Identité plurilingue et pluriculturelle

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Transcription de la présentation:

Identité plurilingue et pluriculturelle

Du latin identitas, «  qualité de ce qui est le même », dérivé du latin classique idem, « le même », le terme d’identité, d’un point de vue philosophique et métaphysique sert à désigner la qualité qui fait qu’une chose est la même qu’une autre, que deux ou plusieurs choses ne sont qu’une.

Dans le champ des sciences sociales, le terme d’identité est un terme embrelle pour décrire la manière dont l’individu se comprend comme entité distincte et comme membre de groupes particuliers.

Plusieurs courants théoriques (1) illustrent différentes manières d’interpréter et de donner du sens à l’identification et à la gestion des identités dans les contextes multilingues.   (1) Notamment : - Les approches de la psychologie sociale, inspirées en particulier des travaux de George H. Mead ( 1863-1931) à la fin des années 1920, de Leon Festinger (1919-1989) dans les années 1950, puis de Henri Tajfel et John C. Turner à partir de 1970. - les approches de l’anthropologie linguistique, de la sociologie du langage et de la sociolinguistique variationniste et interactionnelle inspirées de chercheurs comme William Labov, Joshua FIshman, Erving Goffman ou John Gumperz à partir de la fin des années 1960, qui examinent comment le choix des langues configure discursivement des identités fluides, construites et négociées dans les interactions.

« Identités » en sociolinguistique

Les travaux sociolinguistiques se sont intéressés très tôt aux questions d’identité en relation avec les formes d’utilisation des langues. On signalera les travaux emblématiques de William Labov, Joshua Fishman, John Gumperz ou de Robert Lepage et André Tabouret-Keller, entre autres chercheurs, qui ont inspiré les sociolinguistes intéressés à comprendre les liens entre langues et identités dans les contextes de contact, ainsi que les dynamiques de leur négociation interactive en contexte.

Ainsi les études de Labov à Martha’s Vineyard en 1963 ou à Harlem en 1965, bien que ne portant pas spécifiquement sur les identités, ont permis de lier le changement linguistique à des mouvements identitaires.

Ces travaux ont montré, par exemple, comment un petit groupe de pêcheurs a commencé à exagérer la prononciation de certaines diphtongues en anglais, et comment petit à petit ces traits caractéristiques se sont propagés chez les habitants de leur île, se constituant progressivement comme une nouvelle norme.

La variabilité des phénomènes linguistiques sert alors de marqueur de l’identité locale ( Labov parle de motivation sociale d’une changement linguistique), permettant aux locuteurs de situer leur position par l’adhésion à des valeurs locales et de se distinguer ainsi d’autres groupes, en particulier de celui des estivants venus du continent: « [...] le groupe A est pris comme référence par un groupe B, qui adopte le trait et en exagère l’usage, en signe d’une certaine identité sociale, par réaction à des pressions extérieures » ( Labov, 1976 : 90).

Son étude du parler noir américain à Harlem a, de la même façon, permis de questionner les liens entre certaines pratiques linguistiques et les affiliations identitaires, réelles ou imagées, chez les locuteurs. La langue remplit donc bien une fonction identitaire. Les usages variables des langues signalent des effets de catégorisation (s), activés de manière exceptionnelle et dans l’interaction. L’identité s’établit ainsi sur des critères de relation et d’interactions sociales.

Fishman qui s’est beaucoup intéressé à la manière dont se définit l’identité ethnique (l’ethnicité), présente celle-ci comme phénoménologique (1989 :6) ; elle est une expérience et un vécu, dont l’existence dépend de sa reconnaissance, son interprétation et son caractère expérientiel : « [l’ethnicité] existe dans la mesure où elle est reconnue, interprétée et vécue » (1989 : 6). Elle entretient un lien intime et sacralisé avec la langue, et engage les sentiments de loyauté des locuteurs (p.7 et 16).

L’ouvrage qu’édite John Gumperz en 1982 défend une approche interprétative et située des échanges conversationnels. L’ouvrage rassemble une série de travaux d’auteurs éminents qui mettent l’accent sur le contenu des énoncés discursifs mais aussi sur leurs formes («  ways of speeking », p.13). Ces travaux interrogent ainsi les fonctionnements discursifs qui sous-tendent et mettent en scène les catégorisations et le stéréotypage, l’évaluation des formes du discours, l’accès aux ressources et leur valeur attribuée dans les sociétés modernes ; on s’intéresse aussi bien aux postures énonciatives qu’aux indicateurs de nature paraverbale et aux différentes formes de leur négociation au fils des discours :

«  […] nous cherchons à développer des approches sociolinguistiques interprétatives des interactions humaines, qui tiennent compte du rôle que jouent les phénomènes communicatifs dans l’exercice du pouvoir et du contrôle, ainsi que de la production et reproduction de l’identité sociale. […] pour comprendre les enjeux liés à l’identité et comment celles-ci influent sur et comment elles sont influencées par des divisions sociales, politiques et ethnique, nous devons appréhender les processus communicatifs qui les génèrent. »

Enfin, les études sur les alternances codiques en situation de contact ont tout particulièrement marqué la sociolinguistique et la manière dont on conçoit aujourd’hui les identités plurilingues et pluriculturelles. On retiendra tout particulièrement des études de Lepage et Tabouret-Keller (1985), qui ont montré comment les choix de langues peuvent devenir des « actes d’identités », par lesquels les locuteurs exposent discursivement leur identité personnelle, leurs affiliations à certains groupes et leurs aspirations à certains rôles sociaux.  

Les identités plurilingues et pluriculturelles sont des catégories de l’identité individuelle et/ou collective. Elles s’expriment au travers de l’usage que fait un locuteur de ses langues et de ses cultures, et au travers de ses discours sur celles-ci. Elles sont marquées par l’instabilité et l’ambivalence. Elles se révèlent de manières différentes selon les choix des locuteurs à l’intérieur d’un ensemble de possibles, choix qui dépendent, entre autres, des trajectoires de vie individuelle, des catégories sociales et linguistiques à disposition et des interprétations que donnent l’individu aux circonstances locales dans lesquelles il est amené à négocier la différence et à signaler ses affiliations.

D’un point de vue sociolinguistique, on considèrera ainsi que l’usage variable que fait le locuteur des langues de son répertoire, selon les situations, les lieux et les interlocuteurs, porte une empreinte sociale qui marque une figure identitaire (Lüdi, 1995). Ces figures identitaires sont aussi perceptibles dans les discours tenus par les locuteurs sur leurs langues et dans les représentations sociolinguistiques dont ces discours portent les traces.

La langue remplit une fonction identitaire La langue remplit une fonction identitaire. Comme une carte d’identité, la langue que nous parlons et la façon dont nous la parlons révèle quelque chose de nous: notre situation culturelle, sociale, ethnique, professionnelle, notre classe d’âge, notre origine géographique, etc., elle dit notre identité, c’est-à-dire notre différence. L’identité est en effet essentiellement un phénomène différentiel: elle n’apparaît que face à l’autre, au différent, et elle peut donc varier lorsque change l’autre. Nous avons donc différentes identités lorsque nous possédons plusieurs langues. Le concept d’identité ne se épare pas de celui d’altérité

Références bibliographiques Fishman Joshua (1989), language and ethnicity in minority sociolinguistic perspective, Clevedon, Multilingual Matters. Gumperz John (1982), Language and social identity, Cambridge University Press. Labov William (1976), Sociolinguistique, Paris Minuit. Lepage Robert et Tabouret-Keller Andrée (1985), Acts of identity : creole-based appraoches to language and ethnicity, Cambridge University Press. Lüdi Georges (1995) "L'identité linguistique des migrants en question: perdre, maintenir, changer", in: LÜDI, Georges/ PY, Bernard et al. (1995), Changement de langage et langage du changement. Aspects linguistiques de la migration interne en Suisse. Lausanne, L'Age d'Homme, 205-292. Moore Danièle et Brohy Claudine (2013), « Identités plurilingues et pluriculturelles », Jacky Simonin et Sylvie Wharton (dir.) Sociolinguistique du contact. Dictionnaire des termes et concepts, Lyon, ENS.

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