Innovation et société : acceptation et rejet des innovations

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Transcription de la présentation:

Innovation et société : acceptation et rejet des innovations Dominique Desjeux, Anthropologue 2004, Les sciences sociales, Que-sais-je?, PUF 2006, La consommation, Que-sais-je?, PUF Professeur à la Sorbonne (Université Paris-Descartes) Pragmaty Partner www.argonautes.fr CNAM, Paris le 30 10 2007

Invention, innovation et rugosités sociales Travailler sur les innovation comme anthropologue c’est : mettre à jour les forces qui vont jouer en faveur ou en défaveur de tel ou tel nouveau service ou produit Tout au long d’un itinéraire qui part de la R&D au sens large de lieu de production des idées nouvelles jusqu’à l’usager final Pour comprendre les problèmes non résolus dans la vie quotidienne et les usages des biens et services en situation

A l’échelle macro-sociale on peut analyser une innovation sans rugosité : la courbe épidémiologique Des innovateurs aux retardataires Retardataires Majorité tardive 1943, la courbe de diffusion du mâïs hybrid, Ryan and Gross (E. Rogers, 1962) Majorité précoce Adopteurs précoces Innovateurs

Invention technique et innovation sociale L’invention renvoie au fait de créer « quelque chose» de nouveau : une technique, un procédé, une méthode comme par exemple les «nanotechnologies », les NTIC, les produits cosmétiques, les services bancaires, les nouvelles formes de la distribution, les low costs… L’innovation, c’est le processus social par lequel cette nouveauté se diffuse en passant par la recherche, les entreprises et/ou les organisations publiques puis l’espace domestique (les usagers et consommateur) (Cf. l’analyse stratégique de Michel Crozier; N. Alter, l’innovation ordinaire, PUF; M. Callon et le CSI; Marc Giget)

L’anthropologie, une méthode d’observation situationnelle de l’innovation en action L’anthropologie sert à comprendre ce qui organise les décisions des acteurs en société dont l’agrégation constitue le processus d’innovation En se centrant aux échelle micro-sociales et meso-sociales sur : Les pratiques des individus et des groupes, plus que sur les motivations et donc sur ce qu’ils font réellement sous contrainte dans une situation donnée Les événements déclencheurs de l’usage Les normes et les codes sociaux qui influencent les individus Les objets matériels qui sont nécessaire aux pratiques du quotidien Les imaginaires qui donnent du sens aux pratiques 2

Comprendre la logique sociale des innovations, c’est : Découper ce qui explique le comportements des acteurs grâce aux échelles d’observation Analyser les pratiques des acteurs non pas comme un moment mais comme: un itinéraire dynamique dans le temps et dans l’espace à l’échelle micro et meso sociale et comme une suite d’étapes tout au long du cycle de vie Montrer la place de l’imaginaire et du sens dans la production et la consommation 3

Les échelles d’observation Echelle des appartenances sociales Strates, âge, sexes, cultures Macro-social Echelle des organisations et des systèmes d’action Meso-social Micro-social Echelle des espaces domestiques et des petits groupes Micro-individuel Echelle des Individus Échelle des « cellules » biologique

Liberté et échelle d’observation Echelle Observation Macro-social Micro-social « Déterminisme » Marge de manœuvre Maximum de liberté « Déterminisme » Micro-individuel Biologique

A l’échelle meso-sociale, comprendre l’innovation comme un processus social et comme une suite de tensions au sein de l’entreprise Dans l’entreprise il existe une tension entre deux formes de prise en compte du consommateur : Celle des usages, des pratiques et des rationalités sous contraintes qui est plutôt la focale d’observation de la R&D Celle de l’émotion, de la marque et de l’imaginaire/symbolique qui est plutôt la focale du marketing dans son versant communication publicitaire La méthode d’observation du client final ne relève pas que de la science, elle renvoie aux conflits de pouvoir au sein des entreprises. Qui contrôle l’accès à la compréhension du client final contrôle une forte zone d’incertitude vitale pour la survie des entreprises aujourd’hui. Cette zone d’incertitude varie en fonction des étapes de développement de l’innovation

Chercher la fenêtre de tir pour lancer une innovation au bon moment L’invention renvoie à la création d’une idée qui peut rester au stade de l’idée L’innovation c’est le processus social par lequel l’innovation se diffuse dans l’organisation et peut devenir un projet concret Lancer une innovation n’est pas un choix libre, c’est souvent une contrainte liée à : la mondialisation qui ouvre les marchés à la concurrence produite par la multiplication des usages inattendues « d’internet » au sens large Cette décision sous contrainte demande de faire collaborer d’autres acteurs de l’entreprise, de mobiliser des réseaux et de convaincre des décideurs d’allouer des ressources pour financer le projet innovant. Les décideurs et les autres acteurs sont eux-mêmes souvent débordés. Le nouveau projet peut augmente leur charge mentale et leur stress. La fenêtre de tir c’est à la fois sentir le bon moment stratégique pour placer son idée dans une réunion, dans la semaine, au début ou à la fin du mois sans augmenter le stress et sentir le moment où la solution est mure pour être proposée une fois que d’autres solutions ont échoué par exemple.

Observer d’où vient la menace ou la potentialité Une innovation peut venir de n’importe où Ex du Sénégal, des chinois et de FT « Les chinois sont sur les marchés africains » dans Le Courrier International, du 05.10.2006

La montée des BRICs Brésil, Russie, Inde, Chine Les PIB en Trillions de $ en 2050 (IHT, JULY 10, 2004)

La carte de mercator : l’Europe est au centre du monde

Nous ne sommes plus le centre du monde… Carte du monde vue par la Chine: un puzzle pour enfant

Mondialisation : comprendre les consommateurs dans leur vie quotidienne Photos D. Desjeux, 2006 Marché chinois: le quotidien, l’habitat, le bricolage Techniques de recueil de l’information : photos, entretien, histoire de vie centrée, observation, groupes Marché brésilien du cosmétique : publicité dans un supermarché pour une population culturelle spécifique Photos D. Desjeux, 2006

…Nous ne sommes plus tout seul : une demande d’enquête sur les marchés ethniques en France Un bazar moyen oriental à Barbés (75018) vendant un costume de père Noël en décembre 2004 Photos D. Desjeux, 2004

« Ethnic Business » et marché ethnique sino/asiatique Tang Frères alimentation Paris 13ème Boutique de change en chinois, vietnamien et thaïlandais Agence de voyage Photos Wen Wen, 2007, Magistère

Cosmétique et « whitening » : deux grands marchés ethniques en France Photos Olivier, 2007, Magistère

La méthode des itinéraires Elle peut être appliquée à deux échelles: A l’échelle meso-sociale pour comprendre les processus d’innovation en entreprise A l’échelle micro-sociale pour comprendre les usages des produits

A l’échelle meso-sociale : un grand système d’action de l’innovation dans lequel la mobilité joue un rôle clé Disribution Méthode Suivre un objet Mobilité Production Consommation innovation Environnement, déchets

Un système d’action à la fois condition et obstacle de l’innovation Importance des groupes de pression, des régulations politiques et du marché La mobilité est menacée par les coûts énergétiques qui eux-mêmes augmentent du fait de la compétition internationale des BRICs pour l’accès aux matières premières, à l’énergie et aux moyens de transports (bateau, camion, avion) dont l’utilisation est aussi conditionnée par les problèmes de pollution. Le cout de la mobilité touche la distribution à la fois en terme de quantité acheté par panier du fait de la ponction sur le budget et en nombre de déplacement (cf Wal Mart, TESCO et Leclerc en 2006)

De l’invention à l’innovation, un processus entre utilité et enchantement Quand un nouveau bien ou service se développe il passe par différents territoires de l’entreprises Souvent d’un objet ordinaire il devient un objet merveilleux : c’est le moment marketing/publicité/packaging Le marketing en interne de l’entreprise et la distribution en externe doivent mettre en place des dispositifs magico-religieux de transformation du bien vers un enchantement ordinaire ou merveilleux : c’est la transsubstantiation qui permet au processus social de l’innovation de continuer.

Les étapes d’un bien ou service : production, transformation, circulation, consommation, déchet Mise en scène ordinaire Mise en scène ordinaire R et D C & D Connexion Et développement Marketing Publicité Packaging distribution Achat rangement usage Déchet Remise en circulation Contestation Transsubstantiation Enchantement Le consommateur peut se retrouver très en amont du processus d’innovation

La transsubstantiation publicitaire comme moyen de passage à l’action : un animisme immanent La « messe de Bolsène » : le sang se met à couler de l’hostie ce qui « prouve » la transsubstantiation Photo D. Desjeux, 2005

La pensée magique moderne Disneyland, Paris 75014, 2003 Crédit Lyonnais, Paris 75018, Barbés, 2003 BNP, Nice 2003

L’enchantement de la distribution : il est d’autant plus fort que le consommateur est moins manipulable Victoria secret, USA, 2003 Mall, Israël, 2004 KaDeWe, Berlin, 2003 Publicité immobilière, Canton, 2001 Vic Photos D. Desjeux

Une mise en scène ordinaire Super market, Israel, 2004 Une mise en scène ordinaire France 93, Vide grenier, 2003 Cf. The social Life of Things, Appadurai, Kopitoff, 1986

Une mise en scène ordinaire (suite) Grande surface Babou, 93, 2002 USA, Home depot, 2001 La misturbeanisation, 2003, cf. O badot Israel, contrôle ordinaire, 2004

A l’échelle micro-sociale La méthode des itinéraires un moyen de repérer les problèmes non résolus, de comprendre les usages et les systèmes d’objets dans lequel le nouveau produit va s’encastrer Décrire les étapes Repérer les événements déclencheurs Chercher les occasions d’usage Faire ressortir les contraintes et les potentialités Faire des choix stratégiques de concept Traduction en nom et design

A l’échelle micro-sociale : La méthode des itinéraire d’usage ou la mobilisation successive du sens/imaginaire et de l’utilité 3 niveaux de pratique Imaginaire Social matériel Micro-social Itinéraire Décision Espace domestique Mobilité vers lieu acquisition Acquisition achat Soins du corps Rangement stockage déchets

Les dimensions matérielles, sociales, et culturelles de l’innovation Matérielle: la taille de l’espace domestique, le revenu de la famille, le système d’objets matériels, le temps disponible Social: conflits, coopération et transactions, stratégies et intérêts, codes et normes Culture: Imaginaire, religion, valeur, statut social, sens des objets Toutes ces dimensions jouent comme des contraintes et des potentialités tout au long du processus de diffusion des innovations: le bien ou le service rentre dans espace structuré comme la navette dans la couche d’air qui entoure la terre au risque d’exploser!

La dimension matérielle: exemple un espace restreint pour le rangement Comment faire pour ranger dans un espace limité : adopter un système collectif de rangement pour les 7 étudiants au lieu de placards individuels. L’acceptation d’un nouvel objet dépend autant de l’espace que de la culture Une chambre d’étudiant en 1997 à l’université des études étrangères du Guangdong

La dimension sociale 1 : le nouvel objet entre dans un espace structuré Dans toutes les cultures les objet techniques s’intègrent dans un espace domestique qui comprend trois normes qui organisent les usages des objets: public privé intime Les frontières entre ces normes peuvent à la fois être considérées comme des sftructures fixes et des phénomènes mobiles dans le temps.

Dimension sociale 2 : prescrire, permettre, ou interdire l’usage de l’objet L’usage d’un objet dépend des normes socials en vigueur. Ces normes sont plus ou moins formelles en fonction des cultures. Ces normes existent avant que l’objet soit acquis et utilisé, mais elles peuvent changer si l’usage de l’objet change. Les règles sociales peuvent être ausi transgressées. L’usage des objets est encastré dans des contraintes sociales.

Dimensions social 3 : Les objets sont mis en valeur de trois façons En public 2000, USA, exposer le drapeau américain devant sa maison Exposé Montré de façon visible Caché 2004, Israel, l’arme est portée en faisant de courses (achat de bijoux) 2003, Algérie, cacher les cheveux

2004, Israel, la Mesouza signe religieux exposé à côté de la porte. En privé 2000, USA, casserole en cuivre Exposées dans la cuisine 2000, France Post-its et notes visible dans l’entrée

La communication sociale prend différentes formes: Dimension social 4 : les objects sont utilisés pour exprimer la proximité ou la distance sociale La communication sociale prend différentes formes: face à face téléphone lettres e-mail fax Post-its sms 2001, France, pancarte d’autoroute, rester loin des autres 2003, USA, téléphone fixe, carte de téléphone, se rapprocher

Un salon chinois (espace public) avec: Dimension culturelle : l’organisation des frontières peut être réinterprété en fonction des cultures Un salon chinois (espace public) avec: Un réfrigérateur Un micro-onde Un buffet Une télévision Dans un salon occidental les réfrigérateurs sont le plus souvent dans la cuisine (espace privé), sauf s’il y a un manque de place, comme pour les jeunes

Dimension culturelle : un autre exemple de réinterprétation de l’usage entre deux cultures Salle de bain américaine et française : Le papier toilette est rangé dans un espace privé En Chine le papier est rangé dans le salon, un pièce publique et son usage à changé

Ethnomarketing et imaginaire L’ethnomarketing (D. Desjeux, 1990) est une application de l’anthropologie à la consommation et aux processus d’innovation. Elle cherche à : Comprendre les sens de l’imaginaire Comprendre l’imaginaire comme structure (ce qui est stable) Comme dynamique les cycles de vie les itinéraires d’usage Montrer les liens problématiques entre imaginaire et pratiques sociales

Distinguer dans les représentations Perception: comment je vois l’objet ou le service Opinion: mon jugement (j’aime ou j’aime pas) Imaginaire le signe ou l’image symbolique qui signifie l’émotion ou le sens

Les imaginaires anthropologiques de la consommation Une fonction identitaire (image de soi) Une fonction de mise en scène sociale (distinction, décoration) Un moyen de passage à l’action (choix, décision) Grâce à la fonction d’enchantement symbolique de la réalité architecture de la distribution (cf. ci-dessous) transsubstantiation publicitaire

Une fonction identitaire Londres, janvier 2004 (soldes) Inspiré de Barbara Kruger, 1987) Photo D. Desjeux

Une fonction de mise en scène sociale USA, 2000, mémoire familiale dans la cuisine USA, 2000, J Wayne (living) Powell (Bureau) USA, 2000, salle à manger « exposition »

Un moyen de passage à l’action ou de résistance imaginaire messianique :annonce d’un monde nouveau, merveilleux et sans ombre Imaginaire apocalyptique : annonce d’un monde de catastrophe Internet et les NTIC La marque Les low costs

Exemple : les puces électroniques dans le corps Les objets communicants se rapprochent du corps Aujourd’hui passage d’objets nomades, première « génération » d’objets communicants, à des objets à porter sur soi, deuxième « génération » vers des objets intégrés au corps troisième « génération » Plus l’objet est prés du corps, plus l’acceptabilité est problématique, plus elle crée d’angoisse (Enquête réalisée en 2000, par D. DESJEUX, Laure CIOSI-Houcke, Aude HEYDACKER, Pauline MAREC, Cécile PAVAGEAU, Nina TESTUT, Sandrine VILLE)

L’incorporation des objets: le corps entre zones taboues et zones tolérées D’après le discours des interviewés, la peau constitue une frontière entre l’intérieur considéré comme sacré et l’extérieur comme profane La tête, le ventre, le sexe sont globalement ressenties comme menacés par une incorporation. Cette frontière peut être franchie en fonction de : l’utilité de l’objet et principalement la santé (œil ou oreille électronique) l’acceptabilité de ses caractéristiques physiques

Les angoisses de l’incorporation de l’organique et du synthétique Si l’objet communicant est en matière organique : peur d’une autre vie en soi (image de l’alien) Si l’objet communicant est en matière synthétique : peur de devenir un homme machine (image du robot et du surhomme) En effet incorporer un objet implique dans l’imaginaire une incorporation de ses propriétés (cf. Fishler/alimentation; Belk/chaussure; Desjeux/animisme et marketing) L’incorporation peut menacer l’identité de l’individu

Les quatre grandes peurs de l’incorporation La peur de l’irréversible : peur de transformer la nature humaine sans pouvoir revenir en arrière La peur de ne plus être unique par la standardisation : La normalisation des capacités humaines qui entraîne une potentielle uniformisation des individus La peur de devenir un objet par la « marchandisation » des capacités humaines La peur de perte de contrôle et d’autonomie : La manipulation, la perte du libre arbitre et de la liberté de penser

Entreprise, distribution, espace domestique et environnement : la multiplication des lieux de production des innovations à l’échelle mondiale Le constat central est qu’un nouvel objet une nouvelle pratique entre dans un espace déjà très structuré socialement par les normes et la culture Et que cette espace est aussi un espace de transaction et d’innovation C’est l’observation de ces pratiques structurées et en émergence qui participe au processus d’innovation autant que celui qui est engagé dans l’entreprise.

Les effets de cycle de vie le sac pour les filles Les vêtements pour les jeunes Le maquillage pour les filles

Méthode : grille d’observation Repérer les objets et de leurs usages, en fonction des étapes des cycles de vie qui s’organisent fortement autour des cycles scolaires Leur matière : tissus, cuir Leur « forme » : cartable, sac; pernod, bière; Les usages : esthétiques, utilitaires, mixtes ; mono-usages, multi-usages Les fonctions sociales : intégration, transgression Les moments : le jour, la nuit (alcool) Les événements déclencheurs : fête, changement d’école, crise familiale, etc. La place de la marque : forte, faible Généralisation de la diversité des pratiques possibles (en général trois à quatre sur un continuum) les frontières ne sont jamais strictes (comme entrer fin du lycée et université) Les résultats ne sont valides que pour des groupes sociaux proches (la généralisation limitée)

CAS N°1 : le sac des filles 6ème étape Le travail Le sac et la serviette en cuir, comme différenciation des genres 5ème étape L’université Apparition de deux usages : sortie et cours, du cuir (et chaussures à talon) Plus petite taille du sac, marque moins exhibées 4ème étape Le lycée Eastpack (Nike, Adidas) La domination de la marque liée aux pairs et signes perso Mais stigmatisation des autres 3ème étape Le collège Fin du cartable qui fait enfant. Forme: sac à dos/sac en bandoulière Signe d’appartenance au groupe de pairs Usage : école et sorties entre amis Matière souple; sortie/école, 2ème étape École primaire Forme rectangulaire Matière : rigide Usage utilitaire plus fort L’importance de la marque augmente 1ère étape Ecole maternelle Matière Fonction Usage Forme La marque Objet transitionnel suite de la peluche La marque commence à jouer un rôle Usage utilitaire faible Etapes CAS N°1 : le sac des filles

les signes du corps, de la transgression à la conformité Les étapes de la jeunesse à l’étape adulte sont ponctuées par deux sortes de marquages Les marques sociales modulables: le vêtement, les cheveux ou la barbe, le piercing, les accessoires (bijoux, casquette puis chapeaux, ceintures, chaussures, objets de la communication – téléphone, agenda, Hi Fi, ordinateur, play station) Les marques indélébiles: le tatouage En entrant dans le mode du travail les marques modulables vont pour la plupart évoluées D’après A. Guillot, 2004, De l’adolescence au monde du travail : changer de tenue, Paris 5, Sorbonne (sous la dir. de D. Desjeux)

L’évolution des marquages du corps: l’abandon de tout ce qui fait jeune, ado et donc désordre Les cheveux de très long ou de la « boule à zéro » deviennent courts. Fin des couettes pour les filles. Plus de cheveux teintés La casquette « américaine » est abandonnée Faire pousser une barbe ou un bouc pour faire plus vieux ou plus viril Passage au maquillage discret pour les filles voir pour les hommes Les piercings visibles disparaissent Les vêtements deviennent « classiques »: les jeans sont remplacées par des pantalons de fille ou des tailleurs Les baskets disparaissent Une partie de tous ces abandons pourront revenir le week end ou les « casual fridays »

Le cycle de vie des pratiques de maquillage Étude qualitative exploratoire auprès de 60 étudiantes à Paris sur le cycle de leurs objets personnels, 2005, D. Desjeux Objectif : faire apparaître la diversité des pratiques et du rapport à la marque

Le cycle du jeu entre 6 et 10 ans, à l’école primaire Le maquillage symbolise la féminité et l’attrait pour l’âge adulte. Les petites filles peuvent se déguiser et vivrent ce moment comme un rite d’inversion des pratiques adultes, comme un carnaval. Tout ce qui peut rappeler la séduction relève de l’interdit ce qui ne veut pas dire que les petites filles ne jouent pas avec les frontières de la transgression Celles-ci se jouent avec les parties du corps sur lesquelles le maquillage est prescrit, autorisé ou interdit. Certaines ne se maquillent que les yeux, d’autres se maquillent aussi les lèvres ou d’autres les joues « pour ressembler à une indienne. » Le matériel de maquillage appartient à la maman

Le cycle de la transgression : l’entrée au collège La deuxième étape est celle de l’entrée au collège. Pour certaines le maquillage est frappé d’un interdit parental fort et « aucune de mes copines ne se maquillaient. » Des pères expriment un fort interdit. Certaines mères acceptent le maquillage de leur fille mais en leur imposant des limites de discrétion. Pour d’autres c’est l’époque des premières permissions de sortie, des « soirées pyjamas » et le début du maquillage en cachette. Pour celles qui se maquillent c’est le début de l’acquisition de son propre maquillage. Il est acheté avec son argent de poche. C’est le début de l’autonomie par rapport à la famille mais l’entrée sous contrôle du groupe de pairs.

Le collège: une pratique encore occasionnelle Elle se limite pour certaines aux week-ends. C’est une époque de tests, voire de pratiques provocantes et d’achats de produits les moins chers possibles : « la plupart n’avait même pas de marque. » Certains lieux d’achat sont privilégiés comme Monoprix ou Sephora. La pratique du maquillage peut se limiter aux yeux avec du fond de paupière et du mascara. La salle de bain et la chambre sont les deux lieux protégés du maquillage A 14 ans « nous avons toutes acheté le Rouge Pulp de l’Oréal qui était à la mode et dont la publicité était partout. » La circulation des produits favorise l’intégration au sein du groupe de pairs et la construction de la féminité. L’intérêt porté à la marque dépend en fait de l’intérêt que le groupe lui porte ou non.

Le cycle de la séduction: le lycée Le maquillage change de sens, il devient un moyen de séduction. « En 1ère, à 16 ans, avec ma meilleure amie on passait des heures à se maquiller lorsqu’on avait rendez-vous avec des ‘copains’. » Pour attirer les garçons il faut un maquillage voyant, « alors on y va à fond. » Pour certaines c’est le début du fond de teint et surtout du rouge à lèvres, un objet important de signe de passage entre l’adolescence et la jeunesse. Il est un signe fort de féminisation. C’est une période importante de catégorisation et de stigmatisation entre groupes de pairs, entre les « babas », les « grunges » ou les « fashion victims » qui se maquillent trop, par exemple. Le groupe de pairs détermine la marque à acheter ou la fin des marques : l’Oréal, Bourgeois ou Nivea. « Arrivé au lycée, j’abandonne tout maquillage puisque mon groupe de référence est ‘grunge’. La tendance est donc au naturel. »

Le cycle de la discrétion : l’université et l’entrée dans la vie professionnelle Pour une partie des jeunes filles, c’est une période qui perd pour objectif de paraître provocante car la norme de groupe change. Au niveau des vêtements c’est une étape où la marque disparaît pour certaines Pour une partie des jeunes, c’est une période fortement anti-marque. Ce sont eux que l’on retrouve en partie dans les mouvements anti-publicitaires.

Valorisation du maquillage par la marque et le prix les sorties en soirée sont plus importantes. Il faut à la fois séduire et se sentir belle. C’est pour certaines le moment de la première vie de couple. Le maquillage devient plus « personnel » mais la norme de groupe reste aussi contraignante, c’est celle de la discrétion. Pour certaines, les couleurs se font moins voyantes car l’intérêt pour les garçons demande un « maquillage discret et léger. » Les pratiques se routinisent. La pratique peut devenir quotidienne. Le prix des produits et leur qualité augmentent. Pour certaines c’est même leur mère qui leur offre leur premier produit de marque. Le maquillage devient permis ou prescrit.

Spécialisation des usages un maquillage léger de jour un maquillage « plus marqué et plus lourd en soirée », avec du gloss sur les lèvres et des paillettes sur les joues. Se maquiller les lèvres, et pas seulement les yeux, est vécu par certaines comme un signe d’aboutissement, une sortie de l’adolescence pour entrer dans l’âge adulte. C’est même dans certain cas l’étape où le maquillage disparaît presque ou en tout cas devient occasionnel. Dans la vie professionnelle, « éviter le trop » : Trop court (jupe) Trop maquillé Trop de bijoux Trop décolletée (Cf; Enquête Interelles, Magistère de sciences sociales Sorbonne, direction D. Desjeux, S. Alami, 2005)

Conclusion L’approche anthropologique ne part pas des motivations des individus ou de la qualité en soi des biens et services Elle cherche à comprendre le jeu social fait de matériel, de social et d’imaginaire dans lequel ils vont s’encastrer Pour montrer la place qu’ils peuvent occuper sous contrainte de ce jeu social Pour faire émerger les innovations potentielles à partir des problèmes non résolus des usages de l’espace domestique Merci pour votre attention