Les pratiques courantes d’évaluation dans les baccalauréats professionnels industriels. Un point de vue présenté en introduction des séminaires 2009-2010 ( Académie de Strasbourg) sur l’évaluation en bcp industriel (technicien d'usinage, technicien outilleur, technicien en chaudronnerie industrielle, plastiques et composites, ouvrages du bâtiment métallerie) Eric Chazalette IEN STI Ac-Strasbourg 2008-2009
Les pratiques d’évaluation en bac pro industriels L’évaluation par compétences : quelle réalité ? - Pour former - Pour communiquer des résultats Dans les enseignements de spécialité professionnelle, la notion de compétence est établie et clairement entendue. Des référentiels décrivent les compétences à avoir pour obtenir le diplôme et les professeurs organisent leur enseignement à partir d’activités qui permettent aux élèves de développer ces compétences. Mais si l’on y forme par compétences, qu’en est-il de l’évaluation ? En formatif (pour aider l’élève à progresser ) / en sommatif (pour rendre compte). Quand se préoccupe-t-on réellement de la question des compétences ? Dans les faits, l’évaluation par compétences se résume le plus souvent à une validation de compétences terminales pour l’obtention du diplôme (mise en œuvre de situations en CCF) !
L’évaluation par compétence Des outils de suivi peu ou pas utilisés Concernant l’évaluation formative : les outils de suivi que les enseignants se fabriquent (fiches de compétence ou applications informatiques ) sont-ils réellement utilisés / Sont-ils exploitables ? Un constat : tous les enseignants (ou presque) ont de tels outils mais personne (ou presque) ne les utilise. Pour quelles raisons ? Saisie trop laborieuse et chronophage (usines à gaz )? Doutes sur la façon de faire et la pertinence des évaluations ? (ex : comment positionner un élève en début de formation par rapport à des compétences terminales ?) Comment évalue-t-on une compétence ? Voir à ce sujet les algorithmes douteux pourtant répandus (ex : 3 évaluations > 10/20 pour valider ???) Les enseignants ont également conscience qu’une évaluation trop prégnante (c’est le cas lorsqu’elle porte sur une multitude de micro-compétences évaluées plusieurs fois) est préjudiciable à la formation (notamment pour les élèves les moins avancés) . C’est souvent le cas avec les applications informatiques de suivi des compétences / Elles induisent un protocole détaillé et le risque est grand de tomber dans des dérives: un découpage des compétences (qui n’en sont plus) et une atomisation de l’évaluation qui ne renseigne plus sur rien.
Les pratiques d’évaluation en bac pro industriels En bac pro industriel, comme ailleurs, l’évaluation relève d’une logique d’amalgame de notes pour définir des moyennes semestrielles Dans l’EP comme ailleurs, la logique des moyennes de notes domine / C’est pourtant une aberration reconnue par l’institution ( voir les rapports IGEN sur l’évaluation) mais elle est entretenue dans les etbs et par l’encadrement. Les enseignants sont tenus (ou se sentent tenus) de noter régulièrement (il faut au moins 4 ou 5 notes pour paraître crédible) / Les etbs qui se sont affranchis des bulletins semestriels et des moyennes sont rares (ces initiatives relèvent en général de l’expérimentation et restent réservées aux classes d’élèves « en difficultés »)
Des objets hétérogènes Des moyennes sans significations Des objets hétérogènes SUJET A SUJET B SUJET C SUJET D SUJET E SUJET F SUJET F 2 diapos pour illustrer l’aberration des moyennes. Des moyennes de notes à statuts différents - évaluation formative ou sommative, performance orale ou écrite, travail en classe ou à la maison, participation, travail, effort …. Que signifie, en terme d’acquis, une note de fin de semestre qui mesure des objets hétérogènes ? Quelle est la pertinence des résultats transmis ?
Des moyennes sans significations 12/20 Niveau réel Sur le graphique (caricatural mais réaliste) les 3 élèves ont la même moyenne : 12/20. Si l’intention est bien de communiquer sur le niveau réel atteint (en supposant que ces différentes notes mesurent le même objet) , alors ils devraient être positionnés, en fin de semestre, respectivement à 16, 13, 06. La moyenne ne renseigne pas sur le niveau réel des élèves. Même en lui accordant un peu de sens, ce serait une situation relative et non une situation absolue.
Les pratiques d’évaluation en bac pro industriels (et ailleurs) Une logique d’amalgame de notes pour définir des moyennes semestrielles de bulletins scolaires Une large prédominance de l’évaluation sommative notée au détriment de l’évaluation formative. Une communication de résultats inadéquats En résumé : A observer les pratiques courantes, l’évaluation dans l’EP industriel reste davantage fondée sur les contrôles de connaissances et de savoir-faire que sur un suivi effectif du développement des compétences des élèves. Le plus souvent , on ne s'intéresse aux compétences qu'en fin de formation, lorsqu’il faut les valider en vue de la délivrance du diplôme (notamment dans le cas du contrôle en cours de formation ). Deux difficultés, au moins, semblent expliquer cette réalité. La première réside certainement dans la complexité, pour les enseignants, d’évaluer des élèves en formation, par rapport à un niveau terminal de compétences exigibles en fin de formation. La deuxième relève du système éducatif lui-même qui attend de chaque enseignant qu'il fournisse régulièrement des notes et une moyenne en fin de semestre . La pratique des « moyennes » a des effets sur la qualité de l’enseignement. Elle induit une logique d’ évaluation sommative au détriment de l’évaluation formative. En EP, la plupart des enseignants sont conscients de cette situation et beaucoup ressentent la nécessité de faire évoluer leurs pratiques pour les mettre en cohérence avec leur logique de formation. Mais comment faire ? Il ne faut pas sous-estimer les freins et les difficultés à surmonter : administratifs (les bulletins notamment); culturels (les habitudes de l’évaluation traditionnelle);professionnels (comment faire?); sociaux (justifier de pratiques différentes et répondre aux attentes des familles). L’évaluation en enseignement professionnel reste donc partagée entre deux logiques : celle d’une évaluation par compétences qui se limite le plus souvent à une validation certificative et celle d'une évaluation traditionnelle qui perdure et se substitue à une véritable évaluation formative. Pour sortir de ce système qui n’a pas de sens, il faudrait rompre avec l’évaluation conventionnelle et intégrer des démarches d’évaluation formative qui aident les élèves à se situer dans le développement progressif de leurs compétences.