Prise en charge de l’ostéite du pied diabétique

Slides:



Advertisements
Présentations similaires
Mais vous comprenez qu’il s’agit d’une « tromperie ».
Advertisements

Additions soustractions
Distance inter-locuteur
1 Évaluation prospective multicentrique de la prescription des glycopeptides (GP) dans la région Nord-Pas de Calais 8 ° Journées nationales dinfectiologie,
1 Plus loin dans lutilisation de Windows Vista ©Yves Roger Cornil - 2 août
Stratégie(s) d ’éradication du SARM en soins de longue durée
Il faut traiter les infections de cathéter, cathéter enlevé
Réseau ATB du CClin Paris-Nord – résultats 2011 LL, 22/11/ Réseau antibiotiques du CClin Paris-Nord : Résultats 2011 Coordination: Dr François LHÉRITEAU.
Anticorps Monoclonaux & Hémopathies Lymphoïdes de Haut grade
Patients (n = 530) Biomarqueurs IHC (n = 412) Séquençage (n = 418) 200 patients évaluables pour les facteurs pronostiques cliniques et biologiques Comparaison.
Surveillance du Sida : pourquoi le nombre de cas ne diminue-t-il plus?
INSTITUT DE VEILLE SANITAIRE
Introduction Résultats Méthodes Conclusions
Surveillance des Infections Sexuellement Transmissibles
Les numéros 70 –
Les numéros
Méningites bactériennes aiguës communautaires Examens microbiologiques
Service des Maladies Infectieuses (Pr H Portier)
Xavier Mouranche Registre e-MUST Evaluation en Médecine dUrgence des Stratégies Thérapeutiques de lInfarctus du Myocarde.
Les Glycopeptides Dr F. Robin, Bactériologie CHU Clermont-Fd.
Éradication de l’hélicobacter pylori Et Maladie ulcéreuse duodénale
Examen cytobactériologique urinaire (ECBU)
Le marché des anti-infectieux Le problème de la résistance
Antibiothérapie des infections utérines
Antibiothérapie des infections osseuses
Évaluation des traitements ARV de seconde ligne en Afrique et en Asie Pujades-Rodríguez M. Epicentre, Paris.
LES TRIANGLES 1. Définitions 2. Constructions 3. Propriétés.
Révision (p. 130, texte) Nombres (1-100).
La législation formation, les aides des pouvoirs publics
TRAITEMENT DU CANCER LOCALISE DE LA PROSTATE PAR HIFU(ABLATHERM)
Contexte – cas de tuberculose multirésistante par an dans le monde (5 % des cas de tuberculose) –Traitement difficile : 4 à 6 molécules, parmi lesquelles.
13 ème Congrès du CLIN HDF Octobre 2010 Matta Matta, MD ICC chairperson BMC.
Relations entre élastométrie, marqueurs biologiques et ponction biopsie hépatique chez 67 patients Sénégalais avec charge virale VHB ≥3.2 log UI/mL.
Règles de base et principes généraux d’une antibiothérapie
Société française des abords vasculaires
Abcès du cerveau de l’adulte non immunodéprimé
Chiffres de références Rudwaleit (2004, Ann Rheum dis) : Pool d’ études Lombalgies inflammatoires vs sujets sains Lombalgies inflammatoires vs lombalgies.
NOUVEAUX ANTIBIOTIQUES ANTI COQUES GRAM+
Présentation générale
Les nouveaux antibiotiques anti-BGN
Les infections sévères à pneumocoque Pourquoi ? Comment ? Quel traitement? Muriel Le Bourgeois Service de Pneumologie et Allergologie Pédiatriques Hôpital.
Maniement des antibiotiques en réanimation
Conseil Administration AFRAC – 2 décembre Toulouse 1 Fermes de références Palmipèdes à foie gras Synthèse régionale – Midi Pyrénées Exercice
Les chiffres & les nombres
Curiethérapie des cancers infiltrants de vessie
SOAP Study Sepsis in European intensive care unit
Implications for Fluoroquinolone Use » Géraldine Dessertaine
DUMP GAUCHE INTERFERENCES AVEC BOITIERS IFS D.G. – Le – 1/56.
Année universitaire Réalisé par: Dr. Aymen Ayari Cours Réseaux étendus LATRI 3 1.
Dr. ALINE HAJJ Sous la direction de Pr. Dolla KARAM SARKIS
Résultats Régionaux ENP 2006 C.Mourlan Coordinatrice FELIN.
Résultats Réunion- Mayotte Tableau de bord 2006 C.Mourlan Coordinatrice FELIN.
E pidémiologie des IN formation des référents 2010 Dr Lugagne Delpon CHR nord Dr Mourlan Arlin Felin.
MAGIE Réalisé par Mons. RITTER J-P Le 24 octobre 2004.
Aire d’une figure par encadrement
MAGIE Réalisé par Mons. RITTER J-P Le 24 octobre 2004.
Traitement de différentes préoccupations Le 28 octobre et 4 novembre 2010.
1/65 微距摄影 美丽的微距摄影 Encore une belle leçon de Macrophotographies venant du Soleil Levant Louis.
Certains droits réservés pour plus d’infos, cliquer sur l’icône.
Facteurs de risque et mortalité associée aux bactériémies à Enterobactéries productrices de béta-lactamases à spectre élargi C. BAUDEL a, D.NESA a, D.DECRE.
L’élotuzumab, un anticorps monoclonal dans le myélome multiple
Annexe Résultats provinciaux comparés à la moyenne canadienne
Caractéristiques des patients à l’inclusion
La formation des maîtres et la manifestation de la compétence professionnelle à intégrer les technologies de l'information et des communications (TIC)
Caractéristiques des patients à l’inclusion Paramètres Naïfs 12 sem.
Respiratoire La Lettre de l’Infectiologue.
Cours de Bactériologie Faculté de Médecine de Fès
●Contexte –Infection à Clostridium difficile (ICD) : le plus souvent après exposition à une antibiothérapie à large spectre  risque d’infection avec.
Marie Reynaud DESC Réanimation médicale DESAR St Etienne.
2ème Rencontres Infectiologiques en chirurgie Cas clinique
Transcription de la présentation:

Prise en charge de l’ostéite du pied diabétique Dr Eric Senneville Service Régional des Maladies Infectieuses, CH Tourcoing Lille, 10 Octobre 2008

L’ostéite du pied diabétique Infection osseuse par contiguïté os cortical-compact puis médullaire-spongieux Définition ? Eléments évocateurs (Lispky CID, 2004) plaie chronique malgré prise en charge correcte diamètre > 20 mm profondeur > 3 mm contact osseux VS 1ère h > 70 mm Confirmation par: imagerie (IRMN>scintigraphies>TDM> radio std) biopsie osseuse (histologie, microbiologie) Critères de guérison ?

Définition de l’ostéite du pied diabétique % Critères Certain >90 Culture Biopsie Osseuse + avec Histologie + ou Pus intra-osseux à l’intervention ou Séquestre osseux au travers de la plaie ou Abcès intra-osseux IRMN Probable 51-90 Os médullaire exposé ou Signe d’ostéite IRMN ou Culture BB+ sans histologie ou histologie – Possible 10-50 Lyse corticale radio standard ou Oedème osseux IRMN ou Os cortical exposé ou VS>70 sans explication autre ou Défaut cicatrisation sur pied perfusé et décharge adéquate > 6 semaines ou > 2 semaines infection Improbable <10 Pas de signe d’infection et radiographie normale et < 2 semaines d’évolution et plaie superficielle ou IRMN normale ou Scintigraphie normale T. Berendt et al. Diabetes Metab Res Rev 2008

L’ostéite du pied diabétique Infection osseuse par contiguïté os cortical-compact puis médullaire-spongieux Définition ? Eléments évocateurs (Lispky CID, 2004) plaie chronique malgré prise en charge correcte diamètre > 20 mm profondeur > 3 mm contact osseux VS 1ère h > 70 mm, CRP? Confirmation par: imagerie (IRMN>scintigraphies> radio std) biopsie osseuse (histologie, microbiologie) Critères de guérison ?

Valeur du contact osseux % pré-test Sensibilté Spécificité VPP VPN Grayson 1995 66 85 89 56 Shone 2006 24 - 53 Lavery 2007 12 87 91 57 98 En présence de signes d’infection: - PTB test + ostéite +++ - PTB test - ostéite non exclue En l’absence de signes d’infection: - PTB test + ostéite ? - PTB test - ostéite exclue Hartemann-Heurtier A, Diabet & Met 2008

CRP et ostéite Enderle et al. Diabetes Care 1999

L’ostéite du pied diabétique Infection osseuse par contiguïté os cortical-compact puis médullaire-spongieux Définition ? Eléments évocateurs (Lispky CID, 2004) plaie chronique malgré prise en charge correcte diamètre > 20 mm profondeur > 3 mm contact osseux VS 1ère h > 70 mm, CRP? Confirmation par: imagerie (IRMN>scintigraphies> radio std) biopsie osseuse (histologie, microbiologie) Critères de guérison ?

Diagnostic de l’ostéite du pied diabétique Kapoor et al. Arch Int Med 2007

Diagnostic de l’ostéite chronique Termaat JBJS 2008

L’ostéite du pied diabétique: prise en charge problématique avec «les antibiotiques» taux d’échec fréquence des récidives le «tout chirurgical» débridement quasi systématique chirurgie conservatrice voire amputation «préventive» tendance actuelle plus de confiance dans les «nouveaux» antibiotiques stratégies médico-chirurgicales reste à préciser : quelles stratégies pour quels patients ?

Questions La chirurgie de débridement osseux est-elle indispensable ? Quelle est l’efficacité du traitement antibiotique des ostéites du pied diabétique ? Jusqu’où faut-il aller dans la documentation microbiologique des ostéites du pied diabétique ? … Et pour quel bénéfice pour le patient ? Quelle est la durée optimale du traitement antibiotique ?

1. La chirurgie de débridement osseux est-elle indispensable ? Ha Van Diabetes Care, 1996 Etude rétrospective, cohortes historiques 67 pts avec ostéite du pied sans artérite groupe I: ttt médical seul (ATB, SP, décharge) groupe II: idem + chirurgie conservatrice groupe I (n=35) groupe II (n= 32) P Cicatrisation 20 (57%) 25 (78%) < 0,008 Délai de cicatrisation (j) 462 +/- 98 181 +/- 30 Durée ATBthérapie (j) 246 +/- 232 112 +/- 121 < 0,007 N° amputations 14 2 ---

1. La chirurgie de débridement osseux est-elle indispensable ?

2. Quelle est l’efficacité du traitement antibiotique des ostéites du pied diabétique ? dans la quasi totalité des cas, c’est une ostéite chronique: l’os cortical est atteint immunodépression locale supports osseux inertes adhérence bactérienne production de biofilm altérations du métabolisme bactérien

2. Concentration Minimale Inhibitrice (CMI) de S. epidermidis B3972 Phases de croissance bactérienne (µg/ml) Antibiotique Logarithmique Stationnaire ratio Vancomycine 4 50 12.5 Daptomycine 2 12.5 6 Teicoplanine 4 12.5 3 Ciprofloxacine 0.5 100 200 Rifampicine 0.06 0.15 2.5 Netilmicine 8 400 50 Widmer et al. JID, 1990 Absence de corrélation in vitro / in vivo

- associations obligatoires (sélection de mutants résistants) 2. Quelle est l’efficacité du traitement antibiotique des ostéites du pied diabétique ? Antibiotiques réputés actifs en cas d’ostéite chronique infections à cocci à Gram positif : rifampicine +++ clindamycine - associations obligatoires (sélection de mutants résistants) fluoroquinolones acide fusidique cotrimoxazole glycopeptides,... linézolide ?? infections à bacilles à Gram négatif : fluoroquinolones +++ - associations obligatoires (sélection de mutants résistants) C3/C4G ? (pyocyanique)

Biodisponibilité iv / orale Antibiotique Posologie (mg) Cmax (mg/L) Voie IV Voie orale Amoxicilline Oxacilline Cloxacilline Céfalexine 1000 70-100 50-100 15-20 5-10 10-20 30-40 Ciprofloxacine Ofloxacine 500 200 5-8 3-5 1-3,5 Rifampicine 600 8-13 Acide fusidique 80-120 Cotrimoxazole 800/160 40-60/1,5-2 40-60/1-2 Clindamycine 10-15 Débuter le traitement par voie IV si possible puis relais par voie orale

Biodisponibilité iv / orale Antibiotique Posologie (mg) Cmax (mg/L) Voie IV Voie orale Amoxicilline Oxacilline Cloxacilline Céfalexine 1000 70-100 50-100 15-20 5-10 10-20 30-40 Ciprofloxacine Ofloxacine 500 200 5-8 3-5 1-3,5 Rifampicine 600 8-13 Acide fusidique 80-120 Cotrimoxazole 800/160 40-60/1,5-2 40-60/1-2 Clindamycine 10-15 Débuter le traitement par voie IV si possible puis relais par voie orale

2. Quelle est l’efficacité du traitement antibiotique des ostéites du pied diabétique ? Études cliniques Références N° patients Chirurgie Antibiotiques Durée du ttt (semaines) Succès Durée du suivi (mois) Venkatesan, 1997 22 Débridement tissus mous Large spectre empirique FQ, CL 12 81% 27 (moyenne) Pittet, 1999 50 Large spectre, adaptés / prél. profonds βL, FQ, CL > 9 70% > 5 Senneville, 2001 17 Résection os nécrosé (2/17) Rifampicine + Ofloxacine 24 88% 22 (moyenne) Adapté de : Jeffcoate et Lipsky CID, 2004

3. Jusqu’où faut-il pousser la documentation microbiologique des ostéites du pied diabétique ? Microbiologie Espèces bactériennes Lavery JBJS, 1995 (%) Cocci à Gram positif - S. aureus - staph. coag. nég. - entérocoques - streptocoques - autres 53 (65) 17 (21) 4 (5) 10 (12) 22 (27) --- Bacilles à Gram négatif - E. coli - Proteus spp. - Klebsiella spp. - Pseudomonas spp. 23 (29) 4 (5) 3 (4) 8 (10) Anaérobies 5 (6) Total / N°prélèvements 81 / 36 (2,25)

3. Biopsie osseuse Citée généralement comme la technique de référence pour le diagnostic positif de l’ostéite du pied diabétique Très peu d’étude comprenant des séries de patients consécutifs Techniques de prélèvement variables Réputée nocive, difficile à réaliser, coûteuse Pas d’étude randomisée démontrant un bénéfice pour le patient

Photos : E. Beltrand, Sce d’Orthopédie CH Tourcoing

3. «Fenêtre» antibiotique avant biopsie osseuse x CMI j Witso et al. Acta Orthop Scand, 1999

3. Corrélation prél. profond/superficiel Références N° pts Méthodes % équivalence Lavery, 1995 36 tissus profonds / biopsie osseuse Slater, 2004 60 écouvillons / tissus profonds (62) Kessler, 2006 21 19 Senneville, 2006 76 écouvillons / biopsie osseuse 17

3. Corrélation prél. profond (PP) / superficiel (PS) % des cas où la(les) bactérie(s) des PP est(sont) identifiée(s) dans les PS 62 65 30 69 68 ??? 24 Sapico 1984, Lavery 1995, Slater 2004, Kessler 2006, Senneville 2006

3. Concordance prél. profond / superficiel: Influence de l’espèce bactérienne Mackowiak JAMA, 1978 Senneville CID, 2006 Globale 43% 22,5% Staphylocoque doré 78% 42,8% Entérobactéries 29% 28,5% Streptocoques 15% 25,8%

3. Approche pragmatique 93% 30% L’antibiothérapie est adaptée aux résultats des PS Wheat et al. Arch Int Med, 1986 couvre les bactéries isolées dans les PP 93% est trop «large» / résultats des PP 30%

3. Une approche empirique est-elle possible ? Chabroux et coll. 10ème CNPC, 2006 47 patients avec prélèvements osseux 1,6 bactérie / prélèvement Culture positive dans 86% des cas Résistance à une association rifampicine+fluoroquinolone dans 44% des cas

3. Une approche empirique est-elle possible ? Diamantopoulos Endocrinol & Diabet, 1998 pts hospitalisés pour infection sévère du pied ATBthérapie : clindamycine + ciprofloxacine IV puis PO 84 patients 35 cellulites 49 ostéites 2 échecs 16 échecs 33 guérisons Suivi (16 mois) 33 guérisons 0 récidive 8 récidives 33 guérisons 25 guérisons

3. Une approche empirique est-elle possible ? 94 % des souches sont sensibles à l’association clindamycine + ciprofloxacine 83% des souches sont ciprofloxacine-S 65% des souches sont clindamycine-S ( ciprofloxacine monothérapie dans 1/3 des cas) Échecs bactériologiques : 13/84 (15,5%) 5 cas = acquisition de résistance par la souche initiale 8 cas = acquisition d’une BMR («nosocomiale») détail : Pseudomonas aeruginosa, entérocoque, S. aureus … Diamantopoulos Endocrinol & Diabet, 1998

4. … Et pour quel bénéfice pour le patient ? Senneville et al. Diabetes Care 2008

5. Quelle est la durée optimale du traitement antibiotique ? Ostéite Durée du traitement Absence de tissu osseux infecté résiduel 2-4 semaines Tissu osseux infecté sans os nécrotique 4-6 semaines Tissu osseux infecté et nécrotique > 3 mois Adapté de : Berendt et Lipsky Curr Treat Options Inf Dis, 2003

Thérapeutique Pas d’étude comparative/schéma thérapeutique Aucune étude satisfaisant aux critères de définitions proposés Pas d’argument pour les traitements adjuvants (presque) Tout reste à faire !

Conclusions Des études sont nécessaires pour déterminer les places respectives du traitement médical et chirurgical La biopsie osseuse n’a d’intérêt que si elle s’intègre dans le cadre d’une prise en charge tenant compte des règles du traitement de l’ostéite chronique La prescription d’antibiotiques à fort pouvoir de sélection de résistance bactérienne doit être associée à la mise en œuvre des mesures de lutte contre les infections liées aux soins L’arsenal thérapeutique existe mais implique une organisation de la prise en charge des patients en centres de référence Priorité à la prévention +++