Depuis l’avènement des antiviraux directs (ADV) avec des taux de RVS élevés, un quart des patients en attente de transplantation hépatique (TH) pour cirrhose décompensée sortent de la liste d’attente car leur fonction hépatique s’améliore (MELD < 20 dans les mois qui suivent le traitement). Par ailleurs, un certain nombre de patients avec cirrhose compensée ne s’aggravent pas et évitent la TH. Les deux objectifs de cette étude étaient de déterminer si les AVD avaient influencé les indications de TH et s’ils avaient amélioré les résultats post-TH des patients transplantés pour le VH en fonction de 3 périodes d’analyse : - ère interféron (IFN) de 2007 à 2010 ; - ère inhibiteurs de protéase (IP) de 2010 à 2013 (télaprévir ou bocéprévir) ; - ère AVD de 2014 à 2017. Le nombre total de TH est resté stable mais les TH pour VHC ont diminué de 22,8 % à 10,6 % (p < 0,0001) [ère IFN/ère AVD] et de 21,1 % à 10,6 % (ère IP/ère AVD). Cette diminution est plus nette pour les cirrhoses décompensées (-68,8 %) que pour les CHC (-34 %). La diminution des indications de TH pour VHC est associée à une augmentation du pourcentage de patients transplantés pour NASH (1 % à 6 %). La survie à 3 ans des patients transplantés pour cirrhose VHC décompensée s’améliorait de 65,1 % à l’ère IFN et à 76,9 % à l’ère AVD (p < 0,0001), elle était associée à une diminution de la récidive virale entraînant le décès ou la re-TH (6,37 % à 1,27 % ; p < 0,0001). La tendance était similaire pour les transplantations pour CHC compliquant une cirrhose VHC : diminution significative des récidives virales entraînant le décès ou la re-TH (5,89 % à 0,60 % ; p < 0,0001), mais la récidive du CHC comme cause de décès restait stable. La différence historique de survie après TH entre VHC versus autres causes se gomme à l’ère des AVD, que ce soit pour les cirrhoses décompensées ou pour les CHC.
Depuis la mise à disposition des traitements antiviraux directs (AVD) pour l’hépatite C, une controverse a vu le jour concernant un risque supposé accru de survenue ou de récidive du carcinome hépatocellulaire (CHC) chez les patients traités (Reig et al., J Hepatol 2016 ; Conti et al., J Hepatol 2016). Il semble que ce risque observé soit en réalité lié à un sous-diagnostic de lésions de CHC avant traitement antiviral direct et non à des modifications de l’équilibre hôte-virus favorisant l’apparition des lésions néoplasiques. Des études exploratoires permettant de confirmer ces hypothèses sont néanmoins attendues. Dans ce travail multicentrique français basé sur la cohorte CirVir, les auteurs ont comparé les patients traités par AVD à des patients historiques traités par interféron et ribavirine, et analysé les facteurs influençant la survenue du CHC. La cohorte CirVir est une cohorte multicentrique française de patients atteints de cirrhose virale B ou C prouvée histologiquement, sans CHC à l’inclusion, suivis prospectivement (suivi médian lors de l’analyse 67,5 mois). Trois groupes d’analyse ont été constitués : - patients guéris par AVD (n = 336) ; - patients guéris par interféron et ribavirine (n = 495) ; - patients virémiques non traités par AVD (n = 439). Comme attendu, les patients des 3 groupes étaient différents à l’inclusion, et la date de début de suivi ainsi que le suivi médian étaient également différents entre les groupes. Afin de prendre en compte ces éléments et réduire les différences entre les groupes, les auteurs ont calculé un score de propension et évalué l’IPTW (Inverse Probability of Treatment Weighted). Les courbes d’incidence du CHC sont présentées ci-dessus avec prise en compte de ce score de propension. L’analyse plus précise des cas de CHC survenus chez les patients traités par AVD a montré que ces patients avaient eu une imagerie de dépistage du CHC datant de plus de 6 mois dans 8 cas sur 15, ce qui peut expliquer en partie un défaut de diagnostic.
L’intérêt des marqueurs non invasifs après éradication du virus de l’hépatite C est très débattu. En effet, les marqueurs de fibrose - notamment le FibroScan® - s’améliorent après éradication, même si la fibrose ne s’est pas améliorée d’un point de vue histologique. Il semble que cette amélioration du FibroScan® dans ce contexte soit essentiellement liée à la diminution de l’inflammation. Il peut donc être faussement rassurant de pratiquer des élastométries après obtention de l’éradication virale. La surveillance par FibroScan® n’est pas indiquée après éradication virale dans les recommandations de l’Association française pour l’étude du foie (AFEF) 2018. Dans ce travail prospectif bicentrique français, les auteurs ont cherché à évaluer si l’élastométrie et son évolution étaient prédictives de la survenue d’un carcinome hépatocellulaire. Les patients avec cirrhose décompensée ou carcinome hépatocellulaire à l’inclusion étaient exclus. Huit cent vingt-huit patients ont été analysés avec les caractéristiques suivantes : 51,9 % d’hommes, âge médian 61 ans, IMC médian 25 kg/m², diabète dans 15,3 % des cas, élastométrie médiane à l’inclusion 10,6 kPa. L’évolution de l’élastométrie (définie par l’évolution entre l’élastométrie au dernier suivi et celle à l’inclusion) était de -3,6 kPa. Le recul médian était de 6 mois [3-10]. Alors que le sexe masculin, l’âge, la présence d’un diabète et l’élastométrie à l’inclusion étaient prédictifs de la survenue du carcinome hépatocellulaire, l’évolution de l’élastométrie n’avait aucun intérêt pronostique. Les résultats du FibroScan® après la guérison ne doivent donc pas être utilisés.
Les études d’enregistrement des antiviraux directs (AVD) n’ont pas montré d’impact négatif sur la fonction rénale, y compris chez les patients ayant une néphropathie. L’objectif de cette étude monocentrique était d’analyser les variations du débit de filtration glomérulaire (DFG) avant, pendant et après traitement par AVD, en tenant compte des facteurs de risque rénaux en “vraie vie“. Au total, dans une série monocentrique de 1 131 patients traités par AVD sans interféron, entre 2013 et 2016, 814 ont été inclus dans l’analyse (après exclusion des patients co-infectés VIH et VHB, des transplantés rénaux, des patients avec un carcinome hépatocellulaire, une cirrhose décompensée, une hémopathie maligne, un traitement immunosuppresseur ou une insuffisance rénale initiale sévère définie par un DFG calculé en CKD-EPI inférieur ou égal à 30 ml/mn). La clairance de la créatinine calculée en CKD-EPI a été mesurée avant le traitement, le jour de l’initiation du traitement, pendant le traitement (en moyenne 4 semaines après le début) et après l’arrêt du traitement. L’analyse a pris en compte les variables suivantes : l’âge, le sexe, les facteurs de risque néphrologiques (HTA, diabète), la cryoglobulinémie, l’existence d’une cirrhose, le type de traitement antiviral et la réponse virologique soutenue. Les caractéristiques des 814 patients étaient les suivantes : 54 % d’hommes, âgé médian de 58 ans, 7 % d’origine afro-américaine, 27 % avec des facteurs de risque néphrologiques (23 % d’hypertension artérielle, 10 % de diabète, 16 % avec une cryoglobulinémie positive), 8 % avec une consommation excessive d’alcool, 77 % infectés par un génotype 1 ou 4, 40 % cirrhotiques, 30 % en échec d’un précédent traitement, un DFG médian à 93 ml/mn au début du traitement, et 97 % de répondeurs virologiques soutenus. En analyse multivariée, les facteurs associés au traitement par sofosbuvir étaient les suivants : une consommation excessive d’alcool, une infection par un génotype non 1 non 4, l’existence d’une cirrhose, l’échec à un traitement antérieur, un plus grand nombre de mesures du DFG pendant et après le traitement. D’un point de vue méthodologique, un modèle linéaire mixte a été utilisé pour analyser les variations du DFG en fonction du temps (et donc des périodes analysées : avant traitement antiviral/pendant/après). Au total, le DFGe variait en médiane de 93,5 ml/mn/1,73 m2 avant le traitement (sans variation avant le traitement et le jour du traitement), de 91,7 ml/mn avec un intervalle médian de 11 mois entre les mesures réalisées pour la 1re fois et l’initiation du traitement, de 24 mois entre le début du traitement et la fin du suivi, et au total de 43 mois, entre la 1re et la dernière mesure. En analyse univariée, les facteurs associés à une diminution du DFGe étaient : l’âge (p < 0,001), l’existence de facteurs de risque néphrologiques (p < 0,001), et l’exposition au sofosbuvir (p < 0,001). L’amélioration du DFGe était associée au sexe masculin (p < 0,001). En analyse multivariée, les facteurs associés de façon indépendante à la diminution du DFGe étaient l’âge (p < 0,001), l’existence d’une cirrhose (p = 0,013), les facteurs de risque néphrologiques (p = 0,07) et l’exposition au sofosbuvir (p < 0,0001) ; aucun facteur n’est associé à une amélioration du DFGe. Le graphique montre la cinétique du DFGe chez les patients avant, pendant et après le traitement selon qu’il incluait ou non du sofosbuvir : seule la variation du DFGe au cours du traitement par sofosbuvir est significative. En conclusion, le sofosbuvir est un facteur de risque de diminution du DFG au cours du traitement par AVD, ce qui nécessite une surveillance de la fonction rénale pendant et après la période thérapeutique, en particulier chez les patients avec une néphropathie non stabilisée. La tolérance néphrologique à plus long terme nécessite d’être explorée.
L’effet bénéfique de la RVS, obtenue par AVD chez des patients traités pour une cirrhose virale C, sur le gradient de pression a été prouvé et publié (Lens et al., Gastroenterology 2017). Le but de cette étude prospective multicentrique était d’analyser l’impact à long terme (96 semaines après l’arrêt du traitement) de l’éradication virologique sur l’hypertension portale dans le groupe de patients chez qui persistait une hypertension portale significative (définie par un gradient ≥ 10 mmHg) 24 semaines après l’arrêt du traitement. Au total, parmi 934 patients cirrhotiques traités par AVD entre 2014 et 2016, 226 ont eu une mesure du gradient de pression 24 semaines après l’arrêt du traitement : 50 patients avaient un gradient < 10 mm Hg et 176 ≥ 10 mmHg. Parmi ces 176 patients, 77 ont eu une 3e mesure du gradient 96 semaines après l’arrêt du traitement. Il s’agissait de 52 % d’hommes, avec un âge médian de 60 ans, un taux de plaquettes médian à 80 000/mm3 (50 % < 90 000/mm3,), 79 % avec un score de Child-Pugh A et 21 % Child-Pugh B, une valeur médiane du MELD à 9 (8-11), 86 % avec des varices œsophagiennes (39 % larges), 63 % traités par bêtabloquants, 31 % avec un antécédent de décompensation (22 % d’ascite, 14 % de rupture de varices, 5 % d’encéphalopathie), une valeur médiane d’élastométrie à 26,6 kPa (67 % ≥ 21 kPa). Les résultats étaient les suivants : - la mesure de pression moyenne diminuait de 16 (avant le traitement) à 14,5 puis à 12 mmHg à 24 puis 96 semaines après l’arrêt du traitement ; - une diminution de -2 ± 2,9 entre 24 et 96 semaines après l’arrêt du traitement et de -3,9 ± 3,6 entre le début du traitement et la fin du suivi. Le nombre de patients chez qui le gradient de pression diminuait de plus de 20 % était de : - 31 % entre l’initiation du traitement et la 24e semaine de suivi ; - 43 % entre la 24 et 96e de suivi ; - 67 % entre le début du traitement et la fin du suivi. Les patients qui avaient une diminution du gradient au-dessous du seuil de 10 mmHg différaient de ceux qui gardaient un gradient de pression ≥ 10 mm Hg : ils étaient significativement plus jeunes, avec des gradients de pression plus faibles avant le début du traitement et à la 24e semaine de suivi, une valeur initiale de l’élastométrie plus faible, moins d’antécédents de décompensation, une albuminémie plus fréquemment supérieure à 35 g/l et une valeur du score MELD plus faible. En analyse multivariée, les facteurs associés à la persistance du gradient à la 96e semaine de suivi étaient un antécédent de décompensation, un gradient initial élevé, l’absence de diminution à la 24e semaine, et un antécédent de décompensation. La valeur de l’élastométrie diminuait en moyenne de 6,3 ± 1,7 entre le début du traitement et la 24e semaine de suivi, et seulement de 1 ± 1 entre la 24e et la 96e semaine de suivi, et au total de 8,5 ± 2 entre le début du traitement et la fin du suivi. Il n’a pas été possible de mettre en évidence de valeur-seuil fiable permettant de différencier les patients qui gardaient un gradient de pression ≥ 10 mmHg de ceux dont le gradient était < 10 mmHg en fin de suivi. Cinquante patients avaient eu 2 FOGD successives au cours du suivi, avec l’évolution suivante : - chez les patients sans varices œsophagiennes initialement, 75 % restaient sans VO mais de petites varices étaient observées chez 25 % en fin de suivi ; - chez les patients avec des petites varices initialement, 14 % n’en avaient plus, 62 % gardaient des varices de petite taille et 24 % avaient de grosses varices à la fin du suivi ; - chez les patients ayant de grosses varices œsophagiennes en début de traitement, 4 % n’avaient plus de varices œsophagiennes, 20 % avaient de petites varices et 76 % de grosses varices. En l’absence de la prise de pression, l’analyse multivariée montre le rôle prédictif d’un antécédent de décompensation pour la persistance de l’hypertension portale. En revanche, au cours du suivi, chez les 53 patients avec un antécédent de décompensation de cirrhose, un nouvel épisode de décompensation a été décrit chez 3 d’entre eux : avec un gradient ≥ 10 à la 96e semaine de suivi. Pour les 50 patients sans nouvelle décompensation, le gradient était ≥ 10 chez 66 % d’entre eux. En conclusion, la RVS obtenue après un traitement par AVD est associée à une diminution de l’hypertension portale qui se majore avec le temps. Cependant, une hypertension portale significative sur le plan clinique persiste chez plus de 60 % des patients 2 ans après la fin du traitement, avec le risque de décompensation clinique et de développement de varices œsophagiennes. Trois facteurs de risque ont été identifiés (valeur initiale élevée du gradient, absence de réduction du gradient entre le début du traitement et la 24e semaine de suivi, et un antécédent de décompensation), mais il n’a pas été possible de mettre en évidence un seuil fiable d’élastométrie permettant un diagnostic non invasif de cette hypertension portale persistante et d’éviter le dépistage par FOGD des varices. Les critères de Baveno VI, fiables avant le traitement, ne sont pas valables après l’éradication virale dans cette étude.