Damien Contandriopoulos GRIS et DASUM – Université de Montréal Présentation au conseil général de la FTQ Novembre 2008
Les mécanismes de financement du système de santé sont performants et équitables. Les dépenses sont relativement contrôlées et ne menacent pas la pérennité du système Le problème n’est PAS au niveau du financement, mais au niveau de l’organisation et de la production des soins
Les études scientifiques crédibles qui ont comparé la performance du système de santé canadien avec celui d’autres pays développés montrent que notre système n’est pas le plus mauvais... uniquement parce que les États-Unis sont là.
La vague de privatisation actuelle dans la santé n’est pas (encore) la cause des problèmes, mais plutôt leur symptôme Plus l’offre de soins est décevante (longue attente, qualité insatisfaisante, etc.) plus la pression sera forte pour permettre à ceux qui le peuvent de s’acheter des soins privés
Le Canada est de plus en plus manifestement le cancre des pays de l’OCDE en ce qui a trait à l’organisation de son système de santé
La question n’est pourtant pas quoi faire... Depuis 40 ans, trois commissions publiques ont déposé trois rapports qui proposent tous, à quelques virgules près, la même chose... L’abondante littérature scientifique sur le sujet confirme la validité des prescriptions des commissions
Abordable : Le système est en mesure de produire des soins avec un bon rapport coût/efficacité Efficace : Le système est en mesure d’avoir un fort effet positif sur la santé des populations et de soigner les individus malades en fonction des meilleures connaissances scientifiques et des préférences des patients Accessible : Tout le monde à accès aux soins sans égard à la maladie, au mode de vie, au lieu de résidence ou à la capacité de payer
Sa pierre d’assise est un système de cliniques de première ligne Une dizaine de médecins omnipraticiens qui travaillent en collaboration avec des infirmières Responsables d’une population donnée Financés par capitation (incluant des incitatifs de qualité et de performance) Offrant des soins accessibles 7 jours par semaine de 8h à 8h, du sans rendez-vous ou des rendez- vous dans les 48h
Les hôpitaux cessent d’être les points d’entrée du système et arrêtent de faire de la médecine de base pour se recentrer sur leur mission : les soins complexes et ceux qui demandent un plateau technique plus complet les vraies urgences La formation universitaire migre vers les lieux de pratique réels des futurs médecins Des incitatifs à la pertinence clinique sont mis en place
Pour centrer le système sur la première ligne, il faut... des omnipraticiens! « En 2007 [...] la proportion d’étudiants qui ont choisi la médecine familiale est de 35 % à l’Université de Sherbrooke, 33 % à l’Université Laval, 31 % à l’Université de Montréal et 19 % à l’université McGill. La proportion optant pour la médecine de famille tend vers 30 % contre 70 % pour la médecine spécialisée. » (Rapport Lamarche Pineault & Brunelle 2008 p.28) Renverser la proportion pour former 70 % de médecins en médecine familiale
« It is more lucrative to practise bad medicine than good medicine, particularly in family practice. See 80 basically healthy patients a day for five minutes and you’ll prosper. See 20 complex frail elderly patients and apply all of your learning and wisdom and you’ll make a modest income at best » (Lewis 2008)
Il y a relativement peu de médecins par habitant au Québec et il est donc particulièrement absurde de les mobiliser pour des tâches simples La délégation des actes simples aux autres professionnels (infirmières, sage- femmes, pharmaciens) permettrait de libérer les médecins pour les tâches à la hauteur de leur formation
Un seul dossier informatique par patient, à travers tout le réseau, complet, accessible en tout temps par tous les professionnels Permet une meilleure médecine Le professionnel a toute l’information On ne répète pas les mêmes tests Permet aussi d’analyser les coûts, les volumes et les résultats pour prendre de bonnes décisions systémiques
Principe de subsidiarité Si c’est plus efficace de centraliser, alors centralisons-le (par exemple gestion des listes d’attente au niveau régional; production des guides de pratique) Si c’est plus efficace de décentraliser, alors décentralisons (par exemple organisation des structures de première ligne selon le milieu)
Pourquoi rien de tout cela n’a été fait? Probablement parce que mettre en œuvre ces solutions est considéré comme politiquement impossible.
Sans une intervention politique sérieuse et rapide portant sur les quelques dimensions structurantes identifiées ici, les perspectives futures sont sombres...