Initiation à la Psychologie du travail & Ergonomie Dr. Jérôme Dinet, MCF-HDR
CHAPITRE 2. La motivation = l’une des principales notions travaillées par les psychologues du travail Pourquoi ? Pour découvrir les véritables raisons que nous avons de travailler (personne ne travaille par simple plaisir …) Pour pouvoir augmenter la motivation si elle est faible Pour pouvoir maintenir élevée la motivation Pour nous aider à « mieux vivre » les 40/45 ans que nous passons à travailler
CHAPITRE 2. La motivation Les psychologues du travail ont proposé plusieurs modèles théoriques pour : Expliquer d’où vient la motivation au travail Expliquer comment augmenter (ou maintenir élevée) la motivation au travail Décrire les facteurs qui peuvent influencer la motivation Expliquer les relations entre la motivation et d’autres notions : Performances au travail, Efficacité, Etc.
CHAPITRE 2. La motivation Une définition consensuelle de la « motivation » : « Processus physiologiques et psychologiques responsables du déclenchement, de l'entretien et de la cessation d'un comportement ainsi que de la valeur appétitive ou aversive conférée aux éléments du milieu sur lesquels s'exercent le comportement ». (Grand dictionnaire de la psychologie)
CHAPITRE 2. La motivation Donc, la motivation = Force + Direction + Persistance toute conduite est orientée vers un but (direction) … … auquel nous attribuons une certaine valeur Cette valeur dépend à la fois de la vitalité du besoin et de la valeur sociale à laquelle l'objectif du comportement est associé. L'intensité (la force) et la persistance de l'action correspondent à la valeur ou l’intérêt qu'attribue la personne à l'objectif qu'elle poursuit.
CHAPITRE 2. La motivation Remarque : qu’est-ce qu’un « modèle » ? Il existe de multiples définitions (prototype, exemplaire, etc.) En psychologie, modèle : = représentation simplifiée de systèmes complexes Modèles descriptifs Décrivent nos comportements, les facteurs d’influence, etc. Modèles prescriptifs Prédisent nos comportements, les anticipent, etc. souvent, combinaison des deux
CHAPITRE 2. La motivation II.1. Les théories du contenu de la motivation II.1.1. La théorie de l’accomplissement Développée par McClelland dans les années 1950 et poursuivi dans les années 1960 A défini les caractéristiques des individus ayant un haut besoin d’accomplissement : Recherchent la prise de responsabilité Recherchent la reconnaissance sociale Sont plus réceptifs aux idées nouvelles Prennent des risques calculés et modérés
CHAPITRE 2. La motivation Selon McClelland (1961), trois facteurs nous motivent : (a) Les besoins de réalisation : ceci renvoie à l'envie de réussir professionnellement (= accomplissement) … et donc dans sa vie sociale et privée ! (b) Les besoins de pouvoir : ceci renvoie à vouloir avoir de l'influence sur autrui (c) Les besoins d'affiliation : ceci renvoie au besoin de relations sociales satisfaisantes. Ces 3 besoins « visent » deux domaines : La maîtrise professionnelle (compétences et satisfaction) Les performances (comparativement aux autres)
CHAPITRE 2. La motivation II.1.2. La pyramide des besoins Développée par Maslow (1940, 1970) Selon cet auteur, tous les humains sont motivés pour satisfaire des besoins … … qui sont hiérarchisés (cf. image de la pyramide à gravir)
CHAPITRE 2. La motivation « Pyramide » des besoins : Principe 1: les besoins sont hiérarchisés Principe 2 : un besoin ne peut être atteint que si le précédent est assouvi Principe 3 : ce sont des compétences qui permettent de passer au niveau supérieur Epanouissement Besoins d’estime Besoins sociaux ETRE Besoins de sécurité AVOIR Besoins pour la survie
CHAPITRE 2. La motivation Accomplissement personnel, apprendre, se divertir, etc. Epanouissement Besoins d’estime Être reconnu, « laisser » sa trace, etc. Avoir des amis, appartenir à des groupes, être reconnu, etc. Besoins sociaux Besoins de sécurité Protection de son intégrité physique, protection des ses proches, etc. Besoins pour la survie Manger, boire, se chauffer, se loger, etc.
CHAPITRE 2. La motivation II.1.3. La théorie des deux facteurs Développée par Herzberg (1959) Selon cet auteur, deux facteurs concourent à nous motiver et/ou nous démotiver : Les facteurs motivants ou motivationnels Internes (= propres à chacun de nous) Niveau de satisfaction de son travail Niveau de responsabilité Reconnaissance sociale perçue Etc.
CHAPITRE 2. La motivation Les facteurs d’hygiène Externes (= ne dépendent pas de nous) Qualité de son environnement professionnel Conditions de travail Sécurité de son emploi Salaire Qualité des relations entre collègues Absence de « risques » dans son activité Etc.
CHAPITRE 2. La motivation Les points importants de cette théorie : Des facteurs externes interviendraient dans notre motivation Il n’y a pas réciprocité des facteurs : Si le niveau d’hygiène diminue, alors la motivation diminue Mais, ce n’est pas parce que le niveau d’hygiène est élevé que la motivation sera élevée
CHAPITRE 2. La motivation Cette théorie a trouvé de nombreuses applications directes dans le monde du travail Par ex., pour (re)motiver les employés : Les responsabiliser Créer des liens entre eux Fournir des feedbacks réguliers sur leur activité Les encourager à relever des défis Les rendre fiers de leur entreprise Etc.
CHAPITRE 2. La motivation II.1.4. La théorie des caractéristiques de la tâche Développée par Hackman & Oldham (1976, 1980) Ces auteurs ont cherché à étudier les facteurs « objectifs » liés à la motivation au travail Ils ont proposé une formule mathématique pour estimer et calculer le niveau de motivation de chacun de nous Ils ont été à l’origine d’un outil très utilisé par les psychologues du travail : Le « Job Diagnostic Survey »
CHAPITRE 2. La motivation Selon ces Hackman & Oldham, 5 facteurs déterminent la motivation : La variété des tâches (notée « V ») ; (pour lutter contre la monotonie et répétition) Les tâches pouvant être réalisées entièrement (notées « I » pour identité) ; La signification des tâches (notée « S ») ; (« l’employé sait-il pourquoi il fait telle activité ? ») L’autonomie individuelle (notée « A ») ; Un retour sur ses activités (noté « F » pour feedback). (« l’employé connaît-il son utilité ? »)
CHAPITRE 2. La motivation Score de motivation = [(V + I + S) × A × F] ⁄ 3
CHAPITRE 2. La motivation Le « Job Diagnostic Survey » (JDS) est utilisé pour calculer ce score … en se basant sur l’évaluation : des caractéristiques de ses tâches de son envie de progresser de sa satisfaction au travail Quelques années plus tard, ils ajoutent un nouveau facteur : le désir de reconnaissance … … qui influencerait les 5 autres facteurs
CHAPITRE 2. La motivation II.2. Les théories du processus de la motivation II.2.1. La théorie V.I.E. Développée par Vroom (1964) Aussi appelée « Théorie du résultat escompté » V.I.E. pour: « Valence » (Valence) « Instrumentality » (Intrumentalité) « Expectation » (Attente)
CHAPITRE 2. La motivation La « valence » (V) = la valeur, positive ou négative, que l'on attribue au résultat de ses actions ou de sa performance Grandes différences entre individus dans le monde du travail à la question « Qu’est-ce que j’attends comme résultat de mon travail ? » Pour certains : le salaire; pour d’autres : le temps libre ; etc. Ces préférences sont mesurables sur une échelle de -10 à +10
CHAPITRE 2. La motivation L'« instrumentalité » (I) = la probabilité perçue du lien entre la performance à atteindre et ce que nous attendons en retour « Si je fais ceci, alors est-ce que j'obtiendrai cela en retour ? » Mesurable sur une échelle de 0 à 1 L'« attente » (E) = la probabilité que mon effort aboutisse à une performance escomptée « Si je passe beaucoup de temps pour faire cela, est-ce que j'arriverai à obtenir telle performance ? » Mesurable sur une échelle de 0 à 1.
CHAPITRE 2. La motivation Force de motivation = E × [ΣV × I]
CHAPITRE 2. La motivation II.2.2. La motivation dirigée par les buts Développée par Locke (1968, 1990) Constats suivants : Si le but est inatteignable baisse de la motivation Si le but est trop facile faible motivation Il faut donc que le but soit à un niveau légèrement supérieur à ce que nous pouvons faire La motivation fluctue donc : selon les individus à travers le temps pour un même individu
CHAPITRE 2. La motivation Selon Locke, il y 3 facteurs déterminants : Facteurs externes à l’individu Reconnaissance sociale, Évaluation, Salaire, etc. Facteurs internes à l’individu Satisfaction, Estime de soi, etc. Facteurs liés aux interactions Compétition, Qualités des relations, etc.
II.2.3. La théorie de l’équité Développée par Adams (1963, 1965) Selon cet auteur, chaque individu évalue l’équité de traitement entre les autres et lui-même Équité = « justice sociale » Plus exactement, chaque individu calcule : Le bénéfice (ou gain ou résultat) tiré de son travail (noté « R ») L’effort (ou apport) nécessaire à l’obtention de ce résultat (noté « A ») Mais, ce n’est pas l’équité qui est importante; C’est la représentation que nous en avons !
CHAPITRE 2. La motivation Score d’équité = (R / A)
CHAPITRE 2. La motivation II.3. Les indicateurs de la motivation Plusieurs théories décrivent et/ou prédisent la motivation au travail (cf. parties précédentes) Mais, ces théories sont : générales (concernent le plus grand nombre) des modèles descriptifs et/ou prédictifs qu’en est-il des indicateurs ? qu’est-ce qui indique que la motivation est élevée ou non ? Il existe des indicateurs relativement objectifs
CHAPITRE 2. La motivation II.3.1. La productivité De nombreux travaux montrent un lien positif entre « motivation au travail » et « productivité » Quand l’une augmente, l’autre augmente aussi. Par ex., étude de Judge, Thoresen, Bono & Patton (2001) Ces auteurs ont interviewés : 4 467 employés d’une chaine de restaurant 143 managers de cette même chaine 9 903 consommateurs (clients)
CHAPITRE 2. La motivation Principaux résultats : Dans les restaurants où la motivation est élevée meilleur rendement et meilleure productivité plus grande satisfaction de la part des employés … … et plus grande satisfaction des clients !
CHAPITRE 2. La motivation Principaux résultats : Dans les restaurants où la motivation est élevée meilleur rendement et meilleure productivité plus grande satisfaction de la part des employés … … et plus grande satisfaction des clients ! Se disent prêts à dépenser plus s’ils « sentent » une motivation élevée de la part des employés Se disent mieux considérés (Koys, 2001)
CHAPITRE 2. La motivation II.3.2. Les comportements prosociaux Comportements prosociaux = comportements … orientés vers les collègues orientés vers les clients orientés vers sa hiérarchie Inverse = comportements contre-productifs : faible investissement dans le travail, rumeurs, sabotages, …
CHAPITRE 2. La motivation De nombreuses études montrent un lien positif entre « comportement prosocial » et « motivation au travail »: Quand la motivation est élevée : le nombre de comportements prosociaux augmente (= corrélation positive) le nombre de comportements contre-productifs diminue (= corrélation négative)
CHAPITRE 2. La motivation II.3.3. L’absentéisme Engendre un coût financier très important Rem. : est l’un des principaux facteurs qui « déclenchent » l’appel à un psychologue du travail Il existe de grandes différences culturelles : Japon et Suisse absentéisme très faible Italie et France absentéisme très important Mais, l’absentéisme révèle souvent un « malaise »: stress, harcèlement, surcharge de travail, etc.
CHAPITRE 2. La motivation En France, en 2010 : 7 millions d’arrêts de travail près de 250 millions de journées indemnisées
CHAPITRE 2. La motivation Attention : la « décrue » n’est pas due une amélioration des conditions de travail : crainte / peur de perdre son emploi crainte / peur de sanction crainte / peur du « lendemain » (situation socio-économique actuelle) Depuis apparition et développement du « présentéisme » = être présent sans implication = « simple » présence physique au travail
CHAPITRE 2. La motivation II.3.4. Le turnover = ou « rotation du personnel » Si le turnover est important : généralement un « symptôme » d’un malaise au sein du service, de l’entreprise, etc. engendre un coût très important « met à mal » l’image de marque de l’entreprise ou du groupe (« personne ne veut y rester ! »)
CHAPITRE 2. La motivation Grandes différences : culturelles : Turnover en France < Turnover aux USA Turnover en France > Turnover au Japon selon le secteur d’activité : Fonction publique d’Etat (France, 2010) ≈ 2% Centre d’appels téléphoniques (France, 2010) ≈ 80% Mais les chiffres sont souvent difficiles à obtenir !