Noémie Olympio, Ph.D en Economie de l’Education Quelles marges de manœuvre au sein des systèmes éducatifs français et suisse ? Une comparaison à l’aune de la théorie des « capabilités » Noémie Olympio, Ph.D en Economie de l’Education AIOSP - jeudi 5 mai 2014 - Symposium L’orientation à l’épreuve de l’approche par les capabilités d’Amartya Sen

Plan de l’intervention Capabilités et Education Le contexte éducatif suisse Le contexte éducatif français L’opérationnalisation de la théorie des capabilités Les trajectoires scolaires dans les deux pays: quel degré de réversibilité et de déterminisme social? Quelle liberté de choix scolaire dans les deux pays? Discussion AIOSP - jeudi 5 mai 2014 - Symposium L’orientation à l’épreuve de l’approche par les capabilités d’Amartya Sen

Capabilités et Education « Capabilités » (Sen,1985, 1987, 1992) d’une personne en général: ensemble des possibilités réelles permettant d’augmenter la qualité de vie Différence entre accomplissements et liberté d’accomplir Accomplissements : ce qui a été effectué par l’individu Liberté d’accomplir : possibilité de choisir entre différentes options Analyse des inégalités en terme de manque d’options, d’opportunités réelles, accent mis sur l’« espace des possibles » (exemple: espace de choix/alternative au choix, réversibilité du choix…) AIOSP - jeudi 5 mai 2014 - Symposium L’orientation à l’épreuve de l’approche par les capabilités d’Amartya Sen

Capabilités et Education Ce qui parait injuste, du point de vue de la théorie de Sen, ce n’est pas tant des inégalités de résultats que des inégalités, à la base, dans l’espace des possibles des personnes (ce qui est injuste: ne pas avoir eu d’autres choix que d’être dans une situation donnée) Deux personnes ayant atteints un même résultat peuvent ne pas avoir eu les mêmes espaces de liberté exemple: avoir choisi une formation professionnelle par vocation ou par contrainte AIOSP - jeudi 5 mai 2014 - Symposium L’orientation à l’épreuve de l’approche par les capabilités d’Amartya Sen

Le système éducatif suisse Sélection précoce des élèves (début du secondaire I ) Importance de la formation professionnelle (FP=64,8% Eurostat 2007) Importance de la formation duale (formation institutionnalisée) Reconnaissance des savoirs professionnels Forte valorisation identitaire AIOSP - jeudi 5 mai 2014 - Symposium L’orientation à l’épreuve de l’approche par les capabilités d’Amartya Sen

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Le système éducatif français Tronc commun plus long Formation professionnelle de moindre ampleur (FP= 43,8%, Eurostat 2007 et apprentissage= 11,3%, Education at Glance) Sur-valorisation des savoirs académiques AIOSP - jeudi 5 mai 2014 - Symposium L’orientation à l’épreuve de l’approche par les capabilités d’Amartya Sen

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L’opérationnalisation de la théorie des capabilités Deux moyens pour appréhender les marges de manœuvre des jeunes : Analyser de manière globale l’espace des possibles par la méthode des trajectoires-types Analyser une période charnière de la liberté de choix : les vœux d’orientation lors de l’accès au secondaire II AIOSP - jeudi 5 mai 2014 - Symposium L’orientation à l’épreuve de l’approche par les capabilités d’Amartya Sen

Les trajectoires scolaires dans les deux pays: quel degré de réversibilité et de déterminisme social? Possibilités générales des systèmes : quel degré de réversibilité des parcours de formation ? Quel déterminisme social ? En France: Trajectoire académique et études longues 28,3 % Trajectoire générale et études courtes 13,7 % Trajectoire technologique et études courtes 20 % Trajectoire professionnelle et technologique, études et/ou emploi 6,3 % Trajectoire professionnelle et emploi 31,8 %  En Suisse: Trajectoire générale et études académiques 16,0 % Trajectoire générale et études professionnelles 8,9 % Trajectoire professionnelle faibles exigences et emploi 36,9 % Trajectoire professionnelle hautes exigences et emploi 26,0 % Trajectoire professionnelles et études professionnelles 12,1 % Les parcours de formation français et suisse sont assez différents. Comme attendu, la Suisse se distingue par l’importance de la formation professionnelle : nous observons ainsi trois trajectoires professionnelles contre seulement deux trajectoires plus générales. La France quant à elle se caractérise par une certaine importance des voies plus générales : deux trajectoires générales (trajectoire 2 et 4) regroupent 42% des jeunes. Elle se démarque également par un accès plus marqué à l’enseignement supérieur. AIOSP - jeudi 5 mai 2014 - Symposium L’orientation à l’épreuve de l’approche par les capabilités d’Amartya Sen

Les trajectoires scolaires dans les deux pays: quel degré de réversibilité et de déterminisme social? En Suisse, les trajectoires sont peu réversibles et marqués socialement (différence entre trajectoires générales et professionnelles) France, malgré le tronc commun, toutes les trajectoires sont peu réversibles et toutes sont socialement déterminées Peu réversible ( être un mauvais élève diminue les risques de 68% d’être dans traj académique, redoubler diminue les risque de 91% , faire latin augmente de 2 fois les risques de ) Exemple: 2 fois plus de risque quand on fréquente une bibliothèque, 3 fois conservatoire, 8 fois quand parents fortement diplômés AIOSP - jeudi 5 mai 2014 - Symposium L’orientation à l’épreuve de l’approche par les capabilités d’Amartya Sen

Quelle liberté de choix scolaire dans les deux pays? Analyse d’une période charnière: le passage au secondaire II Analyse du manque de liberté de choix scolaire: subir un refus lors de ses vœux d’orientation Risque d’abandon, effet délétères sur l’estime de soi AIOSP - jeudi 5 mai 2014 - Symposium L’orientation à l’épreuve de l’approche par les capabilités d’Amartya Sen

Quelle liberté de choix scolaire dans les deux pays? Les différents types de refus: En Suisse Aucun refus = situation scolaire choisie (76,3%) Connaitre un refus (6,8%) Connaitre deux refus (4,2%) Connaitre plus de trois refus (12,7%) = population la plus contrainte En France: Aucun refus = situation scolaire choisie (70,5 %) Connaitre un refus objectif lors du passage du secondaire I au secondaire II (4,1%) Connaitre un refus subjectif lors du passage en première (21%) Connaitre les deux types de refus (4,3%) = population la plus contrainte AIOSP - jeudi 5 mai 2014 - Symposium L’orientation à l’épreuve de l’approche par les capabilités d’Amartya Sen

Quelle liberté de choix scolaire dans les deux pays? Le refus ne renvoie pas aux mêmes réalités dans les deux pays : En Suisse : difficultés à trouver une formation professionnelle au secondaire II En France : difficultés à se maintenir dans la voie générale au secondaire II AIOSP - jeudi 5 mai 2014 - Symposium L’orientation à l’épreuve de l’approche par les capabilités d’Amartya Sen

Quelle liberté de choix scolaire dans les deux pays? Caractéristiques des populations contraintes dans les deux pays : En Suisse : jeunes de la trajectoire professionnelle à exigences de base En France : jeunes des trajectoires technologiques et professionnelles mais aussi de la trajectoire générale avec études courtes Technologique c’est pour le refus en première, professionnelle c pour le refus en fin de 3ème AIOSP - jeudi 5 mai 2014 - Symposium L’orientation à l’épreuve de l’approche par les capabilités d’Amartya Sen

Quelle liberté de choix scolaire dans les deux pays? Les risques de subir des refus en Suisse : Pas de caractéristiques pré-disposant à subir un refus ou deux plutôt qu’un seul  refus liés aux difficultés structurelles d’accès à l’apprentissage Caractéristiques scolaires mais aussi sociales prédisposant à subir trois refus Sélection précoce augmente le risque AIOSP - jeudi 5 mai 2014 - Symposium L’orientation à l’épreuve de l’approche par les capabilités d’Amartya Sen

Quelle liberté de choix scolaire dans les deux pays? Les risques de subir des refus en France : De nombreuses caractéristiques prédisposant à subir un refus objectif, subjectif ou les deux refus Rôle déterminant de l’environnement familial à caractéristique scolaire donnée: exemple: connaître la procédure d’orientation diminue les risques de refus Particularité du risque de subir les deux types de refus: lorsque les parents jugent qu’un faible niveau d’éducation suffit, le risque de subir les deux types de refus diminue Quand les parents rencontrent peu les profs aussi AIOSP - jeudi 5 mai 2014 - Symposium L’orientation à l’épreuve de l’approche par les capabilités d’Amartya Sen

Quelle liberté de choix scolaire dans les deux pays? Ne pas subir de refus peut cacher des situations préférences adaptatives ! Des préférences adaptatives différentes en Suisse et en France En Suisse : certains jeunes entrant dans les dispositifs intermédiaires déclarent n’avoir subi aucun refus  difficulté d’entrer dans la voie professionnelle (forme d’auto-sélection rationnelle) En France : certains jeunes de milieux défavorisés peuvent avoir tendance à s’autocensurer  difficulté à former des choix scolaires ambitieux dans le cadre d’un système sélectif « préférences adaptatives » (Sen, 1992). Dans le cadre d’inégalités solidement implantés, les personnes dans des Cette forme d’auto-sélection peut paraître rationnelle en Suisse dans la mesure où elle révèle que les jeunes ont conscience des difficultés d’insertion dans l’apprentissage avec un secondaire I à exigences de base. situations de privation font ce qu’elles peuvent pour ramener leurs ambitions de vie à des objectifs « réalistes » et accepter leur sort avec résignation. AIOSP - jeudi 5 mai 2014 - Symposium L’orientation à l’épreuve de l’approche par les capabilités d’Amartya Sen

Discussion Système de sélection précoce (Suisse) VS sélection informelle et continue (France) Importance de la prise en compte du contexte sociétal : pas de système plus juste qu’un autreles contraintes ne sont pas les mêmes d’un pays à l’autre AIOSP - jeudi 5 mai 2014 - Symposium L’orientation à l’épreuve de l’approche par les capabilités d’Amartya Sen

Discussion Concernant la liberté de choix: En France différentes couches d’inégalités  hiérarchisation des inégalités (être contraint à très contraint) En Suisse  population la plus contrainte : jeunes du secondaire I à exigences de base en grande difficulté d’insertion dans la voie professionnelle AIOSP - jeudi 5 mai 2014 - Symposium L’orientation à l’épreuve de l’approche par les capabilités d’Amartya Sen

Discussion Rôle des professionnels de l’orientation dans l’accompagnement des jeunes : aider à la compréhension du système d’orientation aider à ouvrir le champs de possibles (les élèves pouvant s’auto-censurer) Aider à trouver des solutions pour les dossiers scolaires trop fragiles Même s’ils ne peuvent que composer avec un système produisant des situations injustes en amont (poids de la sélection précoce pour la Suisse, manque d’effectivité du tronc commun et système de différenciation pour la France) AIOSP - jeudi 5 mai 2014 - Symposium L’orientation à l’épreuve de l’approche par les capabilités d’Amartya Sen

Merci de votre attention AIOSP - jeudi 5 mai 2014 - Symposium L’orientation à l’épreuve de l’approche par les capabilités d’Amartya Sen