Clostridium difficile Point de vue du bactériologiste

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Transcription de la présentation:

Clostridium difficile Point de vue du bactériologiste Dr Fabien Garnier Laboratoire de Bactériologie-Virologie-Hygiène CHU Dupuytren, Limoges

Historique 1893 : observation princeps de colite pseudo-membraneuse (CPM) (Finley et al.) 1935 : Description de Bacillus difficilis (flore digestive d’enfants) (Hall et O’Toole) 1938 : genre Clostridium (Prévot) 1978 : Rôle de Clostridium difficile dans les CPM (Bartlett et Larson)

Clostridium difficile (1) Bacille à Gram positif Anaérobie strict Mobile en général (cilliature péritriche) Sporule : spore subterminale (parfois terminale), ovale et déformante Souches toxinogènes : pathogènes Souches non toxinogènes : non pathogènes

Clostridium difficile (2) Sporulation : Réponse à un environnement défavorable : froid, dessication, UV, RX antiseptiques et antibiotiques Bactéries Spore (forme végétative) (forme de repos) sporulation germination Résiste : Ethanol (expo de 30 à 45 min) Chaleur (10 min à 180°C) Solution hydro-alcooliques Variation de PH Traitement : eau de javel à 0,5 % de chlore actif pendant 10 min

Habitat Ubiquitaire : le sol l’eau (rivière, lacs, mer, piscine) végétaux crus intestin de l’homme et de nombreux animaux Portage : *Enfant de moins de 2 ans : 25 à 80% de porteurs sains *Adultes : 2 à 3% de porteurs sains 10 à 20% à l’Hôpital Taux augmenté par les ATB

Pouvoir pathogène Responsable de 30% des cas de diarrhées post-antibiotiques 50 à 80% des cas de colites associées aux ATB 95% des cas de CPM Cause la plus importante de diarrhée nosocomiales d’origine bactérienne Manifestations cliniques variées Rechutes fréquentes Particularité : pathologies rares chez les enfants de moins de 2 ans malgré la présence de souches toxinogènes (absence de récepteurs ou immaturité des récepteurs)

Clinique Diarrhée simple post-antibiotique : modérée, signes généraux absents endoscopie : muqueuse normale ou érosive amélioration clinique en 2-3 jours après arrêt des antibiotiques Colites Pseudo-membraneuses : diarrhée liquide abondante fièvre et hyperleucocytose déshydratation extracellulaire, entéropathie exsudative endoscopie : lésions aphtoïdes jaunâtre éparses ou confluentes complications : choc septique, mégacolon toxique, perforation, décès Evolution et gravité dépend du taux d’IgG circulantes et d’IgA locales

Facteurs de virulence Facteurs de virulences majeurs : Toxines A et B, entérotoxique et cytotoxiques portées par même locus de pathogénicité Souches toxinogènes Souches non toxinogènes Toxines binaire : toxine ADP-ribosylante Facteurs de virulence potentiels : adhésines, flagelles, enzymes hydrolytiques (hyaluronodases, protéases

Physiopathologie - + Microbiote intestinale Antibiothérapie Rupture de l’effet de barrière Âge, maladies sous-jacentes, hospi Colonisation par C. difficile Contamination exogène (spores) Multiplication Toxines - Toxines + Anticorps - + Diarrhées, CPM Asymptomatique Décès 1 à 2% Récurrences (rechutes, ré-infestations) Guérison

Facteurs favorisant (1) Antibiothérapie : Tous ont été incriminés large spectre actif sur la flore digestive anaérobie une seule dose suffit Fréquent : aminopénicilline +/- acide clavulanique céphalosporines clindamycine fluoroquinolones Peu fréquent : macrolides autres pénicillines cotrimoxazole Rare : métronidazole vancomycyne

Facteurs favorisant (2) Autres thérapeutiques : chimiothérapie anticancéreuses laxatifs anti-acides lavements Age (> 65 ans) : modifications de la flore diminution de l’immunité maladies sous-jacentes Hospitalisation : durée du séjour services de long séjour Manœuvre et chirurgie gastro-intestinale

Transmission Contamination : oro-fécale Origine endogène : portage intestinal Origine exogène : *Mains du personnel médical et paramédical *Environnement de porteurs sains et de malades sol, mobilier, boutons… toillettes, salle de bain *Matériel médical Thermomètres, stéthoscopes, endoscopes..

Sensibilité aux ATB (1) Béta-lactamines : Amino-pénicillines : S carboxy-pénicillines : S Uréïdo-pénicillines : S Céfoxitine : R Céfotétan : R Imipénème : 10% de R Céphalosporines : R Macrolides : Erythromycine : 20 à 80% de R Clindamycine : 45 à 65% de R

Sensibilité aux ATB (2) Fluoroquinolones : Moxifloxacine R de 10 à 80% Nitro-imidazole : Métronidazole R dans 0 à 5% Glycopeptides : Vancomycine 0 à 3% de sensibilité diminuée

Diagnostic (1) Clinique : diarrhée fièvre hyperleucocytose Endoscopique (CPM) Histopathologique de colite

Diagnostic (2) Microbiologique : Qui? > 2 ans > 65 ans patients hospitalisés Quand? diarrhées antibiothérapie (pendant, 8 à 10 semaines après) Comment? Coprocultures avec demande spécifique de recherche de C. difficile et de ses toxines A et B

(cyclosérine, céfoxitine et fructose) Diagnostic (3) Selles Culture de C. difficile Recherche de toxines A et/ou B Test de cytotoxicité EIA Biologie moléculaire Milieu CCFA (cyclosérine, céfoxitine et fructose) 3 phénotypes : A-/B- A+/B+ A-/B+ Identification Antibiogramme

Schéma décisionnel Toxines sur les selles + - + - Culture + Culture - Si infection probable Infection + - Refaire la culture Infection Pas d’infection

Traitement Arrêt de l’antibiothérapie incriminée Métronidazole : 250 à 500 mg X 3 ou 4 / j per os pdt 10j Vancomycine : 125 à 500 mg X 3 ou 4 / J per os pdt 10j +/- Saccharomyces boulardii 1 g/j Si rechute, nouvelle cure pdt 10 à 14 jours Si nouvelles rechutes, doses décroissantes puis intermittentes de Vanco Efficacité du traitement sur arguments cliniques, pas de contrôle bactériologique

Typage Sérogroupage : protéine de paroi agglutination des souches avec un antiserum 11 sérogroupes (A, B, C, D, F, G, H, I, K, S et X) RAPD : génotypage par amplification arbitraire Champ pulsé (PFGE) : digestion ADN total par endonucléase migration électrophorétique PCR ribotypage : 150 ribotypes amplification de la région intergénique 16S-23S profil électrophorétique Toxinotypage : 24 toxinotypes amplification de 3 régions digestion et profil électrophorétique

Nouveau visage de C. difficile Augmentation de l’incidence au Canada puis aux USA : X 8 au Québec entre 1994 et 2004 X 3 aux USA depuis 1996 Augmentation de la fréquence des formes sévères : X 3 de la léthalité Augmentation des échecs thérapeutiques sous métronidazole Augmentation des rechutes Apparition et prédominance d’un clone hypervirulent : Ribotypage O27 Toxinotypage III Hyper production de toxines A et B Délétion de 18 pb dans tcdC Toxine binaire Résistant aux fluoroquinolones et aux macrolides

C. difficile en Europe Royaume-Uni : 2003-2004 augmentation incidence avec pic en 2006 75 hôpitaux Pays-Bas : 1er épidémie Avril-juillet 2005, 11 hôpitaux en 2006 Belgique : 2005 augmentation de l’incidence, 11 hôpitaux en 2006 Prédominance du clone hypervirulent : Ribotypage O27 Toxinotypage III Hyper production de toxines A et B Délétion de 18 pb dans tcdC Toxine binaire Résistant aux fluoroquinolones et aux macrolides

C. difficile en France (1) Mars 2006 : signalement de cas groupés dans le Nord 41 cas entre janvier et mai 2006 dont 31 IN ; gériatrie soins de suite caractérisation des souches pour 22 patients 16 identiques : toxinotype III, PCR-ribotype 027

C. difficile en France (2) Bilan au 4 avril 2007 41 ES avec 550 cas 3 ES ont signalé 282 cas (55%) Services de gériatrie ou rééducation Age médian : 82 ans Sex-ratio H/F= 0,49 70 formes sévères (14%) 108 patients décédés (21%) : Décès imputable (au moins partiellement) pour 23 (4%)

Typage 410 souches typées au CNR 266 (64,9%) correspondent au clone hypervirulent 027 Ont été isolées de 35 établissement de santé

Prévention et contrôle Détection rapide d’infection à C. difficile toxinogène Précaution contact avec isolement technique et géographique Décontamination des surfaces à l’eau de javel Lavage des mains Traitement des porteurs sains est inutile

Conclusion Diffusion d’une souche de C. difficile Hautement pathogène Diagnostic rapide Alerte rapide Traitement approprié Juste utilisation des antibiotiques Mesure d’hygiène pour limiter sa diffusion