Mario Polèse, INRS, Montréal mario.polese@ucs.inrs.ca À propos de la résilience des économies urbaines: leçons de quatre villes québécoises Mario Polèse, INRS, Montréal mario.polese@ucs.inrs.ca Congrès annuel de l’Ordre des urbanistes du Québec, Saguenay, le 20 septembre 2018
La résilience, c’est quoi? Ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort (attribué à Nietzsche) Comme d’autres concepts à la mode, la résilience est un peu une auberge espagnole. Des débats sur ce que le concept signifie vraiment ne sont pas très utiles. C’est au chercheur (ou intervenant) de lui donner du contenu. Pour les besoins de ma présentation, je vais l’assimiler à la capacité des collectivités à affronter le changement, à surmonter des chocs, à se renouveler. . Mon regard se fera dans une optique économique.
La résilience : un attribut « normal » C’est dans la nature des villes de changer. Leurs bases économiques sont continuellement en transformation, face au changement technologique et aux chocs extérieurs. Toutefois, certaines villes connaissent plus de difficulté que d’autres à se renouveler face au changement. Dans l’ensemble, les villes du Québec ont fait preuve d’une grande résilience. En cela, elles ressemblent à la majorité des villes de l’Occident. Nous allons examiner quatre villes du Québec , mais dont les trajectoires peuvent très bien s’extrapoler à d’autres villes d’ici et d’ailleurs.
Saguenay Québec Shawinigan Drummondville Montréal
Quatre villes, quatre rebondissements (ou presque) Chacune a dû affronter un choc majeur. Chacune a rebondi (du moins pour trois d’entre elles)… et en est sortie plus forte. Montréal, dans les décennies 1970 -1980, a subi un triple choc: Exode, pour des raisons politiques, d’une bonne partie de son élite économique avec ses capitaux, ses cerveaux et ses entreprises. L’effondrement de sa fonction de plaque tournante de transport aérien, victime d’une mauvaise décision politique. L’effondrement de sa base industrielle traditionnelle, victime de l’ouverture des marchés et du changement technologique. Le troisième choc n’était pas particulier à Montréal, les deux autres si. Mais Montréal a rebondi: regardons
La ville résiliente - circa 1950
Toronto
Total des emplois gagnés = 505,169
Québec – Une autre histoire de résilience Québec (RMR) a subi un double choc dans les années 1980 et 1990. L’effondrement, comme Montréal et beaucoup d’autres villes, de sa base industrielle traditionnelle. Mais surtout, des coupures drastiques dans la fonction publique (dont dans les salaires), jusqu’à là sa principale base économique, environ 7,500 emplois perdus entre 1991 et 1996. Comme Montréal, elle a rebondi, même plus, pour aujourd’hui afficher un dynamisme économique remarquable. À Québec, il faut le croire, le choc fut salutaire, condition nécessaire du renouveau de sa base économique. Regardons
Premières leçons À Québec, comme à Montréal, la relance a nécessité un renouvellement, le remplacement d’industries perdues par d’autres, un processus continu. Dans les deux cas, cela a exigé un changement dans les mentalités, dont dans les attentes vis-à-vis le marché du travail et le rapport à l’entrepreneurship. L’exemple de Québec nous rappelle aussi que coûts relatifs (salariaux, immobiliers…) sont un élément-clé de compétitivité, surtout pour des villes plus petites. Suite à ces premières leçons, passons maintenant à deux villes plus petites.
Saguenay et Drummondville - des trajectoires contrastées Comme les deux métropoles, les deux villes ont subi des chocs majeurs, résultat du changement technologique et l’ouverture des marchés. Drummondville a vu la quasi-disparation (- 90%) de sa base traditionnelle, textiles et vêtements, avec quelques 3,000 emplois disparus entre 1971 et 2001. Plus récemment (1991- 2016), Saguenay a vu la disparation de quelques 3,500 emplois (-54%) dans les alumineries et 2,000 emplois (-87%) dans les papeteries.
Saguenay et Drummondville - des trajectoires contrastées –suite La bonne nouvelle: Drummondville a complètement renouvelé sa base économique, aujourd’hui l’une des économies urbaines les plus dynamiques du Québec, preuve que la « résilience » n’est pas l’apanage seulement des grandes. La moins bonne nouvelle: Saguenay connait visiblement des difficultés à remplacer les emplois perdus. Des signes d’un renouveau sont là, mais encore timides. Saguenay, saura-t-elle répéter l’exploit de sa sœur du sud? Comparons les deux trajectoires. Que nous apprennent-elles sur les obstacles à la « résilience »? Regardons.
Conclusion – Et l’urbanisme dans tout ça? Trois leçons: Les bases du renouveau (les obstacles aussi) seront différents d’une ville à l’autre. Pour saisir les défis de villes particulières, il faut aller au-delà des concepts à la mode: économique du savoir, créativité. etc. Éviter la nostalgie industrielle. Faciliter la reconversion, le changement, et non pas les combattre, tant au plan des quartiers que du zonage. Attention au discours anti-développement. Attention à l’impact des règlements et autres mesures d’aménagement urbain sur les coûts et la compétitivité. La question qui tue: peut-on réconcilier urbanisme et économie?