Pourquoi mettre en ligne des travaux d’élèves ?

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Transcription de la présentation:

Pourquoi mettre en ligne des travaux d’élèves ? Intervention de Odile Chenevez Clemi Aix-Marseille Formatrice à l’IUFM de l’Université de Provence Lycée Fourcade de Gardanne formation continue Clemi 13 février 2009 Quelles publications d’élèves sur les plateformes du lycée ?

Qu’est-ce que publier ? Si les travaux scolaires sont habituellement confidentiels, l’idée a maintenant fait son chemin de les divulguer à un public plus ou moins large, plus ou moins repérable. C’est le sens didactique de ce geste que l’on souhaite ici mettre en lumière et en débat. Car « publier », c’est d’abord «faire paraître », au sens d’éditer : « Faire connaître quelque chose, et (plus usuel) annoncer officiellement quelque chose au moyen d’un texte écrit ou d’un communiqué oral. Faire connaître et diffuser une information. Rendre publique une oeuvre dont on est l’auteur en la faisant éditer. Faire paraître un article, une revue, un ouvrage, en assurer l’impression et la diffusion » (dictionnaire du Centre national de ressources textuelles et lexicales, édité par le CNRS).

Le contrat de confidentialité La situation d’élève lui procure une « impunité » propre. Le professeur doit protection à l’élève pour tout ce qui relève de ses apprentissages, et l’élève sait que les imperfections de ses productions resteront confidentielles. Ce cadre contractuel n’a de valeur qu’à l’intérieur de la relation didactique. « Cahier des bons devoirs. – Recueil des meilleurs devoirs de la classe transcrits par leurs auteurs dans un beau cahier que le professeur conserve ou dépose à la bibliothèque de la classe. Ne se pratique guère que pour les narrations ou dissertations françaises. » (Dictionnaire de la langue pédagogique de Paul Foulquié, PUF, 1971, entrée DEVOIR, p. 123.)

Publier n’est pas « au programme » Au lycée l’accent est mis surtout sur la connaissance des oeuvres, autour desquelles on peut s’exercer à produire ; mais jamais il n’est question de publier des travaux d’élèves. En Français, par exemple, la position de lecteur averti est principalement visée. Du côté de l’enseignement des sciences, si l’on vise une formation de l’esprit critique des élèves on ne va pas jusqu’à inciter à des démarches de publication scientifique, en vue de défendre les recherches personnelle des élèves : « Ces connaissances, associées à la pratique expérimentale, participent au développement de l’esprit critique requis pour appréhender les enjeux éthiques et sociaux associés au progrès scientifique et aux nouvelles technologies. » (Programme de SVT de 1re S).

Des situations favorables traditionnelles ou nouvelles Seul le cadre des TPE (ou des AID) semble aujourd’hui officiellement adéquat à cette pratique. Pourtant, dès 1927, Célestin Freinet proposait à ses élèves d’utiliser une presse d’imprimerie pour éditer ce qui deviendra le journal scolaire et sera diffusé à l’extérieur de l’école. « Le journal scolaire méthode Freinet est un recueil des textes libres réalisés et imprimés au jour le jour selon la technique Freinet et groupés en fin de mois sous couverture spéciale à l’intention des abonnés et des correspondants. […] » (Celestin Freinet, Le journal scolaire, 1958)

Vers la modernisation de pratiques anciennes Par ailleurs, de tout temps, les élèves placés sous la supervision attentive de leurs enseignants ont également soumis les plus aboutis de leurs travaux aux regards d’un public (le plus souvent composé des seules familles) : oeuvres chorales, théâtrales, expositions, etc. Mais avec toujours l’idée énoncée par Freinet : « Si la rédaction n’a d’autre aboutissement dans vos classes que les corrections et la note que vous lui décernez, si vous êtes persuadés que l’enfant ne peut ni penser ni créer par lui-même et qu’il ne peut se nourrir que de vos richesses, vous obtiendrez de lui des “devoirs”, mais jamais des oeuvres susceptibles de témoigner en faveur d’une personnalité. » La rupture du contrat de confidentialité nécessite un contrat didactique repensé. Dans le monde scolaire, la notion de publication peut être entendu au sens le plus large (voir notamment la Loi sur la presse de 1881).

La publication sur Internet, un nouveau paradigme scolaire Dans le domaine du développement des usages des TICE, il est beaucoup plus souvent question de publication de travaux d’élèves. Le pilier 4 du socle commun de connaissances et les B2i des trois niveaux font état de compétences qui peuvent concerner la publication. Les domaines « Créer, produire, traiter, exploiter des données », « Communiquer et échanger » et « Adopter une attitude responsable » incluent des capacités à acquérir comme : « Je sais publier un document numérique sur un espace approprié », ou « Je mets mes compétences informatiques au service d’une production collective », ou encore : « Lorsque j’envoie ou je publie des informations, je réfléchis aux lecteurs possibles … ». L’acte de publication se situe plutôt dans le domaine de la pratique pédagogique, du moyen d’apprendre que du contenu de ce qu’il convient d’apprendre.

Des justifications pédagogiques… Les raisons annoncées pour justifier que l’on publie des travaux d’élèves sont peu développées, tant il semble naturel de le faire. L’idée dominante étant celle de la valorisation des travaux des élèves, ou l’utilisation d’un support qui leur plaît, voire qui leur ressemble. (Extraits du site Educnet : Usages pédagogiques des ENT) « – Mettre en valeur les aventures des élèves et le contenu des savoirs qu’ils se sont appropriés grâce aux nouvelles technologies et les sensibiliser à la publication sur Internet. » « – Exploiter dans un contexte pédagogique cette vague d’enthousiasme pour un support d’écriture me semblait pertinent dans une classe où les élèves ont des difficultés avec l’écrit. » « – Le blog offre aux élèves une situation de communication motivante. »

Des justifications pédagogiques…(2) « – La création du blog répond à des objectifs divers et complémentaires : le premier est d’initier les élèves à une utilisation raisonnée, consciente, responsable et volontariste de l’outil informatique ; le second est de les habituer à une maîtrise de leurs productions écrites afin de mieux communiquer, dans un respect mutuel ; le troisième est la valorisation de leurs activités dans le cadre de leur scolarité. » « – Cet affichage numérique valorise et motive les élèves. Le travail réalisé n’est plus simplement un exercice scolaire mais une production destinée à un public extérieur à la classe. » – « Il peut être intéressant d’ouvrir un forum qui permettra aux membres de la communauté scolaire de réagir face à ces productions, d’engager des discussions qui pourront être réutilisées dans le cadre de cours. Ces démarches permettent une personnalisation du portail de l’ENT (…) et favorisent l’ouverture culturelle. »

…Mais des questions essentielles Aujourd’hui, grâce à Internet, la pratique scolaire de la publication est devenue massive, avant d’être raisonnée. Un tel engouement nécessite pourtant que soient posées, et travaillées, des questions essentielles : – À qui s’adresse-t-on en sortant les travaux d’élèves de leur confidentialité didactique, et pourquoi ? – Quels sont les risques que l’on fait prendre aux élèves, à leur image de soi et à la protection de leurs apprentissages ? Quelles sont les conditions qui permettent de contrôler ces risques ? – Dans quelles conditions la publication facilite-t-elle certains apprentissages, et lesquels ?

Éviter le « fantasme de transparence » Il convient donc d’analyser les dérives, comme le fantasme de transparence qui frôle parfois l’exhibitionnisme pédagogique. Le principe sous-jacent semble être que « publier les travaux des élèves c’est bien, naturellement. » Dès lors pourquoi ne pas tout publier, sous couvert de l’institution, même des travaux non terminés ou non supervisés par l’enseignant ? Les inévitables écueils escortent toute innovation… On ne parle pas toujours de « publier », mais plutôt « d’utiliser les TICE ». Peu importe alors celui qui visitera ces travaux, l’important étant qu’ils soient en ligne. La préoccupation des limites légales (notamment le respect de la vie privée et du droit d’auteur) supplante alors le souci que l’on a de la réception et du destinataire.

Le coin du juriste Selon le « coin du juriste » sur le site de Savoirs-cdi, « L’exercice des droits attachés à ces créations sera, pour l’élève mineur, exercé par les parents ou détenteurs de l’autorité parentale. […] Le problème se pose dès que l’établissement veut exploiter l’oeuvre de l’élève en dehors de ce cadre strictement pédagogique dans un but annexe voire étranger à la mission d’enseignement : promotion de l’établissement au travers des travaux des élèves sur le site Internet de l’établissement, exposition des travaux lors d’une journée porte ouverte ou au CDI, etc. Dans ce cadre, il convient de demander l’autorisation expresse (autorisation écrite avec signature originale pour une exploitation précise) à l’élève même mineur et à ses parents pour représenter l’oeuvre, particulièrement hors de l’établissement (Internet, extranet, lieu situé en dehors de l’enceinte de l’établissement). Il en est de même pour les travaux d’enseignants. »

De la bienveillance supposée de l’internaute Ce que l’on attend de l’internaute, quel qu’il soit, est une certaine bienveillance naturelle par le fait même qu’il s’agit d’élèves. Mais cette bienveillance qui est la règle à l’école n’est pas forcément la règle du monde social, d’autant qu’il n’est pas toujours transparent qu’il s’agit de travaux de mineurs en situation d’élèves.

Autorité et popularité Publier n’est plus forcément éditer, c’est seulement montrer. On accepte d’ailleurs trop facilement sur le Web que la notion de « popularité » (le fait d’être très visité) supplante celle « d’autorité » (le crédit moral et intellectuel). Le fantasme de la notoriété, le pouvoir que donne l’affichage de soi – et peut-être plus encore l’affichage de ses oeuvres – créent des effets attestés de motivation chez les élèves mais aussi parfois une confusion dans la juste évaluation du travail. Pour le citoyen d’aujourd’hui, connecté à Internet, la notion d’information est toujours à double sens : celle qu’il recherche ou qu’il reçoit, bien sûr, mais aussi celle qu’il produit.

Une pédagogie « de la dédicace » Une condition essentielle pour que l’acte de publication vaille le risque que l’on prend : « On ne travaille que pour quelqu’un ! » (Freinet). Le principe est de s’adresser à quelqu’un lorsqu’on fait une recherche, une expérience ou que l’on produit une oeuvre. Chez Freinet, la figure de la classe correspondante plane sur l’oeuvre que l’on réalise à son intention : « Que vont-ils en penser ? ». Il devient alors important de donner à voir quelque chose qui fasse autorité, quelque chose qui n’existe pas ailleurs, quelque chose qui réponde à une vraie question et soit épistémologiquement sain, enfin quelque chose que l’on est capable de défendre parce qu’on l’aura suffisamment travaillé. C’est cette démarche que Jean Vial appelle la pédagogie de la dédicace et qui constitue l’un des éléments d’une éducation sociale où « rien de ce qui se passe sur cette planète ne nous est étranger ». Dans ce contexte, l’acte scolaire de publication doit être installé au coeur de la dialectique entre sécurité et liberté.