d’un entretien individuel La volonté d’être tenu dans l’ignorance doit être respectée sauf si risque de transmission Démarche palliative Aspects médico-légaux 22/09/16
Démarche palliative Aspects médico-légaux 22/09/16 Principe de démocratie sanitaire: Expression de la volonté des usagers loi du 4 mars 2002 Toute personne prend, avec le professionnel de santé, compte tenu des informations et des préconisations qu’il lui fournit, les décisions concernant sa santé Le médecin doit respecter la volonté de la personne après l’avoir informée des conséquences de ses choix. Si la volonté de la personne de refuser ou d’interrompre un traitement met sa vie en danger, le médecin doit tout mettre en œuvre pour la convaincre d’accepter les soins indispensables Aucun acte médical ni aucun traitement ne peut être pratiqué sans le consentement libre et éclairé de la personne et ce consentement peut être retiré à tout moment. Démarche palliative Aspects médico-légaux 22/09/16
Démarche palliative Aspects médico-légaux 22/09/16 Des circonstances de décision à l’évolution des pratiques et des politiques de santé Mise en œuvre d’actes médicaux à visée curative ou préventive Mise en œuvre de mesures d’accompagnement (médecine palliative) Suspendre ou renoncement à des actes médicaux Recours à une sédation profonde et continue Démarche palliative Aspects médico-légaux 22/09/16
La place grandissante du droit dans les pratiques médicales Un encadrement progressif des pratiques médicales (et de recherche) Des droits nouveaux pour les personnes De nouveaux devoirs pour les médecins La double visée des normes juridiques : Protection des personnes, en particulier les plus vulnérables Protection des professionnels (La nécessité d’une formation continue) Démarche palliative Aspects médico-légaux 22/09/16
Des dispositifs spécifiques et évolutifs pour la fin de la vie Loi de 1999 Loi du 22 avril 2005, dite loi Léonetti Loi 2016-87 du 2 février 2016 Les décrets d’application Démarche palliative Aspects médico-légaux 22/09/16
Les avancées de la loi du 22 avril 2005, dite loi Léonetti Il est possible de procéder à un arrêt des traitements dans certaines conditions Toute personne a, compte tenu de son état de santé et de l'urgence des interventions que celui-ci requiert, le droit de recevoir les soins les plus appropriés et de bénéficier des thérapeutiques dont l'efficacité est reconnue et qui garantissent la meilleure sécurité sanitaire au regard des connaissances médicales avérées. (,,,) Ces actes ne doivent pas être poursuivis par une obstination déraisonnable. Lorsqu'ils apparaissent inutiles, disproportionnés ou n'ayant d'autre effet que le seul maintien artificiel de la vie, ils peuvent être suspendus ou ne pas être entrepris. CSP Article L1110-5 Deux dispositifs d’expression anticipée des volontés: Personne de confiance Directives anticipées Démarche palliative Aspects médico-légaux 22/09/16
La création de droits pour les patients en fin de vie Portée générale de la loi, dans un souci d’équité Les nouveaux droits: Droit à une fin de vie digne accompagnée du meilleur apaisement possible de la souffrance Soins palliatifs Sédation Protection contre l’obstination déraisonnable Primat du respect de l’autonomie (volontés directement exprimées par la personne concernée, soit en temps réel, soit par anticipation à travers des directives anticipées). Démarche palliative Aspects médico-légaux 22/09/16
Démarche palliative Aspects médico-légaux 22/09/16 Des liens de plus en plus étroits entre la pratique médicale et la loi dans le texte de loi n°2016-87 du 2 février 2016 (1) Dans le cadre de l’obstination déraisonnable « Lorsqu’ils apparaissent inutiles, disproportionnés ou lorsqu’ils n’ont pas d’autre effet que le seul maintien artificiel de la vie, ils (les traitements) peuvent être suspendus ou ne pas être entrepris, conformément à la volonté du patient et si celui-ci est hors d’état d’exprimer sa volonté, à l’issue d’une procédure collégiale définie par voie réglementaire » L’alimentation et l’hydratation artificielles sont des traitements qui peuvent donc être arrêtés… Démarche palliative Aspects médico-légaux 22/09/16
Démarche palliative Aspects médico-légaux 22/09/16 Des liens de plus en plus étroits entre la pratique médicale et la loi dans le texte de loi n°2016-87 du 2 février 2016 (2) Les situations rendant acceptable du recours à une sédation profonde et continue provoquant une altération de l’état de conscience maintenue jusqu’au décès, associée à une analgésie et à l’arrêt de l’ensemble des traitement de maintien en vie: SOIT A la demande du patient (…) ET Lorsqu’un patient atteint d’une affection grave et incurable et dont le pronostic vital est engagé à court terme présente une souffrance réfractaire aux traitements Ou Lorsque la décision du patient atteint d’une affection grave et incurable d’arrêter un traitement engage son pronostic vital à court terme et est susceptible d’entraîner une souffrance insupportable. Soit lorsque le patient ne peut pas exprimer sa volonté, et au titre du refus de l’obstination déraisonnable, dans le cas où le médecin arrête un traitement de maintien en vie Dans tous les cas, une procédure collégiale définie par voie réglementaire Démarche palliative Aspects médico-légaux 22/09/16
Les nouveaux devoirs pour les médecins Devoir de compétence et de protection des personnes les plus vulnérables (hors d’état de s’exprimer) Devoir d’accompagnement Devoir de collégialité, schéma réglementaire Devoir de transparence Pleine responsabilité de ses décisions Démarche palliative Aspects médico-légaux 22/09/16
Des procédures collégiales définies par voie réglementaire Trois grands types de circonstances Refus d’appliquer les directives anticipées Décision d’arrêter ou de renoncer à un traitement Recours à une sédation profonde provoquant une altération de la conscience maintenue jusqu’au décès, associée à une analgésie Deux types de procédures Démarche palliative Aspects médico-légaux 22/09/16
La mise en œuvre de la collégialité (1) Le médecin responsable du patient, les membres présents de l’équipe, si elle existe Au moins un médecin appelé en qualité de consultant et sans lien hiérarchique avec le médecin responsable du patient. Des objectifs différents selon la nature de la décision envisagée: Expertise collégiale ou Vérification des conditions légales Démarche palliative Aspects médico-légaux 22/09/16
La mise en œuvre de la collégialité (2) Deux espaces différents (temps et espace) Relation Médecin patient/tiers (personne de confiance, famille, proche) Délibération collégiale Obligation de s’enquérir de l’existence de directives anticipées et de les appliquer si elles sont appropriées A défaut, obligation de recueillir un témoignage Obligation d’information (avant et après) Décision motivée e tracée dans le dossier Démarche palliative Aspects médico-légaux 22/09/16
Les missions des médecins Expertise et délibération collégiale de la situation Appréciation du degré d’urgence Définition des limites de l’obstination déraisonnable et ajustement de la proportionnalité des soins Prise de décision lorsque les personnes concernées sont hors d’état de s ’exprimer Garant du respect des conditions prévues par la loi lors du recours à la sédation Lien avec la personne de confiance, la famille, les proches Mise en œuvre des décisions Démarche palliative Aspects médico-légaux 22/09/16
Les particularités de la néonatologie Non spécifiées par la loi Une seule occurrence du mot mineur dans les derniers textes (décret d’application 2016-1066 du 3 aout 2016), qui dispose que lorsque la décision de LAT concerne un mineur (ou un majeur protégé), le médecin recueille en outre l’avis des titulaires de l’autorité parentale (ou du tuteur, selon les cas), hormis les situations où l’urgence rend impossible cette consultation Le nouveau-né étant hors d’état de s’exprimer, par définition, la décision de LAT est donc une décision médicale Démarche palliative Aspects médico-légaux 22/09/16
La délicate interface avec les titulaires de l’autorité parentale Ensemble de droits et de devoirs ayant pour finalité l’intérêt de l’enfant. Elle appartient aux parents jusqu’à la majorité ou l’mancipation de l’enfant pour le protéger dans sa sécurité, sa santé et sa moralité, pour assurer son éducation et permettre son développement, dans le respect dû à sa personne Démarche palliative Aspects médico-légaux 22/09/16
Titulaires de l’autorité parentale et personne de confiance Les droits des mineurs sont exercés par les titulaires de l’autorité parentale et seuls les personnes majeures ont le droit de désigner une personne de confiance, les titulaires de l’autorité parentale ne sont pas des personnes de confiance Le devoir d’assistance prend le pas sur le droit des titulaires de l’autorité parentale à décider pour leur enfant Démarche palliative Aspects médico-légaux 22/09/16
Les situations problématiques Toutes les situations de fin de vie sont inacceptables, en particulier lorsqu’il s’agit d’enfants Dissensus Au sein de l’équipe Entre les titulaires de l’autorité parentale et le médecin Consensus professionnel et parental sur la décision de LAT mais non respect des termes de la loi Démarche palliative Aspects médico-légaux 22/09/16