LA CONSTRUCTION DU NOMBRE Développement qui fait suite à la conférence de Michel VINAIS du 17.11.2010 Catherine WAECKEL-DUNOYER
La numération (ordinalité) 1 Cadrage 2 Progression LeS PROCedures de quantification (cardinalité) 3 Cadrage 4 Progression
1 La numération : cadrage 1.1/ Les 2+1 systèmes de numération 1.2/ La chaîne numérique verbale et ses 4 niveaux d’élaboration 1.3/ La chaîne insécable et ses 3 zones différentes 1.4/ Les préalables à la construction des données numériques : quelques repères, le mur du 4, le zéro, les activités logico-mathématiques.
1.1 / Les 2 systèmes de numération écrite totalement différents Numération mot Numération chiffre Nb de symboles 25 mots 10 chiffres Algorithme Non algorithmique Parfait et constant Répétitif et récursif (période qui évolue suivant un paramètre) Base Pas de base Base 10 Le zéro Pas d’oralisation Systématique et fondamental Valeur positionnelle Suite de mot nombre donne souvent un nombre : ex : Quatre vingt six Mais ce n’est pas forcément le cas : ex : Trente douze Suite de chiffre = 1 nombre dans tous les cas Ordre de grandeur Nombre de mots sans lien avec la grandeur Nombre de chiffres en lien avec la grandeur Danger : ne pas appuyer la numération chiffre sur la numération mot.
Système qui a deux signifiants symboliques « 5 » et « cinq » +1 système numérique oral correspondant aux 2 systèmes écrits La chaîne numérique verbale Système qui a deux signifiants symboliques « 5 » et « cinq » Pour un même signifié oral [sink] Et un même signifié quantité XXXXX Attention aux appels que l’on fait d’un système à l’autre ! Attention bien identifier cardinalité ou ordinalité : la construction de la chaîne est uniquement dans l’ordinalité, les problèmes mettent en œuvre la cardinalité. Danger : les premiers nombres sont les chiffres-nombres : attention au vocabulaire employé !
1.2 / La chaîne numérique verbale et ses 4 niveaux d’élaboration La chaîne chapelet (avant 3 ans) Un savoir par cœur inutilisable, un groupe de souffle monobloc, sans représentation mathématique « Undeuxtroisquatrecinq » La chaîne insécable (maternelle) Chaîne dont la segmentation et sa liaison aux quantités sont conscientes mais qu’on ne peut pas encore dissocier. L’élève est toujours obligé de repartir de 1 (au moins en parlant doucement) « Un deux trois quatre cinq… » La chaîne sécable C’est quand l’enfant peut établir des liaison numériques à partir de n’importe quel nombre de cette chaîne, dans sa zone stable et exacte. La chaîne terminale (ou dénombrable) (fin GS/CP/CE1) Chaîne totalement malléable et complètement automatisée : elle est utilisable dans tous les sens, il n’y a plus de problèmes pour circuler dans cette chaîne.
1.3/ zone stable et exacte : revient dans plus de 80% de ses énonciations. zone stable inexacte : revient dans plus de 80% de ses énonciations mais elle est non conventionnelle et peut même avoir des retour. Il peut y avoir des reprises de la chaîne connue. zone non stable et inexacte : l’élève prouve au moins qu’il sait que ça continue, mais il ne sait pas comment. L’apprentissage se fait par imprégnation et mémorisation. L’hétérogénéité la favorise. Attention les passages à la dizaines sont à donner régulièrement aux élèves : pas à construire mais à savoir. Toutes les activités de dénombrement et de problème qu’on va mener doivent se situer dans la zone stable et exacte.
1.4 / Les préalables à la construction des données numériques Quelques repères Le mur du 4 Le zéro Les activités logico-mathématiques
Quelques repères On ne parle pas de chaîne numérique avant le 4, lorsque l’enfant a passé le « mur du 4 ». L’acquisition de la chaîne numérique verbale s’étale sur 4 années. L’apprentissage doit être mémoriel, il n’y a pas de logique dans les noms des chiffres. On s’appuie sur les savoirs spontanés de l’enfant : les nombres sont des mots pour compter. En maternelle on doit s’attacher à donner du sens à l’outil nombre. Après, on travaillera sur l’objet nombre et l’algorithme de sa symbolique.
Le mur du 4 Difficulté pour enclencher la chaîne numérique : passer le « mur du 4 » Rupture à 4 car le 3 a une valeur affective qui viendrait perturber la chaîne. Redonner à 3 une valeur purement numérique. Activités : - Utiliser le corporel en lien avec l’adulte pour coordonner et rassurer. Ex: marcher en disant, montrer les doigts… - Associer ce bout de chaîne au pointage de trois objets identiques alignés régulièrement sur une table. Ce n’est pas du dénombrement c’est un début de segmentation.
Le zéro Le zéro n’est pas intuitif : domaine de l’acquisition et de l’apprentissage. Il y a 3 zéros différents. - le zéro chiffre (symbole) « rien », - le zéro nombre « Il n’y en a plus » « Comptage à rebours » - le zéro origine (mesure : invisible en maternelle) En maternelle on manipule les zéros, on les utilise dans l’action donner du sens à ce nombre : essentiel pour un bon apprentissage Différentes expressions pour le désigner. D’autres représentations de zéro (en parallèle aux représentations utilisées pour 1, 2, 3) un domino vierge, un sac vide, une main fermée, etc… (Attention aux représentations choisies. Les enfants sont dans le principe de réalité : un panier, même vide, reste un panier donc = 1 = une unité) L'introduction du chiffre/symbole se fait alors au même titre que pour 1, 2, 3... En particulier, il n'y a pas lieu de distinguer deux files numériques séparées, mais on ne se presse pas de le représenter. Le zéro ne fera vraiment sens, ne sera conceptualisé, qu’avec la soustraction.
Les activités logico-mathématiques La logique est nécessaire à la construction du nombre La classification : d’abord les classes schématiques (même espace : ex : tous les objets de la cuisine) puis les classes taxonomiques (propriétés) qui permettent d’avancer vers la cardinalité. Ce sont des relations d’équivalence. La sériation : (ex : du plus petit au plus grand, du plus clair au plus foncé) Ce sont des relations d’ordre qui permettent d’avancer vers l’ordinalité. Les algorithmes : ils sont primordiaux à l’école maternelle : ils construisent l’opératoire. Or, les apprentissages numériques sont construits sur des lois. - A la maternelle on travaille déjà les algorithmes répétitifs dans cet ordre : binaire, quaternaire et ensuite seulement, ternaire. - Puis plus tard, les algorithmes récursifs : on fait évoluer la période sur un paramètre. Attention à l’évaluation des algorithmes : l’enfant est opératoire quand la période est isolée et mémorisée. Or, sur papier, il peut se contenter de comparer avec ce qui est déjà fait, il ne sera véritablement opératoire que s’il ne regarde pas ce qui est avant. Approche institutionnelle : Les IO de 85 et 95 esquissent bien les contours du logico-mathématiques. Ils existent encore en 2008 mais sont moins explicites.
2 La numération : progression 2.1/ De la chaîne chapelet à la chaîne insécable 2.2/ La chaîne insécable 2.3/ La chaîne sécable 2.4/ La chaîne terminale 2.5/ Mise en œuvre
2.1/ De la chaîne chapelet à la chaîne insécable Objectif Activités Faire entrer dans la chaîne insécable. Normalement acquis à 3 ans, en PS. Compter à deux (adulte/enfant), frapper entre les « dire », mettre un mot entre les nombres Utiliser le corps pour faire ralentir et coordonner : compter ses pas, ses sauts dans des cerceaux, sur une marelle, ses mouvements répétés… Associer le début de chaîne au pointage de trois puis quatre objets identiques (alignés régulièrement car l’irrégularité perturbe l’enchaînement logique)
2.2/ La chaîne insécable Compétences Activités Augmenter sa zone de stabilité puis son exactitude Progressivement, par des exercices de mémorisation, d’imprégnation, de répétition et avec le support des comptines. Augmenter sa conscience mathématique et la segmentation. Attention, ce travail ne s’effectue que sur la zone stable et exacte de l’élève. « Montre-moi jusqu’où tu sais compter. » L’élève commence par un groupe de souffle ( sur sa zone stable et exacte) puis il égrène les nombres suivants. En les donnant, il fait de la segmentation. On essaie de lui faire redire lentement le début de la chaîne pour reproduire cette segmentation orale. Dire un nombre fort et un doucement. Puis dire un fort et taire le suivant (le dire dans sa tête). Frapper des mains à chaque nombre. Mais attention au problème de coordination. On compte à 2 : adulte / enfant. Avec rythme régulier, puis irrégulier. Puis avec un pair = obliger le sujet à tenir compte du discours de l’autre. Attention, régulation de l’adulte nécessaire. Intercaler un mot dans la chaîne : 1 bonbon, 2 bonbons, 3 bonbons… Passer par le corps : compter c’est faire des pas de 1 = c’est marcher. Compter ses pas pour aller à un endroit. La mesure n’importe pas. Compter en sautant dans les cerceaux.
2.2/ La chaîne insécable Compétences / Capacités Activités Capacité à compter jusqu’à n : 1 mémoriser le nombre borne 2 faire remonter la chaîne numérique de la mémoire à long terme à la mémoire de travail : la dire 3 comparer au nombre borne chaque nombre énoncé Problème cognitif. Il faut l’aider en lui faisant faire ce travail en regardant la frise numérique et peu à peu le contraindre à s’en passer : « Regarde-moi pendant que tu comptes. » Capacité à livrer le successeur d’un nombre émerge de la capacité précédente Comme il ne peut pas encore partir de 5, par exemple (car chaîne insécable) il a besoin de réciter la chaîne depuis 1, de s’arrêter à 5 et de réciter 6. Associer le « mot-nombre oral » à son écriture chiffrée ou inversement. Réciter la chaîne numérique en suivant la frise numérique écrite : faire de la lecture au doigt : cela permet de poser la récitation orale. Capacité à activer les premières procédures de quantification par comptage Les premiers problèmes de mathématiques (combien y a-t-il de canards sur l’image ? )
2.3/ La chaîne sécable Compétences / Capacités Activités Compter à partir de x Compter de x à y Compter par bond : de 2 en 2, sur les pairs et les impairs… Compter à rebours Livrer le prédécesseur d’un nombre Utiliser la frise numérique affichée pour soutenir visuellement, structurellement, le savoir. On l’en détache progressivement. La frise numérique affichée : il faut faire des ruptures et ne pas toujours la représenter de façon linéaire continue pour ne pas scléroser l’apprentissage autour d’une représentation. Tout savoir canonique doit être cassé pour devenir permanent. On peut la présenter verticale ou en ligne courbe par exemple.
2.4/ La chaîne terminale Compétences / Capacités Activités Capacité à circuler librement dans cette chaîne. Elle est totalement malléable et complètement automatisée. Karen Fuson dit que ce n’est qu’au niveau de la chaîne terminale que les nombres peuvent être « le produit d’un dénombrement. » : qu’on peut dénombrer des objets qui sont eux-mêmes des nombres. Ex compter des jetons de lotos sur lesquels sont inscrits des nombres. Le perceptif vient perturber l’opératoire, il faut inhiber ce qu’on voit pour compter. Amener à une maîtrise complète de la chaîne numérique (objectif majeur). Meilleures performances en calcul mental grâce à la gymnastique mentale au niveau de l’acquisition de la chaîne numérique Le comptage par bond se développe : de 2 en 2, de 3 en 3… Impératif à faire sur tout le cycleII, avec du pair et de l’impair.
2.5/ Mise en œuvre Attention : Travailler sur la zone stable et exacte de chaque élève (grille) différenciation Vécu représenté dit conçu Alerte sur l’utilisation des fichiers. Fichiers = danger. 2 approches complémentaires : la chaîne numérique comme objet d’apprentissage : travaillée pour elle-même lors de séquences d’apprentissage spécifiques « mathématiques», la chaîne numérique comme outil lors de divers comptages réalisés au cours du déroulement de la vie de la classe et permettant l’imprégnation pour faciliter la mémorisation. Toutes ces activités demandent beaucoup de concentration et de la mémorisation donc à faire souvent dans la journée mais pas longtemps : 4 fois 10 minutes et faire passer quelques enfants à la fois. Attention : passage au CP il faut prendre les enfants où ils en sont, chacun. On démarre souvent comme s’ils en étaient tous à la chaîne sécable or c’est faux.
3 LeS PROCedures de quantification : cadrage Procédure Définition Remarque Le subitizing ou aperception globale Capacité à reconnaître la quantité sans comptage. Ce sont des images mentales qui se construisent par expériences successives. Le dénombrement ou le comptage Procédure de base permettant d’évaluer de manière précise des collections…(dont la taille importe peu). A TRAVAILLER L’estimation globale Procédure de base permettant d’évaluer par aperception sans dénombrement. Construire l’ordre de grandeur. Pas de systématique à développer en maternelle mais pas inintéressant à faire dans la vie de classe sur des objets. Autres stratégies de groupements et d’opérations Plus la collection est importante et plus la difficulté est grande et plus on développe d’autres stratégies que le comptage. Ex : le sur-comptage et l’addition qui commencent en maternelle. Puis plus tard, la multiplication. La correspondance terme à terme Procédure méthodique permettant de comparer deux collections sans les dénombrer. Elle doit être travaillée aussi, elle n’est pas spontanée.
4 LeS PROCedures de quantification : progression 4.1/ Le subitizing 4.2/ Le dénombrement ou le comptage 4.3/ Progressivité du dénombrement 4.4/ L’invariance du nombre 4.5/ Les symboles (chiffres)
4.1/ Le subitizing Configurations non figuratives : on ne va pas au-delà de 4. Configurations figuratives : constellations du dé, organisées spatialement, orientées ou non les doubles des dominos Les cartes à jouer Ce sont des images mentales, elles ne se travaillent pas. Ce serait forcer les capacités mentales d’un sujet. Mais il faut beaucoup les manipuler car ces images mentales aident à la construction des nombres. On joue avec des dés vierges sur lesquels on dessine plusieurs fois la constellation en apprentissage.
4.2/Le dénombrement ou le comptage Attention : Travailler sur la zone stable et exacte de chaque élève (grille) différenciation Vécu (manipulé) représenté dit conçu Compétences / Capacités Activités Coordonner le geste, l’œil et la parole. Domaine cognitif. L’adulte prend en charge une partie de la tâche : « Tu montres et je dis » puis l’inverse. Il s’agit de freiner. Compter en faisant déplacer les objets pour ralentir le débit oral et synchroniser. Déplacer mentalement la frontière entre les objets déjà comptés et ceux qui n’y sont pas encore. On fait d’abord déplacer physiquement les objets. On ne travaille surtout pas sur fiche. Il faut créer cette frontière : objets à déplacer, à mettre dans la boîte… L’élève qui a acquis cette capacité à « séparer » pourra alors seulement développer des stratégies sur fiche en barrant ou entourant les objets comptés. Se déplacer sur une piste de jeux avec les points du dé : les petits chevaux, jeu de l’oie… Donner le dernier mot-nombre cité comme le cardinal de la collection (C’est une convention : double statut du dernier : le dernier objet et la totalité de la collection). => passage à une abstraction supérieure Lors de comptages divers : marquer la bande numérique avec la pince à linge sur le dernier nombre donné. On peut changer la tonalité de ce dernier mot nombre quand on compte, il faut aider à sentir ce statut spécial. Convention => confiance dans l’adulte.
4.3/ Progressivité du dénombrement
Toujours commencer par disposition spatiale aidante : la ligne (disposition canonique)
Progressivement, il faut casser cette disposition pour qu’elle devienne un concept : la colonne, l’oblique, la combinaison de plusieurs dispositions.
On peut faire varier le sens de dénombrement pour installer la notion de conservation du nombre, mais on ne la travaille pas précisément. Elle viendra avec le « autant ».
Progressivement varier la nature des objets : collection d’objets différents, collections hétérogènes par la couleur, collections hétérogènes par la taille Aide : l’adulte donne l’attribut commun qui permet de compter ensemble. Varier l’organisation de l’espace.
4.4/ L’INVARIANCE DU NOMBRE Conservation du nombre = savoir que le changement de disposition ou de l’espace occupé par la collection ne modifie pas le cardinal. Savoir que l’ordre de dénombrement n’influe pas sur le cardinal. Travaux de Pierre GRECO : l’invariance du nombre n’est pas utile au numérique immédiatement : au CE2 encore beaucoup d’enfants ne sont pas « conservants » mais ça ne les gêne pas dans leurs apprentissages. En effet, le nombre porte deux valeurs : la quotité et la quantité. La quotité c’est la capacité à répondre à « Combien ? ». C’est ce concept premier qui est actif. La conservation ne concerne que la quantité, elle est moins souvent activée : c’est la capacité à dire s’il y en a « autant ». Quand on travaille le numérique, on favorise l’accès à la conservation mais celle-ci ayant plutôt rapport avec le développemental des images mentales, elle ne se travaille pas directement, il faut attendre que le sujet soit apte à l’intégrer.
4.5/ Les symboles (chiffres) Associer le « mot-nombre oral » à son écriture chiffrée et à la quantité désignée. Apprentissage de la symbolique écrite. Elle se fait en graphisme, lors des mêmes séances que les lettres. Tenter d’éviter les inversions d’axe vertical. A ce jour, personne ne sait remédier aux inversions de chiffre, même les orthophonistes. Elles disparaissent souvent sans qu’on sache comment. L’inversion est toujours d’axe vertical. Question d’orientation spatiale. On peut prévenir en donnant l’image mentale de la symbolique : Donner des étiquettes pour la zone stable et exacte Laisser la bande de référence toujours sur la table, au-dessus de sa ligne d’écriture (pas à côté) Faire travailler par imprégnation et éloigner progressivement le travail du modèle : la bande est en haut de la table, les étiquettes sont à mettre en bas de la table.