Pierre Corneille La société baroque sur scène 1. Contexte historique et social

L’art du théâtre en Italie, en Espagne et en Angleterre 1629 le mode de production le statut des auteurs et des comédiens la localisation des troupes la composition du public Paris: ni théâtre fixe, ni compagnie régulière, ni spectacle public permanent deux compagnies

Le cardinal de Richelieu membre du conseil du roi depuis 1624 le portrait de Philippe de Champaigne, 1635 ministre d’État pour Louis XIII en 1629 la délégation d’autorité royale un pouvoir monarchique centralisé assurer l’unité du royaume le prestige de la monarchie

L’Académie française décembre 1634 sanctionner l’usage du « pur français » officialiser la langue de la cour des règles de l’art dramatique la Poétique d’Aristote l’unité de lieu la règle des 24 heures l’imitation de la nature (mimésis) respecter la raison et la vraisemblance l’unité de l’action le lexique modéré de la bienséance sur le plan technique, la rigueur

Les formes de la pièce la longueur tend à s’uniformiser au début du siècle, fort longues maintenant entre 1500 et 2000 vers 5 actes dans la tragédie dans la comédie variable le nombre de scènes augmente en moyenne plus rapide le rythme des pièces plus intense l’émotion du spectateur le récit disparaît le spectacle indécent le monologue diminue après 1650

Les règles et les unités Jean Chapelain (1595-1674) la tutelle de l’État sur la vie culturelle les lois d’un théâtre nouveau Jean Mairet: Silvanire, 1631, tragi-comédie pastorale Préface en forme de discours poétique la nécessité des trois unités Aristote les attentes du public un besoin de vraisemblance

L’abbé d’Aubignac 1657: La Pratique du Théâtre, œuvre très nécessaire à tous ceux qui veulent s’appliquer à la composition des poèmes dramatiques, qui font profession de les réciter en public, ou qui prennent plaisir d’en voir les représentations une structure – des lois intelligibles et constantes la considération du public Les règles du Théâtre ne sont pas fondées en autorité, mais en raison. Elles ne sont pas établies sur l’exemple, mais sur le jugement naturel. l’unité de l’action le lieu est lié au personnage la durée véritable de la représentation ~3 heures l’action représentée

Le système des règles Corneille: Epître d’introduction à La suivante, 1638: […] j’aime à suivre les règles, mais loin de me rendre leur esclave, je les élargis et resserre selon le besoin qu’en a mon sujet, et je romps même sans scrupule celle qui regarde la durée de l’action, quand sa sévérité me semble absolument incompatible avec les beautés des événements que je décris. Savoir les règles, et entendre le secret de les apprivoiser adroitement avec notre Théâtre, ce sont deux sciences bien différentes, et peut-être que pour faire maintenant réussir une pièce ce n’est pas assez d’avoir étudié dans les livres d’Aristote et d’Horace.

La neutralisation des expressions et des tours de langue conventionnels l’imitation féconde et de l’attente comblée le vaste fonds des formules courantes le respect du sexe les maux sans remède le perfide courage la juste colère certains types d’idées enseignés par l’éducation rhétorique le vocabulaire des limites d’ordre quantitatif et qualitatif des règles esthétiques et culturelles Vaugelas: Remarques sur la langue française, 1647

La société sous Louis XIII une parole majestueuse, relevée et ornée une parole autonome et générale l’épanouissement de la littérature dramatique la structuration des troupes un instrument de la culture nationale le divertissement à la mode Richelieu = le premier protecteur un mécénat de type étatique des mécénats privés, de moindre échelle la Fronde (1648-53) dès 1656, une reprise de l’activité théâtrale de nouveaux mécènes privés – la haute finance

Louis XIV une politique de gloire la prépondérance militaire les succès diplomatiques le rayonnement des beaux-arts le ministre Colbert une hiérarchie dans les arts au Marais pour Timocrate (1656) de Thomas Corneille à l’Hôtel de Bourgogne pour Œdipe de Pierre Corneille au Palais-Royal pour L’École des femmes (1662) de Molière

La bienséance vers 1635 une exigence morale le miroir de la scène un théâtre conforme aux bonnes mœurs toute allusion à la sexualité et aux parties du corps humain toute peinture de la vie quotidienne une femme – jamais avouer son amour à un homme la violence, les duels, les combats et la vue du sang après 1640, le meurtre proscrit le suicide admis le récit de la violence, une horreur exemplaire

Les œuvres moralisantes P. Caussin: Cour sainte – plus de 10 éditions à partir de 1624 l’homme d’État, le prélat idéal, le cavalier accompli Le Moyne: Galerie des femmes fortes et Peintures morales où les passions sont représentées par tableaux, par caractères et par questions nouvelles et curieuses (1640-43) des corps et des visages à la cruauté, à la tristesse et au désespoir Andromède = la crainte, le désespoir et la tristesse Georges Scudéry: Les Femmes illustres ou Harangues héroïques avec les véritables portraits de ces héroïnes tirés des médailles antiques, 1642 Alexandre de Campion: Hommes illustres, 1657 Plutarque: Vies parallèles

La mythologie Natale Conti: Mythologiae, sive Explicationum fabularum libri decem, 1551-68 Jean de Monlyard Mythologies, c’est-à-dire explication des Fables […] extraite du latin de Noël Le Comte par J. D. M. Lyon 1604

Cesare Ripa Iconologia overo Descrittione dell’imagini universali cavate dall’Antichità et da altri luoghi, 1593 les vertus, les vices et les activités humaines Iconologie ou Explication nouvelle de plusieurs images, emblèmes, et autres figures hiéroglyphiques de vertus, de vices, des arts, des sciences, des causes naturelles, des humeurs différentes et des passions humaines. Œuvre augmentée d’une seconde partie nécessaire à toutes sortes d’esprits et particulièrement à ceux qui aspirent à être ou qui sont en effet orateurs, poètes, sculpteurs, peintres, ingénieurs, auteurs de médailles, de devises, de ballets, et de poèmes dramatiques tirées des figures et recherches de César Ripa, moralisées par Jean Baudoin. Paris 1636

Ripa: Iconologia les illustrations de Jacques de Bie un dictionnaire d’idéogrammes commentés plus de 400 notions abstraites la beauté

Ripa: Iconologia les passions, les béatitudes, les vertus païennes et chrétiennes, les variétés de la Renommée et de la Gloire, les quatre éléments, les quatre saisons, les quatre âges de la vie, les parties du monde, les sciences, etc. une vignette montre un personnage, homme ou femme, avec les attitudes qui le rendent reconnaissable un commentaire explique la vignette les couleurs à employer

Un danger pour la vie chrétienne le puritanisme janséniste un péché de comédie = une variété du péché de luxure Bossuet (1627-1704): Traité de la concupiscence, Paris 1731: N’assistez point aux théâtres ; car tout y est comme dans le monde, dont ils sont l’image, ou concupiscence de la chair ou concupiscence des yeux, ou orgueil de la vie ; on y rend les passions délectables et tout le plaisir consiste à les réveiller. la querelle de la moralité du théâtre un exemple de l’innocence du théâtre des vertus héroïques, mais non chrétiennes

Une hiérarchie du théâtre la comédie la tragi-comédie la tragédie Mélite Clitandre Médée le climat de la magie, de la sorcellerie

La démonologie triomphante la possession diabolique Circé et Médée les sorcières de la plus haute classe, issues de la mythologie le Malin Attila, le « Fléau de Dieu » des héros noirs, héros par la violence et la puissance de leur personnalité, noirs par leur action une psychomachie la traduction démonologique la typologie et l’allégorie morale

La profession de comédien une promotion sociale dans L’Illusion comique – un métier si doux une déclaration du 16 avril 1641: interdit « de représenter aucunes actions malhonnêtes ni d’user d’aucunes paroles lascives ou à double entente qui puissent blesser l’honnêteté publique » Nous voulons que leur exercice qui peut innocemment divertir nos peuples de diverses occupations mauvaises, ne puisse leur être imputé à blâme ni préjudicier à leur réputation dans le commerce public.

Les acteurs et les auteurs une certaine intimité avec la haute société des artistes officiels de l’État le cérémonial de la cour les subventions royales, les gratifications de grands personnages des recettes de plus en plus régulières les testaments: bijoux, maisons et parfois terres Corneille: une exceptionnelle longévité (~ 45 ans) Floridor l’interprète idéal l’échec d’Agésilas (1665) Molière: Attila et Tite et Bérénice Psyché, comédie-ballet, 1671 à Versailles

L’auteur les libraires-imprimeurs loin d’être le mieux rémunéré les détenteurs des privilèges d’édition Corneille rompt avec ces usages 1642, à son propre nom le privilège de Cinna imprimer ses livres à ses frais à Rouen loin d’être le mieux rémunéré un poète à gages au début du siècle, salarié par la troupe l’impression des pièces une somme forfaitaire, indépendante du succès du texte dans le domaine public à partir de 1670, la rémunération « sur recettes »