Christian THUDEROZ Centre des Humanités SOCIOLOGIE DE LA DECISION (3) Décision dans les groupes et décision négociée Christian THUDEROZ Centre des Humanités
Un décideur donné (pas un ectoplasme. …) Un décideur donné (pas un ectoplasme*…) * Forme visible produite par des médiums en état de transe, Dictionnaire Hachette) La décision = toujours tributaire du présent et du passé d’un décideur donné. La décision = le produit - d’un effet de position (sa décision dépend de sa position dans une organisation et donc de son accès aux informations pertinentes) - d’un effet de disposition (sa décision dépend de ses dispositions mentales, cognitives, affectives, et qui sont, en partie, pré-formées par sa socialisation passée). Donc :
Donc… 1) étudier le contexte de prise de décision (ses conditions sociales et organisationnelles : règles et procédures, équilibres de pouvoir et systèmes d’alliance, perception du problème par les décideurs, etc.) Exemple : les travaux de G. Allison, sur la crise des missiles à Cuba en 1962
Les travaux de Georges Allison (1971) sur la crise de Cuba 1962… Comment expliquer la décision de JFK (un blocus naval de Cuba) ? Paradigme 1 : un action, motivée par une finalité, d’un gouvernement, évaluant une solution, appliquée à un problème stratégique… Paradigme 2 : P1 = Trop simplificateur ! En fait : le gouvernement =) conglomérat d’organismes et d’institutions non homogènes, faiblement coopératives, et dotées d’histoire propre… Il y a des « sous-systèmes gouvernementaux », coordonnées par des « leaders »…
Allison, suite… Paradigme 3 : Possible de déconstruire encore plus les organisations et la décision de JFK : les « leaders » = des individus hétérogènes, engagés dans d’importants jeux de négociation et d’alliance, dotés de multiples intérêts et manières de penser le monde (et eux-mêmes…)
Qu’est-ce que la dissonance cognitive ? Et… 2) expliquer les préférences des décideurs, celles qui génèrent les critères de satisfaction leur permettant de choisir entre diverses options. Exemple : les travaux de L. Festinger sur la « dissonance cognitive »… Qu’est-ce que la dissonance cognitive ?
Une « dissonance » = un hiatus, un conflit… …entre plusieurs croyances, ou connaissances d’un individu, sur un contexte, sur lui-même, ou sur son comportement… Devant une dissonance, on peut modifier ses valeurs, ou son comportement... ou la situation ! Les préférences ne sont donc pas précises et figées, mais multiples et ambiguës ; Elles sont adaptatives et soumises à des modifications exogènes, ou à des manipulations volontaires ou involontaires.
Exemples… « Fumer provoque le cancer ». Que dois-je décider face à cette « dissonance cognitive » (« j’adore le goût de la cigarette mais je sais que cela ruine ma santé ») ? Quelle sera ma préférence ? Que faire : accorder aux salariés ce qu’ils revendiquent (dans ce cas, je cède, perdant de mon autorité) ou ne pas leur accorder (je ne cède pas mais la grève se déclenche…) ? ( = Le dilemme du manager…)
2. La prise de décision dans les groupes COMMENT SE PRENNENT LES DECISIONS DANS LES GROUPES ? Thèse classique : lors d'une prise de décision, les groupes adoptent des choix plus risqués que les individus = le groupe favorise la dilution des responsabilités
Thèse de Serge Moscovici et Willem Doise : Non, dans un groupe, les individus s'engagent plus et radicalisent leur opinion = processus dit « de polarisation » La décision en groupe provoque un renforcement des options initiales. Si les individus sont initialement favorables à l’option X, ils le sont encore plus après…
FAUT-IL ETRE D'ACCORD POUR PRENDRE UNE BONNE DECISION ? Thèse défendue par Doise et Moscovici : "Les groupes les plus cohérents dans leurs décisions sont aussi ceux dont les membres sont le plus opposés et en conflit entre eux » Comment expliquer cela ?
(d’où l’intérêt des forums hybrides…) Réponse… Plus les options individuelles sont variées, plus la confrontation est importante entre elles et plus la reformulation du problème peut devenir explicite. Et une fois la décision prise, elle est défendue par tous, comme leur propre position… (d’où l’intérêt des forums hybrides…)
3. Ce qui induit la nature d’une décision : La nature des problèmes à résoudre Le type de solutions disponibles Le type d‘acteurs qui participent à la préparation de la décision Le type d‘acteurs qui appliquent la décision La division du travail en vigueur dans l’institution décisionnelle Les procédures qui gouvernent les tâches des uns et des autres Les circuits d’information disponibles La rigidité du contexte organisationnel auquel le décideur se confronte L’ambiguïté des missions et des actions de l’institution
4. La décision négociée : avantages et limites DN = Un processus collectif de décision conjointe (une convention, ou un accord d’entreprise = un contrat + une règle ) La négociation d’entreprise comme un processus décisionnel normatif… …et collectif : des employeurs + des représentants des salariés qui décident ensemble des règles du travail ! Cela permet une concertation appropriée à des situations locales que le droit légal ne peut initier
La décision négociée…(2) … se tient au plus près des événements productifs Elle est adaptative (inventer des réponses rapides...) Elle possède plus de force exécutoire : - l’inobservation de la règle décidée par une partie permet à l’autre de se désengager - donc un coût à ce non respect - d’où une surveillance mutuelle entre protagonistes, s’octroyant un droit de contrôle l’un sur l’autre…
La décision négociée…(3) … est mieux respectée car des sacrifices ont été consentis, des prétentions abandonnées Il y a connaissance mutuelle du sacrifice de tous C’est donc une décision plus légitime : - La responsabilité des décideurs est engagée, et chacun doit, sous le regard de l’autre, l’assumer - Pas de comportement totalement opportuniste (car durée des échanges et reproduction de la relation d’échange)
La décision négociée…(4) Les préférences des décideurs peuvent être stabilisées et régulées dans la négociation De nouvelles informations peuvent s’échanger Réduction des coûts de collecte d’information et de son traitement Des alternatives et des scénarios multiples peuvent apparaître C’est une décision « en vue d’une action », produite sur la base d’un échange d’arguments et d’un effort mutuel de conviction.