MOOC “Ebola : vaincre ensemble !” Perception du risque d’Ebola Dans les pays développés encore indemnes Michel Setbon Directeur de recherche émérite CNRS France
Ebola : une menace nouvelle Quand une nouvelle menace comme Ebola émerge dans notre monde globalisé, chacun l’évalue avec les moyens dont il dispose Cette “boite à outils”, la seule dont nous disposons face à l’inconnu est la perception du risque (PR) Il nous permet de nous construire une représentation de la menace L’importance de la PR tient dans sa capacité à déterminer nos réactions émotionnelles, comportementales et sociales
La perception du risque face à une menace inconnue On peut définir simplement la PR comme la croyance en la survenue de dommages éventuels, mix d’infos de toutes origines et d’émotions suscitées par la menace Son intensité est d’autant plus élevée que la menace est nouvelle (inconnue) et effrayante La PR se distingue du risque objectif (observé) : le public exposé peut percevoir un risque comme élevé alors que celui-ci peut être objectivement très faible (maladie de la vache folle) … et vice versa D’autant plus vrai que le risque est émergent et la connaissance de ses paramètres instable et évolutive
Une menace perçue venue d’ailleurs aux caractéristiques inquiétantes Ce qui est sûr : elle entrera par les frontières Mortalité élevée, pas de traitement efficace Ce qui est moins sûr : Les voies de transmission : fluides corporels, contact, ??? Durée d’incubation ? non contaminante ? Sources de défiance : des “autres”, des autorités sanitaires et des experts
Une menace qui peut déclencher une épidémie… de peurs !
La place de la peur dans la PR La peur, réaction émotionnelle face au risque, est l’un des composants-marqueurs de la PR Ainsi, plus les personnes exposées à une menace sont inquiets d’en être la cible, plus leur perception du risque est élevée Une PR élevée est souvent le 1er facteur d’adoption de comportements protecteurs Mais cela à la condition que les personnes disposent de mesures protectrices utilisables et qu’elles percoivent ces mesures comme efficaces et acceptables Par exemple lors de la pandémie A/H1N1, plus la PR était élevée plus les individus se protégeaint en se vaccinant contre la grippe ou lors de la maladie de la vache folle cessaient de manger de la viande bovine C’est la face vertueuse de la peur
L’autre expression de la peur Il s’agit de la peur de l’autre, réaction émotionnelle présente lors de l’émergence d’une nouvelle épidémie Le risque perçu ne porte pas (encore) sur le virus mais sur celui ou ceux qui risquent d’en être les invisibles porteurs Déjà, et alors que les cas d’Ebola recensés dans le pays développés sont rarissimes, émergent des demandes sociales de “mise à distance de la menace venue d’ailleurs” L’épidémie de peur pourraient se diffuser à la moindre étincelle et devenir le problème central, reléguant le risque objectif d’Ebola au second plan C’est la face sombre et socialement destructrice de la peur !
Quelle pourrait être la (bonne) stratégie des pouvoirs publics face à la menace Ebola ?
Rassurer ? Comment communiquer sur une menace inexistente (pour l’instant dans les pays développés) mais possible ? Rassurer en affirmant qu’il n’y a pas de cas (encore) identifié et qu’on dispose des meilleurs moyens pour faire face à un ou plusieurs cas ? Mais pouvoir gérer un ou plusieurs cas d’Ebola entrant par les frontières ne dit rien sur “comment SE protéger “ Car à la différence de la grippe pandémique de 2009, tout repose sur l’efficacité des moyens de détection des personnes porteuses du virus, qu’elles soient ou non symptomatiques Individuelllement on ne sait pas ce qu’il faut faire !
Inquiéter ? Prendre au sérieux la menace Ebola dans les pays développés revient à se préparer à sa diffusion sur le sol national C’est ce qui avait été fait pour anticiper la menace représentée par la grippe aviaire H5N1 à travers le concept de preparedeness Mais là les facteurs de risque étaient assez bien identifiés (volailles, oiseaux, etc.)… et elle n’a pas eu lieu ! Or on sait bien que préparer la population au risque d’Ebola entraîne une montée de l’inquiétude et que pour que la peur soit vertueuse, ellle doit s’accompagner de mesures de protection… qui devront être perçues comme protégeant bien ! Alors comment communiquer et sur quoi ?
La communication sur le risque
Une communication difficile Communiquer dans un contexte changeant et confronté aux réseaux sociaux (rumeurs, assertions sans preuves, etc.) n’est pas sans danger Objectif : anticiper les réactions sociales pour les réduire face au passage de la menace au risque Ebola (cas identifiés) Car la demande sociale sera très forte lors de son émergence pour exiger d’être (mieux) protégé ! Déja aux USA émerge une demande sociale… d’en faire plus avec des effets potentiels politiques, sociaux et économiques Et certains pays le font en l’absence de cas !
Trois principes 1er principe : on ne peut bien communiquer sur un risque que si on sait comment il est perçu par la population exposée 2ème principe : la PR étant évolutive, il est nécessaire d’en suivre la fluctution face aux multiples évènements imprévisibles qui en modifient l’intensité, la distribution et les déterminants 3ème principe : les réactions sociales pilotées par la PR sont toutes aussi déterminantes sur le cours d’une épidémie que le virus lui-même
Conclusions Savoir avant d’agir Etre flexible face à une situation aussi imprévisible que mouvante Prendre au sérieux la perception du risque et ses conséquences