Le redoublement Permet-il de résoudre les difficultés rencontrées au cours de la scolarité obligatoire ? Eric SONZOGNI. Cluses 2008
Des enjeux forts Parler de difficulté scolaire, de soutien, de redoublement ( maintien), d’orientation revient à s’interroger sur le parcours de chaque élève. Ce parcours ne devrait plus être défini comme une suite de décisions prises chaque année par l’enseignant de la classe. La responsabilité du parcours de chaque élève relève de l’équipe pédagogique entière: Pour chaque élève qui arrive au CP en difficulté, l’équipe entière devrait se mobiliser pour éviter qu’il ne soit encore en grande difficulté en fin de CM2! Et orienté en SEGPA… Eric SONZOGNI. Cluses 2008
Les équipes disposent de plusieurs leviers : Comment faire ? Les équipes disposent de plusieurs leviers : Différenciation dans la classe PPRE Prise en charge RASED Dispositif d’aide personnalisée (soutien dans le cadre des 60h de service) Stages de remise à niveau CM L’ensemble de ces dispositifs devrait permettre d’éviter le redoublement… Eric SONZOGNI. Cluses 2008
Pourquoi éviter le redoublement ? Précaution : Question qui prête à polémique car pratique culturelle profondément ancrée dans le système français. Avis du HCE (5 mai 2008) sur les nouveaux programmes : « Le Haut Conseil note que le projet de programmes reprend les trois cycles de l’école primaire. Il souligne toutefois que, si les cycles sont appelés à conserver une réalité pédagogique forte, les progressions annuelles qu’incluent les programmes pour le français et les mathématiques ne peuvent en aucune façon constituer une norme, les objectifs d’apprentissage restant fixés pour la fin du cycle. De tels repères annuels, expressément présentés comme tels, sont en revanche utiles aux professeurs des écoles pour bâtir une progression pédagogique et mettre en place précocement les soutiens dont certains élèves peuvent avoir besoin. » « Le Haut Conseil, rappelant que faire redoubler un élève en cours de cycle est contraire à la notion même de cycle, recommande de proscrire le redoublement en fin de CP, de CE2 et de CM1. Quant au redoublement en fin de cycle, il devrait n’être prononcé qu’en dernier recours. » Eric SONZOGNI. Cluses 2008
Au-delà des préconisations du HCE : Mais encore ? Au-delà des préconisations du HCE : De nombreuses études ont montré l’inefficacité du redoublement précoce Cette pratique a un coût : Psychologique pour les élèves Financier pour l’Etat. Eric SONZOGNI. Cluses 2008
Les sources… Avis du Haut Conseil de l’Evaluation de l’Ecole (HCéé) n°14 de décembre 2004 suite au rapport de l’IREDU (Paul et Troncin) Les apports de la recherche sur l’impact du redoublement comme moyen de traiter les difficultés scolaires au cours de la scolarité obligatoire En complément de l’Avis n°13 portant sur « Traitement de la grande difficulté scolaire au collège et à la fin de la scolarité obligatoire » Reprise du rapport de la DEP n°70 décembre 2004 (Education &formation) « Le redoublement au cours de la scolarité obligatoire : nouvelles analyses, mêmes constats » Eric SONZOGNI. Cluses 2008
Une pratique en diminution mais qui reste ancrée profondément dans le système éducatif français Quelques chiffres : Rapport OCDE 2008 France 38% de redoublants à 15ans. (moyenne OCDE 13,4%) Taux de retard à l’entrée au collège : 52 % en 1960 dont 18% avec deux années de retard ou plus 37,3 % en 1980 dont 12,5% avec deux années de retard ou plus 19,5 % en 2000 dont 1,2% avec deux années de retard ou plus Principale raison : la politique des cycles L’organisation du système éducatif français : Un groupe d’élève reçoit un enseignement simultané et doit suivre de façon aussi homogène que possible un rythme de progression fondé sur une succession de programmes annuels Pratique ancrée dans la « mentalité éducative française » mais pas universelle : de nombreux pays organisent la promotion automatique d’un même groupe tout au long de la scolarité et mettent en place des programmes personnalisés pour les élèves en difficulté Notre système produit une « filiarisation » de la scolarité d’une génération (enquête PISA 2000). Au même âge, en termes de performances, on retrouve 2 grands groupes homogènes Redoublants à performances particulièrement faibles Non redoublants correspondant à l’élite scolaire (meilleures performances de l’enquête) Eric SONZOGNI. Cluses 2008
Le redoublement est-il une seconde chance pour les élèves ? Contrairement à une idée reçue très répandue chez les parents et les enseignants , le redoublement n’est pas une seconde chance. Il est généralement nuisible au point de vue : Des progrès cognitifs De la motivation à l’égard de l’école De l’estime de soi…de l’ambition De l’orientation Eric SONZOGNI. Cluses 2008
Une étude menée entre début CP et début CE2 montre que : Le redoublement est-il efficace du point de vue des progrès de l’élève ? Une étude menée entre début CP et début CE2 montre que : A niveau de performances comparables en début de CP, les résultats des élèves 2 ou 3 ans plus tard sont comparables. Un élève faible ayant redoublé le CP n’obtient pas de meilleurs résultats – ou obtient des résultats moindres- qu’un autre ayant le même profil mais n’ayant pas redoublé. Ce constat signifie pour l’élève la « perte » d’une année. Eric SONZOGNI. Cluses 2008
Le redoublement est-il équitable ? Inéquitable car la décision de redoublement dépend beaucoup de l ’évaluation des élèves par les enseignants (cf diapositive suivante / Education & Formations n°70 Décembre 2004) L’enseignant ajuste ses critères d’évaluation au niveau de sa classe (un élève peut être considéré comme faible dans une classe de bon niveau ou inversement ) mais n’a pas de repères extérieurs susceptibles d’aider à situer le niveau des élèves. Inéquitable car le redoublement précoce est fortement corrélé au mois de naissance: On redouble d’autant plus qu’on est né en fin d’année civile Inéquitable car le bilan global montre que des différences non justifiées par le niveau des élèves existent selon les catégories sociales (au détriment des plus défavorisées) 47% des enfants d’inactifs arrivent en 4ème à l’heure 93% des enfants d’enseignants ou de cadres arrivent en 4ème à l’heure Eric SONZOGNI. Cluses 2008
Subjectivité du regard de l’enseignant En 2003, parallèlement à une évaluation standard portant sur la compréhension orale et écrite, il a été demandé aux enseignants de « noter » sur une échelle de 0 à 10, les résultats généraux des élèves maintenus en CM2 Eric SONZOGNI. Cluses 2008
Le redoublement affecte-t-il la motivation et les comportements des élèves ? A niveau de compétence égal, les élèves en retard sont moins motivés et se sous-évaluent . Le redoublement aurait tendance à décourager les élèves dès le plus jeune âge ( au lieu de les encourager à travailler comme les arguments en faveur du redoublement le prétendent) On a mesuré une nette démobilisation des élèves de CP qui redoublent par rapport à ceux qui passent de « justesse » en CE1 L’argument du « manque de maturité » : on y apporte une réponse en forçant l’enfant « pas assez mûr » à fonctionner avec un groupe plus jeune que lui! Eric SONZOGNI. Cluses 2008
Redoublement et orientation… Stigmatisation : L’enseignant note (implicitement) moins bien les élèves ayant déjà redoublé (à hauteur de 1 point sur 20) Les élèves en retard sont plus souvent orientés en filière professionnelle ( faible ambition, perception biaisée de leur niveau réel) 80 % des élèves admis en BEP ont au moins 1 année de retard 80 % des élèves « à l’heure » sont orientés en 2nde contre 30 % des élèves « en retard » : différentiel de 50 points de taux d’accès à la 2nde A niveau de compétences égaux, les élèves en retard, sous notés, moins ambitieux et plus souvent orientés en filières professionnelles apparaissent comme « triplement pénalisés » Eric SONZOGNI. Cluses 2008
Un argument régulièrement entendu Un argument fréquemment avancé est que le redoublement est nécessaire au bon fonctionnement de l’école, car il sert de menace. En l’absence d’une telle incitation, les élèves se « relâchent » et le niveau baisse. Si un tel argument était valide, on devrait rencontrer un niveau d’acquisition des élèves plus faible dans les pays qui ont renoncé au redoublement. Bien au contraire, les pays qui pratiquent la promotion automatique (assortie d’aide individualisée) sont en tête des classements internationaux (PIRLS et PISA) (Pour Information taux de redoublement à 15 ans FINLANDE = 2,8%. COREE =0,5% Source OCDE 2008) Eric SONZOGNI. Cluses 2008
Et le poids sur le système éducatif français ? Le redoublement pèse : Au niveau des évaluations internationales Les pays qui pratiquent la promotion automatique arrivent en tête (la dispersion de leurs résultats est moins élevée qu’ailleurs) Les pays qui pratiquent le redoublement affichent des résultats moyens plus faibles (la dispersion de leurs résultats est très importante) Au niveau du budget de l’éducation Chiffrage difficile mais estimation à 2 milliards d’euros annuels au minimum Eric SONZOGNI. Cluses 2008
En conclusion… Le redoublement à l’identique est à proscrire Faire redoubler, même avec un projet personnalisé doit rester une mesure exceptionnelle, de dernier recours. On rend plutôt service à un élève faible en ne le faisant pas redoubler : il ne sera sans doute pas parmi les meilleurs en fin de scolarité obligatoire mais il ne sera pas moins compétent –au contraire- que celui qui a redoublé Il ne se verra ni marqué ni stigmatisé par un retard Eric SONZOGNI. Cluses 2008
Et le Directeur dans tout ça ? En tant que responsable de la répartition des classes dans l’école, il peut : Proposer la création de cours doubles (CP/CE1 notamment ou GS/CP en école primaire) Proposer le suivi des élèves sur 2 années (on garde des cours simples mais on suit une cohorte d’élèves sur deux ans CP CE1 ou CM1 CM2) Il peut également: Veiller au bon fonctionnement des conseils de cycle (repérage des élèves en difficulté, mise en place des PPRE, aide personnalisée, stages) Veiller à l’information des familles (contractualisation et informations) S’appuyer sur les dispositifs d’accompagnement éducatif pour renforcer l’action de l’école Eric SONZOGNI. Cluses 2008
On ne pourra donc qu’être sensible aux propos de CRAHAY (1998, p10) : « Puisqu’il n’existe pas de preuve sérieuse de l’efficacité du redoublement, la profession enseignante devrait abandonner cette pratique comme jadis, les médecins ont délaissé les saignées et les purges. » Merci de votre attention Eric SONZOGNI. Cluses 2008