Paludisme et voyages Pr Thierry Debord
Priorité pour la santé mondiale Le paludisme sévit dans 99 pays. Plus de 3 milliards de personnes risquent de contracter la maladie. Par rapport à l’année 2000 : diminution de l’incidence globale de 17% diminution de la mortalité spécifique de 25%
Les espèces plasmodiales Plasmodium falciparum Le plus répandu en régions tropicales et intertropicales Responsable d’une létalité élevée Plasmodium vivax Sévit dans des zones à climat plus tempéré Absent en Afrique centrale et de l’Ouest Peut donner des formes graves
Les espèces plasmodiales Plasmodium ovale Afrique intertropicale essentiellement Plasmodium malariae En foyer dans toutes les zones d’endémie
La 5ème espèce : Plasmodium knowlesi morphologiquement proche de P. malariae, cantonnée à l’Asie du Sud-Est
Cycle parasitaire - réservoir strictement humain sauf pour P. knowlesi - homme : hôte intermédiaire où s’effectue le cycle asexué - schizogonie exo-érythrocytaire ou hépatique - schizogonie érythrocytaire - anophèle femelle : vecteur et hôte définitif
1- contamination par piqûre d’anophèle 2-schizogonie exo-érythrocytaire hépatique 4- cycle sexué : sporogonie 3- schizogonie érythrocytaire
Particularités du cycle selon l’espèce La durée de la phase hépatique pré-érythrocytaire détermine les périodes pré-patentes et d’incubation. mise en évidence de parasites dans le sang premiers signes cliniques : fièvre schizogonie hépatique schizogonie érythrocytaire période pré-patente période d’incubation
Particularités du cycle selon l’espèce P.f P.v P.o P.m P.k Durée sporogonie anophèle (j. à 28°C) 9-10 8-10 12-14 14-16 Durée stade pré-érythrocytaire (j.) 5,5-7 6-8 9 Nbre mérozoïtes dans le schizonte 3 104 104-204 15 103 Hypnozoïtes hépatiques - + Période pré-patente (j.) 5,5-10 8-13 9-14 15-16 7-8 Période d’incubation (j., moyenne) (12) 12-17 (15) 16-18 (17) 18-40 (28) 10-15 Durée cycle érythrocytaire 48h 50h 72h 24h Rechutes tardives, reviviscences recrudescences 2 ans 5 ans 30 ans NB : pour P.malariae, existence de recrudescences mais pas d’hypnozoïtes hépatiques
Anopheles 430 espèces, seules 40 vectrices de paludisme durée de vie : 3 semaines maximum vol : 2-3 km maximum 3 exigences : eau (pas d’eau = pas de moustique) chaleur ( moyenne > 18°C pour P.f) sang repas sanguin nocturne vol silencieux, piqûre indolore
Paludisme d’importation en France : évolution 1986-2013 nombre de cas, nombre de voyageurs 4100 CNR du Paludisme, rapport 2013
Pays Afrique de l’ouest Pays Afrique Centrale Pays Iles de l’Océan Indien Pays Amérique du Sud CNR du Paludisme, rapport 2013
Evolution des destinations de voyages en zones impaludées
CNR du Paludisme, rapport 2013
Evolution annuelle du nombre de voyageurs en zone d’endémie et des cas de paludisme d’importation des sujets d’origine africaine et caucasienne CNR du Paludisme, rapport 2013
des sujets d’origine africaine et caucasienne, 1996-2013 Evolution annuelle des proportions de paludisme d’importation des sujets d’origine africaine et caucasienne, 1996-2013 CNR du Paludisme, rapport 2013
CNR du Paludisme, rapport 2013
CNR du Paludisme, rapport 2013
CNR du Paludisme, rapport 2013
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CNR du Paludisme, rapport 2013
CNR du Paludisme, rapport 2013
Les traitements antipaludiques
Points d’impacts des antipaludiques Hypnozoïtocides Primaquine, tafénoquine Schizontocides hépatiques Primaquine, tafénoquine, atovaquone Schizontocides érythrocytaires tous les antipaludiques sauf tafénoquine Sporontocides Proguanil, pyriméthamine, atovaquone Gamétocytocides amino 8-quinoléines
Introduction des antipaludiques et résistances
Evolution de la résistance de P. falciparum à la chloroquine
Chimiorésistances, conséquences - en thérapeutique interdiction d’utiliser la chloroquine pour le traitement du paludisme d’importation à P. falciparum - en prophylaxie adaptation du traitement en fonction de l’épidémiologie des résistances classification des pays en 4 groupes par le CNR du paludisme : - pays du groupe 0 : pas de paludisme - pays du groupe 1 : zones sans chloroquino-résistance - pays du groupe 2 : zones de chloroquino-résistance - pays du groupe 3 : zones de prévalence élevée de chloroquino- résistance et de multirésistances actualisation annuelle en fonction des données épidémiologiques
Pays du groupe 0 Zones où il n’y a pas de paludisme. La chimioprophylaxie est donc inutile. Après les Emirats Arabes Unis en 2007, le Maroc et le Turkménistan ont été déclarés indemnes de paludisme en 2010, l’Arménie et le Kazakhstan en 2012. Zones de transmission sporadique Pays à transmission faible et limitée à des zones circonscrites. Il est admissible de ne pas prendre de chimioprophylaxie dans les pays de cette zone, quelle que soit la durée du séjour. Une protection contre les piqûres de moustiques nocturnes est nécessaire. Il est indispensable d’être en mesure, pendant le séjour et dans les mois qui suivent le retour, de consulter en urgence en cas de fièvre. Pays du groupe 1 : zones sans chloroquinorésistance Pays du groupe 2 : zones de chloroquinorésistance Pays du groupe 3 : zones de prévalence élevée de chloroquinorésistance et de multirésistance zones de méfloquino-résistance : Timor Oriental, zones forestières de part et d’autre des frontières de la Thaïlande avec le Cambodge, le Myanmar (ex-Birmanie), le Laos et le sud du Vietnam.
Prévention du paludisme concerne essentiellement P. falciparum 3 actions : - prévenir l’infection : prophylaxie anti-vectorielle - prévenir la maladie : chimioprophylaxie - réduire la mortalité : prise en charge rapide
1 objectif, 2 règles, 3 axes d’action réduire la morbidité et la mortalité liées à P. falciparum 2 règles : - aucun moyen préventif n’assure à lui seul une protection totale. Nécessité d’observer de façon simultanée une protection contre les piqûres de moustiques et une chimioprophylaxie. - Toute fièvre au retour d’un séjour sous les tropiques doit être a priori considérée comme d’origine palustre et nécessite une consultation en urgence. 3 axes d’action : - réduire le nombre de piqûres de moustiques - chimioprophylaxie - traitement présomptif (ou de réserve)
CNR du Paludisme, rapport 2013
Le choix d’une chimioprophylaxie doit tenir compte : des zones visitées, classées en pays du groupe 1, 2 ou 3 selon la fréquence des résistances aux médicaments antipaludiques de l’intensité de la transmission ; de l’âge et du poids du voyageur ; de ses antécédents pathologiques ; d’une possible interaction avec d’autres médicaments ; d’une précédente intolérance à un antipaludique ; d’une grossesse en cours ou envisagée ; des conditions, de la durée et de la période du séjour ; de l’évaluation de l’observance en fonction des modalités de prise ; des capacités financières du voyageur.
Incidence du paludisme Asie < 2 /100 000 !! Schmid J Travel Med 2009 Van Rijckevorsel Malaria Journal 2010
Risque par séjour en Asie (données UK sur 5 ans) Données R Behrens N palu N séjours 1cas/ Myanmar 12 1 Million 77,762 Cambodia 18 9 Millions 501,026 China 8 121 Millions 15 Millions Indonesia 61 34 Millions 2 millions Korea 41 36 Millions 880,190 Laos 3 5 Millions 2 Millions Malaysia 4 103 Millions 26 Millions Philippines 9 Sarawak 13 Millions Thailand 39 62 Millions Vietnam 7 21 Millions 3 Millions
Incidence du paludisme en Amérique du sud voyageurs UK Country Case /YE Case/100,000 visits Suriname 17 38.73 Honduras 103 56.28 Guatemala 513 20.62 Ecuador 960 7.58 Brazil 2,628 2.27 Peru 3,220 1.95 Colombia 3,322 2.79 Venezuela 4,924 0.93 Dom.Rep 13,193 0.30 Behrens RH, et. al. Malar J 2007 42
Produits utilisables indiquée dans les rares pays du groupe 1 - chloroquine (Nivaquine®) indiquée dans les rares pays du groupe 1 effets indésirables les plus fréquents digestifs et cutanés toxicité oculaire au long cours bilan ophtalmologique annuel
Produits utilisables - association chloroquine- proguanil (Nivaquine®+ Paludrine® ou Savarine®, Nopalu®) utilisée dans les pays du groupe 2 effets secondaires décrits dans 9 à 40% des cas diarrhées, aphtes buccaux (liés au proguanil)
Produits utilisables - méfloquine (Lariam® 250mg) - indiquée dans pays du groupe 3 - effets secondaires décrits dans 8 à 86% des cas - les plus préoccupants : effets neuropsychiques (insomnies, hallucinations, vertiges, céphalées, crises convulsives) - incidence des effets neuropsychiatriques sévères 1/10 000 à 1/13 000 idées suicidaires, tentatives de suicide respect strict des contre-indications et surveillance du traitement : arrêt en cas de troubles neuro-psychiques - traitement à débuter au moins 10 jours avant le départ - respect des doses en fonction du poids (femme)
Produits utilisables - doxycycline (Doxypalu®, Granudoxy Gé®, Doxy Gé®) indiquée dans les pays du groupe 3 observance stricte nécessaire car demi-vie courte bonne tolérance effets digestifs (nausées, vomissements, douleurs abdominales) effets cutanés ( rash, photosensibilisation) surveillance médicale dans les armées françaises 2 à 5 effets/1000 prophylaxies prise tous les jours le soir au milieu du repas ou avec un verre d’eau au moins 1 h avant le coucher
Produits utilisables - atovaquone-proguanil - atovaquone : hydroxynaphtoquinone inhibitrice des fonctions mitochondriales de Plasmodium utilisée seule : développement rapide de résistances par mutation ponctuelle sur le gène du cytochrome b synergie en association avec proguanil (antimétabolite) par amplification de l’activité antipaludique de l’atovaquone - activité sur les formes intra-hépatiques de P.f. - nécessité de prise au cours d’un repas pour assurer taux sérique maximum - bonne tolérance
CNR du Paludisme, rapport 2013
Courts séjours en zone de faible risque Pour un court séjour (inférieur à sept jours : durée minimum d’incubation du paludisme à P. falciparum) en zone de faible risque de transmission, la chimioprophylaxie n’est pas indispensable à condition de respecter scrupuleusement les règles de protection anti-moustique et d’être en mesure, durant les mois qui suivent le retour, de consulter en urgence en cas de fièvre, en signalant la notion de voyage en zone d’endémie palustre.
Séjours de longue durée (plus de trois mois) La prévention du paludisme doit faire l’objet d’une information approfondie. Il est utile de remettre au patient un document rédigé. Il est nécessaire d’insister sur la protection contre les piqûres de moustiques (répulsifs, moustiquaire, etc…) Lors du premier séjour, la chimioprophylaxie adaptée au niveau de résistance devrait être poursuivie au moins pendant les six premiers mois. Au-delà de cette durée et si la poursuite d’une prise continue pendant plusieurs années pose des problèmes d’observance, la chimioprophylaxie peut être modulée avec l’aide des médecins référents locaux. Une prise intermittente durant la saison des pluies ou lors de certains déplacements en zone rurale peut par exemple être envisagée. Dans tous les cas, il est indispensable que la prise en charge rapide d’une fièvre par le médecin référent puisse être assurée. Il convient de prévenir les intéressés de la persistance du risque d’accès grave lors des retours de zone d’endémie, surtout pendant les deux premiers mois.
Séjours itératifs de courte durée Certains professionnels sont amenés à faire des séjours brefs et répétés pendant plusieurs années, voire toute leur carrière (navigants, ingénieurs et techniciens pétroliers ou miniers, commerciaux divers). Dans ces cas, une chimioprophylaxie antipaludique prolongée est inappropriée, voire contre-indiquée. Le médecin du travail de ces entreprises joue un rôle essentiel d’information personnalisée, répétée annuellement, portant sur la prévention des piqûres de moustiques et l’incitation à consulter en urgence un médecin référent en cas de fièvre. La remise d’un document d’information sur les pays à risque, mis à jour tous les ans, s’impose. L’établissement, à l’initiative de la médecine du travail, d’une carte personnelle, nominative, jointe en permanence aux papiers d’identité, indiquant les voyages professionnels répétés en zone tropicale et le risque de paludisme est nécessaire. Cette carte comportera un numéro de téléphone d’urgence d’un contact professionnel capable d’informer sur les déplacements récents. La prescription d’un traitement présomptif est envisageable chez ces personnes.
Traitement présomptif Il ne s’impose qu’en l’absence de possibilité de prise en charge médicale dans les 12 heures suivant l’apparition de la fièvre. Il doit toujours être l’application de la prescription d’un médecin, consulté avant le départ. La possession d’un médicament destiné à un traitement dit « de réserve » en zone d’endémie palustre peut se justifier lors d’un séjour de plus d’une semaine avec déplacements en zone très isolée, mais aussi dans des circonstances qui incitent, après avis d’un médecin référent, à ne plus poursuivre la chimioprophylaxie antipaludique, telles que les voyages fréquents et répétés ou après six mois d’expatriation. Le voyageur doit être informé des risques liés à l’achat de spécialités hors de France, en raison du grand nombre de contrefaçons circulant dans les pays en développement et des risques liés à l’achat de médicaments sur Internet, dont ni l’origine, ni la composition ne sont garantis
Références utiles - sites internet - Bulletin Epidémiologique Hebdomadaire Recommandations sanitaires pour les voyageurs www.invs.sante.fr/Publications-et-outils - Ministère des affaires étrangères www.diplomatie.gouv.fr/fr/conseils-aux-voyageurs - Voyages internationaux et santé disponible sur le site de l’OMS www.who.int/ith/fr - Centers for disease control and prevention (CDC) informations sanitaires pour les voyageurs : Yellow book www.cdc.gov/travel/page/yellowbook-home-2014 - Recommandations, conférences de consensus www.infectiologie.com