FRACTURES INTRA ARTICULAIRES DU CONDYLE MANDIBULAIRE ASPECT EN IMAGERIE : A PROPOS DE 3 OBSERVATIONS PARTICULIÈRES K. MRAD DALI, M.OMMEZZINE, I. HASNI-BOURAOUI, W. GAMMAOUN, A. BELTAIEF, H. KHOCHTALI, K. TLILI. Hôpital Sahloul. Sousse
INTRODUCTION Les fractures intra capsulaires du condyle mandibulaire avec dislocation (type V de la classification de Spiessl et Schroll) sont rares, 14% des fractures intra capsulaires, Il s’agit le plus souvent de dislocation de la branche montante en avant, celle-ci est rarement latérale. Ils sont généralement associés à un traumatisme violent avec ouverture de l’arc mandibulaire. Le but de ce travail est de souligner à travers 3 observations particulières, l’intérêt du scanner, des reconstructions MIP et 3D dans le diagnostic, la classification et l’implication thérapeutique.
MATÉRIEL & METHODE Nous nous sommes référé à la classification de SPIESSEL & SCHROLL pour identifier les fractures chez nos 3 patients. cette classification se base sur : Le siège du trait de fracture La relation entre le fragment distal du condyle et la cavité glénoïde.
classification de SPIESSEL & SCHROLL Type I: fracture sous condylienne sans angulation, ni luxation . Type II: fracture sous-condylienne basse avec angulation Type III: fracture sous condylienne haute avec angulation Type IV: fracture sous condylienne basse avec luxation Type V: fracture sous condylienne haute avec luxation Type VI: fractures intra capsulaire
classification de SPIESSEL & SCHROLL
NEFF a encore détaillé le type VI de cette classification : Type VI A : déplacement de la partie médiale de la tête condylienne; dimension verticale conservée. Type VI B : fracture de la partie latérale du condyle avec raccourcissement de la dimension verticale Type V de la classification de SPIESSEL & SCHROLL
RÉSULTATS Nos patients sont âgés de 4, 16 et 53 ans, ils ont bénéficié d’un cliché panoramique et d’un scanner de la face. Il s’agissait pour deux cas, d’une fracture capitale du condyle associée à une luxation antérieure et de luxation latérale pour les deux autres observations, qui est plus exceptionnelle. Les patients étaient traités chirurgicalement par ostéosynthèse avec rééducation fonctionnelle.
CAS CLINIQUE N ° 1 Femme de 53 ans, ayant eu dans le cadre d’un poly traumatisme, un traumatisme facial avec trouble de l’articulé dentaire (fig.1), il s’agissait d’une fracture capitale unilatérale gauche et une dislocation du condyle en dehors de la cavité glénoïde (type VI B) associées à une fracture symphysaire droite déplacée (fig.2). La patiente est traitée par une ostéosynthèse de la fracture para symphysaire qui a réduit l’ouverture de l’arc mandibulaire et un traitement fonctionnel est appliquée pour le condyle. L’évolution est marquée par un bon articulé dentaire et une bonne ouverture buccale avec légère déviation mandibulaire à gauche, sans dysfonctionnement des ATM (fig.3).
Fig. 1 : Trouble de l’articulé dentaire initial avec latéro-mandibulie gauche Fig. 2a Fig. 2b Fig. 2 :Fracture capitale gauche avec luxation antéro-interne d’un fragment médial (Fig. 2 a ), dislocation supéro-latérale du ramus gauche avec raccourcissement de la dimension verticale (Fig. 2 b et c) Fig. 2c
Fig. 3 a Fig. 3 b Fig. 3 : Articulé dentaire (fig. 3a) et ouverture buccale (fig. 3b) un an post opératoire.
CAS CLINIQUE N ° 2 Jeune fille de 16 ans, présentant à la suite d’un AVP et dans le cadre d’un poly traumatisme, une fracture capitale bilatérale type VI A à gauche, associée à une fracture para symphysaire droite et angulaire gauche (fig.4). Elle a bénéficié d’une ostéosynthèse des deux fractures parasymphysaire et angulaire en réduisant l’ouverture de l’arc mandibulaire. Malgré un traitement fonctionnel bien entrepris l’évolution était marquée par l’apparition d’une ankylose bilatérale au bout d’une année. Une libération chirurgicale a permis une bonne ouverture buccale et un bon articulé dentaire. Cependant il persistait une petite déviation mandibulaire à droite (fig.5).
Fig. 4a Fig. 4b Fig. 4c Fig. 4d Fig. 4: TDM coupes axiales : fracture para symphysaire droite et angulaire gauche (fig.4a), fracture sagittale bi capitale (fig.4b) , TDM coupe coronale (fig.4c), reconstruction 3D (fig.4d) : fracture capitale gauche avec dislocation supéro-latérale du ramus
Fig.5a Fig. 5b Fig. 5a :coupe coronale fenêtre osseuse : Ankylose bilatérale des ATM. Fig. 5 b : Aspect post opératoire après libération des ATM : ouverture buccale à 35 mm avec petite latéro-déviation à droite.
CAS CLINIQUE N ° 3 Enfant de 4 ans victime d’un accident domestique, chute d’une hauteur de 1 m sur cage métallique, occasionnant un traumatisme cranio-facial avec fracture mandibulaire symphysaire et fracture luxation antérieure de l’ATM gauche (fig.6). Réduction par ostéosynthèse (plaque ) réduction de la luxation et réduction de la fracture (2 fragments intermédiaires) par plaques d’ostéosynthèse en bon articulée dentaire
Fig.6a Fig.6c Fig.6b Fig.6e Fig.6d Fig. 6: TDM coupes axiales : fracture para symphysaire gauche (fig.6a), fracture sagittale capitale (fig.6b) et luxation antérieure du condyle; fosse temporale vide (fig.6c). TDM coupe coronale (fig.6d), reconstruction 3D (fig.6e) : fracture capitale gauche avec dislocation supéro-latérale du ramus et déplacement du fragment médial.
Fig. 7: TDM de contrôle post opératoire : coupes axiale (fig Fig. 7: TDM de contrôle post opératoire : coupes axiale (fig.7a) et coronale (fig.7b) : réduction de la luxation et de la fracture.
COMMENTAIRES Les fractures du condyle représente 20 à 40 % des fractures de la mandibule. Ces fractures ne doivent pas être méconnues surtout dans le cadre de traumatismes complexes de la face en raison des complications fréquentes à savoir la perte de l’articulé dentaire et ankylose de l’articulation tempo-mandibulaire. Les fractures intra capsulaires ou sous condyliennes hautes avec dislocation du ramus en dehors sont rares (14% des fractures intra capsulaires)(1). Elles sont généralement associées à un traumatisme violent avec ouverture de l’arc mandibulaire. Dans ce cas, il existe une lésion du système capsulo-ligamentaire latéral. La TDM est d’un apport considérable permettant l’analyse précise des traits de fractures, des déplacements et des déformations.
COMMENTAIRES Les objectifs de l’imagerie sont La détection du ou des traits de fractures, des déplacements et si possible la classification du type lésionnel, La recherche des complications et des lésions associées extra-faciales (rachis cervical, encéphale en particulier). L’objectif final étant évidement d’optimiser la prise en charge du patient en fournissant toute information utile au chirurgien.
COMMENTAIRES L’examen est réalisée chez un patient calme, bien conditionné. Des reconstructions planaires sont réalisées dans les 3 plans de l’espaces, elles sont indispensables : Reconstructions axiales : parallèle au plan palatin ou bi spinal (passant par l’épine nasale antérieure et l’épine nasale postérieure), étendues du rebord alvéolaire maxillaire jusqu’aux sinus frontaux, Reconstructions coronales: perpendiculaires au plan bi spinal, étendue de la pyramide nasale à la partie postérieure du corps du sphénoïde, Reconstructions sagittales parallèles au plan médian ou para sagittal dans l’axe de la branche montante. Ces reconstructions apprécient les déplacements dans les 3 plans de l’espace, dénombres les fragments en cas de fracture comminutive et apprécient les fractures faciales et surtout mandibulaire associées.
COMMENTAIRES Les reconstructions surfaciques ou 3D avec rendu de volume Apprécie déplacement et degré de bascule, Visualise les déformations Modélise bien le site de l'ostéosynthèse et le choix du matériel Apportent une vue d’ensemble sur les déplacements osseux, les troubles de l’occlusion et de l’articulé dentaire.
COMMENTAIRES Dans les 3 plans, la symétrie droite gauche doit être la plus parfaite possible. Sur l’ensemble de l’examen doivent être analysés : Le point d’impact initial. Le trajet des traits de fractures, les déplacements permettant de préciser la morphologie générale du traumatisme et de le classer. L’IRM est préconisée dans le cas d’atteinte des parties molles de l’articulation temporo- mandibulaire associée (capsule, disque).
COMMENTAIRES Complications L'ankylose temporo-mandibulaire est fréquente particulièrement en cas de fractures comminutives de l'extrémité articulaire, ou les patients ayant eu une fracture articulaire sans rééducation (coma prolongé). Les cals vicieux sont assez fréquents et ne sont justiciables d'un traitement qu'en cas de répercussion sur la fonction mandibulaire (ostéotomie). D’où l’intérêt du suivie régulier de ces patients même à distance du traumatisme.
COMMENTAIRES La classification et le traitement des fractures du condyle mandibulaire sont des plus controversées. Pour les fractures intracapsulaires, le traitement classique est le traitement fonctionnel, vu les difficultés de réduction et de contention de la tête condylienne. Cette option n’est néanmoins pas dénuée de séquelles (ankylose, ADAM, douleurs….). Récemment, quelques équipes ont adopté, pour ces fractures, le traitement chirurgical avec 92% de réussite (1,2).
COMMENTAIRES L’ IAOMS consensus-conference de 1995 a recommandé le traitement fonctionnel pour toutes les fractures condyliennes hautes. Ce traitement permet d’obtenir un remodelage du néo condyle et donc un articulé dentaire correct et une ouverture buccale normale aux dépens d’une fonction d’adaptation neuromusculaire perturbée (déviation à l’axiographie). Pour Dongmei et al 2009 (1), les fractures intra capsulaires avec dislocation supéro-latérale du ramus en dehors de la cavité glénoïde surtout bilatérale est une indication absolue d’ostéosynthèse condylienne à cause de son potentiel ankylogène. L’ostéosynthèse est faite par voie prétragienne en utilisant des miniplaques vissées, des vis ou du fil d’acier. Néanmoins, il existe des difficultés techniques pour cette chirurgie avec un risque de nécrose avasculaire du petit fragment.
CONCLUSION : Les progrès des techniques d’exploration radiologique ont permis de dresser un bilan lésionnel précis des fractures intra capsulaires. L’imagerie a un intérêt certain dans le diagnostic de ces fractures très ankylogénes et qui bénéficient de plus en plus du traitement chirurgical. En effet, ces fractures surviennent généralement dans le cadre d’un traumatisme violent et sont souvent mal diagnostiqués du fait de leur complexité et de l’importance des lésions associées. L’ AOMS consensus-conférence recommande le traitement fonctionnel pour toutes les fractures condyliennes hautes, mais ce type de lésions imposent un traitement chirurgical qui à pour but la restauration du condyle osseux et de l’équipement capsulo-ligamentaire de l’ATM avec un suivie et une rééducation plus renforcée.
BIBLIOGRAPHIE He D, Yang C, Chen M, Jiang B, Wang B. Intracapsular condylar fracture of the mandible : our classification and open treatment J Oral Maxillo fac Surg. 2009 Aug;67(8):1672-9. Landes CA, Lipphardt R : Prospective evaluation of a pragmatic treatment rationale: Open reduction and internal fixation of displaced and dislocated condyle and condylar head fractures and closed reduction of non-displaced, non-dislocated fractures part II: High condylar and condylar head fractures. Int J Oral Maxillofac Surg 35:115, 2006 Bos RR, Ward Booth RP, de Bont LG: Mandibular condyle fractures: A consensus. Br J Oral Maxillofac Surg 37:87, 1999 Johannes Kleinheinz, Christophe Meyer Fractures of the Mandibular Condyle Basic Considerations and Treatment IBRA International Bone Research 5. Schimming R, Eckelt U, Kittner T (1999), The value of coronal computer tomograms in fractures of the mandibular condylar process, Oral Surg Oral Med Oral Pathol Oral Radiol Endod 87:632-9