Insuffisance rénale aiguë Module Réanimation Novembre 2010
Fonctions physiologiques du rein Élimination des déchets azotés: urée, créatinine, acide urique Régulation du bilan hydroélectrolytique et acidobasique: sodium, potassium, phosphore, ions H+ Régulation de la tension artérielle: cf. système rénine angiotensine aldostérone Sécrétions endocrines: vitamine D, érythropoïétine
Le néphron: unité de filtration
Le glomérule élabore l’urine
Schéma du glomérule
Définitions de l’insuffisance rénale Diminution du nombre de néphrons fonctionnels, estimés par la réduction du débit de filtration glomérulaire (DFG) Créatinine plasmatique: principal paramètre biologique utilisé en pratique pour évaluer le DFG
La créatinine Déchet endogène issu du catabolisme musculaire Valeur normale: 60 à 115 µmol/l chez l’homme d’autant plus basse que la masse musculaire est faible d’autant plus élevée que la masse musculaire est forte La clairance de la créatinine (Cl creat) est un bon reflet du DFG car: la créatinine est totalement filtrée par le glomérule elle n’est pas réabsorbée elle est très peu secrétée
Définition de la clairance La clairance rénale d’un corps est représentée par le nombre de ml de plasma que le rein peut débarrasser totalement en une minute de ce corps Se calcule par le rapport entre le débit urinaire, par minute, d’un corps et sa concentration dans le plasma
Clairance de la créatinine Une réduction du DFG se traduit donc par Une élévation de la créatinine Une baisse de la clairance de la créatinine Valeurs normales: 130 ± 20 ml/min (homme) 110 ± 20 ml/min (femme) Elle peut être calculée par la formule de Gault et Cockcroft
La formule de Gault et Cockcroft Nécessite de connaître l’age, le poids et la créatinine plasmatique Formule de Cockcroft et Gault
Insuffisance rénale aigue (IRA) Baisse brutale de la filtration glomérulaire Habituellement réversible après traitement Peut être oligoanurique (diurèse<400ml/24h) ou à diurèse conservée En pratique: élévation rapide de la créatinine (mais pas de valeur seuil problème de définition)
Classification de RIFLE Proposée après une réunion d’experts (2004) Basée sur la créatinine plasmatique et la diurèse Diurèse Coefficient Filtration Glomérulaire (GFR) < 0,5 ml/kg/h pdt 6h Créatininémie × 1,5 ou Clcréat > 25% Risk < 0,5 ml/kg/h pdt 12h Créatininémie × 2 ou Clcréat > 50% Injury < 0,3 ml/kg/h ou anurie pdt 12h Créatininémie × 3 ou Clcréat > 75% Failure Perte complète fonction rénale > 4 semaines Loss Besoin d’épuration extra rénale > 3 mois End Stage Kidney Disease
L’ IRA s’oppose à l’ insuffisance rénale chronique (IRC) Diminution progressive et irréversible du débit de filtration glomérulaire En pratique: baisse de la clairance de la créatinine, élévation de la créatininémie Peut aboutir à l’insuffisance rénale terminale nécessitant le recours à l’épuration extrarénale
Épidémiologie de l’IRA Incidence: 1% des admissions hospitalières 4 à 15% après chirurgie « à risque »: (cardiaque, aorte) augmente avec l’ âge et la poly-médication 50 % seraient iatrogènes Gravissime: 50% de mortalité Épuration extrarénale nécessaire dans 30% des cas
Principaux types d’IRA IRA pré-rénale ou fonctionnelle IRA post-rénale ou obstructive IRA parenchymateuse ou organique (intra-rénale)
Physiopathologie de l’IRA IRA PRE-RENALE IRA POST-RENALE IRA INTRA-RENALE
L’insuffisance rénale aigue fonctionnelle Diminution du flux sanguin rénal Le parenchyme rénal est intact Habituellement réversible Peut aboutir à l’IRA organique si se prolonge
Causes d’IRA fonctionnelle (1) Diminution des volumes intra-vasculaires Hémorragie aigue Pertes hydro-sodées: cutanées, digestives, rénales Séquestration dans un troisième secteur Pancréatite aigue Cirrhose décompensée Syndrome néphrotique iléus Déshydratation: pertes cutanées ou digestives (sudation, gastroentérite) pertes rénales (diurétique)
Causes d’IRA fonctionnelle (2) Diminution des performances cardiaques: Insuffisance cardiaque Embolie pulmonaire Tamponnade IRA « hémodynamiques » AINS IEC, SARTAN
Tableau clinique des IRA fonctionnelles Signes cliniques de la déshydratation: soif hypotension artérielle tachycardie perte de poids
L’insuffisance rénale aigue obstructive Obstacle sur la voie excrétrice En cas d’obstacle « haut », l’IRA n’apparaît que si l’obstacle est bilatéral ou sur rein unique En cas d’obstacle « bas », il existe le plus souvent un globe vésical
Obstacle haut Obstacle bas
Principales causes d’IRA obstructive Lithiases urinaires sur rein unique (sujet jeune) Pathologie tumorale: (sujet âgé) Adénome, cancer de la prostate Tumeur de vessie Cancer du rectum, utérus, ovaire envahissant les voies excrétrices Pathologie inflammatoire: fibrose rétro-péritonéale
Tableau clinique des IRA obstructives Hématurie, douleur lombaire en cas de lithiase Dysurie, pollakiurie, en cas de pathologie prostatique Il faut rechercher: Un globe vésical Un blindage pelvien au toucher vaginal ou rectal
Diagnostic de certitude de l’IRA obstructive L’échographie rénale Met en évidence une dilatation des cavités rénales Recherche la cause le l’IRA (lithiase, tumeur) Alternative à l’échographie: uroscanner sans injection
Images obstructives Fibrose rétro péritonéale Calcul urétéral
L’insuffisance rénale aigue parenchymateuse Forme la plus grave Lésion anatomique des différentes structures du rein (vaisseaux, tubules, interstitium, glomérule) La nécrose tubulaire est la forme la plus fréquente
Vaisseaux Glomérule Interstitium Tubule
Physiopathologie de l’IRA parenchymateuse La nécrose tubulaire: 80% des cas Ischémie rénale liée à la baisse prolongée du flux sanguin rénal Aboutit à la nécrose des cellules tubulaires L’anurie accompagne souvent les formes sévères Après 3 semaines, la fonction rénale récupère
Causes de nécroses tubulaires aigues (1) Toutes causes d’IRA fonctionnelles négligées Ischémiques par choc Septique, hémorragique, anaphylactique, cardiogénique
Causes de nécroses tubulaires aigues (2) Toxicité tubulaire aminosides, produits de contraste iodés, cisplatine … Précipitation intratubulaire Chaines légères (myélome) Myoglobine (rhabdomyolyse) Hémoglobine (hémolyse)
Les autres causes d’IRA parenchymateuses sont rares Néphrites interstitielles aigues Infectieuses: pyélonéphrite, Hantavirus Allergiques: rifampicine, B lactamine
Les autres causes d’IRA parenchymateuses sont rares Néphropathies glomérulaires aigues: Glomérulonéphrite aigue post infectieuse Glomérulonéphrite rapidement progressive
Les autres causes d’IRA parenchymateuses sont rares Néphropathies vasculaires aigues: HTA maligne Emboles de choléstérol Syndrome hémolytique et urémique
Tableau clinique des IRA parenchymateuses L’interrogatoire: prise de médicaments… HTA maligne Tableau de choc Bandelette urinaire: protéinurie, hématurie, leucocyturie
Si l’IRA n’est pas expliquée La ponction biopsie rénale est indispensable
Nécrose tubulaire secondaire à une rhabdomyolyse
Nécrose tubulaire aigue d’origine ischémique
Néphropathie interstitielle aigue d’origine immunoallergique (rifampicine)
En cas d’allergie on peut observer un rash
Néphropathie glomérulaire aigue (maladie de Wegener)
Retentissement de l’IRA Rappel: les 4 fonctions du rein Élimination de toxines Homéostasie: régulation du bilan hydroélectrolytique et de l’équilibre acido-basique Fonction endocrine (EPO, vitamine D) Régulation de la tension artérielle Ces fonctions sont assurées tant que le DFG est supérieur à 30 ml/min
Rétention azotée Élévation de la créatinine Elévation de l’urée Élévation de l’acide urique et autres toxines urémiques
Troubles de l’équilibre acido-basique Acidose métabolique Par défaut d’élimination de la charge acide Expose au risque d’hyperkaliémie
Troubles hydro-électrolytiques Rétention hydrosodée Risque d’œdème pulmonaire et HTA maligne Hyperkaliémie Risque de mort subite
Conséquences hématologiques Anémie Trouble de l’hémostase Déficit immunitaire
Troubles du métabolisme phosphocalcique et osseux Hypocalcémie (par déficit en vitamine D) Hyperphosphorémie (diminution de l’excrétion de phosphore) Hyperparathyroïdie (stimulation de la PTH)
Manifestations liées à l’accumulation des toxines urémiques Digestives: nausées, vomissements, gastrite Neurologiques: polynévrites, crampes, encéphalopathies Altération profonde de l’état général
Évolution et pronostic Complications métaboliques propre à l’IRA: Hyperkaliémie Œdème pulmonaire Encéphalopathie urémique La mortalité est le plus souvent liée: Maladie causale: choc, traumatisme, pancréatite Complications de la réanimation: infections nosocomiales, embolie pulmonaire, dénutrition, hémorragies digestives
Évolution et pronostic Les facteurs de pronostic rénal sont: la fonction rénale antérieure le type d’IRA (les NTA régressent en 3 semaines) Les facteurs de pronostic vital sont: le terrain du patient le nombre de défaillances viscérales associées les complications secondaires
Prévention de l’IRA Connaitre les sujets à risque: Diabétiques Agés Athéromateux Insuffisants rénaux chroniques Polymédication
Prévention de l’IRA Connaître les médicaments à risque: Antibiotiques (aminoside, glycopeptide) Diurétiques Antihypertenseur (IEC) AINS Anticancéreux (cisplatine) Immunosuppresseur (ciclosporine) Lithium
Prévention de l’IRA Connaître les situations à risque: Déshydratation Hémorragie aigue Sepsis État de choc Produits de contraste iodé
Prévention de l’IRA Maintien d’une perfusion rénale efficace par contrôle de la volémie (s’aider de la courbe de poids, courbe tensionnelle, du bilan entrée-sortie) Si médicaments indispensables: adapter la posologie, contrôler les taux sanguins Si examen iodé indispensable: hydrater 12h avant
Traitement étiologique IRA fonctionnelle: restauration de la perfusion rénale réhydratation, remplissage recours aux amines vasopressives = prévention de la nécrose tubulaire
Traitement étiologique IRA obstructive: Drainer les urines retenues en amont de l’obstacle Si globe vésical: sondage urinaire ou cathétérisme sus pubien Si obstruction du haut appareil: montée d’une sonde JJ ou néphrostomie per cutanée
Sonde JJ
Traitement étiologique IRA parenchymateuse: Lieu du traiement: Défaillance rénale isolée: service de néphrologie Défaillance multi-organe (état de choc): réanimation Traitement symptomatique et préventif des complications : alimentation calorique suffisante prévention des ulcères de stress prévention des complications thromboemboliques Traitement étiologique Recours à l’épuration extrarénale souvent nécessaire
Épuration extrarénale (EER) Techniques utilisées: Hémofiltration (HF) Hémodialyse (HD) Hémodiafiltration (HDF) (Dialyse péritonéale: indication exceptionnelle)
Principes de base L’EER permet: l’élimination des produits de déchet le maintien de l’équilibre hydro-électrolytique de l’organisme au moyen d’un échange de solutés et d’eau au travers d’une membrane semi-perméable.
Circuit extracorporel d’hémodialyse
Principes de base Le transfert des solutés fait intervenir deux mécanismes fondamentaux: Diffusion: transport passif de solutés sans passage de solvant, dépend du gradient de concentration de part et d’autre de la membrane, concerne l’épuration des petites molécules (urée) Convection: transfert actif simultané du solvant et d’une fraction des solutés qu’il contient, concerne l’épuration des molécules de poids moléculaire élevé (β2 microglobuline, cytokines)
L’hémodialyse utilise le principe de diffusion
L’hémofiltration utilise le principe de convection
Indications générales Chaque fois que le traitement médical ne permet pas de maintenir ou de rétablir l’équilibre hydro électrolytique et acido-basique S’impose en urgence si Hyperhydratation mal tolérée: OAP Hyperkaliémie Acidose métabolique sévère Urée > 2 g/l
En dehors de l’IRA les indications sont rares Toxicologie: lithium, éthylène glycol Hyperthermie maligne: refroidissement Insuffisance cardiaque refractaire: (slow continue ultrafiltration)
Quelle technique choisir ? L’HD doit être réservée aux patients hémodynamiquement stables et présentant une défaillance rénale isolée. Elle permet du reste l’épargne d’un traitement anticoagulant L’HF est réservée aux tableaux de défaillances muliviscérales (choc septique notamment)
Avantages/inconvénients Discontinue Coût Absence d’anticoagulant Mobilité Charge de travail Moins bon contrôle volémique Instabilité hémodynamique Autorisation Continues Stabilité hémodynamique Meilleur contrôle entrées-sorties Epuration cytokines Coût Charge de travail Anticoagulation Hypothermie Immobilité