Choix rationnel et théorie sociale Pierre Poirier et Benoit Hardy-Vallée Groupe AIRE – 08:04:2005
Plan D’après Debra Satz & John Ferejohn "Rational Choice and Social Theory," Journal of Philosophy, XCI(2), February 1994, pp.71-87. Introduction Partie I: séparer conceptuellement les explications de la TCR des explications psychologiques A. La conception standard B. L'indépendance limitée de la TCR envers la psychologie Partie II A.L'externalisme modéré et le structuralisme B. Objections au structuralisme 4 Conclusion
L'inteprétation standard de la théorie du choix rationnel (TCR) psychologique explique l'action en termes d'états mentaux; croyances, désirs individualiste l'agent individuel est l'objet de la théorie TCR implique l'individualisme méthodologique "the claim that social phenomena must be explained by showing how they result from individual actions, which in turn must be explained through reference to the intentional states that motivate the individual actors" http://plato.stanford.edu/entries/methodological- individualism/
S&F contre l'interprétation standard la théorie peut avoir une interprétation non-psychologique, non- individualiste la TCR fonctionne dans des environnements où l'action individuelle est contrainte fonctionne mieux pour les partis politiques et les firmes que pour les voteurs et consommateurs pcq les premiers sont plus contraints Argument: 1- séparer conceptuellement les explications de la TCR des explications psychologiques 2- montrer que la pertinence des explications TCR peut venir de propriétés environnementales ----------------------------- » il n'y a pas de tension entre l'individualisme et le holisme méthodologique "preferences" are derived on the basis of an agent's location in a social structure (p.72)
Partie I: séparer conceptuellement les explications de la TCR des explications psychologiques A. La conception standard B. L'indépendance limitée de la TCR envers la psychologie
A- La conception standard TCR est une conception formelle de la préférence évalue seulement la rationalité des relations entre préférences ex: transitivité des préférences. a P b, b P c, alors a P c.
A- La conception standard la TCR décrit ce qui se passe dans l'agent (internalisme) Internalisme VS externalisme: type d’explication (Godfrey-Smith) Externalisme: propriété interne expliquée par une propriété externe Internalisme: propriété interne expliquée par une propriété interne Psychologique: agent/environnement Perception inférentielle/écologique Cognitivisme/behaviorisme Biologique: saltationisme-morphogénèse/adaptationisme Épistémologique:rationalisme/ empirisme Philosophie des sciences: Popper/ Kuhn Sémantique: contenu étroit/contenu large Rôles conceptuels/informationnelle la TCR est une théorie normative
Critiques courantes exclus de nombreux processus cognitifs Tversky & Kahneman: erreurs de raisonnements Sen (cf. aussi Raymond Boudon): ne tient pas compte de la moralité des agents Anderson: conception trop formaliste pour être une psychologie vraisemblable
Critique de la critique S&F: Ces critiques ne valent que si la TCR est interprétée comme une théorie psychologique or elles ratent la cible la TCR est plutôt utilisée, en économie et en sociologie, comme explication des structures d'interactions sociales (marchés, négociations, gouvernements, etc.)
La référence de la TCR les sciences sociales s'intéressent aux régularités générales qui gouvernent le comportement des agents ce n'est donc pas une description psychologique de l'action, mais des contraintes environnementales de l'action la TCR n'est pas fondée sur une base psychologique (argument de la partie II) ce n'est donc pas une théorie internaliste et psychologique
B. L'indépendance limitée de la TCR envers la psychologie
2 réponses externalistes possible radical vs modéré radical: nie l'existence et l'efficience causale des états mentaux (behaviorisme) les états mentaux sont des fictions pratiques le comportement est consistant avec l'hypothèse de recherches d'un but ("goal seeking") tout se passe "comme si" les agents avaient des raisons, comme si ils avaient des buts TCR et psychologie: Il n’y a pas de relations explicatives ou sémantique entre la TCR et la psychologie
rejet de l'externalisme radical l'externalisme radical n'a pas de pouvoir (réellement) explicatif expliquer ne se réduit pas à prédire S&F ne rejette pas la psychologie intentionnelle, mais uniquement son usage fondationnel en TCR externalisme modéré: compatible avec le mentalisme la TCR ne traite pas des entités mentales causalement impliquées dans le comportement rien dans la TCR ne nous oblige à l'apparier avec les structures cognitives de l'agent TCR et psychologie: si la TCR est explicative, elle doit avoir une relation sémantique avec la psychologie humaine
Partie II: montrer que la pertinence des explications TCR peut provenir de propriété environnementale A. L'externalisme modéré et le structuralisme
L'explication dans les sciences sociales Les explications dans les sciences sociales sont souvent structuralistes. On ne peut y répondre par une psychologie de l'individu. Par exemple, les explications qui font appel à des notions d'équilibre (ces énoncés sont explicatifs, peut importe la cause de l'équilibre. les énoncés au sujet de l'existence d'un équilibre (entre les choix d'agents en interaction) les énoncés statiques comparatifs liant les équilibres à divers paramètres de l'économie
L'explication dans les sciences sociales (bis) Ces explications n'indentifie pas une cause d'un comportement particulier d'un agent mais spécifie une structure causale. Dans ces explications, c'est la structure qui importe: on peut substituer les agents sans changer la structure.
Premier exemple: La théorie de la firme Dans la théorie néoclassique de la firme, le postulat que les firmes cherchent à maximiser les profits ne s'explique pas en terme des "croyances" et "désirs" de la firme, mais de l'environnement de compétition qui sélectionne les firmes (celles qui cherchent à maximiser les profits)
Premier exemple: La théorie de la firme Ce qui fait que chacune des firmes individuelles ainsi sélectionnées cherche à maximiser ses profits est réalisé de diverses façons (avarice, croyance en la vie éternelle, etc.).
Second exemple: La théorie du comportement de parti Dans la théorie de la compétition électorale, il y a la théorie du comportement du voteur et la théorie du comportement des partis. Dans la théorie du comportement des parti, il y a un environnement compétitif (pour des postes électoraux) qui garde les partis électoralement motivés. Il s'ensuit que la théorie est fortement prédictive (sur le comportement des partis à l'équilibre (dans un système avec pluralité et deux partis électoralement motivés)). Ses résultats sont directement déduits de la théorie. Dans la théorie du comportement du voteur, il n'y a pas un tel environnement compétitif. Le choix du voteur n'affecte pas vraiment son état (bien-être) et celui-ci peut choisir de voter pour un candidat qui n'est pas son préféré. La théorie est en conséquence faiblement prédictive.
Troisième exemple: Hypothèse de James Scott James Scott fait l'hypothèse que plusieurs comportements du paysan… notamment ses comportements conservateurs et anti-risques …s'expliquent par la précarité de sa position laquelle résulte de la diminution du nombre de terres cultivables, du capital, et des opportunités alternatives de subsistance)
Inéliminabilité de l'élément externe Une explication strictement internaliste ne pourrait expliquer la stabilité des équiblibres Les équilibres sont multiplement réalisés Ils dépendent de facteurs structurels qui contraignent et réduisent le nombre d'implémentations possibles, en sélectionnant les implémentations compatibles.
Théorie du choix rationnel et la condition de pénurie La théorie du choix rationnel est fortement prédictive lorsque l'environnement contraint le nombre d'options (condition de pénurie). Dans ce cas, la meilleure interprétation de la théorie est externaliste (une partie de la rationalité survient sur la structure de l'environnement). Lorsque l'environnement ne crée pas une condition de pénurie, la théorie n'est que faiblement prédictive. Dans ce cas, la théorie peut être adéquatement interprétée de manière inetrnaliste.
L'exemple de la théorie de l'évolution Par le mécanisme de la sélection naturelle, l'environnement sélectionne les phénotypes les plus adaptés, qui se répandent dans la population. Même s'il n'y a évidemment aucune intentionalité derrière la présence de phénotypes adaptés (bien qu'on l'ait longtemps cru), nous pouvons utiliser la théorie de la décision pour prédire que, à l'intérieur de certaines contraintes, les organismes vont se comporter de manière à maximiser une utilité, sa progéniture.
B. Objections au structuralisme
L'individualisme méthodologique P1. Tous les phénomènes sociaux sont en principe explicable de façons qui n'impliquent que des individus. P2. Sur le plan épistémique, les individus sont plus fondamentaux et basiques que les structures. DONC: C. Quand les sciences sociales peuvent expliquer réductivement en termes d'individus, elles devraient le faire.
Problèmes avec la première prémisse (P1) P1. Tous les phénomènes sociaux sont en principe explicable de façons qui n'impliquent que des individus. Problèmes: Les lois de haut-niveau ne peuvent pas toujours être dérivés des lois de bas niveau. Réalisation multiple Les propriétés psychologiques individuelles surviennent en partie sur des propriétés sociales.
Problèmes avec la seconde prémisse (P2) (part 1) P2. Sur le plan épistémique, les individus sont plus fondamentaux et basiques que les structures. Problèmes Thèse: ce qui est le plus fondamental sur le plan épistémique dépend de nos intérêts épistémiques (ce que nous sommes intéréssés à expliquer, comprendre); preuve de la thèse: ce qui précède. Ceci n'est pas une propriété a priori des explications en sciences sociales mais une conséquence du genre de questions qu'on y pose.
Problèmes avec la seconde prémisse (P2) (part 2) P2. Sur le plan épistémique, les individus sont plus fondamentaux et basiques que les structures. Problèmes Thèse: Même quand une réduction est possible, les explications micro et macro ne sont pas la mêmes explication; preuve? (illustration de Durkheim: constance du taux de suicide vs. causes du suicide individuel) Note: Je crois que les auteurs se fourrent ici: l'exemple utilisé en est un où l'antécédent de leur thèse n'est pas réalisé
Problèmes avec la seconde prémisse (P2) (part 3) P2. Sur le plan épistémique, les individus sont plus fondamentaux et basiques que les structures. Problèmes Thèse: Les faits de haut niveau (sociaux) ne sont pas toujours causés par des faits de bas niveau (individuels, psychologiques): à l'occasion c'est l'inverse; preuve: Illustration: Pourquoi (en général) les gens sans travail ont tendance à avoir peu d'éducation?. Le fondement d'une telle explication sera donc de haut niveau.
Une concession Un argument de faveur de P2: les corrélations fortuites. On ne peut jamais vraiment évacuer la possibilité à cause des délais temporels entre les causes et les effets au niveau macro. Il est alors avantageux de produire des explications micro traçant la micro-séquence entre les causes macro et les effets macro. Les auteurs concèdent ce point mais croient que cela ne les engage pas à un individualisme ou réductionnisme outrancier. Leur position un externalisme modéré épistémiquement oecuménique faiblement réducteur (compatibiltié des niveaux) - quelle position! - peut s'accomoder de cette concession. Mais même si l'explication micro renforce l'explication macro (en démontrant lien micro entre les causes et effet macro) la première ne remplace pas la seconde.
Conclusion La théorie du choix rationnel n'implique aucun mécanisme causal particulier, certains internes, d'autres externes. Ce serait une erreur que d'interpréter la théorie exclusivement internaliste (ou externaliste). La meilleure interprétation dépend des problèmes adressés. Ironiquement la théorie du choix rationnel est la plus prédictive lorsque l'environnement contraint sérieusement les options, c'est-à-dire lorsque le "choix rationnel" survient en partie sur l'environnement.